La rentrée

L’été passa en un éclair. Après son inscription dans cet étrange collège, Clarissa eut le temps de découvrir leur nouvelle maison à la lumière du jour.

Bianca conservait toujours sa bonne humeur et disait chaque fois qu’elle entrait dans une pièce qu’elle avait beaucoup de charme et un cachet extraordinaire. Mais Clarissa ne voyait que son état de délabrement.

Les sols, les fenêtres et même le plafond étaient couverts d’une épaisse couche de poussière. Les meubles qui avaient été raffinés et luxueux étaient très abîmés. Les tiroirs ne s’ouvraient plus, les portes sortaient de leurs gonds et les pieds n’avaient plus la même hauteur. L’eau ne coulait des robinets qu’après plusieurs secondes d’attente, soit en un mince filet inutile ne serait-ce que pour se laver les mains soit en un jet puissant qui avait éclaboussé la fillette plus d’une fois. L’électricité ne fut rétablie qu’après plusieurs jours d’attente et de multiples démarches.

Bianca et même Clarissa ne ménagèrent pas leurs efforts pour rendre la maison habitable. Bianca travaillait de manière désordonnée, elle commençait une tâche sans jamais la finir. Elle nettoyait méticuleusement une lampe mais ne changeait pas l’ampoule ou alors elle frottait un tapis et le lavait à grande eau mais oubliait de le faire sécher.

Clarissa, qui était plus efficace et organisée que sa tante malgré son jeune âge, terminait tous ces petits travaux inachevés et en quelques semaines, tout fut remis en état. La maison délabrée et inquiétante devint une bâtisse de caractère certes traversée par les ans mais confortable et agréable. Finalement, Clarissa s’y sentit chez elle.

Clarissa remarqua cependant qu’au-dessus de la cheminée en marbre blanc, la peinture était plus terne sur les côtés d’un grand rectangle. Un tableau ou un grand cadre que l’on avait sans doute retiré devait se trouver à cet emplacement.

Quand le jour de la rentrée arriva, la fillette n’avait pas eu le temps d’explorer Paterpin. Elle attacha ses cheveux rebelles qu’elle n’arrivait jamais à discipliner, enfila un t-shirt, un pantalon, une veste en jean et vérifia qu’elle portait bien son collier, sa petite montre en argent ornée de fleurs. Puis, elle grimpa dans la vieille voiture de Bianca qui tenait à l’accompagner pour son premier jour d’école.

Quand Clarissa arriva devant le collège, elle mit plusieurs secondes à appuyer sur la poignée de la portière et à sortir du véhicule. Lors de son inscription, au début de l’été, l’établissement lui avait semblé triste et surtout étrange.

Mais, alors qu’il était vide quand Clarissa l’avait visité pendant les vacances, en ce jour de rentrée, il grouillait de plusieurs centaines d’élèves, ce qui le rendait désormais effrayant. La fillette fréquentait une petite école de quartier de quelques dizaines d’élèves. Elle ne s’attendait pas à un tel fourmillement et à un tel vacarme.

Les parents qui avaient accompagné exceptionnellement leur progéniture pour les rassurer pour leur premier jour de classe klaxonnaient allègrement à l’intention des autres parents qui occupaient les rares place de parking et hurlaient à la portière pour ordonner aux enfants de traverser plus rapidement.

Certains élèves s’étaient rassemblés en petits groupes et semblaient heureux de se retrouver, alors que d’autres bougonnaient et regrettaient leurs belles vacances d’été.

Bianca embrassa Clarissa, la serra dans ses bras en lui souhaitant une bonne journée et regarda sa nièce s’éloigner avec une grande émotion et une légère appréhension. La petite fille s’était enfin décidée à sortir de la voiture car elle savait que sa tante refuserait de la ramener dans leur vieille maison étonnamment rassurante face au tumulte de cette horde déchaînée de collégiens.

Clarissa fut bousculée au moins une dizaine de fois par des élèves euphoriques avant d’atteindre la cour où elle devait rejoindre la classe où elle avait été affectée.

Elle chercha du regard Jules, le petit garçon qui lui avait fait visiter le collège lors de son inscription. Il s’était montré gentil et accueillant avec elle alors qu’il venait de la rencontrer. Mais, Clarissa ne parvint pas à le distinguer au milieu de la foule grouillante d’adolescents. Elle espéra tout de même qu’ils seraient dans la même classe.

Clarissa était quelque peu désemparée. Elle ne savait pas si elle devait attendre dans la cour que quelqu’un, la directrice, un professeur, un surveillant vienne la chercher ou si elle devait se rendre dans une salle de classe.

A ce moment-là, elle fut ravie de voir Florence, l’aimable secrétaire aux tenues colorées. Elle lui fit un large sourire au-dessus de ses lunettes dorées. Ses cheveux violets ondoyant dans la lumière du matin, Florence conduisit la fillette jusqu’à sa salle de classe au premier étage du bâtiment Parseau.

Clarissa prit une grande inspiration et tenta d’oublier le nœud qui lui tordait le ventre avant de frapper à la porte close. Une petite voix aiguë lui répondit « Entrez. »

La fillette se retrouva face à une toute petite femme qui ne faisait pas plus d’un mètre cinquante, peut-être même moins. Elle avait une épaisse chevelure blond platine très bouclée qui tombait en cascade sur ses épaules. Elle portait un tailleur dont la veste et le pantalon étaient ornés de larges fleurs rose fuchsia et un rouge à lèvre très voyant assorti.

La petite femme s’avança vers Clarissa qui avait réuni toutes ses forces pour ouvrir la porte mais qui n’avait pas réussi à en franchir le seuil.

« Bonjour, je m’appelle Mme Lomas, je suis ton professeur de français et ton professeur principal, dit la petite femme d’une voix tendre. Bienvenue parmi nous ! »

L’enseignante était encore plus petite que le pensait Clarissa car la fillette, malgré ses onze ans, la dépassait de plusieurs centimètres.

Mme Lomas comprit sans doute que Clarissa était trop impressionnée par les élèves de cette classe qu’elle n’avait pas encore osé regarder. Elle tendit le bras et saisit la fillette par l’épaule avec une grande douceur et l’emmena devant le tableau.

Clarissa ne parvint pas à distinguer les élèves qui lui faisait face. Elle ne vit que leurs yeux, les dizaines d’yeux qui la fixaient intensément et qui se demandaient qui étaient cette nouvelle venue dans cette ville où personne n’emménageait jamais.

 Clarissa aurait été incapable de se présenter ni même de prononcer un seul mot. Mme Lomas dit alors : « Nous avons la chance d’accueillir parmi nous Clarissa qui vient de s’installer à Paterpin. Il y a une place libre près de la fenêtre. Il me semble que tu connais déjà l’élève qui se trouve à cette table, ajouta Mme Lomas tout bas avec un clin d’œil. »

Clarissa aperçut alors Jules qui se trouvait au fond de la classe et qui la regardait avec un petit sourire qui ne masquait pas totalement sa timidité. La fillette parvint à traverser la classe, à s’asseoir près du petit garçon et à lui rendre maladroitement son sourire.

A cette place rassurante, Clarissa crut qu’elle venait à peine de reprendre sa respiration et sentit l’étau qui enserrait son ventre se desserrait quelque peu. Son professeur principal était une personne gentille et bienveillante tout comme Jules qui était par chance dans sa classe et même à sa table.

Ensuite, Mme Lomas donna des indications pratiques très précises sur le fonctionnement du collège : ses bâtiments, ses horaires, ses règles. Clarissa notait tout ce qu’elle pouvait sur un petit carnet en espérant pouvoir retenir ces informations très exhaustives.

Puis, le ton de Mme Lomas, qui était doux et bienveillant, devint très ferme. Ce changement étonna Clarissa. La professeure de français intima de manière déterminée : « Il est formellement interdit à tous les élèves d’emprunter l’escalier C. »

En ville, dans son ancienne école, il y avait des lieux interdits comme le bureau de la directrice, le local de la photocopieuse et les toilettes des professeurs. Mais Clarissa ne comprenait pas pourquoi au collège de Paterpin, tout un escalier était inaccessible et surtout où il pouvait bien mener.

Tout à coup, alors qu’elle était pourtant seule avec Jules au fond de la classe, elle sentit que quelqu’un l’observait. Une fillette aux longs cheveux bruns très lisses et très soyeux, se retournait sans cesse, assez discrètement pour ne pas être repérée par Mme Lomas. Elle avait des yeux très sombres, presque noirs, et elle lançait à Clarissa des regards hostiles.

Quand la sonnerie retentit, Jules invita gentiment Clarissa à le suivre dans la cour de récréation. Alors qu’elle circulait entre les tables, la fillette aux yeux noirs se leva précipitamment quand Clarissa arriva à sa hauteur et se planta devant elle, l’empêchant de poursuivre son chemin. Jules se trouvait quelques pas devant et Mme Lomas était occupée à trier des papiers.

La tenue de la fillette aux yeux noirs était à l’image de ses cheveux, absolument parfaite. Elle portait une élégante jupe à carreaux verte, une chemise blanche impeccablement repassée et un sac à main en cuir noir. Un magnifique pendentif brillait au bout d’une chaîne en or, un rubis aux reflets rouges profonds.

Elle scruta Clarissa, des pieds à la tête, son jean trop grand, son tshirt sans forme et son sac à dos, les lèvres pincées et le regard froid dans une attitude méprisante. Elle dit alors, suscitant les rires des élèves qui se trouvaient autour d’elle : « Pour une fille de la ville, tu as un look de paysanne ! »

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Ozymandia-Sadek
Posté le 07/03/2022
J'ai bien l'impression de Clarissa va devoir faire face à une sacrée peste. Toujours aussi intriguant ce collège. Pourquoi Jules semble si effrayer et pourquoi un changement de ton si brutale de la part du professeur.
Romanticgirl
Posté le 17/03/2022
Merci beaucoup de partager tes impressions de lecture, c'est très intéressant. A bientôt j'espère.
Edouard PArle
Posté le 18/11/2021
Coucou !
Déjà deux pièces de la future intrigue de posée : le tableau disparu dans le manoir et l'intriguant escalier C interdit aux élèves. Je suis sûr que ces détails vont être importants xD
Finalement Jules est bien un élève en chair et en os et pas un fantôme^^
Je comprends que la rentrée soit éprouvante pour Clarissa qui s'est habituée au silence de la grande maison de sa tente. Ca doit détonner !
Quelques remarques :
"Les meubles qui avaient été raffinés et luxueux" -> les meubles autrefois raffinés... (ça évite un verbe avoir)
"Mais, Clarissa" la virgule est inutile
"son ventre se desserrait" -> desserrer
Un plaisir,
A bientôt !
Romanticgirl
Posté le 18/11/2021
Bonjour Edouard,
Merci pour ta fidélité et surtout pour ton précieux commentaire. Tu as vu juste pour les éléments importants mais je n'en dit pas plus ;) Je note toutes les erreurs et les maladresses que tu soulèves pour ma réécriture.
A bientôt !
AnneRakeCollin
Posté le 19/08/2021
OOOh la peste de la classe !!
pour le tableau perso heureusement que tu as précisé car j'ai imaginé un coup de peinture supplémentaire :)
Ca soulève des questions : est-ce que la maison est hantée ? est-ce hanté par le propriétaire du tableau ? etc...
Je note également le pendentif de la peste... Elle doit être amoureuse de Jules pour etre aussi méchante !!
Romanticgirl
Posté le 20/08/2021
Merci pour ton commentaire et toutes tes interrogations. Tu auras beaucoup de réponses dans les chapitres suivants ;)
arno_01
Posté le 10/08/2021
On rentre bien dans l'univers du collège. La timidité de Clarissa est très bien mise en avant. (même si je n'avais pas noté / ou oublié, qu'elle était à ce point timide).

Deux remarques :
- il me semblait que Jules était le fils de la cuisinière (Adrien celui de la directrice)
- Concernant le tableau manquant dans la maison. C'est (je trouve) amené pas très subtilement : un lecteur un peu averti a directement compris qu'il y avait quelques chose avec ce tableau.
si tu veux alerter le lecteur c'est très bien. Si l'idée est de lui créer de la suprise plus tard, c'est un peu loupé. Pour ce dernier cas, l doit être possible, dans la liste de travaux ménager, d'indiquer une telle chose (la tante en train de frotter la peinture pour masquer la trace d'un tableau manquants, ..... ou du même genre)
Romanticgirl
Posté le 11/08/2021
Merci beaucoup pour ton commentaire très pertinent ! Tu as visé juste et tu as vu toutes les incohérences du récit. Je suis en train de l'écrire et je tâtonne. Effectivement, je n'avais pas insisté sur la timidité de Clarissa dans les premiers chapitres alors que je reviens à plusieurs reprises sur ce trait de caractère dans la suite du récit. Au départ, Adrien et Jules devaient être frères. Puis, j'ai changé de direction. Enfin, l'histoire du tableau (qui n'est pas très subtile visiblement !) aurait dû me permettre de finaliser une piste mais je ne suis pas sûre de la suivre. Je vais corriger ce chapitre. Merci encore !
Hortense
Posté le 10/06/2021
Texte fourmillant de détails. J'ai beaucoup aimé le portrait de Bianca dans son organisation du ménage. C'est un vrai personnage. On ressent bien l'inquiétude de Clarissa au moment d'affronter la rentrée. La confusion de ses sentiments est bien exprimée de même que ses inquiétudes.

Quelques remarques de détail :

- "soit en un mince filet inutile ne serait-ce que pour se laver les mains "
suggestion : soit en un mince filet, inutile pour se laver les mains, soit en un jet puissant qui éclaboussait tout.
- "Bianca et même Clarissa", le même me semble superflu
- "Clarissa remarqua cependant qu’au-dessus de la cheminée en marbre blanc, la peinture était plus terne sur les côtés d’un grand rectangle. Un tableau ou un grand cadre que l’on avait sans doute retiré devait se trouver à cet emplacement." il me manque une chute du style :
- une énigme à résoudre ;
- il faudrait qu'elle fasse des recherches ;
- il a peut-être été remisé au grenier....
- "Les parents qui avaient accompagné exceptionnellement leur progéniture pour les rassurer pour leur premier jour de classe klaxonnaient allègrement à l’intention des autres parents qui occupaient les rares place de parking et hurlaient à la portière pour ordonner aux enfants de traverser plus rapidement." Phrase un peu longue qui mériterait d'être coupée.
- "Elle chercha du regard Jules, le fils de l’antipathique directrice Madame Ramade". Il me semblait que Jules était l'enfant de la cuisinière ou d'une des personnes des communs ? mais j'ai peut-être mal compris.
- "Clarissa crut qu’elle venait à peine de reprendre sa respiration et sentit l’étau qui enserrait son ventre". Peut-être : Clarissa souffla un peu et sentit...
Romanticgirl
Posté le 12/06/2021
Merci beaucoup Hortense pour ton retour intéressant ! Tes remarques stylistiques sont pertinentes, je vais bientôt remanier le chapitre (quand je trouverai le temps ;) ) en les intégrant. A bientôt j'espère.
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