Le père noël secret

Bianca aimait les fêtes, toutes les fêtes, les fêtes nationales, les fêtes sacrées, les fêtes méconnues.

Pour la Saint Valentin, elle décorait chaque pièce de l’appartement avec des guirlandes de fleurs en papier rose et servait toute la journée des gâteaux en forme de cœur.

Un quatorze juillet, elle avait failli faire brûler leur immeuble en lançant des feux d’artifice colorés depuis leur minuscule balcon.

Le 21 juin, la musique résonnait absolument toute la journée, très tôt le matin jusqu’à tard dans la nuit. Ce tumulte qui ne manquait pas d’exaspérer les voisins qui ne partageaient pas les goûts musicaux très personnels de Bianca.

Mais, la fête que Bianca aimait le plus au monde était Noël. Elle se contenait pendant tout le mois de novembre pour ne pas céder à la tentation de préparer cette fête en avance.

Mais, dès que le premier décembre arrivait, un déferlement de décorations vertes, rouges et dorées envahissaient les meubles, les murs et les fenêtres.

Bianca achetait toujours un immense sapin qui touchait le plafond. Elle le traînait péniblement jusqu’au sixième étage de leur appartement laissant des épines qui jonchaient toutes les marches des escaliers.

Elle cuisinait tous les jours des sablés en forme de bonhomme de neige et de renne qu’elle offrait aux passants en leur souhaitant un joyeux noël avec un large sourire.

Clarissa participait joyeusement à toutes les excentricités de sa tante. Mais, elle écoutait avec une certaine tristesse le récit de ses camarades d’école qui avaient passé noël avec leurs grands-parents affectueux, leurs cousins dissipés et leurs cousines espiègles.  

Quand Clarissa annonça à Bianca que le collège organisait un jeu du père noël secret, la fillette fut extrêmement stupéfaite quand sa tante s’écria : « Formidable, ils ont retenu mon idée ! »

Face au regard interrogateur de Clarissa, Bianca reprit : « Il y a une boîte à idées à l’entrée de ton collège. Tu ne l’as jamais vue ? J’y ai glissé plusieurs suggestions. J’aurais préféré que chaque élève s’habille en vert et rouge ou qu’il porte un bonnet de père noël pendant tout le mois de décembre. Mais j’aime beaucoup le jeu du père noël secret ! »

Chaque élève de la classe de Clarissa devait écrire son nom sur un bulletin qui serait tiré au sort par un autre élève. Ce dernier devrait faire un petit cadeau, sans révéler son identité.

Mme Lomas, leur professeur principal qui était aussi leur professeur de français, fut enchantée par cette initiative. Elle conseilla aux élèves de faire appel à leur créativité pour confectionner leurs cadeaux. Ils pouvaient façonner une sculpture en argile, peindre une carte animée ou écrire un poème en vers, toujours sur le thème de noël.

Clarissa espérait qu’elle tirerait au sort le nom de Jules ou même celui de Souleymane à qui elle pourrait offrir un livre. Elle redoutait de tomber sur Charline ou sur une de ses complaisantes amies.

Clarissa piocha le nom de Marianne. Marianne était la fillette toujours assise seule au premier rang, à la peau d’ébène et aux longues tresses qui avait souri à Clarissa le premier jour.

La fillette portait toujours des vêtements trop amples, des pantalons, des pulls, des vestes larges avec de nombreuses poches.

Les fillettes n’avaient jamais eu l’occasion de discuter. Elle était très discrète, elle parlait rarement et semblait avoir peu d’amis. Clarissa n’était pas très sociable elle non plus. Jules était son premier et son seul ami.

Clarissa essaya à plusieurs reprises de lui parler. A la fin du cours de français, elle quitta très vite sa place, pour marcher sur ses pas. Pendant le cours de sport, elle s’était mise dans la même équipe que Marianne. Dans le rang, en attendant le professeur de physique-chimie, elle s’était placée à côté de la fillette.

Mais, Clarissa n’avait jamais réussi à engager la conversation avec Marianne. La fillette aux longs cheveux noirs impeccablement tressés lui souriait, du même sourire doux qu’elle lui avait fait le jour de la rentrée. Mais, elle ne parlait pas. Clarissa se demanda même si elle avait déjà entendu le son de sa voir.

Clarissa changea de stratégie. Elle décida de l’observer attentivement pour trouver son cadeau pour le jeu du père noël secret. Elle avait envie de lui faire plaisir car même si Clarissa n’avait jamais échangé une seule parole avec Marianne, elle la trouvait douce et gentille.

En salle d’étude, pendant une heure de libre, Jules et Clarissa s’étaient installés tout au fond de la salle. Jules révisait très attentivement ses cours d’histoire-géographie. La fillette en profita pour observer, le plus discrètement possible, Marianne qui se trouvait sur sa gauche, quelques tables devant elle.

La fillette portait un grand sweat et avait glissé ses mains dans les larges poches du vêtement. Elle avait ouvert un cahier et sortit un stylo mais elle ne travaillait pas. Elle aussi observait la salle d’étude.

Charline et ses amis discutaient ostensiblement, sous le regard complaisant de Bruno, le surveillant. Bruno était un homme entre deux âges, ni jeune ni vieux. Il avait rasé son crâne pour tenter de masquer son importante calvitie.

Il portait toujours à la ceinture un énorme trousseau. Il y avait plusieurs dizaines de clés qui ouvraient absolument toutes les salles du collège. Elles étaient attachées à une grande boucle en métal. Toutes ces pièces métalliques tintaient dès que Bruno faisait un pas. Ainsi, les élèves l’entendaient arriver bien avant de le voir, ce qui faisait de lui un piètre surveillant.

Bruno laissait certains élèves, ceux issus des grandes familles de Paterpin comme Charline Tagrenne, bavarder pendant les heures d’étude, doubler les élèves dans la file du réfectoire et arriver en retard en classe.

Mais, tous les autres élèves n’avaient droit qu’aux hurlements de Bruno. Clarissa se demandait même s’il savait s’exprimer sans crier.

Un jour, alors qu’elle marchait vite dans un couloir du bâtiment Violet, Bruno était intervenu. Il s’était posté devant la fillette et s’était penché au-dessus d’elle. Il avait ouvert les bras et vociféré pendant plus de dix minutes en répétant que courir dans les couloirs était interdit, un filet de bave s’échappant de ses lèvres contractées.

Clarissa, qui ne courait même pas, avait préféré se taire et attendre la fin de l’intervention musclée de Bruno. Le surveillant s’était arrêté de crier sur Clarissa pour hurler sur un autre élève qui marchait trop lentement.

Ce jour-là en salle d’étude, Bruno souriait en regardant Charline qui riait très fort en se moquant des élèves qui n’avaient pas réussi à franchir les haies lors de la dernière course organisée par le professeur d’éducation physique. Les autres élèves, ceux qui n’appartenaient pas au groupe sélectif de Charline, regardaient leurs cahiers, craignant les terribles remontrances du surveillant.

Au fond de la salle d’étude, Clarissa continuait d’observer discrètement Marianne qui ne semblait pas l’avoir remarquée. Elle avait toujours les mains dans les poches de son large sweat. Puis, Marianne plongea le bras dans son sac à dos et le ressortit avec des noisettes et des amandes dans le creux de sa main.

Mais, quand Clarissa vit ce qui sortit de la grande poche du sweat de Marianne, la fillette ne put réprimer un cri de surprise qui résonna à travers toute la salle d’étude.

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Edouard PArle
Posté le 21/02/2022
Coucou !
Premiers paragraphes sur Bianca assez amusants, qui lancent bien la suite du chapitre avec le père noël secret.
Deux nouveaux personnages, la galerie s'étend. J'aime beaucoup leur diversité, aucun ne ressemble à l'autre.
Le personnage de Mariane est intriguant et le cliffhanger de fin renforce cette impression.
Une petite remarque :
"Ce tumulte qui ne manquait pas d’exaspérer les voisins qui ne partageaient pas les goûts musicaux très personnels de Bianca." -> j'enlèverais le "qui" et "très personnels", je trouve qu'ils alourdissent la phrase et qu'on peut s'en passer ici.
J'enchaîne...
Romanticgirl
Posté le 22/02/2022
Merci beaucoup Edouard pour ta fidélité et tes commentaires précis qui me sont très utiles.
arno_01
Posté le 07/09/2021
Ce chapitre est sympa à lire, pour faire découvrir deux nouveaux personnages.

Juste une remarque par rapport à la fin du chapitre précédent. On s'attend vraiment dès le début de ce chapitre à lire des choses sur leur nouvelle professeure. Quelle impression elle donne à Clarissa etc....

Avec la dernière phrase du chapitre précédant, une attente forte est crée chez le lecteur. Et avec ce chapitre qui passe à tout autre chose, cela 'frustre' un peu.

Au plaisir de lire la suite
Romanticgirl
Posté le 08/09/2021
Bonjour Arno,
Merci beaucoup pour ton retour constructif ! On m'a déjà dit qu'il y avait trop de sauts dans le temps entre les chapitres. Je vais essayer de corriger ce défaut à la relecture. Merci encore.
AnneRakeCollin
Posté le 21/08/2021
elle a planqué un écureuil !!!!! C'est pour ca qu'elle a toujours des vêtements amples !
Le Bruno a l'air super flippant, et sinon j'adore Bianca, sa bonne humeur contagieuse :) J'aime beaucoup aussi les secret santa et c'est effectivement une bonne occasion de rapprocher Marianne et Clarissa !
Romanticgirl
Posté le 22/08/2021
Merci beaucoup pour ton commentaire et tes impressions sur les personnages. Un écureuil ? Tu y es presque :)
Hortense
Posté le 16/06/2021
Je trouve que tu maîtrise bien la notion de rebondissement qui donne au lecteur l'envie d'aller voir plus loin.
Dans ce chapitre on découvre Marianne, une jeune fille réservée, timide, voire un peu secrète, un surveillant impressionnant mais surtout ce qu'il paraît évident c'est le statut privilégié de Charline. Charline qui semble faire la pluie et le beau temps et mener son monde à la baguette. Sa qualité de fille de famille justifie-t-elle un tel comportement ? Quelqu'un ne la remettra-t-elle pas enfin à sa place ?
Beaucoup d'informations, de nouvelles rencontres qui sont autant de pistes. Conduiront-elles à aider Clarissa à résoudre la question de la disparition de Sacha ? Mais la disparition de Sacha est-elle la seule énigme de ce récit ?

- "Une année, elle avait failli faire brûler leur immeuble en lançant des feux d’artifice colorés depuis leur minuscule balcon le 14 juillet."
suggestion : comme tu n'indiques pas l'année et que cela en réalité a peu d'importance, pourquoi ne pas commencer par : "Un quatorze juillet, elle..."

- "parfois douteux ", le bon goût, c'est mon goût comme disait Dali. Douteux me semble excessif et péjoratif. Que penses-tu de " qui ne partageaient pas les goûts musicaux très personnel de Bianca." Du coup on découvre l'originalité de ses goûts, en harmonie avec son personnage.

- "pour ne céder à la tentation " : pour ne pas céder...

- "tiré au sort par un autre élève à qui il devrait faire un petit cadeau, sans révéler son identité" Peut-être pourrais-tu couper la phrase en deux après élève et commencer ta phrase par "ce dernier devrait..." Il me semble que c'est plus clair.

- "top amples" : trop amples.

- Dans le paragraphe où Clarissa tente d'entrer en contact avec Marianne, Marianne revient souvent, tu pourrais utiliser des adjectifs possessifs ou des pronoms personnels pour la qualifier
Romanticgirl
Posté le 04/07/2021
Je te remercie pour ton commentaire et pour tes interrogations. J'espère que la suite du récit y répondra. A bientôt.
Debout la Nuit
Posté le 15/05/2021
Encore un mystère, je ne vois pas ce que Marianne peut bien cacher.
Donc, Charline fait partie des classes aisées, pense t-elle que cela lui donne le droit "naturel" à mépriser ses camarades de classe ?
Romanticgirl
Posté le 15/05/2021
Merci beaucoup pour ton retour !
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