Loanne

Par Rimeko

Loanne agrippa les roues de son fauteuil roulant pour le stopper, ignorant une flèche de douleur dans son épaule, en s’apercevant que le salon n’était pas aussi vide qu’elle l’avait espéré. La petite silhouette replète de sa mère, à demi dissimulée par le haut dossier de son fauteuil, se serrait autour d’un livre à la couverture blanche. La jeune fille leva les yeux au ciel quand elle eut un aperçu du titre – « ... -larthrite », à savoir un morceau du mot « spondylarthrite » qui avait pris beaucoup trop de place dans sa vie depuis trois ans. Une part d’elle-même avait envie de remercier sa mère pour son soutien à toute épreuve, mais une autre part – bien plus majoritaire – trouvait que le soutien en question avait un peu trop des allures d’étouffement, ce dont elle se passerait bien.

Mais zut, elle était venue chercher un nouveau livre, elle avait qu’à traverser le salon, prendre le premier qui lui tomberait sous la main et tourner le talons – pardon, les roues – aussi sec. Alors qu’elle s’apprêtait à mettre ce plan à exécution, elle baissa les yeux sur sa propre tenue – pieds nus, pyjama fripé et cheveux couleur carotte tout aussi négligés que le reste. Or, il était deux heures de l’après-midi, et les gens normaux se devaient d’être présentables à cette heure – son fauteuil la désignait déjà bien assez comme malade, inutile d’en rajouter. Loanne devinait la remarque pleine de sollicitude à venir, il lui semblait même voir le visage maternel se plisser d’inquiétude

Elle soupira discrètement et battit en retraite dans sa chambre. Ses affaires de la veille traînaient sur une chaise, le T-shirt mal plié sur le jean, mais ça suffirait bien, elle ne se sentait pas de s’étirer de toute sa petite taille pour attraper un nouveau haut. Déjà que lever les bras pour enfiler celui-là, ce n’était pas de tout repos... Elle fronça le nez en remarquant que les baleines de son corset étaient très visibles sous le tissu fin. Tant pis, ce n’était pas comme si elle pouvait l’oublier de toutes façons. Restait le jean, maintenant.

« Allez ma grande, tu peux le faire, » marmonna-t-elle pour elle-même.

Se pencher pour le monter jusqu’à ses mollets représentait un véritable combat contre la raideur du bas de son dos et la douleur dans ses hanches. En comparaison, se lever pour terminer de l’enfiler, cela lui sembla presque facile. Au moins, ça avait l’avantage de lui dégourdir les jambes. Elle fit quelques pas hésitants, avec son équilibre chancelant, alla s’appuyer contre le rebord de la fenêtre. Il faisait beau dehors, les rayons du soleil réchauffait sa peau pâle même à travers la vitre. Elle s’accorda le temps de respirer – ignorant la douleur lancinante dans sa cage thoracique, se demandant depuis quand exactement s’habiller était devenu une épreuve sportive – et elle posa les doigts sur le verre, s’en approcha un peu plus, jusqu’à ce que la buée formée par son souffle floute la rue en contrebas – et peut-être que ce n’était pas seulement à cause de la buée.

Loanne renifla, se recula et tendit la main vers sa canne – au diable son fauteuil, oui aujourd’hui était une mauvaise journée vis-à-vis de la spondy, mais elle ne sortait pas de chez elle, et – elle avait déplacé tout son poids sur sa jambe droite et ce mouvement avait comme enfoncé un pic à glace dans sa chair, juste en dessous de l’os de sa hanche. Elle grimaça et regagna piteusement son fauteuil, traînant à moitié sa jambe douloureuse derrière elle. Elle tenta d’étouffer sa frustration, les dents serrées, et partit en quête de chaussures. Les premières sur lesquelles elle remit la main furent de petites bottines noires qu’elle enfila tout de même, n’ayant pas le courage de chercher plus loin. Ainsi rendue plus présentable, elle entreprit de rouler jusqu’au salon – ignorant la doul- Non, pas cette fois. Pas encore. Elle s’accorda une pause au milieu du couloir.

Depuis son retour sur Terre, les mauvais jours s’enchaînaient – ou peut-être était-ce qu’elle avait perdu l’habitude d’avoir mal en permanence. Ses lombaires protestèrent lorsqu’elle leva les bras pour tenter de remettre de l’ordre dans ses cheveux. Fichue maladie – cela faisait maintenant trois ans qu’elle avait changé sa vie, et pas pour le meilleur. Dès son diagnostic, sa mère l’avait inscrite à des cours par correspondance. Au début, elle en avait été soulagée, parce que rester debout dans le bus était tout simplement insupportable, et puis elle avait commencé à se sentir seule. Très seule. Les quelques amis qu’elle avait au lycée s’était progressivement éloignés d’elle, rebutés par sa souffrance qu’ils ne comprenaient pas et tout simplement par la distance. Pour ne rien arranger, sa mère avait une fâcheuse tendance à vouloir la garder à la maison – ou tout du moins sous son œil inquiet – par peur qu’elle tombe à l’extérieur, qu’elle se fasse agresser, qu’elle n’arrive plus à rentrer seule... Lors d’une de ses tentatives très adolescentes de filer en douce, dans sa hâte, Loanne avait trébuché sur le perron et s’était démis l’épaule. De fait, elle ne mourrait pas d’envie de retenter l’expérience aujourd’hui, parce qu’une chute par semaine, cela suffisait bien, merci beaucoup. Elle leva les yeux sur l’escalier responsable de l’accident en question et réprima une nouvelle grimace. C’était à cause de ces fichus marches que sa hanche droite lui faisait un mal de chien – plus que d’habitude, s’entend.

En somme, Loanne avait beau tenté de rassembler tous les fragments de son optimisme et de sa bonne humeur, elle parvenait à la même conclusion à chaque fois qu’elle s’appesantissait un tant soit peu sur la question : sa vie actuelle était merdique – n’en déplaise à sa mère pour le juron – et son séjour sur Mney’Sa n’avait fait que mettre en lumière tout ce qui lui manquait. Pour un peu, elle se serait rappelé sa foi catholique et elle aurait prié, toutefois les mondes parallèles, cela lui paraissait un peu trop éloigné de la Bible pour que Dieu ait une quelconque chance de lui venir en aide. Elle ne rêvait que de deux choses : ne plus être sur Terre, et ne plus être vivante. Elle n’avait pas d’idées noires en général, non, pas du tout, seulement être un fantôme, cela représentait quand même de sérieux avantages, surtout pour quelqu’un qui souffrait qu’une maladie chronique. Et être un fantôme, sur Mney’Sa, c’était possible – elle en avait fait l’expérience.

La sonnerie de la porte d’entrée la fit sursauter. La jeune fille hésita un court instant, puis décida que tout valait mieux que de rester plantée en plein milieu du couloir à se morfondre sur son sort. Elle s’approcha de la porte, la déverrouilla, manœuvra son fauteuil roulant pour s’écarter et ouvrit le battant. L’air froid qui s’engouffra dans l’ouverture la fit frissonner, puis son attention se porta sur ses visiteurs – un garçon et une fille, dont l’expression passa de la déception à la joie en l’apercevant, mêlée de quelque chose plus proche de la surprise. Ses yeux noisette à elle s’écarquillèrent de surprise lorsqu’elle les reconnut. Shao et Mercy.

« Je… Vous… »

Elle s’interrompit, balaya du regard les environs, puis jeta un rapide coup d’œil à ses mains. Impossible de voir le carrelage à travers, malheureusement.

« Bon, on est toujours sur Terre. Comment vous m’avez retrouvée ? »

Une voix s’éleva, provenant des profondeurs de la maison, les empêchant de répondre :

« Loanne, je t’ai déjà dit que je pouvais me charger d’ouvrir quand- »

La petite femme s’était empressée de venir au secours – croyait-elle – de sa fille, et elle s’arrêta en avisant les deux jeunes qu’elle ne connaissait pas.

« M’man, ce sont des… euh… des amis du lycée ! J’avais, euh, oublié qu’ils devaient passer pour… euh… prendre de mes nouvelles, s’empressa d’expliquer Loanne en jetant un regard appuyé aux deux autres pour qu’ils jouent le jeu.

— Oh, bien, très bien. Ça faisait longtemps que tes amis n’étaient plus passés, je croyais que-

— Ouais, bah, ils sont là, » la coupa Loanne.

Elle était d’ordinaire agréable avec sa mère, elle savait qu’elle ne voulait que son bien, mais elle avait moyennement envie de l’entendre clamer que tous les autres l’avaient abandonnée devant les deux qui étaient, eux, partis à sa recherche.

Elle remarqua du coin de l’œil Mercy qui serrait les poings, et pria dans un recoin de son esprit que sa mère ne se demande pas comment cette grande jeune femme aux bras musclés avait pu devenir amie avec sa discrète, sa frêle petite fille.

« Alors, reprit plutôt sa mère, tu veux les inviter à rentrer ? »

Loanne eut une vision de sa chambre de petite fille – les murs d’un rose pâle et la frise florale qu’elle n’avait jamais pris le temps de retirer, les piles de vêtements, de livres et d’affaires de cours, le tout couronné par un tapis de yoga et un ballon pour l’autoprogramme prescrit par le kiné – et parvint très vite à la conclusion qu’elle n’avait qu’une envie très limitée de voir Shao et Mercy au milieu de ce bazar aux relents enfantins.

« Je peux pas sortir plutôt ? couina-t-elle avec espoir.

— Mais les marches du perron, en fauteuil- et, pour aller, où ? Et si tu-

— On peut l’aider pour le perron, M’dame, vous savez, intervint Mercy en faisant un pas en avant. Enfin, si ça ne te dérange pas, Loanne ? Et après, on a une voiture. »

L’intéressée lui adressa un grand sourire, soulagée de la voir interrompre la tirade de sa mère.

« T’inquiète M’man, ça va bien se passer.

— Du coup, tu préfère essayer de descendre toute seule ou on te porte avec le fauteuil ? »

Mercy ne lui parlait qu’à elle, sans même jeter un coup d’œil vers la propriétaire des lieux, et c’était puéril, mais Loanne lui en était reconnaissante. Trop souvent, les gens – médecins, professeurs, amis de la famille, inconnus – ne lui adressaient pas la parole quand elle était en fauteuil, posant plutôt les questions à sa mère, ou alors semblaient penser que parce qu’elle était au même niveau qu’un enfant, elle en était une. Alors pour une fois, se sentir un être humain à part entière, pas la « pauvre petite handicapée » ou « la fille de Corinne, qui lui fait bien du souci quand même... », c’était agréable.

« Tu peux me porter ?

— Yep, si Shao arrête de se faire passer pour une statue. Prête ? »

 Loanne hocha la tête alors que le garçon s’empressait de venir se placer de l’autre côté de son fauteuil.

« Mais, et si- lança encore sa mère.

— S’il se passe quoi que ce soit, ils seront là pour moi. On file, » ajouta-t-elle plus bas à l’intention des deux autres.

Mercy gloussa et lui emboîta le pas – le roulement ? – quand Loanne activa le petit moteur de son fauteuil sans plus de cérémonie. La vibration familière se communiqua à ses cuisses alors qu’elle sondait le trottoir du regard, à l’affût d’une irrégularité de l’asphalte. Ils tournèrent au coin de la rue, hors de vue de sa maison, et elle ralentit sensiblement, jusqu’à s’arrêter. Un coup de vent la fit frissonner.

« Vous auriez pas pris un gilet en plus, par le plus grand des hasards ? s’enquit-elle en se dévissant le cou pour croiser leurs regards.

— Il doit y en avoir un dans ma voiture...

— Qu’est-ce que tu fous en T-shirt en octobre, pour commencer ?

— Bah, j’avais pas prévu de sortir. Et puis j’avais un peu oublié qu’il faisait froid dehors, je crois. Au moment où la saison froide a commencé, sur Mney’Sa, j’avais déjà plus de corps. Ah, purée, ça semble tellement... bizarre de dire ça aujourd’hui, là, dans cette rue. À côté de ce lampadaire. »

Ils s’entre-regardèrent. La rouquine se mordit la lèvre pour retenir un gloussement, échoua, et sa soudaine hilarité se propagea aux deux autres. Leur drôle de trio s’attira le regard étonnée d’un jeune homme qui promenait son chien sur le trottoir d’en face.

« Allez, on bouge ? lança-t-elle quand elle se fut un peu calmée. Vous voulez aller où ?

— On a repéré un coin sympa sur la route pour venir.

— On est en voiture, comme Mercy l’a dit. C’est par là, ajouta Shao en désignant l’autre côté de la rue. Au fait, il se plie, ton fauteuil ? Pour le mettre dans le coffre...

— Oui, c’est pas un problème. Juste, on peut chercher un bateau sur le trottoir pour traverser ? J’suis à roulettes. »

L’expression lui tira un petit rire et, la voiture rejointe, ils l’aidèrent à s’installer sur la banquette arrière. Quand le jeune homme tourna le contact et que le moteur se mit en marche, Loanne prit enfin la mesure de ces dernières minutes.

« Bon dieu, ce que vous m’avez manqué ! s’exclama-t-elle. J’ai cru devenir folle.

— Putain, avec une mère comme la tienne, ce n’est pas surprenant ! Je déteste les parents-poule.

— Mercy, pourquoi ça ne m’étonne pas de ta part... commenta Shao entre deux manœuvres pour s’extirper de son stationnement.

— Je sais, je sais. Mais attends, quand elle s’est inquiétée que tu descendes les marches avec ton fauteuil… ça veut dire que tu n’es pas sortie de chez toi depuis… qu’est-ce qui t’est arrivé, en fait ??

— Non, par rapport aux sorties, je suis pas assignée à domicile quand même... répondit la rouquine. Mais ma mère ne fait confiance qu’à l’infirmier pour me porter quand j’ai besoin de mon fauteuil. Ensuite, ce qui m’arrive, c’est que la spondy vient de se rappeler à mon bon souvenir.

— Ta maladie, là ?

— Tout juste. Grands dieux, j’avais oublié à quel point ça faisait mal… Et puis, pour ne rien arranger, je me suis cassé la figure le lendemain de mon retour sur Terre. Je crois… je crois bien que j’ai été un fantôme pendant tellement de temps que j’ai oublié comment mettre un pied devant l’autre correctement. »

Après un instant de flottement, ils se mirent à rire à nouveau. Autour d’eux, les dernières maisons de la ville défilaient à toute allure.

« Sérieux ?

— Oui, sérieux ! Je me suis aussi pris un mur en pleine face, samedi, parce que j’étais persuadée que je pouvais passer à travers… Pour ma défense, je venais tout juste de me réveiller. »

Nouveaux gloussements. Loanne croisa le regard de Shao dans le rétroviseur central et il lui sourit, avant de reporter son attention sur la route.

« Au fait, on va où ? s’enquit-elle. Je devrais peut-être en informer ma mère, histoire qu’elle appelle pas les flics pour kidnapping...

— Un coin sympa, on t’a dit. Elle a pas besoin d’en savoir plus.

— Il y a un lac à dix minutes de route d’ici, élabora gracieusement Shao.

— Oh. Cool ! »

Un quart d’heure plus tard, le soleil d’automne fit une timide incursion de derrière les nuages, joua un instant sur l’étendue d’eau aux reflets d’argent et vint réchauffer les trois jeunes installés autour d’une table de pique-nique. Mercy s’était allongée dessus, Shao était sagement assis sur les bancs en bois qui l’encadraient de part et d’autre après avoir installé le fauteuil de Loanne à côté de lui. Un moineau s’époumonait à quelques pas d’eux.

« Vous savez, je ne pensais pas que j’en viendrais à regretter les piaillements de ces putains de pilpils.

— C’est étrange, les habitudes, hein ? renchérit la rouquine. Je me suis rendue compte que les plantes mouvantes me manquaient, aussi, alors que tu te rappelles l’enfer qu’elles nous ont fait vivre dans ces marécages ? »

Elle grimaça au souvenir de cette végétation qui avait la fâcheuse caractéristique d’être bien plus véloce que sur Terre. La forêt de Co’arayse avait en effet mis toute son énergie à les empêcher d’atteindre les steppes à grand renfort de racines, des lianes et de fourrés, sans même parler de l’énorme arbre qui n’aurait pas fait rougir le vieux saule du Seigneur du Anneaux ou son frère cogneur dans Harry Potter. Pourtant, la jeune fille avait déjà acquis son statut d’ectoplasme à ce moment-là, donc les plantes n’avaient pas pu grand-chose contre elle. Ceci dit, ç’avait peut-être été pire de regarder ses compagnons se débattre en ayant douloureusement conscience de son impuissance, ceci dit.

« Et pourtant, reprit-elle, j’ai trouvé le parc bien ennuyeux et statique ces derniers jours…

— Moi, les moyens de locomotion m’ont semblé beaucoup trop inertes, intervint Shao. J’ai tenté de parler à ma voiture, par habitude, avec les estrys.

— Vraiment ? s’amusa-t-elle. Tu as dû te sentir un peu bête.

— Sûrement pas plus que d’habitude… intervint malicieusement Mercy.

— Ta gueule. »

Elle ricana.

« Tout me paraît bizarre, étranger, en fait, reprit-il. Je m’attends toujours à trouver le soleil à son zénith en plein milieu de la nuit, par exemple…

— Oui ! J’ai presque peur du noir, maintenant !

— Tu avais déjà peur du noir, Loanne. Je me rappelle très bien une certaine demeure abandonnée… pas toi ? »

La rouquine se saisit d’un gland qui traînait sur la table et l’envoya sur son ami.

« Hé ! »

Elle s’esclaffa, avant de grimacer alors qu’une décharge de douleur parcourait sa poitrine.

« Ça va ? s’inquiéta-t-il aussitôt.

— Hum… Ma cage thoracique fait des siennes ces derniers jours. »

Un silence un peu embarrassé tomba sur leur trio.

« Dans un registre plus sérieux, ce qui me manque, c’est d’être un fantôme, avoua finalement Loanne. Ça sert à quoi d’avoir un corps, dites ? Surtout quand il est aussi déglingué que le mien…

— Sur Terre, il paraît que c’est pratique, tenta de plaisanter Shao. Rapport à l’absence de magie et au côté… définitif de la mort, je veux dire.

— Puis n’importe où, ça sert à mettre son poing dans la gueule d’un abruti. Ou à baiser. »

Deux regards réprobateurs se tournèrent vers Mercy, qui se redressa en position assise sur la table et leur adressa un sourire carnassier :

« Bah quoi ? »

 Loanne secoua la tête d’un air faussement affligé.

« Je ne me sens pas de taille à frapper qui que ce soit, et le… l’autre truc, j’ai jamais vraiment testé.

— Tu es asexuelle ? »

La rouquine esquissa un hochement d’épaules.

« Je sais pas trop. Peut-être. En tous cas, ce qui me manquait, à la limite, c’était les câlins. »

Elle hocha la tête plusieurs fois, soudain pensive, avant d’être prise au dépourvu par le grondement qui s’éleva de son estomac, faisant glousser les deux autres.

« Je crois que tu as faim, s’amusa Mercy.

— Je crois que j’ai encore oublié de déjeuner. Fantôme, tout ça, vous sav- hé ! »

Elle rattrapa de justesse la barre de céréales, sortie d’une des poches du blouson de Mercy.

« Merci. »

Un groupe d’enfants passa à côté d’eux, un ballon rouge au centre de leur essaim glapissant.

« Je n’ose même pas faire la liste de ce qui me manque, de là-bas, déclara Shao une fois que les oreilles indiscrètes se furent éloignées. Le monde, les villes, la magie, les gens… surtout les gens. »

Loanne tendit le bras pour poser la main sur sa cuisse, devinant qu’il pensait à Aki, son compagnon. Elle-même n’avait pas trouvé l’amour là-bas, mais elle avait rencontré Erebora, une vieille dame qui, en quelques mois, s’était imposée comme une figure maternelle bien plus fantasque et amusante que sa mère à elle. De plus, puisqu’elle était tout aussi immatérielle que la jeune fille elle-même l’avait été, elle avait pu lui apprendre comment gérer sa toute nouvelle condition de fantôme et ainsi éviter de se balader la tête en bas à cause d’un caprice d’une gravité inexistante.

« Mney’Sa, en fait, déclara Shao à brûle-pourpoint.

— Quoi ?

— C’est Mney’Sa toute entière qui nous manque. »

 Loanne resta silencieuse quelques secondes, puis laissa échapper un petit rire. C’était toujours mieux que d’éclater en sanglots.

 

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Hinata
Posté le 18/05/2019
 
  Yes ! J'aime beaucoup  le personnage de Loane, et surtout je trouve hyper naturel la façon dont tu fais comprendre qu'elle était un fantôme dans l'autre monde mais sans trop rentrer dans les détails, c'est PARFAIT ^^ 
Rimeko
Posté le 18/05/2019
Oh, je suis spécialement contente que ce chapitre t'ait plu, parce que j'avais eu des retours plus mitigé par d'autres lecteurs ^^ Je compte quand même le corriger un peu, surtout pour rendre sa mère moins étrange et caricaturale (et aussi évitez que tous les parents soient vraiment nuls dans cette histoire lol)...
Jowie
Posté le 02/04/2019
Salut ! Oui je viens après une durée scandaleuse (c'est de la faute à IRL) pour continuer ma lecture!
Dès le début, tu nous représentes Loanne d'une manière très terre-à-terre et réaliste. On comprend directement que, comme les personnages précédents, elle avait compensé quelque chose dans l'autre dimension et chez elle, c'était de vivre avec la maladie. J'adore comme chaque personnage est vulnérable et défavorisé d'une manière différente et que, une fois en dehors de Mney'Sa, est comme dans une situation de manque. Tu évoques des thèmes très intéressants, je me demande si en tant que lecteurs ou amateurs de jeux vidéos par exemple, on essaie pas de s'”évader” des difficultés de notre quotidien aussi.
J'ai été surprise de voir que sa mère la vouvoyait. Si l'histoire se passait au siècle passé, pas de problème, mais comme le contexte me semble assez proche du nôtre, ça m'a un peu déstabilisée. Aussi, quand Loanne s'adresse à sa mère, elle utilise des formules soutenues qui font un peu bizarre dans un contexte moderne et surtout dans une relation mère-fille (même si c'est clair que sa mère n'est pas la personne la plus chaleureuse du monde). Je pense à “Mère, ne puis-je pas sortir avec eux ? “
Les dialgues entre les jeunes sont vraiment très naturels et dynamiques, je me suis retrouvée absorbée. En tout cas, j'ai adoré quand Loanne est partie avec ses amis en claquant la porte ! Que ça a dû lui faire du bien ! C'était tellement satisfaisant ^^
J'ai beaucoup aimé ce chapitre qui, en plus de nous présenter un personnage, fait également avancer l'histoire. Un truc que j'aime aussi (mais ça c'est valable pour tes histoires et tes dessins en général), c'est que tu représentes tellement de gens différents, que ce soit par rapport à leur orientation sexuelle, leur ethnie et leur condition de santé. Bref, je m'incline ;)
Petites coquilles:
qu’une maladie chronique. // Et être un fantôme → Je ne sais pas si c'est juste un beug de compatibilité sur FPA mais il y a un // qui s'est faufilé ici
« Loane, je t’ai dit que je ne voulais pas être dérangée ! → dans le reste du texte, tu écris “Loanne”
après avoir installé le fauteuil de Loane à côté → là aussi c'est écrit “Loane” avec que un “n” et dans la suite du texte tu continues à l'écrire comme ça. Du coup, je ne sais pas lequel est “le bon” ;-)
Rimeko
Posté le 02/04/2019
Salut ! C'est pas grave, je suis la première à prendre du retard partout, alors t'inquiète pas pour ça :P
Oui, j'ai essayé de répéter le même "schéma" pour chaque perso, en espérant que ça ne se ressemble pas trop au final... (J'avais peur que ça soit un peu redondant) Et oui, on parle souvent de la fiction en général et de la fantasy en particulier comme un moyen de s'évader, alors je voulais jouer un peu sur ça aussi ! Parce que j'ai parfois eu l'impression en lisant certains bouquins jeunesse (ceux avec cette fameuse fin dont je prends le contre-pied avec cette histoire) que la "morale" était que notre monde suffisait, comme pour dire aux lecteurs que les livres pouvaient les aider, les distraire, mais que la vraie vie se trouvait à côté. Alors je dis pas que c'est pas le cas, hein, mais ça me semblait effectivement intéressant de jouer avec ces thèmes... Contente qu'ils transparaissent du coup !
C'est pour ça que je dois réécrire ce chapitre XD J'ai voulu qu'elle ait une mère genre grande-bourgeoisie / ancienne noblesse, froide et un peu hautaine, mais je suis tombée dans la caricature... Surtout que le reste des parents évoqués dans cette histoire sont absents et/ou horribles, donc, euh... oops ?
Et ça me fait plaisir de lire que les dialogues fonctionnent bien ! J'ai toujours un doute par rapport à leur justesse, à ces bestioles :P
Oh, et à propos de la réécriture future de ce chapitre (qui devrait arriver bientôt... je dis ça depuis deux mois, mais chut...) : j'avais eu des retours précédents disant que Loanne était un peu caricaturale, et que rien ne semblait la retenir sur Terre donc que ça manquait un peu de dilemne... ? Tu en penses quoi ? (Bon, apparemment, tu as l'air de l'avoir aimé, mais ^^)
Oui, la Rimrim aime bien la diversité :P C'est un peu ce qui me pousse à écrire, en fait... (En plus de tout ce petit monde qui bavarde dans ma tête) Je suis assez militante pour tout ce qui concerne la tolérance, et comme je sais à peu près raconter des histoires, je me dis que ça peut être un bon moyen d'agir ! Et puis, en tant que lgbt+ et autiste, je sais à quel point c'est important de rencontrer des personnages comme nous dans les fictions...
Coquillettes corrigées ! (Le "//", c'est ma façon de compter les mots pour le PArathon XD Je sais que j'ai déjà comptabilisé les mots qui se trouvent avant...) (Et l'orthographe correct, c'est bien "Loanne" - oui, je suis un boulet qui n'arrive même pas à écrire le nom de ses propres persos) (je fais ça avec un des narrateurs de mon projet-gruyère aussi lol)
Rachael
Posté le 15/11/2018
Bon, alors là j’ai un peu moins marché en ce qui concerne la relation entre Loanne et sa mère/génitrice. J’avais déjà trouvé un peu « too much » la scène entre Ndeye et sa mère, mais là, je trouve que la mère de Loanne est vraiment dans la caricature. En plus, deux mère horribles l’une après l’autre, ça manque de nuance, je trouve. Et comme tu dis dans le chapitre 1 que le « géniteur de Shao a disparu, on dirait bien que tous les parents sont abusif ou horribles ou absents…  Du coup, autant les personnages sont attachants, autant le côté parent ne sonne pas trop juste, ce qui est dommage.
Les allusions au monde de Mney’Sa sont sympas, ça donne un avant-goût de ce monde à distance par le souvenir.
 
Détails
qu’elle ne l’avait espéré : le « ne » alourdit (et on peut s’en passer…)
une habitude qu’elle n’oserait jamais tenir : tenir une habitude, c’est bizarre
elle se serait rappelé de sa foi catholique : elle se serait rappelé sa foi catholique (transitif direct)
génitrice : 3 fois dans le chapitre, c’est beaucoup.
s’enquit-elle Loane : s’enquit Loane.
pic-nic : pique-nique
Elle grimaça au souvenir de la végétation… phrase longue
Puis n’importe n’où : Puis n’importe où ?
Rimeko
Posté le 29/08/2019
Bizarre, je pensais t'avoir déjà répondu... (oui je veux me débarrasser des petites alertes commentaires non lus lol)
J'ai corrigé les coquillettes, merci de les avoir relevées ! (Juste : j'avais voulu écrire "attitude" au lieu de "habitude", oups)
Quant au problème de la mère de Loanne, j'avais déjà noté sur mon doc que tous ces "mauvais" parents, ça faisait décidément trop. Je voulais donner à mes persos le moins de raisons possibles de rester sur Terre, mais du coup j'ai un peu forcé le trait et ça passe pas trop. Je dois toujours corriger cette nouvelle d'ailleurs, je pense rendre la mère de Loanne sur-protective au final... Elle sera toujours chi*nte mais au moins ce sera avec de bonnes intentions XD
Rachael
Posté le 29/08/2019
Ah, ah, moi aussi j'ai quelques vieilles alertes chelous...
Mart
Posté le 14/11/2018
Je viens de lire le troisième chapitre.
J'admire la diversité de tes personnages, ainsi que la force que tu leur insuffles. Ndeye et Loanne sont super bien décrites. Un peu caricaturales peut-être, mais ça ne m'a pas gêné.
J'aime beaucoup ta façon de raconter des anecdotes de leurs aventures sur Mney'sa. Il y a peu de cohérence entre les épisodes décrits, mais l'illusion reste parfaite : on n'en a que quelques éléments, mais on croit à la quête épique.
J'ai bien ri des difficultés d'adaptation de Loanne (voulant traverser les murs, la maladie est moins marrante...) et me suis révolté avec Ndeye contre sa détestable mère.
Je pense par contre que le désir de retourner sur Mney'sa m'a plus touché pour Shao. Oui, il y a laissé son compagnon, mais sur Terre aussi, il laisserai des gens, alors que les deux filles... Rien ne semble les retenir en fait. Et ça les rend très sympathiques (ne me comprends pas mal, on vit avec elles), mais rend la décision facile.
Pas qu'il y ait encore de décision... Ce qui rend la situation pathétique (bien que l'espoir soit là, avec ce mystérieux portail ^^).
Breeef, j'ai apprécié et me garde un bout pour demain ^^. 
Rimeko
Posté le 14/11/2018
Créer des persos, c'est ce que je préfère dans l'écriture je crois, donc ça doit se sentir un peu ^^ Et  oui, c'est dur de nuancer des persos en peu de mots... Je vais voir quand même si je peux pas faire quelque chose, j'aime pas trop les caricatures :P (Petite question : en quoi trouves-tu Loanne caricaturale ? Je veux dire, Ndeye se définit autour de sa colère et de son côté un peu... uh... "gros bras" on va dire, mais Loanne j'arrive moins à la cerner ^^)
Contente que la quête soit crédible ! (Parce qu'en vrai c'est beaucoup de poudre aux yeux, je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé lol)
Je me suis fait rire toute seule en imaginant quelqu'un qui trébuche sur ses propres pieds en retrouvant un corps physique, alors :D
Oui, c'est une remarque intéressante ! Je vais peut-être chercher à leur donner des attaches sur Terre, pour rendre le tout un peu plus dilemn-ique (ce mot n'existe pas, je sais)...
J'ai hâte de connaître ton avis sur la suite ! Merci de ta lecture <3
Dust
Posté le 25/06/2019
Alors pour le chapitre. Effectivement bien sympathique. On distingue facilement les 3 personnages avec leurs caractères et leurs retrouvailles sont sympathiques.
Les trois semblent particulièrement en manque. A croire que les mondes fantasy en ce moment c'est ce qu'il y a de mieux pour les vacances. (En même temps, la mort non définitive ça a quelque chose d'attrayant il faut l'avouer.)
Un asiatique, une femme noire et une jeune fille asexuelle atteinte d'une maladie chronique sont assis dans une voiture. On dirait le début d'une blague mais ça fonctionne. J'ai haussé un sourcil en voyant Ndeye qui voulait déjà zigouiller la mère de Loanne (parce que les gens comme ça dans la société c'est dangereux quand même) mais le reste coule bien. Leurs interactions sont sympas et le côté "fantôme" est intéressant (et très peu vu)
Concernant le commentaire... heeuuu pour la blague sur le prénom, il faut me connaitre un peu. J'ai la sale manie de faire de l'humour noir ou rasciste au second degré. (Peut-on rire de tout? Oui si c'est drôle). Vaut mieux que j'évite pour éviter de me faire incendier dans les commentaires et bannir de PA.
En vérité, pas besoin de beaucoup d'action. C'est déjà intéressant comme ça. On est dans la présentation des personnages donc logiquement l'intrigue n'arrive que plus tard. Et quand bien même sur Terre, on évite de se mettre sur la tronche sans raison (N'en déplaise à Ndeye) 
 
Rimeko
Posté le 25/06/2019
Je suis contente qu'on les distingue bien !
Et oui, ce sont des gens qui ne se "plaisent" pas sur Terre, qui ont vraiment trouvé leur place sur Mney'Sa, malgre tous les défauts de ce monde, donc ils sont pas vraiment ravis d'en avoir été éjectés :P (Et la mort est définitive là-bas aussi, parce que sinon il y aurait beaucoup de trop de morts, sauf si elle est survenue dans des circonstances particulières)(soit dans un lieu sacré en fait)
Hum, oui, j'ai toujours peu d'en faire un peu trop... (en même temps, si je prends ma bande de potes, il y a une atteinte d'une maladie chronique, trois gays, deux bis (dont une asexuelle), un Latino, deux asiatiques et trois plus ou moins arabes (genre, y a des métis), le tout sans me compter XD)
Ndeye est impulsive, mais non elle ne tuerait jamais la mère de Losnne, c'est uste l'envie du moment. T'as jamais eu envie de trucider quelqu'un qui te saoule ? :P
J'ai même envie de développer un peu le côté fantôme, mais...
Oui, l'humour au second degré passe moyen à l'écrit / sur Internet en général ^_^
Tu sais que cette histoire est finie hein ? Donc qu'il n'y a plus que deux chapitres ? Non, parce que désolée de te décevoir, mais y a vraiment pas d'action XD 
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