La soirée d'intégration des feministas

Par Nuity
Notes de l’auteur : Je suis terriblement désolée pour ce retard dans la publication, mais j'étais en période de partiels, et souffrant d'anxiété, je n'ai pensé à rien d'autre... Si vous voulez suivre les informations concernant les publications, suivez-moi sur insta @NolwennLennegezh ou sur twitter @NlwnnLennegezh !!

Le 6 octobre 20XX.

Cher journal,

J'ai aujourd'hui pas mal de choses à raconter. Tout d'abord, ce soir aura lieu la soirée d'intégration de l'association. Cette soirée est un peu en mon honneur, car les première année de la fac n'ont pas vraiment encore rejoint d'associations, il n'y a donc chez les Feministas personne à accueillir mis à part moi. Ça a arrangé Jenny, qui était déjà bien occupée à découper le calendrier scolaire pour les différents événements à venir, et qui attendait aussi une réponse de Jameela concernant le cas du médecin remplaçant. Nous avions d'ailleurs appris entre-temps que cet idiot allait rester ici tout le long du semestre, l'intervention de Jameela était donc définitivement nécessaire.

Mme Thomas commence à en avoir ras-la-casquette de Dickens. A cause de lui, on a perdu énormément de temps dans notre programme tant elle passe son temps à recueillir nos témoignages pour se plaindre à l'administration. Elle était ravie lorsque Ntina lui a parlé du superbe enregistrement obtenu par son stylo, et a promis de venir rendre visite à notre association pour qu'il puisse dégager au plus vite. Je pense que Dickens sera parti avant les vacances d'automne.

J'aime toujours autant le cours de Mr Mbongo, qui a décidé cette semaine de nous faire avancer dans la littérature post-coloniale en nous faisant étudier Toni Morrisson et son livre "Beloved", et avec l'intention de continuer avec « Tout s'effondre » de Chinua Achebe, un écrivain nigérian d'expression anglaise. D'ailleurs, Mr. Mbongo a ramassé nos dissertations durant la séance de tutorial d'hier afin d'évaluer nos progrès. Je me demande si ce que je fais est vraiment bien, cette vérification va m'être très utile.

Avant de parler du programme de la soirée, j'ai besoin de revenir deux minutes sur dimanche dernier, parler un petit peu de ma conversation avec Samira. Car oui, comme je l'avais prévu, elle n'était pas en train de dormir comme les autres, mais était plutôt bien installée dans son lit après une séance de sport et une bonne douche. J'ai longuement hésité sur la façon dont je devais l'aborder : "salut, ça va ?" ou encore "dis, est-ce que je peux te parler un peu ?". Puis je me suis dit que la première option était plutôt fade, et que la deuxième risquait de lui faire peur. Je veux dire, quand on m'envoie un message du style "je peux te parler ?", j'ai automatiquement la case "panique" qui s'active dans mon cerveau, et je me mets à chercher toutes les conneries que j'aurais pu dire ou faire durant les six derniers mois. J'ai donc opté pour un "Hey hey ! Alors ton petit week-end tranquille, ça a été ?". Samira m'avait répondu cinq minutes après avec une aisance qui m'avait presque choquée.

— Salut ! Oui c'était super, j'ai pu prendre soin de moi et faire du sport comme je le voulais, et toi ? La soirée d'hier s'est bien passée ?

En temps normal, Samira avait du mal à répondre oralement. Elle gardait ses réponses assez courtes et poursuivait difficilement la conversation, et surtout : elle ne venait jamais parler aux gens d'elle-même. Ntina m'avait dit qu'elle en avait envie, qu'elle adorait parler avec les gens, mais qu'elle en était tout bonnement incapable. C'était la première fois que je lui parlais par message, et le changement était flagrant. Surprenant, mais de façon très positive. J'ai donc tranquillement poursuivi la conversation en lui parlant un peu de la soirée. Elle était contente de lire que tout s'était bien passé, que Jenny allait donc être de bonne humeur lundi (ce fut le cas, elle était très joyeuse pour quelqu'un qui est à 99% du temps neutre). J'ai enchaîné sur le sport, en lui demandant ce qu'elle pratiquait de son temps libre. Il s'avère qu'elle adore la course à pied, et en ce moment elle est à fond dans la musculation. Apparemment, ça ne se voit pas à cause de ses vêtements, mais elle est sacrément musclée. Certains garçons de sa promotion seraient même jaloux d'elle. Ils devraient tous l'être d'ailleurs, vu qu'elle est déjà gentille et belle, plus d'un rêverait d'être comme elle. Samira aime beaucoup les sports individuels, car elle n'a pas à se coltiner ses camarades qui ne sont pas toujours bienveillants envers les femmes. Heureusement, les filles de sa promotion sont assez soudées. C'est fou à quel point dans chaque domaine existant, les femmes n'ont pas leur place. Il n'y aurait donc aucun lieu ou domaine où les femmes auraient le monopole et surtout la paix sur cette planète ? Les humains sont vraiment méchants entre eux...

Tandis que je parlais avec elle, je me sentais étrangement mieux. Je ne ressentais même plus le besoin de parler de mes parents. J'avais suivi les conseils de ma mère et j'avais décidé d'approfondir mes relations avec les personnes qui m'entourent, ce qui fait qu'à cet instant, alors que j'échangeais avec Samira, je me sentais moins seule. Cette pointe de solitude qui n'avait cessé d'exister depuis mon arrivée commençait tout juste à rétrécir, et... ça faisait du bien. J'étais contente car notre conversation n'était pas froide. J'étais contente car elle aussi était heureuse de pouvoir communiquer avec moi. C'est si étrange... avant, peu importe à qui je parlais en dehors de ma famille et d'Amanita, les conversations étaient si formelles, si lisses. Et là, j'aime le fait d'apprendre à connaître Samira. Ce n'est pas forcé, c'est honnête. Ma première impression lors de ma rencontre avec Agatha se confirme : les liens formés avec les humains sont potentiellement plus réels et sincères que ceux formés entre sorciers. Est-ce que ces liens peuvent rester de cette façon sans devenir... hypocrites ? Je crois que ça doit être vérifié. Car si c'est le cas, j'aurai la certitude que les amitiés humaines peuvent elles aussi être complètement sincères. T'avais raison maman, c'est en me lançant que j'apprends.

Revenons sur la soirée. J'avais décidé d'opter pour une tenue un peu plus classique, une robe simple automnale orange citrouille, qui se fermait avec des boutons. Un peu comme une salopette, mais en robe. Une robe salopette. J'ai ajouté un pull gris pour avoir moins froid, car le temps se rafraîchissait peu à peu, et des collants couleur chair. Tous mes vêtements viennent de Moonstone, mais je me dis que je devrais aller faire un tour pour observer la mode humaine, ça pourrait être intéressant. J'ai aussi fait des recherches en profondeur sur l'alcool : ses effets, les différents types existants, les degrés, le nombre de verres par personne selon l'âge, le poids et la santé... c'était très compliqué. Je crois que je vais boire au hasard, on ne sait jamais ce que ça pourrait donner... je sais juste qu'il ne faut pas boire à jeun, en grande quantité, ni mélanger l'alcool avec certains produits. C'est assez clair concernant la prévention sur l'alcool, mais peu sur les autres produits. Pour être honnête, ces autres produits ne m'inspirent aucune confiance, je ne pense donc pas en faire l'expérience, surtout avec aussi peu de prévention existante pour une consommation "sécurisée".

Je suis allée faire les courses hier pour acheter des gâteaux apéritifs et du jus de fruits, afin de ne pas aller chez Agatha (qui nous logeait pour cette soirée) les mains vides. Pour être tranquille, j'ai fait l'intégralité de mes soins pour la peau et pour mes cheveux un jour à l'avance, ainsi je pourrai tranquillement comater demain sans me soucier de mon bien-être physique. Nous avons rendez-vous chez Agatha dans une heure, et je suis quasi prête, alors j'en profite pour faire mon rapport maintenant. Apparemment, cette soirée sera quelque chose de plus "cosy", calme. On y fera des jeux, on y mangera en discutant, on dansera un peu, et on boira un petit coup aussi. D'après la description donnée par Samira (avec qui j'ai à nouveau discuté entre-temps), je pense que ce sera le genre d'événements qui m'attirera le plus. J'avoue que le grand nombre de personnes et la quantité d'alcool présente lors de la soirée d'intégration n'était vraiment pas quelque chose qui me plaisait, alors un autre "format" me conviendra mieux. Ça correspond plus à ce que nous faisons lors de fêtes à Moonstone.

Hm. Je suppose que c'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Je vais mettre en place mon sort de rédaction express pour pouvoir écrire un peu durant la soirée sans utiliser ma voix ni m'absenter trop longtemps, et je vais me mettre en route. Je dois cesser de repousser le moment où j'entre dans le métro, sinon je vais être en retard.

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Okay, j'ai décrété une pause pipi pendant cinq minutes avant qu'on commence le karaoké. Il faut que je fasse un petit résumé rapide de mes quatre premières heures ici : super ambiance, super bouffe, super drôle, Ntina en est à son quatrième verre et elle commence à raconter des blagues salaces, Jenny rigole à ses blagues, Samira Kate et Agatha sont toutes les trois des joueuses hors pair de "poker" qui est un jeu de cartes humain, j'ai bu trois verres d'alcool mais je ne sens toujours rien mis à part le fait que le punch maison de Ntina est vachement bon, et Tom est super doué au... attendez c'est quoi déjà le nom ? Ah oui, un "blind test" !

Agatha m'a passé la playlist du karaoké, alors j'ai pu me faire une idée de ce qui allait passer. Au moins, je n'aurai pas l'air d'une idiote. Ou peut-être que je peux prétendre ne pas y arriver à cause de l'alcool. J'vais y réfléchir !

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Quatrième pause pipi. Le karaoké, c'était super ! Je vais totalement inviter Amanita à faire ça avec moi la prochaine fois. Cependant, profonde déception, il semblerait que l'alcool n'ait aucun effet sur moi. J'en suis à mon septième verre, et le seul truc que ça fait, c'est remplir ma vessie. Les sorciers ont-ils un système qui élimine automatiquement l'alcool lorsque l'on en ingère ? Ce serait à rechercher.

Ntina et Jenny sont toutes les deux bourrées, et Tom et Samira ont dessiné des zizis sur leur front. On va pas se mentir, c'était hilarant ! Comment Jenny a-t-elle pu finir bourrée comme ça en deux heures de temps ? C'est à cause de l'action ou vérité. Ce jeu est fourbe, car une fois qu'un choix est fait, tu ne peux plus revenir en arrière, ou alors pour y échapper tu bois. J'ai bu quelques fois pour éviter des questions auxquelles je ne pouvais définitivement pas répondre (ou alors j'allais griller ma couverture). Pour donner un exemple de ce jeu, je vais reprendre le moment où Ntina m'a fait découvrir ce qu'était un "fuckboy". D'après la définition, c'est un mec cis qui ne flirte avec toi que pour le sexe et qui fait tout juste pour lui-même, et apparemment, les humains savent repérer les fuckboys. Je me demande si moi aussi, je serai un jour capable d'identifier un fuckboy.

— Ntina, action ou vérité ? avait lancé Kate, qui venait de prouver à tout le monde qu'elle pouvait toucher son nez avec sa langue.

— Vérité ! Ça m'évitera de me briser les os en faisant une action à la con.

— Quel était ton date le plus gênant ? Tu dois nous raconter tous les détails !

— Ouaaah, mon date le plus gênant ? Oh le dossier... bon, installez-vous, prenez le pop-corn, j'vais vous raconter du lourd.

Kate a sorti un sceau de pop-corn et l'a placé au centre du cercle que l'on formait.

— Il était une fois, une meuf trop classe. Ça c'est moi. La super belle meuf avait 18 ans, venait d'arriver à Londres, et surtout voulait pécho un max. Ou peut-être trouver l'âme soeur, on ne sait pas trop. Classique. J'ai donc décidé de faire le tour des bars dans l'optique de rencontrer du monde avant le début des cours. Géniale comme je suis, j'ai rencontré un mec dans les cinq minutes suivant le moment où je suis entrée dans le premier bar.

— Belle gosse, murmura Jenny avant de lui accorder un high five.

— Merci. Bref, on a bu un café ensemble et on a tapé la discute. Quoi ? fit-elle en voyant la tête que tirait les autres. Il était dix heures du matin, je n'allais quand même pas picoler à cette heure-ci !

— Ooooh, je comprends mieux, répondit Samira.

— Je sais que j'aime le goût de l'alcool, mais j'ai quand même mes limites. Revenons à nos moutons. Le café était bon, le gars était plutôt mignon, et on avait l'air de bien s'entendre. Bien sapé, poli, assez classe, un parfum qui sentait bon, quelqu'un qui avait l'air super sérieux. On a discuté pendant au moins deux bonnes heures ! Il me plaisait vraiment bien, mais j'me suis dit qu'avant toute chose il fallait tester la marchandise, pour voir si ça valait la peine de continuer avec lui ou pas.

— Tester la marchandise ? Ai-je demandé, un peu confuse.

— En gros, elle a voulu coucher avec lui pour voir si c'était un bon coup au lit. Si tu ne fais pas attention au plaisir de ta partenaire, c'est éliminatoire direct, m'expliqua Agatha.

— Ah, d'accord !

Plutôt logique si vous voulez mon avis. Au moins, on sait direct si la personne en face est égoïste ou pas. Il paraît que les hommes humains ne savent pas faire jouir les femmes, ça ça craint.

— Il m'a donc invitée dans un hôtel le soir même. Bien sûr, et par pure sécurité, j'avais informé mon frère d'où j'allais et avec qui, car on ne sait jamais ! Le type avec qui j'ai bu un café aurait très bien pu être un tueur, ou pire encore, un trafiquant d'esclaves sexuelles.

Ce qui m'avait choquée, c'était que son ton était très sérieux quand elle nous a dit ça. Je savais que les femmes devaient être sur leurs gardes constamment, surtout contre les violences sexuelles, mais je n'imaginais pas que ça pouvait aller aussi loin que d'avoir peur qu'on puisse mourir d'une simple rencontre ou d'être réduite en esclavage. Il y a d'autres trucs dont je devrais me méfier ?

— Donc j'arrive à l'hôtel, et le gars porte des lunettes de soleil alors qu'il était 20h. C'était déjà pas bien parti. En plus il se la pétait grave devant les gens à l'accueil... puis on est montés, sans même prendre un verre ni rien avant. J'avais encore envie de discuter moi... il m'a dit d'attendre cinq minutes devant la porte car il voulait se "préparer". Si j'avais su... donc au bout de cinq minutes j'ouvre, et là il était à poil, avec seulement un coussin rouge en forme de cœur pour cacher ses parties, et en fond... il y avait de la musique. Et là, pendant qu'il se mordait les lèvres de façon très beauf, il a dit : "tu aimes la musique zouk love ?". ZOUK LOVE. IL A DIT ZOUK LOVE !

A côté d'elle, une Jenny un peu éméchée était en train de pouffer de rire.

— Héhé, t'es tombée sur un fuckboy, et en prime un gros beauf...

— Ça m'a refroidie DIRECT. Depuis, je repère les mecs qui font tout juste pour coucher avec toi. Ah oui, je suis sortie de la chambre sans me poser de question. Alors certes, il y avait une volonté de m'amuser ce soir-là, mais je m'étais dit que si je pouvais par la suite me poser avec, ce serait cool. Mais là... c'était juste trop, avec sa mise en scène beauf, il voulait juste me revoir pour ça ! Plus tard, il a essayé de me recontacter, mais c'était mort et enterré, je l'ai bloqué de partout. Adios le fuckboy ! C'est ainsi que s'achève l'histoire de mon pire date. Je mérite de ouf des pop-corn et un verre pour me désaltérer après avoir autant causé.

Samira lui a alors passé le sceau de pop-corn et versé un verre de punch pendant que tout le monde riait. C'était génial !

Ouh là, il faut que j'y retourne. Tom va nous montrer des vidéos qu'il créait quand il était enfant, et qu'il postait sur des plateformes de vidéos en ligne. Apparemment, il avait une passion pour les jeux vidéos de construction. Les filles ont parlé d'un jeu où il n'y a que des cubes ? Des cubes partout ? C'est donc ça, le vrai pouvoir de l'humanité ? Je ne peux en perdre une seule miette.

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Huitième pause pipi. Il est six heures du matin, quasi tout le monde dort, sauf ma vessie. J'aurais pas dû tenter la bière. Bref, cette soirée était incroyable. J'ai l'impression d'avoir vraiment renforcé mes liens avec tout le monde, avec les anecdotes du jeu "Action ou vérité" mais aussi en jouant avec tout le monde, que ce soit le karaoké, le poker, ou encore cette partie de courses de voitures où Tom a défoncé tout le monde. Son côté amateur de jeux vidéos était définitivement ressorti.

— Je m'étais entraîné en prévision de cette soirée, avait-il dit d'un air fier.

Cette soirée était assez proche de ce que j'aimais à Moonstone, mais en bien mieux. Sincèrement, je crois que je ne me suis jamais autant amusée de ma vie durant une fête entre amis, et pourtant j'en ai fait des soirées avec Amanita. Moi aussi, je veux faire ça avec elle, faire du karaoké, raconter des trucs rigolos, boire beaucoup de bière (c'est vraiment bon cette boisson, et ça m'arrange bien de ne pas être bourrée, merci mon système !!), et même dessiner des obscénités sur le visage des gens endormis pour leur faire une blague. Tom m'avait dit que personne ne prenait de photos, car c'était simplement pour rire un peu de ceux qui sont, je cite "tombés au combat trop tôt", et non pas pour les humilier. Je veux pouvoir me lâcher, faire des trucs bêtes, au lieu d'être trop sérieuse et formelle tout le temps. Adios la formalité ? Adios la formalité. Maintenant, je m'autorise à être un peu bête. Juste un petit peu. C'est de la bonne bêtise, celle qui fait du bien et qui détend sans faire de mal à qui que ce soit. Au moins, je sais désormais que les humains peuvent rigoler sans blesser autrui, et ça, ça me rassure. Parce qu'avec un peu de travail, on pourra faire accepter ça à Moonstone.

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