La milice

Par Sebours
Notes de l’auteur : Alors le concept est encore flou et en gestation. Milice urbaine ou garde prétorienne, je ne sais pas encore. Dites-moi ce que vous en pensez.

Dans l’empire elfe, il n'existe pas de garde permanente chargée de la protection des officiers généraux et des membres du conseil royal. Néanmoins, le tribun de la plèbe Ome, représentant des peuples alliés et de la dixième caste a choisi de s'entourer d'une garde de soldats pour assurer sa sécurité, donnant naissance à une milice communément appelée « garde prétorienne ». En cas de bataille, elle intervient comme une ultime réserve. La garde prétorienne était une unité de l'armée humaine constituée de soldats d'élite initialement recrutés par le tribun lui-même.

Les cohortes prétoriennes sont dites equitatae, de 500 hommes chacune à l'origine (cohorte quingénaire), c'est-à-dire qu'elles comprennent des turmes de cavaliers avec des centuries de fantassins. A l’origine, une seule cohorte avait été recrutée par le tribun de la plèbe.

La garde prétorienne

Traité sur les sociétés du bouclier-monde

du maître architecte Vinci

 

Depuis son investiture, Ome ne touchait plus terre. La bonne Cléandre avait bien raison. Il ne trouvait plus le temps d’aller la voir, et le soutien bienveillant de la servante lui manquait. Le représentant des derniers nés de Nunn sentait les manipulations politiques qui se cristallisaient sur sa personne. Il bénéficiait du soutien des cinq dernières castes, il en était certain. Les différents messages glissés subrepticement au détour d’un couloir ou d’une conversation ne trompaient pas. Par contre, les quatre premières castes cherchaient à le rendre atone en dénigrant chacun de ses propos.

L’hypocrite maire du palais, le baron Otto, tentait également de l’amadouer pour le rallier à son camp politique. Voilà huit ans que Ome avait été intégré à la cinquième caste avec la perspective de devenir fauconnier de la maison du roi. Le représentant des gens de l’ordre, son propre représentant l’avait toujours ignoré ! Et depuis son investiture, le grand dignitaire déployait des trésors d’attentions et de gestes de sollicitude. Fort avec les faibles, faible avec les forts. Ce prétentieux parvenu était tout l’inverse du grand chambellan. Il partageait le dégoût d’Ugmar pour ce veule personnage.

Le premier des hommes s’interrogeait sur le positionnement de celui qui l’avait extirpé de sa fange de Panamantra. Le grand baron ne contredisait jamais le général Ull lorsque celui-ci bloquait toute volonté de développement d’un corps militaire humain. Comme lorsque Ome avait cherché une épée d’apparat, le grand chambellan manœuvrait pour ne pas lui apporter son soutien sans apparaître comme un censeur vindicatif.

En séance officielle du conseil royal, le déterminé garçon avait obtenu l’autorisation de constituer une milice de la bouche même du roi Roll. Mais à quoi servirait une milice armée de simple bâtons ? Le maître questeur Anémo contrôlait le commerce des métaux et l’architecte Vinci interdisait à la caste de vendre des armes aux derniers nés de Nunn. Pour l’instant, les hommes se trouvaient cantonnés dans une impasse.

Lorsque Nunn a créé les sept races originelles, il n’y avait pas de princes. Pourtant, certains ont saisi leur destin ! Le destin, c’est un prétexte trouver par les élites pour confiner le bas peuple dans sa médiocrité en justifiant qu’il n’a pas droit de prétendre à mieux ! Les mots du prince Hector, résonnaient de plus en plus puissamment dans son cœur et dans son âme. Fort de la déclaration du souverain elfe, Ome décidait aujourd’hui de reprendre en main son existence et celle de tout son peuple.

L’argent restait le nerf de la guerre. Obtenir un financement pérenne des soldes apparaissait essentiel pour recruter des éléments fidèles et assurer la stabilité de la milice. A l’image du grand chambellan, il fallait faire feu de tout bois. Le premier des hommes se rendit directement dans le bureau du maire du palais. En lui faisant miroiter un hypothétique soutien des proscrits, le grotesque haut fonctionnaire s’empressa de couper l’herbe sous le pied de son ennemi de toujours, le baron Ugmar. En moins de dix minutes, l’opportuniste adolescent obtint une rente à vie suffisante pour rétribuer une petite troupe. Une heure plus tard, lors de son compte-rendu quotidien, il expliquait sa manipulation au grand chambellan qui s’esclaffa et l’encouragea dans sa démarche de duper jusqu’à plus soif ce balourd d’Otto. Le haut dignitaire l’autorisa également, bien que du bout des lèvres, à recruter une milice.

A dix heures, Ome disposait enfin d’un blanc sein et des finances. Il ne lui manquait plus qu’à trouver des hommes et des femmes motivés pour son projet. Plusieurs options s’offraient à lui. Sélectionner des membres de la ligue des ombres gréverait la fidélité et l’unité de l’équipe. Ces canailles resteraient avant tout au service du roi rouge de Zulla. Même si Igor restait son allié et mentor, l’apprenti de Slymock ne pouvait prendre ce risque. Lancer une grande conscription volontaire dans les faubourgs des proscrits ne ramènerait que des soûlards, des désœuvrés. Non ! Les bons éléments se trouvaient déjà dans les légions. L’ambitieux fit donc volte-face et retourna au bureau du grand chambellan. Heureusement, Slymock s’entretenait encore avec son maître. Le baron posa ses yeux de feux sur l’impromptu entrant.

« Qu’as-tu oublié mon garçon ? »

« Grand chambellan, je viens de penser...si je crée une milice, de quelle caste dépendra-t-elle ? »

« Comment ça ? Pourquoi cette question ? »

« Par mon titre de fauconnier, je suis fonctionnaire de la maison du roi. Je dépends donc de la cinquième caste des gens de l’ordre, du baron Otto. Mais la milice aura pour but de faire respecter la loi dans les faubourgs. Hors c’est une prérogative de la première caste des gens du sang. Et même avec votre appui, je doute que les nobles que vous représentez acceptent l’intégration d’hommes et de femmes dans leurs rangs. Pourtant, je trouve dommage de laisser cette nouvelle milice sous la direction de votre adversaire politique. »

« J’y avais déjà réfléchi mon garçon, mais qu’y pouvons-nous ? Si tu es revenu simplement pour étaler des évidences, tu pouvais aussi bien t’abstenir. Tu sais que j’ai horreur qu’on me fasse perdre mon temps ! »

« C’est pourquoi j’ai envisagé une troisième possibilité. La milice humaine resterait dans votre giron si elle était affiliée à la troisième caste des gens d’armes. »

Ugmar marqua un temps de réflexion en échangeant des regards avec Slymock. Le maître espion brisa le silence en prodiguant un de ses conseils avisés.

« Le général Ull vous réclame la tête de Ome depuis deux mois ! A première vue, lui confier garçon semble absurde ! Pourtant, cela relève du génie ! Mettre la milice humaine officiellement sous le commandement de la troisième caste obligera notre chef de guerre à composer lui-même avec la problématique des hommes. »

« C’est une façon de voir les choses mon bon Slymock. Finalement, tu ne me fais pas perdre mon temps mon garçon ! Je vais m’entretenir avec Ull pour estimer s’il est enclin à accepter ce compromis. Si tel est le cas, nous en parlerons tout à l’heure au conseil du roi. Slymock, prépare-moi un argumentaire ! »

En une matinée, par sa seule ingéniosité, Ome débloquait une situation figée depuis deux mois, depuis son investiture. Il avait plié le plus grand manipulateur de l’empire à sa volonté. En fin politicien, Ugmar parvint à convaincre le général Ull dans l’heure qui suivit. Le conseil du roi ne fut qu’une formalité. Comme à l’accoutumée, le maire du palais ne sentit pas le coup venir et il fut trop tard pour réagir lorsque Roll, le souverain de la bannière de Batum-Khal entérina la création dans le giron des militaires, d’une milice humaine commandée par Ome.

Le chef militaire se montra aussi peu coopératif qu’espérer. Le représentant des gens d’armes proposa tout d’abord à celui des derniers nés de Nunn de recruter parmi les fortes têtes des légions, tous ces soldats qui refusaient ostensiblement le commandement des elfes. Cela cadrait parfaitement avec ce que Ome avait anticipé. Et cela convenait parfaitement à son projet. Il recherchait des hommes et des femmes revanchards qui resteraient fidèles à la cause de leur peuple et viseraient à se libérer du joug des elfes aux oreilles pointues. Ses premiers pas en tant qu’apprenti politicien constituaient une réussite.

Un instant le garçon songea au chemin qu’il avait déjà parcouru. Maréchal ferrant, étudiant, fauconnier, espion, voleur, assassin et à présent chef militaire et politicien. Décidément, son existence n’était qu’une succession d’apprentissages, mais n’était-ce pas le lot de chaque créature vivante du bouclier-monde ? N’était-ce pas l’unique chemin pour s’extirper du cloaque dans lequel les élites confinaient les proscrits ? Lui-même ne participait-il pas à l’éducation de Flèche, Voile et Caresse ? Comment auraient évolué les derniers trois rokhs cachés dans son sac microcosmique sans lui ? En l’absence de leur mère, auraient-ils été même capables de voler et chasser sans ses soins ? Ome allait agir pareillement avec les têtes brûlées des légions. Il leur montrerait la voie de l’émancipation et ensemble ils libéreraient le peuple des hommes. Il passa deux semaines à recevoir en entretien les éléments désignés par les elfes. Certains se révélaient effectivement être des fortes têtes refusant toute hiérarchie, mais la plupart n’étaient que des révoltés qui acceptaient de plus en plus difficilement leur condition subalterne. A l’origine, Ome espérait trouver une cinquantaine de soldats motivés et dévoués à la cause, il en recruta cinq cents.

Alors que le représentant des derniers nés de Nunn pensait être enfin parvenu à une reconnaissance certaine, le général Ull continua à lui mettre des bâtons dans les roues. Il confisqua les lances des nouveaux miliciens sous prétextes qu’elles étaient dévolues à la légion. Avec le blocus organisé par le grand questeur Anémo et le maître architecte Vinci, le chef des armées pensait conduire cet embryon de milice dans l’impasse. S’était sans compter sur l’opiniâtreté et l’ingéniosité de la race des hommes. Depuis toujours les proscrits avaient appris à contourner les manques et les interdits. On leur refusait d’acheter des armes ! Ils les fabriqueraient eux-mêmes ! On leur interdisait l’accès aux métaux ! Ils utiliseraient d’autres matériaux !

Quelques miliciens avaient servi aux confins des marches et racontèrent les flèches orcs, faites de bois et de pierre. En toute objectivité, construire des arcs apparaissait comme l’unique solution envisageable. Cependant, les arcs elfes nécessitaient trop de force pour un humain, tout comme les longbows orcs. L’idéal aurait été d’apprendre à fabriquer des arcs à double courbure. Malheureusement, malgré ses appuis politiques, les consulats satyres et dryades refusèrent tout transfert de technologie, n’acceptant même qu’à contrecœur d’accorder une entrevue exceptionnelle à l’ami du prince Hector. Une crise diplomatique couvait-elle entre les peuples périphériques et l’empire elfe ?

Par conséquent, la milice du réinventer tout un processus de fabrication pour élaborer un arc adapté à la stature et à la force des derniers nés de Nunn. Les frênes étant légions aux alentours de Zulla, les hommes travaillèrent à partir de cette essence. Pour conserver suffisamment de puissance, Ome pensa à maintenir la section d’un longbow en en réduisant la longueur. Il demanda de tailler une poignée dans la partie centrale, à la manière des arcs hybrides. Ainsi, seules les extrémités pliaient. De nombreux prototypes furent nécessaires pour aboutir à une forme définitive que l’on baptisa flatbow. En parallèle, l’ambitieux garçon lança la production industrielle de flèches. Opportunément, une femme du nom d’Émilie avait apporté une flèche orc qu’elle avait récupérée lors d’une campagne aux marches de l’empire avec la douzième légion. La simplicité de la pointe de pierre et du corps en bois fut aisée à reproduire.

En trois mois, après avoir lutté contre vents et marées, Ome disposait d’une milice de cinq cents archers et archères dévoués au peuple des derniers nés de Nunn. Encore fallait-il leur trouver une fonction dans la société et pour cela, en faire une milice autonome.

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