Le Chevalier d'Or

Oui, oui, oui, oui, ils paieront, je plongerai leur monde dans le chaos, je détruirai tout, tout, tout, puis lorsqu’il ne restera que des cadavres et le vide, je prendrai ma propre vie, et ainsi mon cher ami tu seras enfin satisfait…

 

D’un mouvement sec et rageur, Olis balaya du revers de sa main la figurine de papier sombre qui s’écrasa à l’autre bout de la pièce. Les ombres présentes sur la table se volatilisèrent instantanément. Couchée par terre, la figurine de papier chercha à se relever, tremblotante, mais échoua. Elle semblait pensive.

Puis elle se désintegra lentement, morceau par morceau, comme une fleur qui se fane. L’encre coula d’elle comme du sang. Au bout de quelques secondes elle ne laissa derrière elle qu’un amas de papiers sombres, une tâche noirâtre et du silence.

« Vous ne méritez pas de vivre. » 

Olis avait prononcé ces mots d’un ton calme, presque doux. Ce n’était pas une insulte, mais un simple constat. La Conteuse ne réagit pas : elle regardait fixement de l’autre côté de la pièce, là où la figurine de papier avait laissé ses funestes traces. Elle répondit finalement d’une voix faible : « Je suis désolé.

— C’est un peu tard pour cela, commenta laconiquement Ari, qui n’avait pas bougé.

— Je me suis laissée emportée par mon propre récit. C’est un horrible défaut, j’en suis désolé. Je n’ai pas pris en compte la force du lien qui vous lie au Sage, Olis.

— Ne prononcez pas mon nom, siffla celle-ci. Faîtes-moi passer la deuxième épreuve qu’on en finisse. »

La Conteuse se contenta de hocher la tête et la porte au fond de la pièce s’entrouvit d’elle-même. Sans attendre, Olis se leva et rejoignit le seuil de la porte.

Au dernier moment, elle jeta un coup d’œil à son idole en bois, hésita, puis se tourna vers la Conteuse : « Est-ce vrai ? »

Un silence passa, puis la Conteuse répondit d’une voix douce : « Bien sûr que non », et Olis quitta la pièce en claquant la porte derrière elle.

Sans se gêner outre mesure, Ari s’avança et se servit du thé. Alors qu’il prit une première gorgée, il dit en souriant : « Sacrée histoire.

— Merci.

— Est-elle vraie ?

— Voulez-vous vraiment avoir la réponse ? »

Ali perdit son sourire devant le sérieux de la Conteuse. Ses yeux le fixaient avec une étrange nostalgie, une fantasque douceur qui choqua Ari plus que tout ce qu’il avait vu ici. Malgré son immense pouvoir, malgré tout ce qu’elle avait fait, Ari ne put s’empêcher de la trouver en cet instant très vulnérable : « Je commence à vous cerner, Conteuse.

— Vraiment ? Qui suis-je alors ? Un demon ? Une sorcière ? Une esseulée en détresse ? Quelque chose d’autre ?

— Tout cela à la fois, je dirais.

— Dans ce cas comment pouvez-vous dire que vous m’avez cernée ?

— Car je pense que je comprends ce que vous ressentez pour nous : vous nous aimez à la folie. »

Ari prit une autre gorgée tandis que la Conteuse éclata de rire. Un rire cristallin qui emplit toute la pièce. Quand elle reprit son souffle après de longues secondes d’hilarité Ari demanda : « Ai-je tort ?

— Quelles sont vos preuves pour avancer une telle chose ?

— Je reconnais le visage d’une femme qui éprouve ces sentiments. Surtout quand ils sont dirigés vers moi ou mes compagnons croyez-moi.

— Vous êtes un être étonnant, Chevalier d’Or. Il me tarde vraiment d’écouter votre histoire. »

Ari sentit alors un frisson dans son dos, et ne put s’empêcher d’avoir un peu peur. C’est bientôt mon tour… Il déglutit, puis rétorqua : « Chaque chose en son temps. Que vouliez-vous dire, exactement, par cette histoire du Sage et de Rulere ? Votre message ?

— Pourquoi devrait-il y avoir un message ? répondit la Conteuse en fronçant les sourcils.

— Votre récit du chevalier Aseister en avait un.

— Toutes les histoires n’ont pas forcément une signification profonde. Elles sont avant tout un récit, des personnages, des émotions. Elles se suffisent à elles-mêmes. Leur pureté fait leur beauté.

— Toutes les histoires sont faites pour être racontées. À un autre. Les meilleures sont celles qui dialoguent avec cet « autre ». Il n’y a que comme cela qu’elles peuvent vivre et, surtout, faire vivre.

— Vous avez raison et tort à la fois, déclara la Conteuse en se penchant. Prouvez-moi votre point de vue.

— Comment ?

— En me racontant une histoire bien sûr. Je serai cet « autre » avec qui vous dialoguerez, Chevalier d’Or. »

Cela arrive enfin, soupira-t-il. Ari réfléchit du mieux qu’il pouvait, essayant de mobiliser tous ses souvenirs, ses conversations avec des bardes, ses dialogues avec d’autres grandes personnes, les contes que lui racontait sa mère. Rien ne venait. Il paniqua. Au bout de quelques temps, Ari ouvrit la bouche mais la Conteuse l’interrompit : « Excusez-moi, mais d’où vient le surnom du Chevalier d’Or ?

— Parce que mon prénom est compliqué à prononcer.

— Répondez sérieusement je vous prie.

— C’est que je suis un chevalier avec une vilaine manie. Quand une discussion avec moi s’éternise, quand je m’ennuie, quand je doute ou quand je suis triste, je me mets à parler de mon hameau natal. C’est plus fort que moi : je me remémore de ses vastes plaines couvertes de champs de blé. Vous devez les voir : on dirait vraiment que les collines sont couvertes d’or. 

— Pourquoi ne pas me parler de cela, dans ce cas ? Je suis sûre qu’une telle terre est imprégnée d’un folklore fascinant. »

Pas le moins du monde, pensa Ari en souriant. Cependant cela lui donna une idée. Pas une très bonne, mais une idée tout de même. Il déglutit, puis commença : « Ce qui est intéressant, ce sont plutôt ses habitants.

— Vous en êtes une preuve vivante.

— Oh, je suis très ennuyeux en comparaison. Laissez-moi vous le prouver avec cette histoire... »

Une nouvelle fois, la Conteuse sortit d’on ne sait où un nouveau grimoire et l’ouvrit, préparant sa plume. Ari commença d’une voix profonde : « Voici l’histoire vraie de Sircale, considéré comme l’homme le plus intelligent du village, ce qui ne veut pas dire grand chose. Un grave problème lui pourrissait la vie : il ne trouvait pas sa botte gauche. »

La Conteuse se figea un court instant dans sa prise de note. « Tous les jours, il parcourait le village avec un pied nu, cherchant partout, interrogeant tout le monde. Sans succès. Toute sa prodigieuse intelligence ne pouvait rien y faire. Un jour il alla voir une vieille dame quasiment sénile qui lui dit qu’elle savait où était sa botte gauche, et qu’elle le lui dirait à condition qu’il travaille pour lui toute la journée. Sircale accepta et sua sang et eau jusqu’à la tombée de la nuit. Puis il lui demanda où était sa botte gauche : elle répondit qu’il la portait à son pied droit. »

La Conteuse s’arrêta complètement d’écrire. « N’y croyant d’abord pas, Sircale baissa les yeux et remarqua effectivement que la botte à son pied droit faisait un angle bizarre. Il la mit alors à son pied gauche et elle lui allait parfaitement ! Le lendemain, et les autres lendemains qui suivirent, un autre problème gâcha ses journées : il n’avait plus de botte droite. »

Ari s’arrêta de parler et reprit une gorgée de thé. La Conteuse le regardait d’un air mi-amusé mi-confus. Si Ari gardait un visage impassible, il jubilait intérieurement. La Conteuse n’avait même pas pris une page de note sur son grimoire. Finalement, elle rétorqua : « Est-ce fini ?

— Oui.

— Venez-vous de me faire une plaisanterie ?

— Oh, et encore ! J’ai un peu romancé l’histoire pour vous impressionner. Dois-je en déduire que j’ai réussi l’épreuve ?

— Et bien…

— Cela tombe bien, j’en ai une autre ! Voici l’histoire de Dame Riquette, des années avant qu’elle n’aide ce pauvre Sircale à trouver chaussure à son pied… »

Surprise, la Conteuse mit quelques secondes avant de se remettre à prendre des notes à toute allure. « Dame Riquette était connue pour son caractère acariâtre, son mépris de la politesse et son célèbre pot-au-feu, dont l’ingrédient secret était le plus grand mystère du village.

« Un jour, Dame Riquette eut marre qu’une bande de bambins venait lui demander chaque jour quel était son ingrédient secret. C’était une bande de casse-cou bien connus pour toujours tirer au flanc, chercher querelle et éviter de travailler aux champs. Ennuyée, elle proposa une épreuve aux garçons : s’ils gagnaient, elle leur cuisinerait son pot-au-feu tous les jours. Mais s’ils perdaient ils travailleraient pour elle pour le restant de leurs jours. Ils acceptèrent.

« Il s’agissait en réalité d’une énigme dont la solution était l’ingrédient secret. Chaque semaine ils auront droit à une phrase. S’ils ne trouvaient pas la réponse à la troisième semaine ils auront perdu. Voici la première phrase :  Aussi nombreux que les fourmis, chacune est l’ombre de l’autre. Les enfants réfléchirent, puis proposèrent toute la semaine une multitude de réponses. Toutes étaient fausses.

« La semaine suivante, Dame Riquette continua : Un en manque, et ils sont perdus. Tous ensemble, c’est encore pire. Les enfants passèrent leur journée dessus, sans trouver aucun résultat. 

« La semaine d’après, Dame Riquette eut un rictus quand elle ajouta : Se plaindre en leur présence, sourire en leur absence : telle est la loi des Grands. Plus perdus encore, la bande désespéra. 

« Puis, alors que la semaine approchait sa fin, le chef de la bande eut une épiphanie. Oh oui, il avait trouvé ! Le lendemain, les garçons virent leur chef travailler avec rigueur aux champs, désormais sage comme une image.

« Consternés, les garçons pensèrent que Dame Riquette lui avait lancé un sort. Ils allèrent la voir, prêts à se battre pour avoir des réponses et venger leur ami. Dame Riquette soupira puis leur donna la solution. Celle que leur chef avait judicieusement trouvé.

« C’était les sales gosses. »

Ari se tut, reprenant son souffle. La Conteuse s’arrêta de prendre des notes, qu’elle relut tout de suite après. Un calme silence passa, troublé uniquement par leurs sons de respirations et les gorgées de thé lentement avalées.

Puis la Conteuse releva la tête, perçant Ari de son regard : « Parfois, j’ai l’impression que vous ne prenez rien au sérieux, Chevalier d’Or.

— Est-ce un reproche ?

— Bien au contraire, répondit-elle en souriant de toutes ses dents. 

— Mince alors, moi qui me faisait un plaisir de vous consterner…

— Puis-je vous demander quel était l’ingrédient secret ?

— Dame Riquette a emporté ce secret dans la tombe. 

— Toutes mes condoléances. » 

Le visage d’Ari se barra d’un sourire narquois et il demanda d’une voix allègre : « Alors ? Avez-vous compris le message de mon histoire ? Si vous me répondez qu’il s’agit d’un simple avertissement contre les mauvais garnements vous me décevez.

— Alors je vais vous décevoir. Je ne vois aucune autre signification à votre récit, à part le fait que vous prenez un malin plaisir à vous jouer de moi.

— Dommage, peut-être que d’autres histoires vous aideront…

— Je ne demande que ça, » répondit-elle en mimiquant son sourire narquois.

Et Ari raconta, encore et encore. Des histoires tantôt drôles, tantôt tristes, la plupart incongrues, toutes vraies selon lui. Le récit du chef de la bande qui, une fois plus grand, dut se marier contre son gré à une sourde. S’il la méprisait au début pour son handicap, tout changea quand il perdit la vue dans un combat : la seule personne qui l’assista tous les jours fut sa femme. Les deux vivèrent ainsi ensemble, toujours main dans la main pour se guider.

Aussi l’histoire des jumaux Harry et Herry, qui s’amusaient en prenant la place de l’autre et en répandant la confusion autour d’eux, à tel point que même eux ne savaient plus qui était qui. Ou l’histoire de la petite Jolie qui, du haut de ses quatres ans, se vit offrir un ocarina avec lequel elle repoussa la charge d’un ours. Ou alors Turin, vieux grincheux à qui tout le monde devait des sommes faramineuses, qui finit par tirer par erreur un carreau d’arbalète sur un villageois qui était venu lui repayer ses dettes pour son anniversaire.

À chaque histoire, la Conteuse prenait conscencieusement des notes sans jamais perdre son sourire. Au bout d’un moment, Ari se rendit compte qu’il ne lui restait qu’une seule histoire. Celle qu’il ne voulait pas raconter : « Bon, on peut dire que j’ai réussi l’épreuve ? tenta-t-il.

— Malheureusement, vos histoires sont fort amusantes, mais il manque quelque chose… 

— Des morts tragiques ? De l’épique ? Des grandes batailles ? 

— Du cœur. Vous racontez quelque chose mais vous pensez à une autre. J’ai l’impression que vous ne cherchez pas spécialement à ce que ces histoires me touchent, mais au contraire, plutôt à me dire quelque chose d'autre. Et je pense avoir trouvé quoi.

— Qu’est-ce ?

— Racontez-moi une autre histoire, juste pour être sûre… »

Ari comprit qu’il n’avait plus le choix. Il voulut prendre une autre gorgée, mais se rendit compte qu’il n’y avait plus de thé. Il soupira, posa la tasse sur la table et prit son inspiration. En y réfléchissant, il n’avait raconté cette histoire à personne, pas même à Eleister et Olis. 

« Il y avait dans ce village quelqu’un nommé Cami. Elle avait des cheveux aussi brillants que le blé, long et soyeux ; des yeux verts comme les feuilles ; une voix chantante ; un air toujours fuyant, donnant l’impression qu’elle avait toujours quelque chose à cacher ; surtout, une gentillesse étrange, adorable avec ceux qu’elle connaissait pas et espiègle avec ses proches. Et c’était avec moi qu’elle était la plus espiègle.

« Bien sûr, il ne fallut pas longtemps pour que j’eus envie de finir mes jours avec elle. Dès mes 8 ans, j’ai demandé à mes parents si on pouvait se marier. Ils me répondirent par un regard horrifié et m’ordonnèrent de ne plus la voir. Je leur demandais chaque jour pourquoi : jamais ils ne m’expliquèrent.

« Je revoyais Cami en cachette dès que je le pouvais, tous les jours parfois. Nos parents respectifs n’étaient pas très malins et c’était plus les autres villageois dont il fallait se méfier. Chaque fois qu’ils nous voyaient jouer ensemble ils détournaient le regard. Parfois mes parents me réprimandaient le soir car quelqu’un m’avait dénoncé.

« À 13 ans je n’y tins plus. J’allai voir Cami et rassemblai tout mon courage pour la demander en mariage. Elle en fut littéralement pétrifiée, puis elle eut un sourire triste, du genre qu’un enfant de son âge ne devrait jamais avoir. Elle me dit que cela lui faisait plaisir mais refusa, sans me dire pourquoi.

« À 15 ans, je me rendis compte que j’étais profondement malheureux. Mes parents commençaient à me chercher une femme et Cami m’évitait. Au prix d’une journée d’efforts je parvins à la retrouver et lui demandai sa main à nouveau. Elle eut ce même sourire triste et je me mis à imaginer de terribles hypothèses. Était-elle déjà promise à un autre ? Était-elle maudite ? Finalement, devant mes supplications, elle me répondit.

« Cami me dit qu’elle était un garçon.

« Je crus à une blague et éclatai de rire. Puis j’ai vu qu’elle était sérieuse, et alors je repensai à son air si fuyant avec les autres, cette impression de toujours cacher quelque chose. 

« Quelque chose n’allait toujours pas : je ne comprenais pas pourquoi les adultes la regardaient avec autant de dégoût. Était-elle dangereuse ? Il devait y avoir une autre raison : il n’y a pas plus gentil qu’elle. Je lui demandai alors qu’est-ce que cela changeait et elle me répondit que ce genre de choses ne se faisait pas, ajoutant à ma confusion.

« Le lendemain, le père de Cami vint me voir en personne. Il me frappa si fort que je faillis m’évanouir et m’ordonna deux choses. D'une, que je laisse sa fille tranquille. De deux, que je ne répète à personne la plaisanterie qu’elle me fit. 

« Après cela je ne puis plus voir Cami. Son père la gardait enfermée à longueur de journée et mes parents me surveillaient de très près. Je ne pouvais croire que Cami venait juste de me faire une plaisanterie, tout comme je ne pouvais admettre qu’elle n’était pas une fille.

« Pour fuir tout cela je m’engageai dans l’armée. Dévastés, mes parents me souhaitèrent bonne chance, me faisant promettre que je reviendrai sain et sauf. On organisa une fête en mon honneur. Même Cami fut présente.

« Avant de partir, à l’aube, alors que tout le monde dormait, je parvins à lui parler. Je lui promis que je reviendrai. Il m’était égal qu’elle était une femme, un homme ou quoi que ce soit d’autre. Quand je reviendrai, j’aurais le mot final de l’histoire. »

Ari regarda en l’air, semblant fixer quelque chose qui n’y était pas. Quelque chose de très lointain. Il termina d’une petite voix, semblant ne plus s’adresser à la Conteuse : « Cela fait sept années que je combats sans arrêt. Je me suis fait un nom, une réputation. J’ai eu des valeureux compagnons, et ensemble nous avions été choisis pour mener une longue expédition visant à prendre la tête de Rulere. Mais jamais je n’ai cessé de penser à Cami. Jamais au grand jamais je n’ai cessé de penser à ces grands champs de blé où elle, il, m’attend peut-être encore. »

Finalement, Ari se tut, et perça la Conteuse de son regard. « M’avez-vous enfin compris ?

— Je n’aurais jamais pensé que vous étiez ce genre d’homme, Ari.

— Amoureux ?

— Romantique.

— Vous comprenez donc pourquoi il faut à tout prix que je rentre. » Ari se leva. « Rulere n’est pas mon objectif mais un obstacle. Tout comme vous. Vous aviez dit que je parais toujours ne rien prendre au sérieux. Vous avez à la fois raison et tort. Je ne prends aucun plaisir à ce voyage. Je ne tire aucune joie à être un héros. »

Et avant que la Conteuse ne put répondre quoi que ce soit, Ari s’agenouilla et se prosterna devant elle. Face contre terre, les mains posées à plat devant lui : « Laissez-moi continuer ma route. Laissez-moi revoir ces champs couverts d’or. Laissez-moi revoir tous ces gens que j’ai laissé là-bas. Je ne veux pas les faire attendre plus longtemps. Je ne veux pas la, le, faire attendre plus longtemps. »

La Conteuse s’apprêta à répondre quand la porte de la seconde épreuve s’ouvrit avec fracas.

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Fannie
Posté le 03/06/2021
Cette fois, la conteuse n’a pas d’autre version de l’histoire. Ou est-ce parce qu’il l’a suppliée qu’elle y a renoncé ? Une autre hypothèse est la sincérité : ses sentiments pour Cami sont vrais, ils ne sont pas sujets à interprétation. Le chevalier d’or donne l’impression d’être superficiel et un peu arrogant, mais c’est vraisemblablement des airs qu’il se donne pour cacher sa sensibilité. Et il raconte des histoires amusantes pour mieux cacher celle qui compte vraiment pour lui. Cette histoire avec Cami est d’autant plus touchante qu’elle contraste avec les autres et qu’elle est racontée en toute simplicité. J’espère qu’ils se retrouveront. Et comme cette fois, ils seront adultes, les parents n’auront plus leur mot à dire.
Coquilles et remarques :
— et ainsi mon cher ami tu seras enfin satisfait… [Il faudrait placer « mon ami » entre deux virgules.]
— Puis elle se désintegra lentement, morceau par morceau [se désintégra]
— qu’un amas de papiers sombres, une tâche noirâtre et du silence [une tache ; sans circonflexe]
— Elle répondit finalement d’une voix faible : « Je suis désolé. / C’est un horrible défaut, j’en suis désolé [désolée]
— C’est un peu tard pour cela, commenta laconiquement Ari, qui n’avait pas bougé. [Je ne trouve pas sa réponse particulièrement laconique.]
— Je me suis laissée emportée par mon propre récit [laissé emporter ; « laissé » ne s’accorde pas parce que son sujet n’est pas celui de l’infinitif. On accorde « Elle s’est laissée tomber » parce que c’est elle qui tombe, mais on n’accorde pas « Elle s’est laissé emporter » parce que ce n’est pas elle qui emporte.]
— Faîtes-moi passer la deuxième épreuve qu’on en finisse. [Faites-moi ; sans circonflexe / virgule après « épreuve ».]
— et la porte au fond de la pièce s’entrouvit d’elle-même [s’entrouvrit]
— Alors qu’il prit une première gorgée, il dit en souriant [Alors qu’il prenait]
— Ali perdit son sourire devant le sérieux de la Conteuse. [Ari]
— Ses yeux le fixaient avec une étrange nostalgie, une fantasque douceur qui choqua Ari [Je ne comprends pas ce que tu entends par « fantasque douceur ».]
— Ari ne put s’empêcher de la trouver en cet instant très vulnérable [Je dirais plutôt « de la trouver très vulnérable en cet instant » ; ce serait plus clair.]
— Vraiment ? Qui suis-je alors ? Un demon ? [Un démon ?]
— Dans ce cas comment pouvez-vous dire [Virgule après « cas ».]
— Ari prit une autre gorgée tandis que la Conteuse éclata de rire [éclatait]
— Quand elle reprit son souffle après de longues secondes d’hilarité Ari demanda [Virgule avant « Ari ».]
— Surtout quand ils sont dirigés vers moi ou mes compagnons croyez-moi. [Virgule avant « croyez-moi ».]
— Rien ne venait. Il paniqua. [Comme il ne laisse rien paraître, je n’emploierais pas le verbe « paniquer ». « Il s’angoissa », peut-être ? Autrement, il faut une locution comme « l’appréhension/l’effarement le gagna ».]
— Au bout de quelques temps, Ari ouvrit la bouche mais la Conteuse l’interrompit [On écrit « quelque temps » parce qu’ici « quelque » veut dire « un certain » et pas « plusieurs ». Mais je dirais plutôt « quelques instants ». « Quelque temps » se compte en semaines ou en mois.]
— Parce que mon prénom est compliqué à prononcer. [« Parce que » répond à la question « pourquoi ? », pas à la question « d’où vient (…) ? »
— Répondez sérieusement je vous prie. [Virgule avant « je vous prie ».]
— je me remémore de ses vastes plaines [je me remémore ses vastes plaines ; « se remémorer » est transitif direct]
— ce qui ne veut pas dire grand chose [grand-chose]
— La Conteuse se figea un court instant dans sa prise de note [de notes ; elle prend des notes]
— et qu’elle le lui dirait à condition qu’il travaille pour lui toute la journée [pour elle]
—  N’y croyant d’abord pas, Sircale baissa les yeux [« N’y croyant d’abord pas » me semble lourd et maladroit. Je propose simplement « N’y croyant pas » ; en effet, au moment où il baisse les yeux, il n’y croit pas]
— La Conteuse n’avait même pas pris une page de note [de notes ; elle prend des notes]
— Et bien… [Eh bien]
— Dame Riquette eut marre qu’une bande de bambins venait lui demander [en eut marre / « viennent » ou « vinssent » (subjonctif)]
— C’était une bande de casse-cou bien connus pour toujours tirer au flanc, chercher querelle et éviter de travailler aux champs. [Je ne vois pas le rapport entre « casse-cou » et le reste.]
— Mais s’ils perdaient ils travailleraient pour elle [Virgule après « perdaient ».]
— Chaque semaine ils auront droit à une phrase. S’ils ne trouvaient pas la réponse à la troisième semaine ils auront perdu [auraient droit /auraient perdu ; ici les actions futures doivent être exprimées par le conditionnel présent ou passé]
— Aussi nombreux que les fourmis, chacune est l’ombre de l’autre. [Incohérence : « nombreux / chacun » ou « nombreuses / chacune ».]
— Un en manque, et ils sont perdus. [Il en manque un ; « un en manque » veut dire qu’une personne manque de qqch]
— telle est la loi des Grands. [Majuscule abusive.]
— Plus perdus encore, la bande désespéra. [Incohérence : « Plus perdue encore, la bande désespéra » ou « Plus perdus encore, les garçons désespérèrent ».]
— le chef de la bande eut une épiphanie. Oh oui, il avait trouvé ! [Cette acception d’« épiphanie » ne figure pas dans le dictionnaire de l’Académie française, ni dans celui du CNRTL, ni dans le Littré, ni dans le Robert. Larousse la mentionne, mais il a tendance à accepter un peu trop rapidement les néologismes, sans doute pour justifier ses nouvelles éditions. Bref, je propose « une illumination » ou « une inspiration subite ».]
— Celle que leur chef avait judicieusement trouvé [trouvée]
— La Conteuse s’arrêta de prendre des notes, qu’elle relut tout de suite après. [L’enchaînement est bancal ; elle ne relit pas les notes qu’elle arrête de prendre, mais celles qu’elle a déjà prises.]
— troublé uniquement par leurs sons de respirations [les sons de leurs respirations]
— Mince alors, moi qui me faisait un plaisir de vous consterner… [moi qui me faisais ; sujet « qui », mis pour « moi »]
— Si vous me répondez qu’il s’agit d’un simple avertissement contre les mauvais garnements vous me décevez. [Virgule avant « vous me décevez ».]
— Je ne demande que ça, » répondit-elle en mimiquant son sourire narquois. [Le verbe « mimiquer » n’est pas adéquat pour un sourire. Je dirais « en imitant » ou « en lui rendant/retournant », voire « en singeant ».]
— Les deux vivèrent ainsi ensemble [vécurent]
— Aussi l’histoire des jumaux Harry et Herry [des jumeaux]
— du haut de ses quatres ans [quatre]
— qui était venu lui repayer ses dettes pour son anniversaire [rembourser ; pas « repayer »]
— la Conteuse prenait conscencieusement des notes [consciencieusement]
— « Bon, on peut dire que j’ai réussi l’épreuve ? tenta-t-il. [« Tenter » n’est pas un verbe de parole ni un verbe auquel se superpose naturellement l’idée de parole ; ce n’est donc pas un bon verbe d’incise. Je propose « hasarda-t-il ».]
— Vous racontez quelque chose mais vous pensez à une autre [Vous racontez une chose mais vous pensez à une autre]
— J’ai l’impression que vous ne cherchez pas spécialement à ce que ces histoires me touchent [« chercher à ce que » n’est pas correct ; je propose « vous ne cherchez pas spécialement à me toucher avec ces histoires » ou « vous ne voulez/désirez pas spécialement que ces histoires me touchent » ]
— Racontez-moi une autre histoire, juste pour être sûre… [Syntaxe : juste pour que je sois sûre]
— Il soupira, posa la tasse sur la table et prit son inspiration. [Je dirais plutôt « prit une inspiration ».]
— un air toujours fuyant, donnant l’impression qu’elle avait toujours quelque chose à cacher [Répétion de « toujours » ; j’enlèverais le deuxième.]
— surtout, une gentillesse étrange, adorable avec ceux qu’elle connaissait pas et espiègle avec ses proches [surtout, elle était d’une gentillesse étrange / qu’elle ne connaissait pas ; il n’y a pas d’autres endroits où tu omets le « ne »]
— Et c’était avec moi qu’elle était la plus espiègle [le plus espiègle ; « la plus espiègle » veut dire qu’elle est plus espiègle que toutes les autres personnes alors que « le plus espiègle » veut dire espiègle au plus haut point]
— pour que j’eus envie de finir mes jours avec elle [pour que j’aie/j’eusse envie ; subjonctif]
— Dès mes 8 ans, j’ai demandé à mes parents [je demandai ; normalement, on ne mélange pas le passé composé et le passé simple / huit ans ; en toutes lettres]
— et c’était plus les autres villageois dont il fallait se méfier. [Je propose « c’était plutôt ».]
— Chaque fois qu’ils nous voyaient jouer ensemble ils détournaient le regard. Parfois mes parents me réprimandaient le soir car quelqu’un m’avait dénoncé. [Virgule après « ensemble » et après « le soir ».]
— À 13 ans je n’y tins plus. / À 15 ans, je me rendis compte [treize ans / quinze ans]
— je me rendis compte que j’étais profondement malheureux [profondément]
— Au prix d’une journée d’efforts je parvins à la retrouver [« Au prix de » veut dire en échange de qqch de pénible ; je propose « Au bout d’ ».]
— Puis j’ai vu qu’elle était sérieuse, et alors je repensai [je vis]
— à son air si fuyant avec les autres, cette impression de toujours cacher quelque chose [cette impression qu’elle cachait toujours quelque chose ; ce n’est pas Cami qui a l’impression de cacher qqch]
— Je lui demandai alors qu’est-ce que cela changeait [Je lui demandai alors ce que ; « qu’est-ce que » ne s’emploie pas dans le discours indirect.]
— Il me frappa si fort que je faillis m’évanouir et m’ordonna deux choses [et il m’ordonna deux choses ; ici, c’est nécessaire de répéter le sujet]
— De deux, que je ne répète à personne la plaisanterie qu’elle me fit [Concordance des temps : « qu’elle m’avait faite » ; il faut marquer l’antériorité.]
— Après cela je ne puis plus voir Cami [je ne pus]
— Pour fuir tout cela je m’engageai dans l’armée. [Virgule avant « je m’engageai ».]
— me faisant promettre que je reviendrai sain et sauf / Je lui promis que je reviendrai [que je reviendrais ; conditionnel présent à valeur de futur simple]
— Il m’était égal qu’elle était une femme [qu’elle fût/soit ; subjonctif]
— Quand je reviendrai, j’aurais le mot final de l’histoire [je reviendrais ; voir ci-dessus / le fin mot de l’histoire]
— J’ai eu des valeureux compagnons [« de valeureux compagnons » serait plus élégant]
— Vous aviez dit que je parais toujours ne rien prendre au sérieux. [Concordance des temps : « Vous aviez dit que je paraissais », « Vous avez dit que je paraissais » ou « Vous dites que je parais ».]
— Et avant que la Conteuse ne put répondre [ne pût/puisse ; subjonctif]
— tous ces gens que j’ai laissé là-bas [laissés / répétition du verbe « laisser »]
— La Conteuse s’apprêta à répondre quand la porte de la seconde épreuve s’ouvrit avec fracas [s’apprêtait ; l’ouverture de la porte l’interrompt au moment où elle veut parler]
J’espère que je n’ai pas laissé de coquilles dans mon commentaire parce que je suis fatiguée.
Alice_Lath
Posté le 06/04/2021
"Je suis désolé" => La Conteuse le dit souvent, mais elle devrait plutôt dire "désolée", non ?
Sinon en dehors de ça, waouh, quel chapitre haha, j'avoue que j'ai bien rigolé avec toutes ses histoires qui partaient dans le vaudeville, c'était amusant
Puis à la fin, le coup de Cami... J'ai eu les chocottes sur les bras et un frisson dans le dos, jsp pourquoi, j'ai trouvé ça super beau, super simple et super bien trouvé. Bref, j'en suis toute tourneboulée je dois dire
No offense, Saltimbanque, vraiment...
Mais je croise VRAIMENT les doigts pour que ça se finisse bien pour Cami et Ari hahahaha sinon, gare à tes orteils, je te ferai des chatouilles
Le Saltimbanque
Posté le 10/04/2021
Yep, la Conteuse est plus désolée que désolé, et même très désolée...

Content que l'humour des histoires d'Ari fonctionne. Je n'étais vraiment pas sûr, puisqu'après vient peut-être le "conte" le plus touchant/émotionnel de toute l'histoire... Fallait vraiment pas que je me foire ici.

Mais je ne m'attendais pas à ce que ça marche autant ! Merci, ça fait super plaisir.
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