Maria

« Ouaf ! Ouaf ! Ouaf ! »

Le chien dans l’appartement se met à aboyer au moment précis où Maria veut verrouiller la porte de l'extérieur. Aussitôt, les vieilles sœurs Podarge apparaissent sur le palier au bout du couloir. Merde ! Il ne manquait plus que ces deux-là. À croire que les harpies passent leurs journées l’œil collé au judas.

« Si ça continue, on va finir par appeler le Comité ! » commence l’aînée, un téléphone portable à la main pour donner du poids à sa menace.

Elle est flanquée de sa cadette qui est toujours en peignoir, quelle que soit l’heure de la journée. De façon irrésistible, elles évoquent à Maria un duo de comiques spécialisées dans l'humour méchant. La jeune femme n'est guère impressionnée par leur ultimatum, mais aujourd'hui elle n'a pas le courage ni le temps de leur tenir tête.

« Attendez, répond-elle, je vais calmer le chien. Tomas est en retard, vous savez que…

– Justement, on ne veut rien savoir ! Quelle honte, de laisser un animal tout seul ! Si vous ne... »

Maria a déjà regagné son appartement. Elle a refermé la porte derrière elle pour que les deux vieilles ne se sentent pas autorisées à la suivre, car elle sait bien que les mégères n’hésiteraient pas une seconde à entrer, invitées ou non.

L’an dernier, elles ont fait le coup à la locataire qui vit au bout du couloir. La pauvre fille était partie en vacances quand la tuyauterie commune à son appartement et à celui des sœurs a commencé à fuir. Le plombier s’est fait ouvrir la porte par le concierge, et pendant qu’il s’escrimait à trouver l’origine du dégât des eaux, les vieilles biques en ont profité pour visiter les lieux de fond en comble. Le concierge a fermé les yeux, plus par peur que par malveillance : les Podarge lui répètent assez qu'elles ont le pouvoir de le faire licencier par le Comité.

Ce jour-là Maria a assisté à toute la scène, cependant elle n’en a jamais parlé à la fille. Un peu par paresse, et aussi par vengeance : elle sait comment Tomas lui reluque les fesses quand ces deux-là se croisent dans les escaliers ; et puis, la nénette est une véritable snob, une sportive filiforme toujours en train de revenir d’on ne sait quel séjour à la montagne ou à la mer. Elle a beau habiter dans un immeuble pourri, ça ne l'empêche pas de péter plus haut que son cul. Et elle vit seule ! L’antithèse de Maria, qui aimerait bien pouvoir prendre deux mois de congé par an, et qui aspire sérieusement à un retour au célibat. Plus de Tomas, plus de chien aboyeur. Le pied !

Le bull terrier se fourre aussitôt dans les jambes de sa maîtresse, heureux de la revoir si vite. Déjà ? fait-il en morse avec sa queue frétillante, son œil cerné de noir fixé sur elle.

« Putain de clébard ! Tu vas me causer des ennuis ! S’il te plaît, rien que pour dix minutes, ferme ta grande gueule de chien ! Tomas sera bientôt là, promis. Papa maison ! Papa maison ! »

En s'entendant parler ainsi, Maria se dit qu'elle a atteint le fond. Le chien qui a reconnu le nom de son maître reprend de plus belle :

«  Ouaf ! Ouaf ! Ouaf !

– Bon. Puisque c’est comme ça… »

Elle attrape le terrier par le collier, puis elle l’enferme dans le débarras où elle range ses balais et les produits d'entretien – et où Tomas stocke parfois sa camelote d'origine douteuse. L’animal ne risque rien, son maître le sortira de là dans un quart d’heure au grand maximum. Après réflexion, Maria lui fourgue quand même une écuelle d’eau fraîche et de la nourriture pour une semaine. On n’est jamais trop prudent. Elle sait pourtant qu’elle n’évitera pas l’engueulade à son retour, ce soir.

Son copain Tomas est vigile. Il travaille depuis quelques semaines dans un entrepôt du quartier, une nuit sur deux. À son précédent boulot de gardiennage il pouvait prendre le chien avec lui, mais pas cette fois. Pour des raisons de sécurité, lui ont expliqué ses nouveaux employeurs. Le bull terrier pourrait blesser des voleurs. Résultat, Maria se farcit la garde du quadrupède du soir au matin.

Avant de quitter l’appartement pour la deuxième fois (elle espère que ce sera la bonne), elle vérifie par l’œilleton que les vieilles connes ne sont pas en embuscade devant sa porte.

La voie est libre.

Maria sort et referme sans bruit derrière elle, avant d'emprunter les escaliers sur la pointe des pieds. L’ascenseur est hors service depuis des années.

Elle jette un coup d’œil à son téléphone. Aïe ! Elle est maintenant à la bourre, et pas qu’un peu.

*

Son boulot lui permet d'avoir des horaires flexibles. Maria débute généralement ses journées de travail vers midi trente. Il y a un peu moins de monde dans le métro, donc plus de places pour s’asseoir. Elle en profite toujours pour bouquiner. Ça fait passer le temps, et surtout c’est le seul moment de la journée où son esprit prend des vacances.

De temps en temps, elle lève les yeux pour vérifier le nom des stations qui défilent. Elle est déjà en retard et ne veut surtout pas l’être encore plus.

La Princesse de Volonté, tel est le titre du livre qui absorbe toute son attention. Maria a suffisamment de jugeote pour comprendre qu’elle a entre les mains l’équivalent littéraire d’un hamburger avarié. Néanmoins elle s’en fiche. Elle aime ce genre de prose qui ne lui prend pas la tête.

À la fin d'un chapitre particulièrement intense, la jeune femme ferme le livre et le pose sur ses genoux. Elle ne sait trop quoi penser de ce nouveau tome des aventures de la Princesse Clara, le trente-sixième de la série. Cet opus est radicalement différent de tout ce qu’elle a pu lire auparavant, à tel point qu'elle en est toute chamboulée.

Maria se doute que derrière le pseudo de l’auteur se cachent des écrivains payés au mot. Elle a vu une émission sur ce genre de pratiques, à la télévision. De toute évidence, les talents de ces forçats du traitement de texte sont inégaux : les volumes vingt-deux à vingt-huit sont épouvantables, comparés aux autres qui se dévorent avec appétit à défaut de se déguster. Quant au dernier… Si elle en avait déjà goûté, elle dirait qu’il a la saveur de ce poisson-lune qu’on cuisine en Orient, et dont les chairs mal préparées peuvent contenir un poison mortel (vu aussi à la télé.)

Le trente-cinquième volume, avec ses rebondissements mollassons, s’était terminé de façon trop prévisible : un Prédateur, follement amoureux de Clara, choisit la Déchéance et devient un simple Béat. Il préfère mourir sous les coups de ses anciens congénères, plutôt que de perdre la Princesse pour toujours. Un cliché maintes fois ressassé.

Maria envisageait alors d'abandonner la série. Puis le trente-sixième volume est sorti. Une gifle. Le nouvel auteur – non, la nouvelle auteure, forcément – a transfiguré le personnage de la douce Clara. La Princesse ne se contente plus de fuir l’amour, de lutter contre ses frères, de tomber en disgrâce avant de redevenir l’étoile des soirées mondaines, de voyager dans des contrées exotiques à la recherche du bonheur. Elle est maintenant moins naïve, plus forte, plus battante, plus… implacable (est-ce bien le mot ?)

Clara n’hésite plus à faire des trucs déroutants pour surmonter les épreuves. À tel point que Maria, pourtant enthousiaste au début, estime que l’auteure est peut-être allée trop loin.

Par exemple, que penser de cette scène où la jeune fille s’interpose entre un Marteleur et ses victimes, et le met au défi de la tuer, elle, et de ne PLUS JAMAIS frapper personne d’autre ?

Plus fort encore : dans le cinquième chapitre, un fonctionnaire corrompu vient d’ordonner la démolition d’un foyer d’orphelins sourds et aveugles. Les enfants vont être jetés à la rue en plein hiver – en chaussettes et sans manteaux, tant qu'à faire. L'intrigue est un brin exagérée, mais Maria en a encore les larmes aux yeux. C'est alors que la Princesse interpelle le bureaucrate et menace de le tuer DE SES PROPRES MAINS s'il n'abandonne pas son projet funeste. L'homme terrorisé finit par céder. À sa grande honte, Maria aurait préféré que Clara passe à l'acte et mette le fonctionnaire intransigeant hors d'état de nuire. Jamais elle n’aurait cru possible d’éprouver de tels sentiments contre-nature. Il y a bien du poison dans ce livre, mais c’est un tel régal à lire !

Le train s’arrête encore une fois. Bruit de pneumatique et de ferraille, des gens descendent précipitamment. Eux aussi doivent être en retard.

Maria émerge difficilement de sa lecture. Son regard se pose distraitement sur le mur carrelé couvert de graffitis.

Le mur de sa station.

« Oh merde !! »

Les portes vont se refermer. Elle fourre le livre dans son sac à franges et se précipite d’un bond hors de la rame. Ouf ! Juste à temps. Un homme qui était sur le point de monter doit reculer précipitamment d’un pas pour la laisser sortir. Il se retrouve alors coincé sur le quai, l’air passablement agacé devant le train qui repart sans lui. Maria s’excuse vite fait en le regardant à peine.

Elle s’élance vers les escaliers mécaniques en s’interdisant de penser à cette boule qui vient de naître dans sa gorge, une angoisse qui ne dit pas son nom. Pas encore.

La montée des escaliers est ralentie par un couple qui en occupe toute la largeur. Maria n’ose pas se retourner. Son avenir est devant elle. Derrière il y a un abîme, le vide glaçant d’un tombeau. La Mort en personne.

La jeune femme attend d’être hors de la station pour s’arrêter, le souffle court, la tête qui tourne. La boule se brise enfin, et c'est de la peur à l’état pur qui en sort, simple, brutale, sans fioriture. L’homme qu’elle vient de bousculer sur le quai était un Prédateur. Ses yeux morts, son sourire décontracté, son air indifférent, la petite valise noire typique d’un professionnel consciencieux, et surtout, surtout ! la trace de sang écarlate étalée sur son front. Un chasseur !! Peut-être un Sniper ? Non, il n’en avait pas l’allure, et il ne serait pas barbouillé du sang de ses victimes. Plutôt un Collectionneur, ou un Mutilateur.

Elle a bousculé un Prédateur !

Maria vient de croiser un émissaire de la Mort pour la deuxième fois de sa vie. Un "Ange régulateur", comme disent généralement les culs-bénis.

Elle se souvient de la première fois qu'elle a vu un Prédateur de près. Un Piqueur qui s’était invité à une petite fête chez les Jimenez, ses voisins d’enfance avant d’être les parents de son futur copain, Tomas. Elle était adolescente, et Tomas ne s’intéressait pas encore à elle, occupé qu’il était à faire pétarader sa moto d’occasion pour impressionner les filles plus âgées – et plus galbées, surtout.

La victime, madame Jimenez, était une matrone fort sympathique qui se coupait en quatre pour s’occuper de sa turbulente famille et de son mari, tout en trouvant le temps de faire des gâteaux qu’elle distribuait aux gens du quartier.

La brave femme avait reçu la piqûre dans le dos pendant qu’elle cuisinait. Carlos, l’aîné de la famille, était aussitôt allé chercher de l’aide chez Maria. Tout le monde dans le quartier tenait la mère de Maria pour une bruja – une sorcière épargnée par les Prédateurs, dans le folklore mexicain. On commençait à considérer sa fille de la même manière. « Des conneries, tout ça » avait-elle coutume de répondre. Maria avait pourtant accepté de suivre Carlos malgré les mises en garde de sa mère, car à l’époque elle était secrètement amoureuse de l’aîné des Jimenez.

Le Piqueur était encore là. Il prenait tout son temps avant de repartir. Entièrement vêtu de blanc, il se promenait parmi les convives silencieux, une aiguille à la main, un sourire aux lèvres.

Il ne contamina personne d’autre ce jour-là. Certains Prédateurs ont des quotas, d’autres doivent choisir soigneusement leur gibier en fonction de règles compliquées. On appelle ça le Prélèvement. Maria avait lutté pour ne pas défaillir à la vue de cet être maléfique qui paradait sous son nez. L’homme avait marqué un temps d’arrêt devant elle, paraît-il (elle n’avait rien remarqué), puis il s’était servi une tranche de gâteau à la banane avant de quitter les lieux.

La matrone vécut six mois de plus, dont cinq à l’hôpital.

Les Jimenez ne furent décidément pas vernis : deux ans plus tard, Carlos se faisait descendre par un Sniper sur la 5ème rue. Il y a des familles comme ça. Touchées par le malheur.

*

Maria se pose deux minutes sur un banc, près d’un clochard qui dort la bouche ouverte. Elle a besoin de rassembler ses idées.

Un peu plus loin dans la rue, les feux d’une ambulance et d’une voiture de Police rivalisent d’éclats colorés au-dessus d’une foule de têtes curieuses. Il est fort probable que le Prédateur vient de faire son Prélèvement à cet endroit. Pas si loin que ça du lieu de travail de Maria.

Au moins, elle aura une bonne excuse pour justifier son retard. Son boss va en tomber sur le cul, lui qui a une frousse terrible des chasseurs. Il en voit partout au point d’en faire des cauchemars, mais à l'instar de nombreux Béats il est attiré par les scènes de crime. Fascination morbide ? Sentiment de sécurité ? On raconte que les Prédateurs ne frappent jamais deux fois au même endroit. Un peu comme la foudre. Maria n’y croit pas une seconde : il lui suffit de se remémorer le vieux peuplier de son enfance, près du terrain de baseball, frappé et brûlé un peu partout par des générations d’orages. Il a fini par être abattu en raison de sa dangerosité.

Tout n’est qu'une question de statistiques. Des boules numérotées dans une roue. Chance, malchance… on n’échappe pas à son Destin. Si c’était possible, alors les choses ne seraient pas ce qu’elles sont.

À présent apaisée, Maria se lève et gagne d’un pas lent l’immeuble de sa compagnie, à trois rues de là.

*

Son métier ? Emmerder les autres au téléphone.

« Harceleuse », répond-t-elle le plus sérieusement du monde quand on lui pose la question, à l'occasion d'un barbecue de quartier ou d'un événement social avec des inconnus.

Souvent, on lui fiche la paix après cette réponse déroutante, mais parfois on veut en savoir plus, alors elle développe : « tourmenteuse », « questionneuse », « as du téléphone »... et si on insiste encore elle finit par expliquer par le détail qu’elle établit des profils psychologiques d’acheteurs en interrogeant un panel présélectionné selon des critères blablabla… et là, on la laisse tranquille pour de bon. 

Bref, elle n’a pas honte de ce qu’elle fait, mais elle ne veut pas s’étendre dessus. Le job ne paie pas trop mal, quand on a le coup de main – ou plutôt de voix – et qu’on sait aller bien au-delà des minima imposés. Maria a déjà travaillé dans un fast-food, et elle préfère cent fois son boulot actuel. N’empêche qu’il faut assurer sur le plan psychologique. Pour chaque individu sondé, elle doit donner un peu de sa personne, pour chaque interlocuteur énervé elle doit manger sa part de stress, pour chaque taré – et il y en a ! – elle doit sacrifier quelques uns de ses propres neurones.

Sa compagnie s’appelle un "centre d’appel", son bureau un "poste d’appel", son outil de travail une "ligne d’appel". Elle est agente d’appel.

Elle appelle, elle appelle et elle appelle encore à longueur de demi-journées qui s’étirent parfois jusqu'à vingt heures. Le soir, elle met son portable en mode avion. Ou bien elle le laisse sonner indéfiniment, au grand dam de Tomas scotché devant sa console de jeu, et qui l’insulte de tous les noms pour qu’elle décroche enfin.

La blague classique chez ses collègues de travail : l’un d’eux raconte qu’il a commencé à débiter son baratin, par réflexe, en appelant un ami… Maria trouve ça pathétique. Elle préférerait retravailler dans un fast-food plutôt que d’en arriver là.

En pénétrant dans la grande salle aux postes de travail alignés comme des box dans une étable, elle oublie presque aussitôt sa brève rencontre avec le Prédateur. Elle fait quand même un crochet par le bureau de William, son boss, pour lui expliquer les raisons de son retard ; puis, sans attendre la réaction de ce dernier, elle va s’installer à son pupitre. Peu de temps après, elle apprend que William est allé rejoindre l’attroupement dans la rue. Les gens sont tellement prévisibles !

*

Quand elle enlève ses écouteurs et son micro, sept heures plus tard, Maria pousse un long soupir et reste plusieurs minutes à regarder sans les voir ses collègues qui s’agitent autour d’elle. Leurs voix murmurées paraissent plus distantes, moins réelles que les cinquante-quatre "conversations" téléphoniques qu’elle vient d’avoir avec des gens qu’elle ne rencontrera jamais.

Retour sur terre. Finis les crachotements dans l’oreille, les bruits de fond, les intonations mécaniques, les silences durant lesquels elle essaye de deviner si son interlocuteur est encore là ou s’il a posé son téléphone dans les chiottes – ce genre de choses arrive tous les jours. Finie la concentration excessive pour déceler les hésitations dans la voix et les exploiter. L’ouïe redevient un sens comme les autres, tandis que le regard reprend sa place primordiale dans les échanges non verbaux.

« Maria ! Tu vas bien ? »

C’est Renée, sa voisine de poste. Les cheveux courts, la quarantaine pétillante, elle l’observe avec une sollicitude de grande sœur. Ou une inquiétude de mère poule. Personne n'ignore que les dépressions nerveuses se multiplient comme des petits pains, ces derniers mois, plus vite que les primes qui ont été revues à la baisse.

«  Euh… oui, ça va. À peu près. Je me sens vidée.

– Pas étonnant, tu t’es à peine arrêtée aujourd’hui ! Ça te dirait de prendre un verre avec nous ?

– Nous ?

– Lucy, Fernando, moi… peut-être Tanya… On va au pub, celui qui se trouve à côté de la mairie. Histoire de décompresser. Alors, ça te tente ?

– Mmmm… Non. J’ai un putain de mal de tête… Et puis Tomas va encore me faire une crise si je rentre en retard.

– Envoie-le chier une bonne fois pour toutes ! Tu es avec lui depuis combien de temps ? Deux ans ? En plus, c’est lui qui vit chez toi et…

– Écoute, je ne veux pas parler de ça maintenant, et certainement pas ici. C'est notre façon de fonctionner, à tous les deux. Il gueule, je gueule mais ça ne va pas plus loin.

– Plus loin que quoi ? Qu’est-ce que tu veux dire, par "plus loin" ? Toi, tu me caches des choses !

– Pas ce soir, s’il te plaît. Je ne suis pas d’humeur. »

Maria nettoie méticuleusement le matériel d’appel avant de le ranger dans le tiroir prévu à cet effet. Très tôt demain matin, sa collègue de l’autre quart va utiliser ce poste, et Maria attend d’elle le même professionnalisme en retour. Pas d’écouteurs emmêlés ou pendouillant du bord de la table, pas de clavier tâché, pas de volume déréglé. C’est la moindre des choses.

Enfin, elle récupère ses affaires dans le placard en métal qu’elle partage avec deux autres employées, dont Renée. Cette dernière ne l’a pas quitté des yeux pendant tout le rituel de fin de journée. Elle hausse les épaules et insiste une dernière fois.

« Bon. Tant pis. Mais tu es sûre que tout va bien ? »

Maria se contente de sourire mais la sincérité n’y est pas. Sa collègue n’est pas dupe.

« Le boss m’a raconté, pour ce matin. Le chasseur que tu as vu dans le métro…

– Hein ? réagit aussitôt Maria. Ah oui… Je l’ai croisé, voilà tout. D’ailleurs, il avait fini son travail.

– Si c'est ça qui te tracasse, dis-toi bien qu’on ne croise jamais deux fois de suite un…

– Je sais, je sais, c’est comme la foudre. On en reparle demain, d'accord ?

– Comme tu voudras ! Passe le bonjour à Tomas. »

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