Le miel

Par Kieren

Il n'est pas dit que toutes mes histoires soient totalement véridiques. Après tout, mes sources enjolivent beaucoup leurs légendes. Il m'a fallu du temps pour interroger les abeilles sur leurs origines, d'ailleurs la plupart sont farouches et blagueuses. Mais heureusement pour moi, elles sont fières de leur mère à toutes.

Il se dit chez elles que les fleurs sont les véritables trésors de ce monde, bien que d'autres divergent d'avis, comme cette caste qui a un peu trop approché les humains et qui a fini par se nourrir de pièces d'or, d'argent et de bronze. Mais bon, passons.

 

Il était un temps où les fleurs sur Terre venaient d'apparaître, et elles avaient du mal à se développer : il n'y avait pas beaucoup d'insectes attirés par ces petites œuvres d'art, ils étaient trop pressés de survivre plutôt que de vivre. C'est ce que constata une abeille boréale du haut de sa météorite, lorsqu'elle passa près de la Terre. Il s'agissait d'une abeille un peu casse cou : contrairement à ses camarades qui se contentaient de récolter du pollen sur les fleurs qui poussaient sur les météorites et les Lunes, elle, elle les chevauchait pour profiter de leur vitesse. Elle était aventureuse, curieuse et amatrice d'émotion forte. Elle portait même un collier de pierres précieuses qu'elle avait chapardées aux quatre coins de l'univers. Elle se nommait Méroé, et elle s'amusait donc, pendant qu'elle récoltait du pollen pour sa ruche, et quelle ruche mesdames et messieurs ! Le Soleil lui même ! Ces abeilles avaient bâti leur forteresse à l'intérieur de ce grand astre : elles le nourrissaient de poussière spatial qui poussait à l'intérieur des météorites et des Lunes, cette substance portait le nom de « parfum des abysses ». En échange, le Soleil le transformait en un miel qui illuminait le système solaire dans son entièreté, apportant chaleur et beauté. Chaque étoile produit sa lumière de cette façon, en servant de ruche à ces abeilles boréales qui sont bien plus grosses que nos abeilles sur Terre mais je vais y revenir.

 

L'abeille de notre histoire alla voir la fille du Soleil, Anastaz, son amie qui était cachée par la lumière de son père, presque inexistante face à lui, même s'ils s'aimaient beaucoup ; un roi immortel aura du mal à ne pas faire de l'ombre à sa progéniture. La fille du Soleil n'était cependant pas dépourvu de ressource, en effet elle sculptait le parfum des abysses que lui rapportait Méroé, et en faisait des feux d'artifice. Elle donnant toujours son maximum, mais à force de vivre derrière son père, elle avait fini par perdre confiance en elle.

 

Méroé alla donc la voir pour lui parler de cette planète bleu sur laquelle les fleurs venaient d'apparaître, et elles en parlèrent des années et des années entières. L'abeille les comparait aux sculptures de son amie, qu'elles étaient d'une délicatesse et d'une beauté à toutes épreuves, que les Créateurs avaient vraiment mis leur cœur à l'ouvrage pour faire naître pareilles merveilles, qu'il serait bon de les aider à exister. L'abeille boréale avait un plan : elle voulait se rendre sur Terre et polliniser toutes les fleurs qu'elle trouverait, mais elle voulait partir avec son amie, car il s'agissait d'une mission qui méritait d'être menée avec une personne chère.

Anastaz fut honorée par cette demande, elle ne pensait pas qu'elle pouvait avoir autant d'importance auprès d'un être qu'elle chérissait. Elle prit son temps pour réfléchir, et puisqu'elle devait bien partir un jour quelque part pour laisser sa marque, elle se dit que cette mission, aussi modeste soit-elle valait bien la peine d'être menée. Elle dit au revoir à son père et à son entourage, ces derniers pleurèrent, dont le Soleil qui lui accorda sa bénédiction. La fille du Soleil et l'abeille boréale mangèrent alors une pleine bouchée de parfum des abysses pour leur donner la force de se transformer en étoile filante et se rendirent sur Terre.

 

L'impact fut dévastateur. Les deux amies créèrent dès leur arrivée un immense cratère et recouvrirent la planète d'un nuage de poussière qui prit des décennies pour disparaître. La fille du Soleil se transforma en volcan qui cracha son feu durant cent ans, et l'abeille boréale se fragmenta en un milliard de petites abeilles qui pollinisèrent un million de fois plus de fleur, qui sont encore là aujourd'hui. Elles auront fait le ménage pour ainsi dire. En arrivant, elles ont fait de la place autour d'elle pour privilégier ce qu'elles trouvaient beau, et l'aider à se développer. Aujourd'hui, le volcan est endormi, et il ne se réveillera que pour faire table raz pour permettre aux fleurs de continuer d'exister. Les abeilles résisteront, elles vaincront toute adversité, car elles ont la fille du Soleil qui veille sur elles.

 

Et pas sur nous.

 

 

La Mousse

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