Nuit

Par Elf

Piccola Luce grommela dans un demi-sommeil : sur le lit à côté, Signore Raffinato ne cessait de bouger et grogner, empêchant l’aventurière de s’endormir réellement. Agacée, elle planqua sa tête sous l’oreiller. Sa bouche se ramena en une moue boudeuse.

- Raffi… T’en fais un boucan… chuchota-t-elle.

Seul le froissement des draps lui répondit. L’aventurière soupira en ouvrant les yeux. La lune transperçait la légère pénombre, dévoilant les formes carrées des meubles. Luce s’assit et se tourna vers le lit à baldaquin où était allongé Signore Raffinato. Elle constata rapidement que son compagnon dormait, mais son agacement s’estompa vite au profit d’une inquiétude. Signore Raffinato tremblait, transpirait, et sa couverture blanche s’emmêlait dans ses jambes. D’un bond, Luce se leva et s’approcha du lit.

- Raffi… ?

Elle s’agenouilla, soucieuse. La peau de son ami blanchissait à vue d’œil, tout en s’humidifiant d’une sueur d’angoisse. Les bras repliés autour de son frêle corps, il ne cessait de se retourner comme pour échapper à une menace invisible.

- Raffi… !

- Non… tu… hé… ah… an… oh…

Le cœur battant à cents à l’heure, Luce se releva et secoua doucement Signore Raffinato.

- Raffi !

Il se débattit, poussant les mains de l’aventurière, mais elle tint bon.

- RAFFI !

Le garçon expira brusquement en se redressant. Un gémissement fila de ses lèvres et il se rallongea aussitôt. Le visage livide et les yeux cerclés de larmes écrasées, il contempla Piccola Luce. Celle-ci sourit doucement, se voulant rassurante. Pendant quelques minutes de silence, Raffi remonta sa couette et effaça ses pleurs du bout des doigts. Piccola Luce s’assit sur le bord du matelas.

- Vous pouvez vous recoucher, déclara le garçon les paupières closes.

- Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

- Rien.

Luce fronça les sourcils puis posa sa main sur celle tremblante de son compagnon.

- Tu trembles. Ce n’est pas rien.

- Un cauchemar, grogna Raffi dans son oreiller.

- Raconte.

- Non.

L’aventurière soupira avec une grimace. Son regard dévia vers la fenêtre ouverte, où le voile de la nuit continuait de couvrir le monde. Comme un drap troué, les étoiles perçaient la voûte de leur lointain éclat. Les rayons de la lune dansaient dans la chambre de l’auberge, éclairant ça-et-là les vieux meubles en bois. Piccola Luce ramena ses genoux contre elle et se mit à chantonner une berceuse. Sa petite voix ondulait dans l’air, une réconfortante mélodie qui s’infiltrait pour consoler les cœurs. Signore Raffinato renifla. Le chat Sorriso bondit souplement sur le lit et se coucha contre la paume de Raffi. Il eut un sourire dans la voix de Luce tandis qu’elle fredonnait délicatement.

 

Quand l’aventurière termina sa chanson, Raffi inspira lentement. Les yeux fermés, il chuchota :

- J’étais en train de me noyer.

Piccola Luce fronça les sourcils en le dévisageant.

- Dans mon rêve, je veux dire, précisa-t-il d’une voix douloureuse.

Luce chercha la main du garçon et la prit tendrement.

- Je fais souvent ce rêve… cauchemar. Presque toutes les nuits.

Raffi crispa ses doigts.

- Je suis en train de dormir, et puis, j’ai l’impression de m’enfoncer dans mon matelas.

Il déglutit, le visage tendu. Ses yeux papillonnaient dans la pièce.

- Je commence à paniquer, parce que je n’arrive plus à me relever. Et ensuite je n’arrive plus à respirer, parce que je suis dans l’eau. Et mon lit s’enfonce dans les profondeurs sans que je puisse bouger. Voilà.

Luce se glissa sous les draps de Raffinato, et le prit dans ses bras. Son corps tressautait au rythme de légers sanglots.

- Ce n’est pas la réalité.

- Je ne sais pas.

- Moi, je sais, murmura Piccola Luce.

Les hoquets de Signore Raffinato s’espacèrent pour enfin disparaître. Les enfants se blottirent l’un contre l’autre, le chat roux enroulé sur le torse du garçon.

- Merci, Luce.

- Je n’ai rien fait.

- Si : tu es là.

L’aventurière sourit.

- Merci, Raffi.

- Pourquoi ?

- Parce que tu es là.

Un petit rire fusa, scellant une nouvelle complicité.

 

Doucement, Morphée enveloppa les enfants de ses grands bras réconfortants. Bercés par le battement de leurs cœurs et leur respiration calme, ils dormirent profondément jusqu’à ce que le sommeil s’éveille, projetant des rayons chaleureux.

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mariedeloin
Posté le 23/12/2020
Le plus court de tes chapitres, et pourtant...
Tant de tendresse, de complicité. La nuit qui les recouvre avec tant de douceur. C'est si simple et évident.
Je n'ai qu'une envie c'est de me glisser dans ton conte pour vivre ce moment là...
Trop beau...
Elf
Posté le 24/12/2020
Oooooh 😌 ça me fait taaaant plaisir, je me répète mais merci ♥️
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