Lettre 4

Par Cricri

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Ma très chère dame,

 

 

L'humidité de votre nouvel habitat semble vous rendre bien aigre, et développe chez vous un sens du drame qui vous sied mieux qu'à moi. Quel désespoir, quelle emphase ! Vous auriez grand succès sur la scène d'une tragédie, croyez m'en. Je vous ignorais de tels talents de dramaturge.

 

Tout est de mon fait, dites-vous ? De votre voyage malheureux à travers ces traîtres marécages jusqu'au secours providentiel de ce pauvre bougre que vous poursuivez de vos plaintes ? Vous avez là une imagination à laquelle je ne puis moi-même prétendre. J'ignore ce dont vous voulez parler : je n'ai fait que vous laisser libre de vos actions, ce dont, j'en suis convaincu, vous rêviez. La situation qui est la vôtre à ce jour ne résulte que de vos propres choix, hasardeux, il est vrai, et hautement critiquables. Vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-même.

Je remarque cependant que vous n'avez pas tenu compte de mon avertissement vous enjoignant de cesser toute correspondance avec moi. Durant combien de temps encore comptez-vous vous imposer à ma mémoire ? Je n'ai plus guère de temps à vous consacrer, et ne m'en porte que mieux. Avez-vous idée de la place que vous preniez dans ma vie, avant que je ne décide de me séparer de vous ? Vous ne faisiez que monopoliser mes trop rares instants de tranquillité, foulant du pied ma fragile paix intérieure. N'avez-vous donc aucune pitié ?

 

Je vous ai accordé votre liberté, espérant par ce geste recouvrer la mienne. Serais-je donc responsable de vos entêtements ? Vous avez tenté de vous approprier ma vie, la brisant petit à petit sans la moindre compassion. Je ne me sens aucune obligation envers vous, désormais, comme cela eût toujours dû être. Je me moque que mes paroles vous choquent ou vous chagrinent. Les choses ne sont-elles pas mieux ainsi ? Je n'ai plus à me soucier constamment de vous, et vous-même n'avez plus rien à craindre de moi. Quelle raison reste-t-il de se plaindre ? Vous pouvez bien sortir de ce bourbier par vous-même, à présent.

 

Quoi qu'il en soit, je ne vous porte aujourd'hui plus le moindre intérêt. Ce que vous faites de votre vie, à quoi vous occupez vos heures, tout cela ne m'inspire que la plus ferme indifférence. Vos suppliques pas plus que vos allusions et vos accusations ne me touchent. N'espérez plus rien de moi.

 

 

Adieu.

 

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coeurfracassé
Posté le 29/10/2022
Que se passe-t-il ? Qui est cet homme ? Je ne peux me défaire de cette lecture ; je dois continuer, à tout prix. Jusqu'où va nous mener cette histoire ? Est-ce une vieille querelle ?
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