Il attendait.
Il était 14h29 la dernière fois qu'il avait regardé l'heure. Il ne comprenait pas pourquoi les aiguilles défilaient si lentement. Comme si elles devaient tracer leur chemin à travers une rivière. Ou une motte de beurre.
Il attendait.
Il était assis dans le beau salon. Le dos droit, tendu, en alerte, la tête droite, tendue, en alerte. Les mains ouvertes sur les cuisses. Les fesses tout au bord du canapé. Il ne voulait pas froisser le tissu à fleurs. Et ce canapé ne donnait de toute façon pas envie de s'avachir.
Il attendait.
Il restait attentif, écoutait les sons du dehors. Le soleil inondait la rue, les températures étaient douces, les passants se promenaient, on entendait parfois un cheval s'ébrouer.
Il attendait.
Il ne savait pas quoi. Simplement, il voulait être prêt quand ça arriverait. Tout. N'importe quoi. Il pourrait se lever d'un bond sans être pris au dépourvu, sans être en proie à la surprise.
Il attendait.
La sonnette retentit. Une seule fois, stridente, sèche. Il se leva d'un bond. Il était pris au dépourvu.
Il s'était attendu à tout sauf à un coup de sonnette.
La sonnette était cassée depuis des années.
Nouvelle Lectrice, j'aime beaucoup comment tu présentes tes textes, c'est bien écrit, c'est propre, et on a juste envie de se ruer sur le prochain chapitre. Continue de nous faire rêver !
Et puis vient la chute :" la sonnette retentit, une seule fois , stridente, sèche. Il se leva d'un bond. Il était pris au dépourvu." Et nous aussi, bien sûr, nous sommes pris au dépourvu ! Très belle chute !
J'ai bien ri.
Je ne sais pas si je ne préfèrerais pas la nouvelle sans la toute dernière phrase. Est-ce que ça ne serait pas plus fort encore de ne pas savoir pourquoi il est surpris ? Ça jetterait peut-être un trouble plus complexe chez le lecteur : le gars edt prêt à tout, mais le premier évènement qui arrive, et qui semble bien banal, le déstabilise complètement. Ce serait plus "russe", si tu vois c'que j'veux dire. Là, on comprend le trouble et ça place le récit dans un univers où les sonnettes cassées sonnent. Du coup, à la fin, ce qu'on ressent, c'est plus un : "bienvenue dans cet univers", plutôt que l'ébahissement potentiel devant la banalité de l'imprévu.
Qu'est-ce t'en dis ?
Si d'autres lisent ces commentaires, je veux bien avoir vos avis aussi ;)
Merci en tout cas.
Elle est vraiment bien rythmée cette nouvelle, on rentre facilement dans la peau tendue du narrateur, comme s'il avait fait une connerie et qu'il attendait d'être pris la main dans le sac.
Il me fait penser à un fantôme qui reçoit la visite de la mort. Mais comme cela reste très succinct, c'est libre à l'interprétation.
"Il ne voulait pas froisser le tissu à fleurs." LE. Le lecteur est directement invité dans l'univers du narrateur, on est capté.
Bien joué, cette nouvelle m'intrigue.
La fin laisse libre court aux interprétations : j'ai d'abord cru que le personnage était quelque part fou (il entend des choses impossibles). Et puis je me suis dis que ça pouvait être encore plus simple que cela : sa sonnette fonctionne à nouveau, miracle, et son attente va heureusement prendre fin.
Merci pour ce moment de lecture, et à très vite !
Et bien sûr la chute, qui fait naître la curiosité et soulève des questions.
Bref, je serais ravi de lire ce que tu proposeras d'autre dans ce recueil !