Connaissez-vous les Gorgones, ces trois sœurs vivant dans les temps anciens ?
La plus connue, Méduse, au cœur de pierre, pétrifiait, statufiait à vue tout ce qui bougeait, à en remplir de pleins musées ; immortelles, Euryale comptait les heures en trouvant le temps bien long et Sthéno s’occupait en prenant des notes (ben oui, sinon comment on saurait tout ça, hein ?)
Selon leurs légendes, les Grecs les situaient très, très loin à l’Ouest, vers le jardin des Hespérides et ses fameux pommiers aux fruits d’or et… Stooop ! balivernes ! Mythos, les Hellènes, mythos ! Imaginez Isaac Newton se prenant une pomme en or sur la tête : gros bobo, finie la loi de la gravitation universelle, bonjour la fracture des neurones !
Il est temps de rétablir la vérité.
D’abord elles n’habitaient pas du côté de l’Atlantide, mais en Italie, et plus précisément près de la future Milan, dans ce qui deviendrait plus tard la Lombardie, mais nous y reviendrons plus loin. Ensuite, comme les trois mousquetaires, elles étaient quatre ; cette autre sœur, bien plus discrète, n’est pas passée à la postérité et j’ai du bouffer bien du parchemin pour retrouver son nom. D’après mes sources, jalousée par ses aînées (et oblitérée pour cela), elle fût mise à l’écart très jeune, car contrairement à ses sœurs, elle promettait de devenir une jolie blonde (du genre comme dans la publicité fromagère « Belle des champs », vous voyez ?). Jeune et bien seule, ses sœurs, par dérision, l’appelèrent Isoletta.
Puis, pendant des siècles, l’apocope et l’aphérèse modifièrent peu à peu son nom en le simplifiant.
Ce qui est vrai, c’est le jardin des Hespérides, mais attention : pomme d’or se dit « pomo d’oro » en italien et signifie tomate (pomodoro). Les pommiers seraient donc des plants de tomates ? Et avant la découverte des Amériques ? Quels blagueurs ces Grecs ! Toujours est-il que dans ce verger, comme c’est souvent le cas, paissaient des vaches. Isola, la petite dernière des Gorgones, poussée par l’ennui et la solitude finit par s’occuper d’elles et en vint à fabriquer des fromages, ce qui la conduisit à aménager une grotte pour les affiner. Celle-ci avait la particularité d’abriter une colonie de moisissures comme celles que l’on trouve à Roquefort, celles qui donnent des pâtes persillées.
Si c’est pas de la coïncidence ça, hmm ?
Ces fromages fort appréciés car si onctueux et si parfumés créèrent une certaine activité autour de cette fameuse grotte, et finirent par donner naissance à la bourgade évoquée plus haut. Celle-ci prit naturellement le nom de Sola, celui de sa fondatrice. La renommée de cette petite ville est devenue telle qu’un jumelage s’est instauré avec Ambert, village de France connu pour sa célèbre fourme, à la pâte persillée, elle aussi.
Le temps passa, mais les mémoires gardèrent le souvenir de cette fromagère mythique dont le nom et celui du bourg sont désormais indissociables. Au fil des siècles, ses transcriptions approximatives finirent par aboutir à celui qu’on lui connaît de nos jours.
Ah oui, je ne vous ai pas donné son nom. Elle s’appelait Zola. Gorgone Zola.
Ça fait un choc, hein ? un choc à vous faire un bleu…
:-)