Le passage

Clarissa attendait ses amis en lançant des regards inquiets dans les ténèbres. Elle n’avait pas encore allumé sa lampe torche pour éviter d’attirer l’attention. Elle sentait l’ombre écrasante du collège dont l’immense silhouette s’élevait derrière elle.

La veille, elle avait trouvé un vieux vélo dans une des remises de la maison. Il était rouillé et cabossé mais il lui ferait gagner un temps précieux. Elle avait fait croire à Bianca qu’elle était fatiguée à cause d’un cours d’éducation physique particulièrement éprouvant. Elle était montée dans sa chambre très tôt dans la soirée. Elle avait éteint toutes les lumières, s’était allongée dans son lit et avait attendu fébrilement l’heure du rendez-vous.

C’était la première fois qu’elle mentait à sa tante. Elle aurait aimé lui dire la vérité car Bianca savait écouter sans jamais juger. Mais, Clarissa savait qu’elle n’aurait pas accepté qu’elle s’introduise dans le collège au beau milieu de la nuit. Elle avait donc choisi de ne pas aborder le sujet.

Elle avait également évité Adrien qu’elle avait croisé à plusieurs reprises dans la cour de récréation. Elle était gênée de ne pas respecter la promesse qu’elle lui avait faite de cesser ses recherches sur Sacha.

Clarissa avait essayé de faire taire ses mauvaises pensées et de faire disparaître le nœud qui enserrait son ventre. Elle se concentrait sur la résistance des pédales et sur le chemin qu’elle devait emprunter. Habituellement, c’était Bianca qui la conduisait au collège dans sa vieille voiture cahotante. Mais, traverser la ville en pleine nuit, seule sur sa bicyclette grinçante, était plus impressionnant.

Arrivée devant l’entrée principale du bâtiment, Clarissa avait dissimulé son vélo à quelques mètres, derrière un buisson touffu. Elle attendait ses amis, les sens en alerte. Le vent agitait les branches des arbres et sifflait entre les feuilles. C’était une nuit sans lune et la fillette peinait à distinguer les formes qui l’entourait.

Tout à coup, sa respiration se coupa. Elle vit distinctement deux lumières dans la nuit, deux cercles incandescents qui se rapprochaient d’elle. Ils sautaient au ras du sol à toute vitesse et une ombre les suivait. Mais, quand ils ne furent plus qu’à quelques mètres, Clarissa reconnut avec soulagement la petite Mussy accompagnée par Marianne.

Jules puis Souleymane arrivèrent quelques minutes plus tard. Ils vivaient tous au centre-ville de Paterpin, dans les environs du collège. Ils étaient venus à pied dans le plus grand secret. Sans un mot, Souleymane alluma la lampe torche qu’il avait à la main. Les autres enfants l’imitèrent. Ils le suivirent alors qu’il contournait la porte d’entrée et le bâtiment administratif.

Souleymane s’immobilisa devant une partie du mur d’enceinte recouverte de lierre. Il identifia rapidement quelques branches épaisses qu’il souleva en un geste. Clarissa et ses amis furent stupéfaits quand ils découvrirent un étroit passage. La paroi était éventrée et il y avait des pierres descellées au bas du mur.

Ils rampèrent prudemment à tour de rôle et se retrouvèrent sous un grand laurier aux fleurs blanches. Il y avait plusieurs arbres de la même espèce qui constituait une haie au fond de la vaste cour d’honneur. Les enfants firent quelques pas en prenant garde d’éviter de faire crisser les graviers sous leurs pieds.

Souleymane expliqua : « Un jour, j’ai fait tout le tour de l’enceinte du collège pour pouvoir y entrer. J’avais besoin d’un livre qui se trouvait dans mon casier. Il m’a fallu un long moment pour découvrir ce passage. Il est bien caché par la végétation. C’est pour cette raison que personne ne l’a remarqué et qu’il n’a pas été rebouché. »

Comme Souleymane l’avait prévu, le grand portail de l’établissement était fermé. Mais, les portes secondaires n’étaient pas verrouillées. Clarissa n’avait jamais trouvé le collège particulièrement accueillant. Mais ce soir-là, l’atmosphère était lugubre. La nuit était glacée et la fillette frissonna sous sa veste en jean trop légère. Malgré toutes leurs précautions, leurs pas feutrés résonnaient dans le silence oppressant. Le collège était désert mais Clarissa avait l’étrange sensation qu’ils n’étaient pas seuls. Elle avait l’impression que quelqu’un rôdait dans les salles vides qui les encerclaient.

Ils arrivèrent face à la vie scolaire, devant l’escalier C. Clarissa ne put s’empêcher de se retourner pour vérifier qu’un surveillant n’allait pas les surprendre. Mais, sa lampe n’éclaira que le couloir abandonné. Les enfants empruntèrent alors l’accès interdit.

L’escalier était très étroit et ils ne purent monter que l’un après l’autre. Chacun de leurs pas arrachait des cris aux vieilles marches. Le bois qui n’était plus foulé depuis longtemps était craquelé et fendu par endroits. Clarissa serrait fermement la rampe. Elle ne craignait pas de tomber mais tentait plutôt de se rassurer.

Enfin, ils débouchèrent sur un couloir interminable. Leurs lampes torches n’étaient pas suffisamment puissantes pour en éclairer l’extrémité. Il n’y avait aucune porte, seulement des moulures en bois sombre qui tapissaient les murs.

Souleymane marchait en tête. Contrairement aux autres enfants, il ne semblait pas effrayé par l’ambiance sinistre des lieux qu’il connaissait. Clarissa tenait sa lampe torche à deux mains pour éviter de la lâcher dans un soubresaut. Jules éclairait consciencieusement ses pieds car il avait déjà trébuché à plusieurs reprises. Marianne vérifiait sans cesse que Mussy se trouvait toujours sur son épaule.

Enfin, après avoir arpenté le couloir sur plusieurs dizaines de mètres, ils se retrouvèrent face à la porte des archives. Elle était très haute, barrée de larges pièces en ferraille noire et faite de panneaux très robustes. Il n’y avait ni heurtoir ni judas car la pièce n’était pas prévue pour accueillir les visiteurs.

Sous la poignée corrodée se trouvait une serrure qui avait la forme d’un parchemin. Le même symbole se trouvait sur la clef qu’ils avaient dérobée au bureau des surveillants. Elle avait été confiée à Jules qui l’avait gardée précieusement dans une poche zippée. Il l’introduisit avec précision dans la serrure, la tourna lentement et abaissa fermement la poignée. Puis, les enfants entrèrent dans les archives interdites du collège de Paterpin.

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AnneRakeCollin
Posté le 24/08/2021
aaaaaah, enfin, j'espère qu'ils découvriront quelque chose !! la scène est top, c'est bien décrit et on flippe avec eux ! C'est vraiment étrange cette histoire de symbole et de familles fondatrices...
Romanticgirl
Posté le 25/08/2021
Merci beaucoup pour ton commentaire enthousiaste ! C'est très motivant.
Hortense
Posté le 20/08/2021
Nous y voilà enfin dans cette mystérieuse pièce secrète. Le déroulement de l'expédition est bien mené, on progresse au pas du petit groupe en partageant leurs angoisses et leurs appréhensions. Tes descriptions sont justes, sans excès et traduisent bien l'ambiance du lieu, (le vieil escalier qui crie, l'interminable corridor qui conduit jusqu'à la porte tant convoitée). Quelles surprises attendent les visiteurs et surtout, trouveront ils réponse à leur question ?
C'est un bon chapitre.

Juste une remarque au début, il me semble qu'il manque une phrase d'explication au début pour le vélo du genre, "il lui ferait gagner un temps précieux le moment venu "
A très bientôt
Romanticgirl
Posté le 21/08/2021
Bonjour Hortense,
Je te remercie pour ton commentaire très précis. J'ai ajouté ta phrase au début du chapitre, c'était une très bonne remarque. Merci encore !
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