Le cadeau

          Jules retrouva Clarissa, son livre d’histoire à la main, encore fébrile d’avoir affronté la terrible bibliothécaire. Il se pencha au-dessus de la boîte en carton cabossée par sa chute, le ruban pendant au sol.

          La fillette ne disait rien, encore saisie de stupeur. Elle fixait l’horrible cadeau qu’on lui avait fait. Un petit oiseau gisait au fond de la boîte. Il avait un délicat plumage gris tacheté de rouge sur le poitrail et sur la tête.

Clarissa avait d’abord cru que le petit animal était endormi, blotti au fond du carton. Mais, quand elle vit qu’il était parfaitement immobile, elle comprit que l’oiseau était mort.

Clarissa se demanda avec horreur qui avait osé lui faire un tel cadeau, qui avait pu emballer si soigneusement un petit animal sans vie. L’oiseau était-il déjà mort quand il avait été enfermé dans cette boîte ou bien avait-il été tué pour devenir ce funèbre cadeau ?

Jules saisit délicatement la boîte en carton, la referma et dit à Clarissa avant de disparaître dans les couloirs : « Je vais m’en occuper. »

La fillette était toujours bouleversée. Les moqueries de Charline étaient très blessantes mais ce cadeau ressemblait à une menace. Quelqu’un lui voulait-il du mal ? Quelqu’un voulait-il qu’elle prenne la place de ce petit oiseau dans sa boîte rose ?

Les heures de cours défilèrent à toute vitesse et la semaine se termina. Clarissa avait longuement discuté avec Jules de l’incident. Le petit garçon avait pris soin d’enterrer le pauvre oiseau près du cours d’eau qui longeait le collège.

Jules rassura son amie et lui dit : « Clarissa, j’ai beaucoup réfléchi. Je pense que quelqu’un ne veut pas que notre enquête sur la disparition de cet élève aboutisse. Il y a eu tout d’abord la page de l’album déchirée. On ne voulait pas que l’on sache à quoi ressemblait Sacha. Quelqu’un essaie de te faire peur, de nous impressionner. Mais, ne t’inquiète pas, nous allons trouver de qui il s’agit et nous découvrirons ce qui est arrivé à Sacha. »

Clarissa sentit se défaire le nœud qui enserrait sa gorge depuis la découverte de la boîte dans son casier. Elle n’avait pas osé parler à Bianca de l’événement.

Le toit de leur vieille maison fuyait à de nombreux endroits. Bianca s’était rendu compte de ce problème épineux car la pluie s’était abattue sur Paterpin et n’avait cessé de tomber depuis une dizaine de jours.

Sa tante se démenait péniblement avec des artisans qui devaient réparer le toit. Certains se déplaçaient immédiatement pour des prix exorbitants et d’autres pour des sommes plus modiques n’honoraient jamais leurs rendez-vous.

Bianca avait donc réquisitionné les casseroles, les saladiers, les seaux et même les vieilles chaussures pour récupérer l’eau de pluie qui s’infiltrait dans toutes les pièces de la maison.

 Mais, même si sa tante était débordée, Clarissa pouvait compter sur Jules qui était toujours prêt à l’aider et à la rassurer. La fillette essaya de lui dire qu’il était un garçon formidable, un ami fidèle et sincère, quelqu’un de très courageux. Mais, aucun son ne sortit de sa bouche.

Clarissa avait cependant dû annoncer à Bianca qu’elle ne pourrait pas l’aider à vider les dizaines de récipients remplis d’eau qui était dispersés dans toutes les pièces de la maison. La fillette devait passer la journée au collège pour faire sa retenue.

Bianca fut très étonnée par cette sanction à laquelle Clarissa ne l’avait pas habituée. La fillette lui raconta l’incident dans la salle d’étude en omettant de lui en révéler la cause. Elle lui affirma également qu’elle profiterait de cette journée pour faire tous ses devoirs de la semaine.

Leur nouveau professeur de mathématiques, la veille femme étrange qui l’avait fixée dans le bus et sur la place de Paterpin, assommait les élèves de devoirs. Elle leur donnait tous les jours au moins une dizaine d’exercices.

Même les meilleurs élèves comme Jules trouvaient ces entraînement excessifs et fatigants. Les élèves moyens comme Clarissa passaient des heures à faire ces exercices de plus en plus difficiles.

Bianca trouvait cette punition injuste comme toutes les punitions. Elle était même étonnée que des élèves soient sanctionnées. Elle avait demandé la suppression de toutes les punitions dans la boîte à idées du collège. Mais, sa suggestion n’avait manifestement pas été prise en compte.

Elle ne dit rien à sa tante, mais Clarissa trouvait également injuste d’avoir été punie pour avoir poussé un cri de surprise alors que Charline et ses amis parlaient très forts sans que leur comportement ne leur soit reproché.

Mais, la fillette était tout de même contente de protéger le secret de Marianne et de Mussy, sa belle hermine blanche. Elle s’était cependant sentie un peu coupable de ne pas en parler à Jules qui s’était montré si gentil avec elle ces derniers jours.

Ce samedi matin, une ambiance lugubre régnait dans le collège complètement désert. Clarissa se demanda même si on n’avait pas oublié qu’elle était en retenue toute la journée.

La fillette entra dans la salle d’étude. Elle redoutait de voir Bruno, installé triomphalement sur l’estrade. Mais, Clarissa ne vit qu’Isabelle.

Isabelle, qui était également surveillante au collège de Paterpin, était l’opposée de Bruno. Elle disparaissait sous ses cheveux châtains extrêmement longs et très ternes. Elle avait de petits yeux marrons qui s’enfonçaient dans sa peau pâle.

Elle portait toujours de larges pulls torsadés et des jupes à carreaux très longues. Elle se déplaçait lentement et parlait peu, ce qui faisait d’elle une piètre surveillante.

Cependant, les élèves avaient peur de heurter la fragile et inoffensive Isabelle. Ainsi, quand elle arrivait, les enfants cessaient de courir, arrêtaient de crier et évitaient de chahuter.

Clarissa fut soulagée de voir que c’était Isabelle qui l’encadrerait pendant sa journée de retenue. La surveillante essaya de lui sourire. Mais, elle ne parvint qu’à relever légèrement la commissure de ses lèvres.

La fillette s’assit au fond de la salle d’étude et sortit son cahier et son livre de mathématiques. Isabelle avait la tête posée sur ses mains. Elle regardait d’un air absent la cour de récréation qui s’étendait au-delà des hautes fenêtres de la salle.

Clarissa avait enchaîné des exercices sur les fractions pendant plus d’une heure quand Isabelle se leva. Elle contourna le bureau, descendit de l’estrade et dit sans regarder la fillette : « Je vais surveiller les couloirs. »

Clarissa se demanda ce qu’Isabelle allait surveiller dans un collège désert. Elle continua à faire ses exercices d’algèbre, seule dans la salle d’étude.

Le temps s’écoulait lentement et Isabelle ne reparaissait pas. La surveillante était peu engageante mais sa présence la rassurait. Clarissa ne se sentait pas à son aise dans le collège totalement vide.

Tout à coup, alors qu’elle croyait être totalement seule, une main large et ferme, qui ne pouvait être celle de la fragile Isabelle, se posa sur son épaule.

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Edouard PArle
Posté le 21/02/2022
Coucou !
Un cadeau bien glauque, ça paraîtrait étonnant de la part de Charline de se "salir" comme ça. Un nouvel antagoniste ? En plus, ça semble avoir du lien avec leur enquête ce qui est intéressant...
La main sur l'épaule en pleine retenue, nouveau cliffhanger très efficace. Ca fait 3 chapitres consécutifs où ça fonctionne très bien, avec la résolution à chaque fois dans le chapitre d'après. Bravo !
Petites remarques :
"Elle se déplaçait lentement et parlait peu, ce qui faisait d’elle une piètre surveillante." tu avais fait une tournure identique pour Bruno non ? xD "Cependant, les élèves avaient peur de heurter la fragile et inoffensive Isabelle." ils sont gentils à Paterpin dis donc ^^
Un plaisir,
A bientôt !
Romanticgirl
Posté le 22/02/2022
Merci Edouard pour tes remarques qui me seront très utiles pour la réécriture. Tes questions sont très pertinentes. Bien-sûr, je ne peux pas y répondre. A bientôt !
AnneRakeCollin
Posté le 21/08/2021
Bon et bien, que d'intrigues !! Ce cadeau est vraiment glauque ! On se demande d'où vient le danger et je me pose des questions sur les profs, leur âge et le lien avec Sacha ! Je me demande si elle va profiter d'etre seule pour se faufiler dans l'escalier C !!
Romanticgirl
Posté le 22/08/2021
Merci pour ton message. Tu auras les réponses à tes questions dans les chapitres suivants. J'espère qu'elles te convaincront ! A bientôt.
Hortense
Posté le 26/06/2021
Très bien ce chapitre. Tu sembles plus à l'aise dans ton récit et du coup ton écriture s'en ressent.
Le mystère s'épaissit, un nouveau personnage intriguant.
Tu as l'art de ménager le suspens pour nous donner l'envie de lire la suite.

Comme d'habitude quelques petits points de détails et quelques suggestions :
-Il avait un délicat un délicat : délicat deux fois
- La fillette était toujours troublée : troublée me semble un peu faible. Bouleversée ?
- Quelqu’un essaie de te faire peur, ne nous impressionner : de nous impressionner
- à laquelle Clarissa n’était pas habituée ou à laquelle Clarissa ne l'avait pas habituée ?
Romanticgirl
Posté le 08/07/2021
Bonjour Hortense,
Merci beaucoup pour ton message. Je ne me rends pas vraiment compte de l'évolution de mon écriture... C'est intéressant d'avoir un retour. A bientôt !
Debout la Nuit
Posté le 23/05/2021
Beau chapitre, qui rappelle le sujet du harcèlement scolaire avec ce rouge gorge mort, et la corrélation que fait Clarissa au sujet du sort qui lui est peut-être réservé, selon elle. Cela fait froid dans le dos, au vu de l'actualité récente. Bonne continuation pour ton livre.
Romanticgirl
Posté le 23/05/2021
Merci beaucoup pour ton commentaire qui me motive et qui me donne des pistes pour écrire la suite !
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