Les cerises

Par Kieren
Notes de l’auteur : Voyage voyage !....

Les cerises

 

Quand on est petit, les cerises ça sert à plein de choses : on peut en faire des boucles d'oreilles, on s'amuse à en mâchonner la queue, on joue à ''Qui crache le plus loin'' avec le noyau, et on les mange (si si, je vous promets !!). Leur chair écarlate brille à la lumière et colore nos vies. Petites perles rouges qui roulent sous la langue, aussi chaudes et sucrées que le Soleil.

D'où viennent elles ? De très loin je dirais.

 

Elles ont été ramenées par un homme vêtu de rouge, celui ci les échangeait contre de l'encre noire. Il était peintre, et il utilisait beaucoup d'encre noire, aussi noire que les ombres les plus sombres de la pénombre.

Cet homme n'était pas triste, au contraire, il était bon et généreux, il aimait juste la réalité et il trouvait que les ténèbres mettent bien en relief ce qui existe et ce qui n'existe pas.

 

Un soir d'hiver, alors qu'il peignait la neige, il remarqua qu'une coccinelle avait pénétré dans sa maison par une faille sous sa fenêtre.

Il faut savoir que les coccinelles n'ont pas toujours eu des points noirs sur leurs carapaces ; elles ont toujours été considérées comme une bénédiction, mais à l'époque, elles étaient toutes rouges.

L'homme regarda la nouvelle venue, la prit délicatement dans sa main, et la plaça dans un bol qu'il remplit de coton. Cette dernière y hiberna jusqu'au printemps, elle se réveilla, puis s'envola.

 

L'hiver suivant, d'autres coccinelles vinrent chercher refuge chez le peintre. Ce dernier leur réservait toujours le même accueil. Et il en vint de plus en plus, et cela le fit rire.

Cependant, il se demanda ''où'' partaient elles, le printemps venu ?

Alors, lorsque les fleurs commencèrent à éclore, il prit la décision de les suivre.

 

Ils traversèrent ensemble des champs, des forêts, des lacs. Ils gravirent des montagnes, le peintre marchant derrière, les coccinelles volant devant.

Ils arrivèrent sur un plateau, où l'herbe verte s'étendait telle la mer à perte de vue, un rocher surplombé d'un arbre trônait, quelque part, perdu dans cette immensité. Une grotte s'y dessinait en dessous.

Les coccinelles s'y engouffrèrent, le peintre aussi.

 

Il faisait noir et humide, l'homme marcha en silence, dans l'inconnu des ténèbres. Il s'y sentait bien.

Et puis un courant d'air se fit sentir, et une lumière se distingua au loin. La sortie était là, et le paysage aussi.

 

Le peintre n'en crut pas ses yeux. Devant lui s'ouvrait un monde tellement différent de ce qu'il connaissait : des soleils rouge pourpre étaient perchés au sommet d'arbres gigantesques, plus hauts que des montagnes, plus spacieux que des villes. Leur tronc plongeait dans une mer de nuages dont il était impossible de voir le fond, et ce paysage s'étendait à l'infini.

Le peintre regarda autour de lui, il était sur un sol d'écorce, des failles et des branches colossales se dressaient sur sa route. Des feuilles aussi grandes que des maisons couvraient le ciel, certaines étaient tombées à terre.

 

L'homme avança, et explora ce nouveau monde.

 

Il comprit qu'il était lui même sur un arbre, dont le sommet était surplombé par un soleil pourpre. Il croisa des insectes gigantesques, éminemment pacifiques, qui grignotaient l'écorce et les feuilles mortes.

Et il rencontra d'autres coccinelles, plus petites, celles de notre monde, plus jeunes, lorsqu'elles sont encore jaunes. Ces dernières se rassemblaient vers des ruisseaux de poussière écarlate, et plongeaient dedans, pour en ressortir rouges, elles aussi. Le peintre décida de faire de même, il sauta dans la rivière et ses vêtements devinrent pourpres.

Il se dirigea au bord d'une falaise, au bord de l'arbre et commença à peindre. Il peignit le paysage, les insectes géants, la rivière et les coccinelles. Ces dernières se montrèrent curieuses et vinrent observer ce nouveau venu. Elles s'invitèrent sur la toile, et elles reçurent quelques gouttes d'encre noire sur les ailes. Des petits points noirs. Le peintre s'arrêta, mais n'osa pas essuyer les petites curieuses, de peur de les blesser. Alors il sourit, et continua de peindre. C'est alors que davantage de coccinelles se pressèrent sur la toile, entourant leurs camarades rouges et noires. Et après concertation, elles se placèrent sous le pinceau, attendant de recevoir des points noirs à leur tour. Le peintre se mit à rire. Des heures durant, il peignit les coccinelles.

 

Aussi, il commença à avoir faim, mais ne se résolvant pas à dévorer ses nouvelles amies, il dessina avec mélancolie un des arbres qu'il voyait à l'horizon, et y ajouta des fruits rouges. De petits points rouges. C'est alors que son dessin se mit à briller, et un arbre en poussa, beau et majestueux, portant des centaines de petits fruits rouges et sucrés. Les cerises étaient nées.

 

Le peintre décida qu'il habiterait là bas désormais. Il vécut des centaines d'années, et il vit encore de nos jours, le temps ne s'écoulant pas de la même façon au monde des coccinelles.

 

Sachez, cependant, que si vous rencontrez un jour un homme vêtu de rouge, qui échange des cerises contre de l'encre noire, vous vous trouvez devant celui qui donna leurs points noirs aux coccinelles.

 

La Mousse

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Hortense
Posté le 07/07/2023
Dans ce conte, j'ai eu le sentiment de déambuler dans les pas de ton peintre, comme dans un rêve éveillé. Je me suis laissée porter par les images très douces et poétiques qui évoquent tour à tour l'innocence, la curiosité, la générosité. Ici l'ombre apparaît tel un révélateur de la beauté du monde.
Ce que j'aime dans tes histoires, ce sont les différents niveaux de lecture. On peut les aborder au premier degré ou y trouver matière profonde à réflexion.
A bientôt et j'irai lire le Thé !
Kieren
Posté le 07/07/2023
Si tu aimes bien cette histoire, sache qu'elle a une suite : "La glace à la cerise", mais je te conseille de lire avant "La Glace" pour retrouver l'autre personnage.
A bientôt, courage.
Edouard PArle
Posté le 12/06/2023
Coucou Kieren !
J'aime bien l'idée de mettre en relation cerise et coccinelle, un fruit et un insecte que j'aime bien (= L'histoire du peintre est très chouette et mignonne.
Ce qui est sympa, c'est que chaque petit conte suit une trame différente, pour l'instant pas de répétition, c'est très agréable !
Je continue...
Kieren
Posté le 15/06/2023
Il y a beaucoup de choses à raconter, on m'avait fait un reproche un jour : je crée des univers différents à chaque fois, avec des personnages que l'on voudrait voir plus souvent =)
Edouard PArle
Posté le 15/06/2023
Oui, ça peut être frustrant mais c'est ce qui fait le charme de ton recueil (=
Herbe Rouge
Posté le 05/06/2023
Un histoire toute mignonne cette fois-ci :)
Plus simple que les autres, mais c'est sympa aussi, ça pourrait faire un joli livre pour les enfants avec toutes ces couleurs :)
Kieren
Posté le 06/06/2023
Il faut que je trouve un illustrateur, mais le projet est tentant.
Herbe Rouge
Posté le 06/06/2023
En maison d'édition traditionnelle, ils ont leurs propres illustrateurs :)
PetraOstach - Charlie O'Pitt
Posté le 17/05/2020
Pendant un moment, je me suis demandée si tu ne t'étais pas trompé de titre :D Le texte est très centré sur l'origine des points noirs sur les coccinelles et moins sur l'origine des cerises. La fin se rattrape bien :)
Kieren
Posté le 21/05/2020
Je fais souvent ça, car en vrai, c'est pas facile de se concentrer uniquement sur l'aliment pour expliquer sa création, les mêmes mécanismes risquent de revenir en boucle, et alors là c'est le drame.
J'ai la faculté de partir très loin pour expliquer un point de vue. Mais comme on dit : "Ce qui est intéressant dans le voyage, ce n'est pas le point d'arrivé, c'est tout ce qu'il y a derrière."
Djina
Posté le 05/05/2020
Petites coquilles identifiées pas sûres:

1- "il aimait juste la réalité et il trouvait que les ténèbres mettent bien en relief ce qui existe et ce qui n'existe pas." -> "il aimait juste la réalité et il trouvait que les ténèbres mettAIent bien en relief ce qui existe et ce qui n'existe pas." => il me semble qu'il existe une règle sur la concordance des temps.

J'ai adoré !!!! La naissance de nos coccinelles contemporaines et des cerises !! Je ne m'attendais pas à ce basculement fantastique mais cette découverte de cet autre lieu te de ce penseur pourpre à l'instar d'un petit chaperon rouge mais créatif et créateur, c'est beau.

Je crois je ne sais pas elle me fait vraiment voyager cette histoire, différemment des autres… Je suis impressionnée par l'étendue de tes mondes imaginaires :)
Merci !
Kieren
Posté le 06/05/2020
Je suis d'accord avec toi pour la coquille, je m'en vais la corriger sur le champ.
Quand j'étais à l'université, mes amis me conseillaient de freiner sur le LSD et l'ecstasy, que j'étais trop créatif quand je racontais des histoires. Problème, c'est que je n'y ai jamais touché. Il faut croire que j'en produis naturellement...
Djina
Posté le 07/05/2020
Que neni, il y a des efffets indésirables aux drogues de ce type là, toi ce n'est pas du planage nocif, c'est du rêve de l'imagination, tu es un créateur (je crois que j'utilisais le féminin avant, désolée!).. Le cerveau sain est une mine qu'il est nécessaire d'écouter pour son propre bien.. Une telle imagination est magique, magnifique, c'est inspirant :)
Djina
Posté le 07/05/2020
(Pour l'anecdote, selon mes ami(e)s, mon sang est une drogue à prendre avec modération. ;) )
Le Saltimbanque
Posté le 24/03/2020
Oooooooooooooooh c'est trop meugnon !!!
C'est un peu mon état de base quand j'ai fini la nouvelle.

J'ai adoré le premier paragraphe: prendre les différents états de la cerise, lister les différents usages possibles, finir par "elles viennent de loin", ça fait poser plein de question en plus de présenter l'atmosphère plus enfantine et joueuse du texte.

Après j'ai tout de suite été surpris en voyant que le focus du texte allait être sur la relation entre un peintre et les coccinelles. Surpris, et un peu méfiant d'ailleurs: au premier abord, de 1 les coccinelles ne m'ont jamais intéressé plus que cela de 2 à partir du moment que tu mentionnes le fait qu'elles n'ont pas de points j'ai deviné tout de suite que le peintre allait les mettre plus tard.

Donc question mystère, je partais pas du meilleur pied. Mais pourtant j'ai quand même pu lire le texte sans problème, grâce à un aspect qui ne m'avait pas trop marqué dans tes précédents textes : une réussite pour le rendre très visuel. J'arrivais toujours à "voir" ce que le peintre voyait, c'était très immersif. Les descriptions sont efficaces sans ennuyer. Bien joué.

Comme toujours, c'est hyper créatif. La caverne qui donne sur un monde hyper ouvert, l'omniprésence du rouge, le fait que les coccinelles jaunes deviennes rouges en trempant dans une rivière... j'ai vraiment voyagé.

Alors surtout, continue ! J'ai hâte de voir quel monde tu vas créer quand tu vas t'attaquer à la malbouffe... et à quand le monde post-apo des choux de Bruxelles ?
Kieren
Posté le 25/03/2020
Je suis content que tu arrives à "voir" ce que j'écris, les passages descriptifs ne sont pas tout le temps intéressants.
Je connais une fanfiction en anglais qui réussi très bien dans ce domaine là, elle s'appelle "Austraeoh", là vous prenez un dico d'anglais et vous allez avoir tout de suite envie de vous faire un roadtrip !

En ce qui concerne les choux de bruxelles ou le monde post apo, c'est pas pour tout de suite, mais ça peut être très drôle à faire =).
Il faudrait que je réfléchisse à un système pour faire participer mes lecteurs pour me faire choisir un aliment...
Kieren
Posté le 25/03/2020
Quant à la malbouffe... J'ai déjà écrit le chocolat, les glaces, la moutarde... J'ai même fait la tarte au citron meringuée mais elle est pas terrible, je ne suis pas convaincu que je la posterais tout de suite.
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