no name - nouvelle

Notes de l’auteur : Cette nouvelle mentionnera l'addiction aux drogues, l'automutilation et le suicide. Si vous n'êtes pas à l'aise avec ces sujets, ne vous forcez pas à lire.

Hey ! Salut. Ça va faire 6 ans. Peut-être 7, j'en sais rien. Le constat est le même. J'ai monté les étages, et toi t'es resté dans la cave, au sous-sol. La différence me fait marrer, parce qu'on a tout les deux commencés au rez-de-chaussée. Moi j'ai atteint la terrasse au sommet de la tour, et t'es coincé entre quatre murs (aux tréfonds de la terre). J'ai envie de rire presque autant que je pleure.

De l'endroit où je suis, je pourrai sauter. Je crèverai au moment de l'impact — mais la chute sera assez longue pour avoir le temps de regretter la rudesse de l'étreinte donnée par Vie. Avec un peu de chance, je m'enfoncerai dans le bitume. Ça me rapprochera un peu de toi, autant que je peux.

Qu'est-ce que t'as ressenti quand t'as sauté, toi ? T'as souffert ? Autant que je souffre depuis le cinquième étage ?

7 ans, 4 mois, 25 jours. Que tu t'es tranché les veines.

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Je me perds. À cause de la douleur peut-être, de la perte de contrôle que j'ai sur ma vie. Tu savais que les shots se remplacent facilement par les bouteilles ? Que l'injection quotidienne se transforme rapidement en rendez-vous interminable toutes les heures. Tu te rends compte ? Tout ça pour toi. Je sais pas pourquoi, mais je sais que c'est à cause de toi. Ou de moi Est-ce que c'est à cause de moi que t'as sauté ? J'étais pas une bonne pote, la pire de toute.

Je veux te revoir, te ressentir, te retoucher, te réentendre, te regoûter. Je veux ta présence. Combler le manque que je ressens chaque seconde qui passe.

Je veux t'oublier. Tes yeux, tes cheveux, ta peau, ton sourire, ta voix, ton odeur. Nos souvenirs, nos câlins, nos éclats de rire. Toi entier. Je veux pas me souvenir.

Je suis paumée.

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Quand on était gosses, on adorait se faire des câlins, je m'en souviens. On se tenait toujours la main, on collait nos cuisses quand on était assis côte-à-côte, et puis dans nos chambres, on s'enlaçait. On se parlait un peu de temps en temps, pas beaucoup, t'aimais le silence. On profitait. Pas assez, apparemment. Aujourd'hui, ils me manquent. J'étais dépendante, je le suis et je le serai. Parce que je suis rien sans toi. Que dalle.

Tu le savais, je crois. Je sais pas. Je suis plus sûre de rien depuis.

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Parfois, quand je suis fatiguée, épuisée, lassée, je me demande si t'es mort. Si c'est pas une vanne un peu pourrie, de celles que tu fais aux personnes que t'aimes pas. Ça ne changerait rien si ce questionnement n'était pas incessant. Parce que tu peux pas être mort.

Tu peux pas. Tu peux pas. Tu peux pas. Tu peux pas. Tu peux pas. Tu peux pas. Tu peux pas.

T'as pas le droit.

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Je suis terrifiée. Acculée comme une proie face à un chasseur. Sans issue. Je dois me confronter à la réalité, et ça me terrifie. Parce que j'en veux pas, de cette traitresse. Elle va me faire souffrir, je la connais. Elle te déchire de l'intérieur, ronge tes espoirs, et repart. Elle te laisse seule. Et je veux pas être seule.

Alors reste. Juste un peu, un peu plus longtemps. Je vais pas tenir sans toi.

T'es là, hein ? Tu me quittes pas ? Le fais pas.

Je t'en prie.

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Tu es mort. Tu ne reviendras pas. Jamais.





 

Ça fait mal.

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Pourquoi t'as pris ce couteau ? À cause de l'instit' de CE2 qui t'aimait pas, du vendeur de la supérette qui refusait de te vendre tes bonbecs, du mec de troisième qui t'avait insulté au collège, ou de la policière qui t'a pas cru ? Tous, aucun. T'en sais quelque chose, toi ?

Forcément, tu t'es coupé tout seul, c'est ce qu'ils ont dit les gendarmes (ou le légiste).

C'est de leurs fautes aux autres ? C'est eux les coupables, ou c'est toi ?

J'aurai pas la réponse.

La cave est insonorisée.

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Tu ne m'en as pas parlé. Tu m'as pas dit que ça allait pas. T'as gardé tes secrets pour toi tout seul. Toujours eu un côté égoïste. Et regarde ou ça t'a mené.

Elle est confortable la boîte enterrée ? Ou ce n'est pas assez bien pour monsieur ? L'aurait-il préférée remplie de son sang ? Comme la salle de bain.

Ils se passent toujours dans la salle de bain, les suicides.

Pièce maudite.

Mais j'étais ton amie. Et tu ne m'as rien dit.

C'est de ma faute ?

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Je te faisais confiance. T'étais mon ami, mon frère, mon confident. Je te racontais tout de moi, tu savais tout.

Je savais rien de toi. Ou j'aurai dû savoir.

J'y repense maintenant.

Tu mettais toujours des tee-shirts aux manches longues, des pantalons — alors que tu adorais les shorts. T'avais des cernes, tu bouffais presque pas.

Je l'ai pas vu, pas su, pas reconnu.

Je connaissais tout ça, je savais que c'était destructeur.

C'est ma faute. J'ai pas été à la hauteur. J'aurai dû agir, faire quelque chose.

Mais on ne peut pas agir dans un conflit dont on ne réalise pas l'existence.

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C'est pas ma faute si t'es mort.

Compliqué de se faire à l'idée. Mais tu aurais pu me parler. À part si t'avais pas remarqué que je donnerai ma vie pour toi. Dans ce cas-là, t'es aussi aveugle que moi.

Tu avais peut-être trop peur de ma réaction, ou tu pouvais juste pas.

C'est pas moi qui ai enclenché ton processus de massacre interne. C'était ancré en toi depuis longtemps. Depuis ton père, tu penses ?

Je faisais mon possible pour que tu l'évites, je t'invitais chez moi autant que je pouvais, ou on sortait dans les rues. Ça n'a rien empêché au fait que t'es mort (que tu me manques).

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J'ai essayé de me défaire de toutes les merdes que je prenais. En commençant par l'alcool.  Je te promets que j'ai essayé. Je te promets.

J'ai tenu à peine trois heures.

Les maux de tête, la nausée, la fatigue, la petite voix qui te dit de céder à la tentation.

J'ai échoué. Lamentablement.

Mais quand je bois, je t'oublie. J'oublie le manque de ta peau contre la mienne. Et ça me suffit, comme argument.

Mais je peux pas. Je peux pas lutter.

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Il y a un trait sur mon bras. Rouge rosé. Deux. Trois. Cinq. Huit. Douze. Je les compte plus.

Maintenant, je m'y mets aussi. Comme toi. Je te comprends, en fait.

Ça te libère d'un poids que tu n'imaginais pas présent jusque là. Ça te soulage.

T'es réticent au début, puis tu commences à aimer, et t'en es complètement fou. T'extériorises tout ce qui reste enfermé en toi.

Jusqu'à ce que la lame se rouille, que le sang manque et que la fêlure soit comblée.

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Tu me manques. Beaucoup. Trop. La vodka brute ne me suffit plus, l'héroïne ne me suffit plus, les coupures ne me suffisent plus.

Il y a juste un manque : puissant et oppressant. Celui qui te fait dire que si tu ne le combles pas maintenant, tu vivras toujours avec cette sensation horrible de déchirement constant.

Je me contiens d'augmenter les doses. Je veux pas mourir, je veux juste te voir.

Et puis t'es au paradis, alors que moi j'irai tout droit en enfer.

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Je suis désolée, désolée, désolée, désolée, désolée, désolée, désolée.

J'ai pris un speedball.

Tu sais le nombre de personnes qui en sont mortes ?

Toutes celles qui l'ont ingéré.

Je vais mourir.

Je veux pas.

Pas du tout.

Je veux pas.

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Je veux juste un câlin.

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Ella Palace
Posté le 03/06/2021
Et bien... Très lourds ces mots... incarnée, cette souffrance... Que dire? On dirait que tout est sorti d'une traite...
C'est prenant même si c'est presque écrit comme on parle... Non, parce que c'est presque écrit comme on parle.
Bonne continuation dans ton évolution !
Ella Palace
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