Méditation Psychédélique

Notes de l’auteur : Comme le titre l'indique : TW drogue médocs hallu
Est-ce que cette scène apporte quelque chose ? 

Allongée sur mon lit, je souffre et la drogue n’y fait rien. Je repense à ces derniers mois, à combien ma vie a changé depuis que j’ai appris que j’ai un cancer. J’ai rayé tout ce qui faisait ma vie : travail, famille, amis…

Je prends une grosse bouffée sur mon joint, tout en regardant les pilules sur ma table de chevet avec gourmandise. Jusque là, j’avais toujours méprisé les camés, persuadée qu’ils devaient vraiment être vils et faibles pour se soumettre ainsi à une substance chimique et tomber si bas pour un shoot. Maintenant que le sexe n’est plus un loisir et que je me prostitue pour payer ma drogue, j’ai un regard un peu plus complaisant sur eux. La drogue est une sorte de religion à laquelle on choisit de s’adonner corps et âme. Et quand on a vu Dieu, qui voudrait revenir en arrière et lui tourner le dos ? Je n'ai pas honte de me prostituer. Mon protecteur m'envoie à des clients que j’aurais rêvé de rencontrer avant, mais que la vie de merde que je menais plaçaient loin de mon chemin, pavé de tocards, de mauvais coups et autres amants charmants, mais tout à fait ordinaires. Je n’avais jamais envisagé de participer à une partouze. Surtout pas sans pouvoir choisir mes partenaires. Pourtant, l’expérience s'est révélée très excitante et retourner choper un mec lambda dans un bar pour passer une nuit de baise routinière, ordinaire et gratuite me semble à présent tout bonnement inconcevable. Je souris en repensant à mon client de la veille. Ce qui m'excite particulièrement, quand je me prostitue, c’est de me plier à la volonté des clients, sans faire aucun cas de mes désirs et ça, je ne l'aurais jamais cru. La soumission et la frustration me procurent des sensations parfaitement et délicieusement inattendues.

Je me lève et me dirige dans la cuisine, tout en continuant à méditer sur ma nouvelle vie qui, décidément, démonte pas mal de mes idées reçues. Je pensais que les camés étaient pitoyables et les prostituées, pathétiques et malheureuses. Je pensais qu’être une pute, c’était consentir contre son gré et pour de l’argent à des pratiques qu’on aurait autrement refusées. Finalement, les junkies sont des fêtards religieusement inspirés. Pour ce qui est des putes… Faut croire qu'il y a des échelons et que je suis cadre sup’ pute. Grassement payée pour se faire grassement baiser par des gens qu’on  ne croise pas dans la vie de tous les jours. Ça ne durera sans doute pas, mais ça vaut le coup de vivre cette expérience.

Le seul cliché auquel je me heurte, c’est la fascination et la domination qu’exerce le proxénète sur ses pouliches. Toute cadre sup' que je suis, je ne fais pas exception et ce type fait ce qu’il veut de moi.

Je grimace en me préparant une tartine. Je plaque instinctivement mon bras contre ma poitrine. La tartine m’échappe. Ma main se crispe sur mon couteau. Pliée en deux, je serre les dents et je gémis en luttant pour rejoindre ma chambre. Sur la table de chevet, j’attrappe la boîte de calmants prescrits par mon oncologue et je la balance. Je fouille dans le sachet de friandises que mon dealer m’a remis. J’en choisis deux. Finalement, trois. Je les enfourne dans ma bouche et j’avale une rasade de n’importe quoi. Je m’affale sur mon lit, je roule sur le dos, et je plonge lentement dans un trip halluciné.

Les pilules font taire la douleur, mais elles réveillent les rêves et les cauchemars. Le visage du serveur me regarde d’un air réprobateur pendant que, attachée les bras en l'air, je me fais fouetter par le dealer, qui lèche goulûment l’alcool que son larbin déverse sur moi. Il me pelote. Je ris tout en quémandant de d’alcool. Le serveur veut m’appeler mais il ne connaît pas mon nom. Il vient vers moi. Il vient me chercher pour me tirer de là. Je l’attends en riant sous les coups de fouets. Je crie “Viens !”. Puis “Fouette-moi plus fort”. Le larbin s’interpose. Le serveur le repousse d’une main. Le dealer arrête de me fouetter. Il se met devant moi. Je ne peux plus voir le serveur. Je penche la tête pour me dégager la vue. Le dealer fourre des pilules dans mon gosier, verse de l’alcool de sa bouche dans la mienne. J’avale le tout. Il m’embrasse. Je fourre ma langue dans sa bouche. Il me fait l’amour. Le serveur disparaît dans le dos du dealer. Je crie de plaisir tandis que des larmes roulent sur mes joues.

Je me réveille en sursaut. J’ai presque tout oublié de ce cauchemar halluciné, sauf la désagréable sensation qu’il a laissée en moi. La douleur est revenue. Un peu moins lancinante, toutefois. J’avale immédiatement deux autres pilules. Des trucs moins tripants. Plus thérapeutiques, mais suffisamment violents. Je ressens une violente envie d’aller au bar, de le voir. Mais je ne suis clairement pas en état d’aller jouer les aguicheuses. Et briser le rituel avec le serveur serait une erreur. D'autant plus que le goût amer de notre dernière entrevue doit encore flotter dans sa bouche. Il vaut sans doute mieux que je n’y retourne même jamais.

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Keina
Posté le 28/08/2019
Coucou Doublurestylo, j'ai lu ta fiction jusqu'à être à jour, et wouah, on peut dire que tu vas loin dans le glauque ! J'admire ceux qui arrivent à faire ça, moi dès que j'essaie je finis par rougir de honte et supprimer mes essais...
J'ai trouvé que c'était bien écrit, ça ne semble pas irréel ou idéalisé. Les chapitres avec l'orgie, ça m'a fait penser à la série "journal d'une call girl", tu connais ? Bon, avec l'addiction à la drogue en plus.
En tout cas, je me demande où tu veux nous emmener. Par moment, on oublierait presque le cancer du sein de l'héroïne, mais ce dernier chapitre nous le renvoie en pleine face !
DoublureStylo
Posté le 28/08/2019
Merci Keina, c'est très gentil ! Merci de me rassurer sur les points délicats qui m'angoissent un peu ^^
Pour la honte, qui sait, peut-être que je devrais, moi aussi, rougir des horreurs que j'écris :p
Non, je n'ai pas vu cette série. Je note pour mes soirées d'hiver !
Je veux vous emmener loin, ou plutôt, profond, très profond :p Tu peux l'oublier, lui ne l'oubliera pas !
Soah
Posté le 24/08/2019
Coucou !
Je profite d'une insomnie pour rattraper mon retard ! J'ai tout lus d'une traite et comme toujours même si les thématiques abordées sont difficiles tout se lis très bien. D'ailleurs, le découpage n'est pas dérangeant rassure toi !

Les scènes de sexe sont bien écrites, même si comment dire... Dans la scène de l'orgie, j'aurai apprécié de lire plus d'introspection. Pourquoi est-ce qu'au final ça lui fait autant d'effets au final de se plier aux désirs immédiats d'autrui, d'être objectivisée.

Après, autre truc qui me taraude quelque part, je n'arrive pas très bien a situer son niveau de confort dans son métier de prostituée. Le début allait laisser suggérer qu'elle allait être une travailleuse assez classique - et par conséquent avec quelque chose d'un peu glauque/pas forcément agréable. Et pour l'instant j'ai plus la sensation que c'est une prostituée de "luxe" - pas de mauvaises rencontres ; clients plutôt riches et/ou sympas. Est-ce que tu n'as pas peur que cela "romantise" quelque part le fait qu'elle soit contrainte de vendre son corps ? Ou est-ce qu'elle choisi inconsciemment d'oublier les mauvaises aventures ?

En tout cas c'est toujours un plaisir a lire ! ;)
Des bisous !
Soah
DoublureStylo
Posté le 27/08/2019
Coucou Soah et merci pour ta lecture et ton commentaire, qui soulève des questions tout à fait légitimes :D
Déjà, merci pour le compliment ! "Ça se lit bien" est un des meilleurs qui existent, surtout pour une histoire qui parle de cancer, de drogue, de viol et de prostitution :o
Re merci ! Les scènes de sexe sont toujours délicates, avec la peur d'en faire trop, pas assez, mal, problématique... Je pense qu'elle ne se pose pas de questions parce qu'elle est payée pour être traitée en objet. Elle y prend du plaisir... parce qu'elle s'abandonne un instant et n'est plus centrée sur elle et sa maladie ? J'imagine. Et puis elle est coquine ^^ Elle aime le sexe et pense même que son cancer est une punition pour sa vie libérée. Du coup, on pourrait croire qu'elle va se retenir pour ne pas aggraver la punition, mais elle est frondeuse (n'est-ce pas :p).
Pour ce qui est de son confort dans une situation qui ne s'annonçait pas comme telle, en effet, son "recrutement" laisse présager un avenir glauque, dégradant et tout ce qu'on veut. Pour l'instant, elle est effectivement plus proche de l'escort que du tapin au motel sordide. C'est peut-être aussi ce qui l'enivre. L'accès à un monde pailleté, d'argent, de gloire et de pouvoir. Pour ce qui est du "romantisme", je n'ai aucune crainte car je ne signe là que le début de sa descente aux enfers. Elle tombera seulement de plus haut ^^ Je n'en dis pas plus, je ne voudrais pas... divulgâcher la suite :D
Liné
Posté le 11/08/2019
Pfiou, je me suis laissée emporter et j'ai tout lu d'un coup ! Et j'ai bien fait, car vraiment, à partir du moment où elle plonge véritablement dans la prostitution, j'aurais bien eu du mal à commenter chapitre par chapitre : là, l'histoire vaut pour un tout.
J'ai adoré ! (C'est relatif, hein, comme ton "bonne lecture, si je peux me permettre").
Je trouve très bien trouvée l'idée d'alterner les chapitres de prostitution, et ceux plus "vie quotidienne" centrée sur son cancer, sa souffrance et ses réflexions. D'autant que l'emphase est mise sur les chapitres de prostitution, plus longs : comme si ces expériences lui servaient d'échappatoire, de moyens d'oublier la réalité. On ressent bien une forme  de déni de sa part, et avec le recul de lectrice que je peux avoir, je sais que cette période de sa vie ne peut pas durer aussi "gentiment" (dans sa perception à elle) très longtemps, mais qu'elle va devoir faire face et à son cancer, et à son mac/ses futurs clients pas toujours réglos... du coup jne sais pas si tu pourras/voudras conserver cette alternance jusqu'au bout du roman mais en tout cas, sur cette partie de l'histoire, ça fonctionne. 
Les deux chapitres de sexe (l'orgie puis le client SM soft) sont très bien écrits ! Tout du point de vue de la narratrice, forcément. Si on omet les raisons qui l'ont poussée à la prostitution et cette forme de désespoir/nihilisme qui va avec (ce qui n'est pas rien !), objectivement, je crois que tout se passe bien : elle est consentante, curieuse, et quand elle se trouve en situation de potentiel danger, elle appréhende avant de finalement comprendre qu'il ne lui arrivera rien de mal. Toutefois on se doute que ce n'est que la partie immergée de l'iceberg...
En revanche, une chose me turlupine : je ne parviens pas à comprendre d'où vient sa fascination pour son mac. Le mec est une raclure depuis le début, et il ne me semble pas avec de charme ou de magnétisme particulier. Je sais très bien où tu veux en venir avec ton roman, du coup j'imagine quelle se soumet d'elle-même à une situation patriarcale violente. En revanche, il faudrait peut-être l'expliciter (d'une manière ou d'une autre, dailleurs je ne saurais pas te dire comment !)
En tout cas, bravo à toi de t'attaquer à un sujet pareil : on sent que ça te vient du fond du cœur !
Liné 
DoublureStylo
Posté le 27/08/2019
Argh j'était certaine d'avoir répondu mais je n'ai dû le faire que dans ma tête :D Je répare donc ça tout de suite !
Déjà, merci de me lire ! Et merci pour ton retour. Tu as effectivement bien compris où je veux/vais en venir et qu'on est dans une sorte de calme avant la tempête. L'alternance entre les 2 réalités de mon personnage est involontaire. Du moins pas consciente ^^
Tu as raison pour le mac, je n'ai peut-être pas assez explicité les raisons qui la rendent aussi accro. La dépendance d'une prostituée à son mac, surtout s'il est aussi son dealer, me semblait tellement inhérente à la profession que je l'ai expédiée avec un simple "comme toute bonne pute" ou un truc du genre. Ça vient aussi peut-être du fait que je n'ai fait aucune description physique d'aucun personnage, pour que chacun les imagine en fonction de sa propre sensibilité, ses propres représentations, etc. Moi par exemple, je le vois séduisant, bien que dangereux. Séduisant : avec un physique attirant qui n'exclut pas le survêt' :p Je prends en note ce souci, en tout cas. Merci de l'avoir souligné ^^
Et merci pour ce que je prends comme un très beau compliment ;)
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