Nouvelle

Par Nana

Julia traversait d’un pas tranquille le parvis de la gare Montparnasse, un oeil rivé sur son portable et l’autre sur les passants marchant à pas pressés dans toutes les directions. Par ce doux matin de septembre, faire un bout de chemin à pied pour attraper son métro n’avait rien de rébarbatif et Julia profitait au contraire des premiers rayons du soleil jouant sur son visage. Sa soeur Emilie venait de lui envoyer un email intitulé “il faut absolument que tu lises ça !!!”, avec un lien vers un article scientifique. En soupirant, Julia se dit que sa soeur avait encore déniché une théorie farfelue expliquant les mystères de l’univers ou décrivant comment les extraterrestres étaient infiltrés dans la société depuis des centaines d’années. Emilie avait parfois, et même souvent, l’imagination un peu trop prolifique à son goût. La tête ailleurs, Julia sentit soudain quelque chose lui percuter la cuisse, et, tout en s’arrêtant net et en baissant les yeux, entendit un objet heurter le sol.

— Attention ! Ca va, ma chérie ?

Une jeune femme brune s’adressait à une enfant de cinq ou six ans, blonde et portant de grandes lunettes roses.

— Oh lala ! Je suis désolée, balbutia Julia, le rouge lui montant aux joues.

Elle se baissa vers la petite fille pour l’aider à ramasser ses livres tombés à terre.

— Avec ce monde, vous devriez regarder où vous marchez, plutôt que votre portable ! répondit la femme, l’air plutôt énervée.

— Je suis vraiment désolée, est-ce que votre fille va bien ? Ca va, ma puce ?

— Euh… Ce n’est pas ma fille, mais ça a l’air d’aller, hein, Laura ?

L’enfant regardait alternativement les deux adultes avec de grands yeux, l’air hébétée, sans décrocher un mot. Julia plongea son regard dans le sien pendant une seconde et eu l’impression glaçante de la connaître. Elle se sentit fugitivement comme paralysée, son souffle se bloqua dans sa gorge et ses oreilles bourdonnèrent. Ses jambes se tendant dans un spasme, elle se releva en sursaut, les livres dans les mains. Un vertige lui fit tourner la tête, puis elle reprit ses esprits et tendit les bras vers la femme brune.

— Hum… Voici ses livres, je suis vraiment confuse, dit Julia d’une voix blanche.

— Vous allez bien ? Vous êtes très pâle, madame.

— Non, non, tout va bien, merci, je me suis relevée trop vite, voilà tout !

La petite Laura continuait à la fixer d’un oeil vide.

— Bon, je dois y aller, reprit Julia en regardant vaguement sa montre. Tu es sûre que ça va ? demanda-t-elle encore en regardant anxieusement l’enfant.

— Elle est timide, elle ne vous répondra pas, mais ça a l’air d’aller. Tiens, Laura, reprend tes livres, dit la femme brune en tendant les ouvrages à la petite fille.

— Juste une question... Je suis sûre d’avoir déjà croisé Laura quelque part, vous habitez le quartier ? J’ai dû la voir à la sortie de l’école ou ailleurs… Julia arrêta de parler, se demandant intérieurement pourquoi elle demandait ça à cette inconnue.

— Non, nous venons d’arriver de Bordeaux, et c’est la première fois que Laura vient à Paris, hein, Laura ? C’est chouette de voir la Tour Montparnasse, tu trouves pas ?

Sans réponse de la part de l’enfant, la femme brune reprit :

— Bon et bien, nous allons reprendre notre chemin. Faites attention avec votre téléphone à l’avenir ! Et bonne journée…

— Oui, bonne journée à vous deux, répondit faiblement Julia.

Elle les regarda s’éloigner pendant quelques instants, puis se secoua et reprit son trajet vers la bouche de métro de la place Bienvenüe. Même si son étourdissement était passé, elle se sentait encore un peu tremblante. Et le regard de cette gamine lui vrillait encore le cerveau. Mais surtout, elle était encore une fois en retard.

En descendant les escaliers menant à la ligne 13, Julia tendit l’oreille pour comprendre une annonce grésillante sortant des haut-parleurs : “en raison d’un incident voyageur à la station Invalides, le trafic est interrompu sur la ligne 13…”. Sans écouter la suite, Julia fit demi-tour en pestant dans sa barbe.

— Oh mais c’est pas vrai, crotte, c’est pas mon jour aujourd’hui nom de…

— Pardon ? fit soudain une voix très proche de son oreille.

Julia sursauta et tourna la tête pour voir qui s’adressait à elle de cette manière offusquée. Une religieuse en gris la regardait d’un air sévère tout en montant l’escalier à ses côtés.

— Heu… Non rien du tout, excusez-moi, marmonna-t-elle en pressant le pas.

Tout en ressortant de la bouche de métro avec des dizaines d’autres personnes résignées à marcher ou à prendre un bus, Julia envoya un message à sa cheffe pour la prévenir de son probable retard. La réponse lui parvint immédiatement, comme elle s’y attendait, à base de “comme d’habitude”, “réunion d’équipe” et “ça ne peut plus durer”. Julia soupira encore une fois, mais en évitant cette fois de s’exprimer à voix haute et en gardant pour elle ses récriminations contre l’univers. Ses pas pressés l'emmenèrent devant l’arrêt du bus 92, sur l’écran duquel elle pu lire que le prochain véhicule arriverait dix-sept minutes plus tard. Hésitant quelques instants à trouver une autre solution, elle s’installa finalement sur un banc libre et renonça à courir à travers tout le quartier pour prendre une autre ligne. De toutes façons, elle avait déjà prévenu sa cheffe et profité de sa leçon de morale, alors autant tirer partie de ce délai pour penser à autre chose.

Julia ouvrit l’email de sa soeur et cliqua sur le lien lui promettant des révélations fracassantes. L’article en question, intitulé “Vivons-nous dans une simulation ?”, était plutôt intéressant et s’appuyait en effet sur de solides bases scientifiques. Mais comme d’habitude avec Emilie, ses centres d’intérêts partaient bien trop loin dans l’imaginaire pour que Julia s’y retrouve complètement. Enfin, cette lecture lui avait fait passer le temps, et l’idée que l’on puisse tous vivre dans une simulation informatique, qui en plus pourrait potentiellement bugger, était plutôt cocasse. Julia se mit d’ailleurs à rire toute seule en imaginant sa cheffe bloquée sur la phrase  “Julia, la réunion d’équipe était à 10 heures précises !”, avec son air constipé.

Soudainement, dans un bruit de cloche et d’amortisseurs malmenés, le bus arriva et s’arrêta à sa hauteur. N’en croyant pas ses yeux, Julia vérifia le numéro et la destination du bus : pas d’erreur, c’était bien le sien. Elle n’allait peut-être pas être autant en retard qu’elle l’espérait, finalement. Elle monta à bord en validant son pass de transport, puis s’installa sur un siège disponible et recommença à pianoter sur son téléphone.

Julia fut soudain tirée de sa rêverie numérique par un choc et un coup de frein violent. Un jeune homme s’étala dans l’allée centrale, une poussette percuta une barre de soutien verticale et un gobelet de café termina sa course dans le pare-brise. Julia avait eu le réflexe de tendre sa main libre et de se retenir au dossier du siège devant elle. Elle fut cependant bien secouée lors de l’arrêt brutal : le bus venait de rentrer dans une voiture qui lui avait grillé la priorité. Le chauffeur sortit immédiatement de son petit compartiment puis, après avoir aidé le jeune homme tombé à terre à se relever, ouvrit les portes pour aller constater les dégâts. Le bus bruissait d’exclamations plus ou moins énervées des passagers secoués. Après quelques secondes, le chauffeur revint à l’intérieur pour annoncer :

— Désolé messieurs dames, je vais devoir faire un constat ! Je vous dépose à 20 mètres, à l’arrêt Saint-Pierre-Xavier. Vous pourrez y attendre le prochain bus qui arrivera dans un quart d’heure ou prendre le métro.

Plusieurs passagers s’indignèrent :

— Mais le métro est bloqué, c’est pour ça qu’on a pris le bus !

— Enfin, vous ne pouvez pas nous laisser ici !

— C’est une honte, je vais me plaindre à votre direction !

Parmi tous ces râleurs, Julia s’étonna que personne ne relève le lapsus du chauffeur : Saint-Pierre-Xavier avait peut-être été un saint, ce dont Julia doutait, mais ce n’était en tout cas pas un arrêt de métro ou de bus ! Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, Julia se dit qu’elle avait peut-être encore une chance de manquer la réunion d’équipe de dix heures.

En descendant à l’arrêt Saint-François-Xavier, Julia vit certains passagers pressés s'engouffrer directement dans la bouche de métro. Elle attendit quelques minutes, afin de voir s’ils ressortaient par le même chemin ou si la ligne avait redémarré. Les voyant remonter l’escalier d’un air furieux, Julia soupira de soulagement. Pour une fois qu’elle avait de réelles raisons d’être en retard, elle comptait bien en profiter jusqu’au bout. Avisant un petit café derrière l’arrêt de bus, elle décida de patienter devant une tasse de chocolat chaud et un croissant. Elle marcha jusqu’au comptoir pour commander, puis s’assit à une table en terrasse pour profiter du beau temps et guetter son bus. Lorsque le serveur s’approcha pour lui servir sa commande, il lui dit d’un air complice :

— Alors mademoiselle, vous êtes une naufragée de la ligne 13, vous aussi ?

— Oui, on dirait bien, répondit-elle en souriant. En plus de cette panne, on a eu un accident de bus, imaginez un peu ! Ce n’est pas mon jour de chance...

— Il y a des jours comme ça, on se dit qu’on aurait mieux fait de rester couché ! Enfin, ajouta-t-il, savourez votre petit déjeuner à la meilleure terrasse de Saint-Pierre-Xavier, cela vous donnera de l’énergie pour faire face au reste de votre journée.

— Saint-Pierre-Xavier ? Mais…

Julia ne savait plus trop ce qu’elle allait dire et s’arrêta donc de parler, un reste de sa faiblesse du matin refaisant surface.

— Oui, c’est le nom de l’arrêt, Saint-Pierre-Xavier. Vous ne connaissez pas le quartier ? demanda le serveur d’un air intrigué.

— Si, si, c’est juste que je suis un peu perturbée par tout ce qui m’arrive depuis ce matin. Je vais manger, je pense que ça ira mieux !

— Je vous laisse à votre croissant alors. Passez une bonne journée, mademoiselle.

En mangeant son croissant, Julia posa les yeux sur les serviettes en papiers à l'effigie de l’établissement : un saint, reconnaissable à son auréole, savourant une tasse de café avec en commentaire “Saint-Pierre-Xavier apprécie toujours un bon café”. Un instant, une idée lui traversa l’esprit, mais trop fugitivement pour que Julia la retienne. Elle avait l’impression étrange d’avoir la tête vide et entourée de coton depuis quelques heures. Ce devait être la fatigue qui la rattrapait - il faut dire qu’elle s’était encore couchée très tard à cause d’une série passionnante et dont elle avait de nombreux épisodes à rattraper. La journée n’allait pas être facile, entre son retard, sa fatigue, et surtout un travail peu intéressant qui l’attendait au bureau. Il y avait longtemps qu’elle aurait dû changer d’emploi, et surtout d’entreprise, mais sa tendance à la procrastination l’avait laisser s’engourdir dans une situation qui, quoiqu’un peu inconfortable, avait ses avantages. Elle avait sa routine, de nombreux jours de vacances, et même si ses tâches quotidiennes l’ennuyaient et que sa cheffe était plutôt insupportable, elle n’avait pas vraiment besoin de s’impliquer pour que le travail soit mené correctement. Bien sûr, Julia rêvait de trouver un emploi qui la passionnerait ou qui au moins l’intéresserait un minimum, mais avec le peu de postes disponibles dans son secteur, cela resterait sûrement longtemps à l’état de simple rêve. Finissant son petit déjeuner, elle s’essuya les mains sur une serviette en papier puis se leva vivement à l’approche du bus.

Comme Julia s’y attendait, à son arrivée au bureau, sa responsable lui passa un savon pour avoir manqué la réunion d’équipe de dix heures. Elle occupa ensuite le reste de sa matinée à repousser à plus tard ses tâches urgentes, dans l’espoir qu’elles disparaissent d’elles-mêmes - ce qui, elle le savait, n’arriverait jamais, malheureusement.

Quand l’heure du déjeuner arriva enfin, sa collègue Chloé vint la rejoindre :

— Alors, Laura, que t’est-il arrivé ce matin ? Françoise était furax…

— Comment m’as-tu appelé ? demanda Julia en fronçant les sourcils.

— Euh… Julia, pardon, ma langue a fourché, je crois !

— Non, non, c’est rien… Alors ce matin, il m’est arrivé tout un tas de choses, je vais te raconter ! Et pour une fois j’étais en retard pour de très bonnes raisons.

— Ah, donc, tu reconnais que d’habitude, ce ne sont pas toujours de bonnes raisons ? demanda malicieusement Chloé.

Les deux amies partirent en riant vers la boulangerie la plus proche afin d’acheter un sandwich. Le répit fut très momentané car Julia se trouva une nouvelle fois convoquée par sa cheffe juste après la pause déjeuner. Celle-ci passa vingt minutes à lui reprocher ses retards, son manque de sérieux, son investissement personnel trop léger, puis finit par conclure, l’air grave :

— Laura, si la boîte coule, je peux dire en toute conscience que ce sera en grande partie par ta faute. Il faut te ressaisir, et ce dès aujourd’hui ! Ton emploi, et celui de certains de tes collègues en dépend.

Julia ne répondit rien, même si elle avait tiqué sur l’erreur de prénom commise par sa supérieure. Lui reprocher la mauvaise gestion de l’entreprise dans son entier, c’était quand même un peu fort ! Ce n’était pas elle qui la faisait fonctionner, elle ne s’occupait que d’un des nombreux rouages de cette grosse machine.

Elle fit de son mieux tout le reste de l’après-midi pour paraître efficace : elle navigua de services en services pour faire avancer des projets, fit un brainstorming avec la responsable du marketing, passa de nombreux coups de téléphone et envoya un dizaine d’emails importants. A dix-sept heures, alors qu’elle prenait une petite pause bien méritée, Thomas de la comptabilité s’approcha et lui dit en souriant :

— Alors Laura, tu te démènes aujourd’hui ! Françoise t’as encore convoquée ?

— Non, je ne m’appelle....

Ne se rappelant plus ce qu’elle allait dire, elle reprit :

— Hum, quoi, qu’est-ce que tu as dit ?

Thomas la regarda d’un air intrigué, puis répéta :

— Je disais que vu la façon dont tu te démènes, Françoise a dû te convoquer pour te remonter les bretelles…

— Oh, oui, ne m’en parle pas ! Quand on l’écoute, tout paraît catastrophique. En plus, j’ai la tête qui bourdonne depuis ce matin, je crois que je couve quelque chose...

— Tu sais, je ne crois pas que c’était spécialement contre toi, elle a eu de mauvaises nouvelles dans la matinée. Tu étais au mauvais endroit au mauvais moment, si l’on peut dire. Et puis, tu t’es rendu compte, depuis le temps, que tu étais son bouc émissaire préféré !

— Oui, ça doit être ça… Enfin, il faudra que je sois plus ponctuelle à l’avenir, c’est vrai que ce n’est pas très professionnel d’arriver en retard presque tous les matins. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, ça ne me ressemble pas, cette attitude, continua-t-elle pensivement.

— Ne t’en fait pas trop quand même, répondit Thomas. On a tous des hauts et des bas !

— Bon, j’y retourne, je dois préparer mes notes pour la réunion d’équipe de demain matin. Merci Thomas, à plus tard !

— A plus tard Laura !

Finissant sa journée sur les nerfs, elle s’éclipsa dès qu’elle le pu. En partant, elle passa dire au revoir à Chloé, qui lui lança :

— Ne t’inquiètes pas, ça ira mieux demain ! Françoise a eu plusieurs mauvaises nouvelles aujourd’hui.

— Oui, c’est ce que Thomas m’a dit, merci Chloé, répondit-elle en soupirant. Je rentre et je m’enfouis sous ma couette, je ne sais pas ce que j’ai, mais je suis vraiment fatiguée aujourd’hui… En tout cas, j’ai tout préparé pour la réunion d’équipe de demain matin, et j’ai bien avancé dans tous mes projets. Une bonne journée productive qui se termine ! A demain !

— A demain !

En se dirigeant vers la station de métro, Julia espéra que la ligne 13 serait fonctionnelle. Elle n’avait aucune envie de courir encore une fois après le bus, surtout après cette longue journée. Heureusement, elle pu très facilement entrer dans la rame, puis rejoindre sa destination en moins de vingt minutes.

En traversant dans l’autre sens le parvis de la gare, elle se souvint qu’elle avait un colis à aller chercher à la poste. Regardant sa montre, elle s’avisa qu’il lui restait encore une petite demi-heure pour le faire. Elle prit donc à gauche et fila vers le bureau de poste de la rue Littré.

Elle fit la queue au comptoir en rêvassant et en avançant mécaniquement à chaque client servi. La voix du jeune employé la sortit tout à coup de ses pensées :

— Bonsoir madame, que puis-je pour vous ?

— Bonsoir, je viens chercher un colis, répondit-elle en fouillant dans son sac à main. Voici l’avis de passage, ajouta-t-elle en tendant le document au jeune homme.

— J’ai également besoin de votre carte d’identité, s’il vous plaît.

— Ah, oui, je l’ai quelque part, par ici…

Tout en fouillant frénétiquement son sac, elle se demandait si elle avait bien sa carte d’identité avec elle ce jour-là. Il était fort possible qu’elle l’ai laissée sur sa table la dernière fois qu’elle avait fait du rangement dans son grand sac.

— Ca y est, je l’ai ! déclara-t-elle triomphalement en brandissant le précieux sésame.

— Très bien… Madame Laura Fournel. Je vais chercher votre colis, si vous voulez bien patienter quelques instants.

Alors qu’elle attendait le retour de l’employé, elle se demanda ce qu’elle avait bien pu faire de ses lunettes. Elle ne les quittait jamais, et pourtant, voilà qu’elle ne les avait pas sur le nez. Elle replongea dans les profondeurs de son sac à main en espérant ne pas les avoir perdues. Au bout de quelques minutes, elle remit enfin la main dessus, puis les essuya consciencieusement avant de les chausser.

— Voila, si vous voulez bien signer le reçu, ici… demanda le jeune homme en pointant le cadre prévu à cet effet.

— Pas de problème... Merci beaucoup et bonne soirée !

— Bonne soirée à vous !

Elle rentra chez elle en examinant le colis, qui avait l’air d’avoir été envoyé par sa mère depuis Bordeaux, sa ville natale. Ce devait être ses anciens cours de droit dont elle allait avoir besoin pour réviser un peu avant son entretien de la semaine suivante. Avec un peu de chance, elle aurait peut-être la promotion dont elle rêvait depuis quelque temps. De cette façon, elle pourrait rester dans l’entreprise tout en ayant un travail avec plus de responsabilités, et surtout mieux rémunéré. Mais ce soir, elle se sentait extrêmement fatiguée et n’aspirait qu’au repos. Elle se coucherait tôt, afin d’arriver vers neuf heures au bureau et d’avoir le temps d’avancer un peu dans ses projets en cours avant la réunion d’équipe.

Laura avançait d’un pas décidé à travers le parvis de la gare Montkarlipe. Elle se souvenait encore de la première fois qu’elle était venue ici avec sa nounou, pour visiter le musée du Rouvre. Ses parents étaient alors en voyage d’affaire, sa petite soeur n’était pas encore née, et elles avaient toutes les deux pris le train depuis Bordiaus. La Tour Montkarlipe l’avait tellement impressionnée ! Elles avaient même eu le temps de monter jusqu’à l’observatoire, sur le toit, afin d’admirer toute la capitale sous le soleil de septembre. Une journée dont elle se rappellerait longtemps, et dont le souvenir lui avait souvent réchauffé le coeur lorsqu’elle passait par le parvis pour partir au travail.

Elle regarda sa montre, repoussa ses grandes lunettes sur son nez et pressa le pas. Elle espérait qu’elle n’aurait pas de problème de transport avec la ligne M ce matin. La journée d’hier avait été catastrophique, et manquer la réunion d’équipe de dix heures avait vraiment été impardonnable. Heureusement que sa cheffe était si compréhensive, malgré tous les soucis qu’elle avait à gérer… Laura souhaitait vraiment obtenir cette promotion afin de travailler plus étroitement avec elle dans l’avenir. Il y avait tant à apprendre auprès d’une femme de son expérience ! Elle avait décroché son premier poste dans cette entreprise, juste après ses études, et comptait bien y faire sa carrière. Il y avait bien sûr quelques collègues un peu tire-au-flanc, mais c’était sans doute inévitable. Elle trouvait là, d’ailleurs, le seul défaut de sa responsable : elle était un petit peu trop laxiste avec la discipline.

Laura relégua ses mauvaises aventures de la veille dans un coin de sa tête et sourit, pleine de confiance en l’avenir et prête à entamer cette formidable journée avec son dynamisme habituel.

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Fannie
Posté le 06/12/2017
Coucou Nana,
Voilà une nouvelle bien construite sur une idée très intéressante.
Cette manière de faire basculer la vie de ton héroïne est habilement introduite à travers l’allusion à l’article qui lui a été envoyé par sa sœur. Le regard vide de la petite Laura m’a frappée : c’est un peu comme si Julia avait été happée par ce vide, comme si cette fillette attendait de recevoir une âme. Ensuite, les erreurs qui s’accumulent (le prénom, les noms de lieux, etc.) semblent être le fil conducteur qui amène Julia à devenir Laura sans qu’elle ait l’air de vraiment se rendre compte de ce qui se passe.
Tant que la réalité d’où elle a disparu (avec la famille, les amis, etc.) ne continue pas à vivre sans elle et tant qu’elle est heureuse, pourquoi pas ? Il semble que sa situation professionnelle s’est améliorée depuis qu’elle est Laura.<br /> En lisant ce texte, je n’ai pas ressenti ce passage d’une identité à l’autre comme la mort de Julia au profit de Laura, mais comme une transformation. Mais je comprends peut-être ce qui m’arrange...
Coquilles et remarques :
Sa soeur Emilie venait de lui envoyer un email [je recommande chaudement « courriel » à la place d’« email »]
De toutes façons, elle avait déjà prévenu sa cheffe et profité de sa leçon de morale, alors autant tirer partie de ce délai pour penser à autre chose [« De toute façon » s’écrit généralement au singulier, « en tout cas » / tirer parti (c’est le parti, pas la partie)]
ses centres d’intérêts partaient bien trop loin [centres d’intérêt ; il s’agit de l’intérêt qu’elle porte à certaines choses]
qui en plus pourrait potentiellement bugger [« pourrait potentiellement » est un pléonasme / des francisations sont proposées : boguer, buguer ; on peut aussi remplacer l’anglicisme par : avoir des ratés ou des anomalies, dérailler, ou éventuellement dysfonctionner (qui est un néologisme et ne figure pas encore dans les dictionnaires)...]
en validant son pass de transport [titre de transport ; si tu veux vraiment employer le mot « pass », qui n’est pas français, il serait préférable de le mettre entre guillemets ou en italique]
Julia posa les yeux sur les serviettes en papiers [en papier]
Ce devait être la fatigue qui la rattrapait / dont elle avait de nombreux épisodes à rattraper [on a deux fois le verbe « rattraper » dans la même phrase ; je propose « Ce devait être un effet de la fatigue », par exemple...]
mais sa tendance à la procrastination l’avait laisser s’engourdir [laissée (ou laissé ; selon les rectifications orthographiques de 1990, « laissé » peut être considéré comme invariable quand il est directement suivi d’un infinitif)]
Comment m’as-tu appelé ? demanda Julia en fronçant les sourcils [appelée]
Ton emploi, et celui de certains de tes collègues en dépend [en dépendent (sans la virgule après « emploi ») ; si on met « et celui de certains de tes collègues » entre deux virgules, comme une parenthèse, on peut laisser le verbe au singulier]
elle navigua de services en services pour faire avancer des projets, fit un brainstorming avec la responsable [de service en service / équivalent français recommandé pour « brainstorming » : remue-méninges]
Ne t’en fait pas trop quand même, répondit Thomas [Ne t’en fais pas]
elle s’éclipsa dès qu’elle le pu [elle le put]
Ne t’inquiètes pas, ça ira mieux demain ! [Ne t’inquiète pas]
Heureusement, elle pu très facilement entrer dans la rame [elle put]
Voila, si vous voulez bien signer le reçu [Voilà]
La Tour Montkarlipe l’avait tellement impressionnée ! [Le point d’exclamation se retrouve au début d’une ligne ; je ne sais pas si l’éditeur de FPA connaît les espaces insécables…]
Ses parents étaient alors en voyage d’affaire [d’affaires]
Une journée dont elle se rappellerait longtemps [qu’elle se rappellerait]
Dans des mots comme œil, sœur, cœur, etc, il faudrait remplacer « oe » par « œ » ; tu peux l’ajouter dans les options de correction automatique (ou autocorrection) de ton traitement de texte.
L’Académie française recommande de mettre les accents (et la cédille) aux majuscules et capitales parce qu’ils ont pleine valeur orthographique : « Ça va », « À bientôt », etc. On peut ajouter la correction de « Ca » en « Ça » dans les options de correction automatique (ou autocorrection) des traitements de texte.
<br />
Nana
Posté le 06/12/2017
Coucou Donna !
Merci beaucoup pour ce super commentaire ! Je connaissais tes commentaires incroyables de réputation, et je suis bien contente d'en profiter à mon tour :)
Tout d'abord, ça fait plaisir de voir que tu trouves cette nouvelle bien construite et cohérente. C'était en effet le but recherché, à savoir de désorienter un peu le lecteur par ce "remplacement", qui est au final un peu glauque mais plutôt bénéfique. Et ce que tu analyses est exactement ce que je voulais faire passer comme impression, donc c'est vraiment hyper cool que ça ait marché \\o/
Enfin, mille mercis pour ce relevé de coquilles très précis ! Je n'ai pas eu de BL sur ce texte, et ça me confirme que se relire soi-même est très aléatoire pour repérer les fautes... Concernant les "e dans l'o" d'oeuf ou soeur, la cédille au c majuscule et les accents sur les majuscules, j'écris sur google doc, qui ne permet pas les corrections automatiques et qui rend très compliqué la correction de ces coquilles. J'avais avant l'habitude de word, qui corrigeait ça tout seul comme un grand, ce qui était bien pratique ! Dans mes écrits ultérieurs à celui-là, j'ai fais les corrections au fur et à mesure, ce que je n'avais pas pris le temps de faire ici... Mais comme je vais corriger toutes mes coquilles grâce à toi, je vais en profiter pour changer ça !
Encore merci Donna pour ta lecture <3
Bisouuu 
Catnitha
Posté le 14/11/2017
Bonjour Nana :)
Je viens lire tes écrits suite à la visite que tu m'a rendue sur ma présentation FPA.
Je ne sais pas ce que c'est qu'un AT, mais je dois dire que ton texte est destabilisant. Il est à la fois étrangement inquiétant, et en même temps, la situation de ton personnage principal (qui semble s'améliorer au fil de ton récit) suggère "un happy end".
Je trouve ça assez effrayant que Julia disparaisse au fur et à mesure de l'histoire pour laisser place à Laura. L'article signalé par Emile me laisse penser qu'elle a été "smithisée" par la petite fille du début.
Du coup, je vis ce changement un peu comme le symbole de la mort lente de Julia au profit de l'ascension de Laura... mais si ça se trouve, je suis totalement à côté de la plaque.
Du coup j'ai un peu du mal à savoir qu'en penser ^^u
Ce qui est sûr, c'est que j'aime beaucoup ta manière d'écrire : elle est vraiment agréable :)
Nana
Posté le 14/11/2017
Coucou Catnitha !!
Merci beaucoup pour ta lecture !
Tu as très bien compris le truc, en effet Julia se fait remplacer petit à petit par Laura... Et je voulais en effet créer une atmosphère bien inquiétante, et qu'on ne sache pas trop quoi en penser ! On dirait que j'ai réussi du coup...! (j'aime bien "smithisée" huhu)
Merci encore pour les compliments, ça fait hyper plaisir :)
Bisouuuu 
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