Lui - Scène 8

Il est près de minuit quand Alexandre finit par sortir. Portable avec son attestation en poche, clope (sa dernière), briquet, et une heure pour essayer de se changer les idées. Cette journée a été particulièrement agitée, pour un confinement. Après le coup de fil de Mathieu, c'est ses parents qui ont pris le relais. Comme l'avait prévenu son petit frère, ils sont devenus un peu extrême.

— Ton père va refaire du jardinage. Il est en chômage technique, du coup on peut bien se préparer pour le printemps, planter des salades, des petits-pois. Je ferai des conserves !

Sa mère traîne beaucoup trop sur Pinterest.

Par contraste, du coup, la rue lui semble beaucoup plus vide que son studio.

Le temps est frais, il supporte bien sa veste.

Le GPS est réglé pour l'empêcher d'aller à plus de un kilomètre. Ça fait peu mais il peut aller jusqu'à la placette en face de l'église. Le kilomètre s'arrête juste au niveau du muret où il s'était assis le premier soir de la rencontre.

Peut-être qu'ils se reverront, qu'ils s'échangeront enfin leurs noms et leurs numéros de téléphone, qu'ils vivront une magnifique histoire d'amour !

Mais le seul mec qu'Alexandre voit pendant sa demi-heure de liberté, puisqu'il lui faut le temps de rentrer chez lui, c'est un joggeur.

Quelle idée de faire du sport à cette heure-ci.

Et s'il se mettait au sport ?

C'est tête basse qu'Alexandre se décide à faire demi-tour.

En plus quelle idée de sortir à minuit ? Si l'inconnu est livreur, il ne doit commencer à bosser que vers cinq ou six heures. Voire un tout petit peu plus tôt, comme la première fois qu'il l'a vu. Pas à minuit ! Qui sort à cette heure-là à part un sportif fou et un gay abruti ?

Un livreur qui connait son adresse.

Et qui semble hésiter devant la porte de l'immeuble, portable à la main.

— Qu'est-ce que vous faites là ?

L'autre sursaute. Puis a un rire gêné. Il est tellement... Mignon.

Même dans l'obscurité.

— Alors, heu, juste avant de savoir si je vais me faire casser la gueule ou pas, est-ce que vous... Heu....

— Je suis pas hétéro.

Bon voilà, ça s'est fait. Mais ça semble rassurer l'autre.

— Mon radar est complètement à la masse, je me suis déjà pris quelques coups pour avoir tort. Moi c'est Samuel.

Alexandre continue à le regarder sans vraiment comprendre. Oui faire du sport permet de s'aérer les neurones. Il devrait vraiment s'y mettre, histoire de ne pas jouer à la carpe deux fois dans la même journée.

— Ah, je connais votre nom, à cause de la livraison. Et même votre numéro de portable, mais ce serait pas professionnel de l'utiliser, du coup je voulais l'effacer, c'est comme ça qu'on doit faire, mais je sais pas, je l'ai pas fait, je suis désolé.

Les paroles qui sortent de la bouche de Samuel semblent ne pas vouloir s'arrêter. Alexandre a très envie de l'embrasser pour le faire taire, mais... Samuel porte un masque. Ah oui. Pas de contact.

— Moi c'est Alexandre.

Il fait un geste du bras pour désigner la rue où ils se trouvent : — Je t'inviterai bien à prendre un café, mais...

— Ouais c'est pas la meilleure période.

Samuel tient toujours son portable dans la main. On ne va pas lui faire faire une faute professionnelle quand même.

— Efface mon numéro s'il te plaît.

— Oh.

Même sans voir sa bouche, Alexandre devine la moue déçue.

Il sort son propre portable de sa poche : — Maintenant, donne-moi ton numéro, comme ça on fait ça correctement.

Alors que Samuel lui épèle son 06, Alexandre sent une excitation familière le prendre depuis le fond de l'estomac.

— On doit être les seuls mecs dehors à cette heure-ci.

— Oh non, j'ai croisé un joggeur.

— Mais qui fait du sport à une heure du matin ?

— Il est déjà une heure ?

Il n'y a pas un flic dans la rue, rien et personne. Rester dix minutes de plus ne coûterait rien. Aucun risque. Mais...

— Tu habites le quartier ?

Samuel a l'air gêné : — Pas vraiment non. Là je suis chez un pote, mais c'est pas tout à fait à côté.

— Alors rentre, te fais pas choper. Ce serait con.

Purée, mais pourquoi on ne peut plus s'embrasser ?

 

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Amusile
Posté le 13/10/2021
Me revoilà.
Et j’accroche aussi sec à ce nouveau passage. La rencontre est trop mignonne, avec le vouvoiement et le coup du numéro de téléphone. Toujours aussi agréable à lire.
EnzoDaumier
Posté le 26/09/2021
Le vouvoiement est tellement mignon (et exotique à mes yeux, vu que toutes mes interactions se font avec un « you »).
Enfin, ils se sont parlés et, au final, Samuel vient de faire le premier pas. La suite s’annonce très prometteuse. Merci !
CM Deiana
Posté le 01/10/2021
Samuel est vraiment trop mignon (ça change un peu quand on passera à son point de vue mais chuuuut (ce sera au chapitre 28)
AuroreGrosjean
Posté le 25/08/2021
Hello,
Rah, c’est trop mignon. Je suis ravie que les points soient posés sur les i depuis le début, haha ! Il a du suer un peu Samuel lorsqu’on a demandé d’effacer le numéro…
J’attends la suite avec impatience 🧐
CM Deiana
Posté le 18/09/2021
Ah oui, on a eu suffisamment de mecs lourdingues pour ne pas laisser faire.
Le pauvre Samuel il se voyait déjà rejeté :(
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