La Boutique

Dès que sa saignée de nez fut tarie, dès qu'elle eut fini à se débattre avec ses cheveux et dès que Pudubec cessa enfin de la traiter de « gobelet défraîchi », Annie rejoignit la troupe qui l'attendait sous le porche de MajHabie.

 -  Pas trop tôt, grommela Varid en écartant le rideau de l'entrée d'un revers de main.

Annie soupira. Visiblement, il ne lui avait pas encore pardonné de lui être rentré dedans tout à l'heure. Il faisait sûrement parti de ces hommes très imbus d'eux-mêmes, qui ne remueraient pas le petit doigt pour aider quelqu'un qui avait autrefois froissé leur orgueil.

Accablée, la jeune fille jeta un bref coup d'œil à l'architecture dans laquelle elle s'apprêtait d'entrer. Du fiacre, elle n'avait pas vu les nombreuses et admirables gravures artistiques qui sévissaient tout autour des baies vitrées. MajHabie n'était pas une merveille architecturale, loin de là, mais il en restait impressionnant. Ses murs semblaient tellement azurés qu'on aurait presque cru avoir un bout de ciel compact devant nous. Ils épousaient magnifiquement la lumière bleutée qui noyait la Cité Bleue d'une étrangeté magique.

Mais hélas, son inspection fut interrompue par un spectaculaire éternuement. Plongeant sa figure dans un énième mouchoir, Annie n'osait pas se demander à quelle altitude ils se trouvaient, et pourquoi elle arrivait toujours à respirer si aisément. Le Monde des Nuages était un écrin à mystères, et avant la science, elle avait déjà beaucoup à élucider. Occupée à crier par le nez, elle ne réagit pas lorsque Solveig vint à sa rencontre dans un gracieux ondoiement, puis posa une paume chaude sur son épaule. Elle sentait le printemps, le maquillage et le tabac.

 -  Veux-tu que je t'inculque des leçons de maintien ? Demanda-elle avec un sourire mi-moqueur, mi-compatissant. Ça l'aidera à t'apprécier.

Annie mit un bref instant à comprendre qu'elle parlait encore de Varid. Rouge de rage et de honte, elle ne répondit pas et se cacha du mieux qu'elle put dans son mouchoir. Pourtant, elle n'arrivait pas à détester Solveig. Son regard voleta de Varid à sa femme. Parmi tous les habitants de la Wolken, il avait fallu qu'elle tombât sur une famille plein de complexes.

Pour éviter de soupirer, elle renifla, tout en dégageant doucement son épaule de la prise de Solveig. Avec une émotion indéchiffrable au fond du regard, la femme s'en fut à la suite de son mari. Annie les observa discuter à voix basse, s'enlacer, puis se tenir la main pour gravir un impressionnant escalier en colimaçon. La boutique était sans doute à l'étage. Ici, tout les meubles s’empoussiéraient, les baies vitrées se cachaient pudiquement derrière de lourds rideaux miteux et le parfum âcre de l'oubli flottait dans l'air. Dans un coin, une vieille machine à coudre s'épouillait de toiles d'araignées.

 -  Quelle sorte de robe voudras-tu ? Susurra soudain une voix excitée dans son oreille.

Un grand sourire lui barrant le visage, Xia se tenait derrière elle, des perles emmêlées dans ses adorables bouclettes. La colère d'Annie ne retomba pas, mais elle trouva la force de lui répondre gentiment :

 -  Quel est le secret du talent du couturier ?

Xia haussa ses épaules, ce qui délogea Pudubec.

 -  Nul ne le sait. Mais du talent, il en a ! Et il en a conscience, crois-moi !

 -  Encore un arrogant ? Grimaça Annie, surprise de leur soudaine complicité.

Le sourire de Xia s'accentua, imprimant deux inhabituelles fossettes dans l'orange de sa peau.

 -  Le meilleur de tous.

 

 

Xia n'avait pas menti. Monsieur le couturier, Hélios de son prénom, était un grand homme mince et soigneux. Il parlait d'une voix aiguë, prenait des postures maniérées, se déplaçait avec grâce et aimait particulièrement flatter l'ego de ses clients avant de leur cracher au visage.

Lorsque la troupe atteignit l'étage, il se précipita vers eux en enchaînant courbettes et extravagances.

 -  Mes chers passagers de Scintillam ! Mes chers clients préférés... Quel plaisir de vous accueillir dans mon humble demeure ! Je suis honoré par votre divine présence ! Mes doigts peuvent absolument tout coudre, vous le savez depuis le temps que vous me côtoyer. Une robe où poussent et fanent des fleurs ? Ils peuvent ! Un couvre-chef qui crie lorsque vous le retirer ? Ils peuvent ! Un corset qui se lace tout seul ? Ils peuvent ! Tout vos désirs vestimentaires, des plus banaux aux plus farfelus, sont réalisables ici. Voudrez-vous une tasse de thé, par hasard ?

Il s'agenouilla devant Solveig pour lui baiser la main avec une extrême délicatesse. S'il disposait d'une conséquente calvitie, de longues tresses bleuâtres coulaient jusqu'aux creux de ses reins. Un bouc dévorait son menton volontaire, et sa dentition contenait des pierres précieuses. Il arborait une redingote en plumes de paon, un vêtement à la valeur certainement inestimable dans un monde tel que le sien. Sans s'en rendre vraiment compte, Annie l'observait à la dérobée. Elle avait déjà vu cet homme à la Cité Blanche, et il s'était montré d'un mépris excessif à son égard. D'ailleurs, dans ses yeux brillait encore un dégoût discret. Annie se mordit la lèvre. Rien que son sourire suffisant lui refilait la migraine.

 -  Quel bon vent vous amène dans le coin ? Demanda-il doucereusement, en appuyant ses lèvres un peu plus longtemps que nécessaire sur la main de Solveig.

Que des questions qui n’attendaient aucune réponse. Annie rangea ses mains bouillonnantes dans les poches de sa robe. Au lieu de succomber à la colère pour des raisons inacceptables, mieux valait inspecter les lieux. Elle ne fut pas déçue par sa décision.

La boutique se tenait dans une pièce au bas plafond, et n'était en soi qu'un amas d'étoffes perfidement suaves. Des tentures s'accrochaient aux murs, des rideaux attristaient les fenêtres, les commodes débordaient de fanfreluches et ouvrages inachevés, les tables se nappaient de dentelle, et même des rubans pendaient gracieusement aux poutres. Mannequins, paravents, écrins, pelotes, mètres, ciseaux d'or et pendule à coucou... Chaque courbes de chaque meubles, chaque surface de chaque objets crachaient le corrompt. La boutique était soigneusement désordonnée, comme si le couturier avait réalisé un exprès pour se donner des airs de professionnel débordé. Le sol, du plancher aussi brillant que du bois de violon, craquait musicalement sous ses pas précipités. Des pas qui se suspendirent soudain.

Pris dans son élan pompeux, Hélios n'avait pas remarqué la silhouette blanche d'Annie. Il baisait les mains des femmes, tapotait amicalement l'épaule de l'homme mais en apercevant l'humaine, son visage perdit toute contenance. Son sourire cérémonieux s'effondra, ses mains tendues retombèrent, et l'éclat de ses tresses bleues se fit plus terne. Il dévoilait enfin son vrai regard. Un regard encré de répulsion.

Recroquevillée sur elle-même, Annie avait du mal à dissimuler son embarras, même derrière l'épaisseur de sa chevelure. Elle s'était soudain prise d'une violente fascination pour le plancher flambant propre.

Lentement, très lentement, Hélios décolla ses yeux de sa personne pour les planter dans ceux de ses compagnons.

 -  Qu'est-ce ? Demanda-il à l'attention de Solveig.

La mère s'apprêtait à retirer la pipe de sa bouche mais Xia fut plus rapide. Un sourire hésitant aux lèvres, elle bredouilla :

 -  C'est... bah... euh... C'est mon amie.

Ces dires ne furent bientôt plus qu'un écho fantomatique. Le couturier se redressa de toute sa hauteur devant la jeune fille. Il culminait Xia d'une tête et demi, et son œillade débordait de mépris. Adieu les manières conviviales, les flatteries et les propositions exquises. La glace de son nouveau comportement pourrait geler le soleil. Cependant, lorsqu'il reprit parole, d'une voix aigre et désagréable, ce ne fut pas pour s'adresser à la jeune coquette. Une fois de plus, il préféra tenir tête à sa mère.

 -  Vous devriez surveiller les fréquentations de votre fille.

La pipe coincée dans sa moue boudeuse, une mèche s'éclipsant mignonnement de son chignon, Solveig eut un sourire maladroit, mais envenimé.

 -  Mon enfant a de très bonnes fréquentations.

Hélios arqua un sourcil, en emmêlant ses doigts droits avec ceux de gauche. Un profond silence pesait sur la pièce. On n'entendait plus que les rires de dehors, les ronflements de la demeure, les respirations indignées des personnes présentes et de très légers tintements cristallins – Xia devait trembler.

Annie, elle, aurait voulu disparaître à jamais. Les joues rosies, elle était à présent certaine que Xia ne lui avait dit que charivari dans les ruelles de la Cité Bleue. Un teint pâle et des cheveux sombres ne pouvaient pas être sujet à tant de répugnance, si ? Les yeux cloués au sol, elle avait une vue imprenable sur les jolis souliers vernis et pointus du couturier.

L'orage ne tarderait pas à gronder... et le claquement contrarié d'une montre à gousset servit d'introduction. Très calme jusqu'alors, Varid avançait vers les projecteurs. En cet instant, il avait tout de flamboyant. Ses cheveux, sa démarche, ses gestes, son rictus, son regard. Annie aurait presque sentie une chaleur ardente lui lécher la joue.

 -  J'exige des explications, réclama-il d'un ton incendiaire. Nous sommes responsables de l'éducation de notre fille, et ses fréquentations n'ont rien de dangereuses.

 -  Annie est un parfait exemple de sérénité, renchérit Xia. Et comme notre monde lui est inconnu...

Ratatinée sur elle-même, Annie priait pour qu'elle ne dévoile pas son humanité à ce malotru.

 -  Comment ça, notre monde lui est inconnu ? Releva Hélios d'un air digne. Elle vivait dans une autre Porte, auparavant ?

Dans un glissement inaudible, les lèvres de Xia ravalèrent leur sourire. Elle devait sûrement se rendre compte qu'elle s'était elle-même coincée dans un cul-de-sac. Une bouclette s'évada timidement de sa coiffure, tandis qu'une pinçait le manche de son ombrelle de toutes ses forces. Ses jointures blanchissaient.

 -  Annie est humaine, murmura-elle doucement. Quelle est donc votre sous-entendu ?

L'Annie en question fut parcourue d'un frisson d'horreur. Mais le mal était fait. En trois coups d’œil brefs, elle réussit à se faire une idée de l'expression d'Hélios. Avec son froncement de nez répugné, ses yeux orageux, son bouc chatoyant et ses larges sourcils bien brossés, il était tellement élaboré que sa figure en devenait étroite et, ma foi, aussi tranchante qu'un juron. Annie se glaça quand il rouvrit la bouche. Son regard se faisait progressivement douloureux, comme si leur parler aller lui coûter. Lentement, très lentement, ses lèvres se séparaient.

 -  Une humaine... Une... humaine.

Ses souliers s'animèrent soudain, il fit les cent pas dans la pièce. Annie retint sa respiration. Le plancher grinçait, la demeure ronflait, les bouches soufflaient abruptement, une fourmi courait sur les dallages. Les trois passagers de Scintillam se tenaient tous bien droits, immobiles, leurs yeux accusant le couturier.

Hélios n'en avait cure. Et ce fut à la surprise de tous, qu'en s'arrêtant, il cracha rageusement par terre.

 -  Ce n'est pas une HUMAINE ! Hurla-t-il en pointant un index accusateur sur Annie.

La jeune fille recula, non seulement parce que le crachat l'avait frôlé de peu, mais aussi parce que le couturier l'horrifiait. Jamais elle n'eut affaire à une expression de M. Limitrof qui la terrifiât pareillement. Les narines frémissantes, les plumes de paon se trémoussant sur sa respiration saccadée, les yeux exorbités et ce doigt ganté toujours brandi vers elle, il bouillonnait au sens propre.

 -  Mon sous-entendu ? Vous en avez donc aucune idée ? (Sa voix enfla) C'est une ROSENOIRE ! Elle vous a tous manipulé !

Annie releva brusquement la tête. Elle se souvenait avoir entendu beaucoup de gens murmurer cette intonation énigmatique sur son passage, mais ce n'était pas à ce genre de choses qu'elle prêtait attention. Rosenoire... Que pouvait donc bien signifier ce mot ?

Prise de soudains vertiges, ses jambes flageolèrent. Mais l'attrapant par le menton avec une familiarité déconcertante, Hélios mit fin à ses tremblements. Dépouillé de toute onctuosité, son regard conservait un mépris éloquent et une haine inexplicable. Ce fut ce même regard qu'il précipita dans le sien.

Pendant de longues secondes.

Annie aurait voulu se débattre, lui écumer de telles insolences au visage qu'il en aurait les larmes aux yeux. Mais une fois de plus, elle se taisait. Son cœur tambourinait contre sa poitrine, comme s'il cherchait un moyen de s'enfouir. La jeune fille sentait le sang affluer à ses joues. Elle rougissait de peur, de colère, de gêne et de désespoir. Trop de choses lui tombaient dessus d'un coup. Comme s'il tenait à lui arracher son menton, Hélios lui pinçait hargneusement la peau, sans cesser de la scruter.

 -  Tu feins bien l'angoisse et l'innocence, Rosenoire... Susurra-il venimeusement.

Ce fut à cet instant que l'imprudent Pudubec se décida à entrer en scène. Quittant soudain l'épaule de Xia, la perruche s'envola en travers la pièce en hurlant à tue-tête : « Gobelet défraîchi ! Gobelet défraîchi ! Gob... ! » comme s'il se croyait tourne-disque, et que son aiguille s'était prise au piège d'une rayure.

Annie déglutit, récupérant son courage à deux mains.

 -  Je ne feins rien du tout.

« Gobelet défraîchi ! Gob... ! »

 -  Elle dit vrai, soutint Solveig.

Tous les regards se braquèrent sur elle. Nullement gênée, la mère allongea le pas, tout en lissant la soie de sa broderie.

 -  On reconnaît une Rosenoire par trois signes. (Elle leva délicatement son pouce) De un, par ses longs et inhabituels cheveux noirs. (Son index se hissa à son tour) De deux, par son teint d'un blanc cadavérique. (Son majeur suivit le mouvement général) De trois, par ses extraordinaires et effroyables yeux rouges.

Annie poussa un soupir de soulagement. De la sueur dégoulinait de son front. Un sourire se déplia lentement, très lentement, sur le visage d'Hélios. Loin d'en adoucir les lignes, il les rendit plus gominées et plus glacées encore.

Le couturier lâcha brutalement Annie. Il retroussa les manches de sa redingote, ce sourire monstrueux ne le quittant plus.

« Gobelet défraîchi ! Gobelet défraîchi ! »

 -  Certes. Mais les pouvoirs de Schyama dépasse les entendements. Peut-être que les yeux bruns de cette jeune fille ne sont qu'un trompe-l’œil, hum ?

Annie commençait peu à peu à comprendre. Les Rosenoirs étaient des créatures au teint de nacre, à la longue crinière ténébreuse et aux yeux diaboliquement rouges, crées par la redoutable Schyama. Elle ravala bruyamment sa salive, tout en blêmissant du peu que sa peau lui permettait encore. Elle s'était fourrée dans un sacré pétrin.

Annie mâchonna nerveusement l'une de ses mèches. Les paroles du couturier tournaient et se mélangeaient dans son ventre à la façon d'une soupe indigeste. La soupe de la perplexité. Cette saveur était fruitée et poivrée. Elle n'avait aucune autorité sur la faim. On en avalait, on en avalait... et notre corps en redemandait continuellement. Toutefois, il serait déraisonnable d'en abuser car cela pourrait avoir d'horribles conséquences.

Présentement en revanche, Annie considérait sa santé comme le cadet de ses soucis. Elle était à deux doigts de vider la soupière de cette émotion sur sa tête.

« Gobelet défraîchi ! Gobelet défraîchi ! »

 -  Voyons, ma chère Solveig... Je vous croyez plus maligne... Disait Hélios, quelque part autour d'elle.

 -  Je suis bien assez maligne comme ça. J'ai déjà fait mes récoltes de suppositions concernant Annie, et sa nature Rosenoire ne figure pas dedans.

 -  Très bien.

Annie émergea aussitôt. Elle n'était d'ailleurs pas la seule. Personne ne s'attendait à cette déclaration. Solveig déposa des doigts outrés sur sa bouche béante, Xia tapa du pied dans un agaçant froufrou de jupons et Varid haussa tellement ses sourcils qu'une crevasse se forma sur son front. Interloqués, tout quatre dévisageaient Hélios, effarés. Ledit couturier s'en souciait pour le moins du monde. Son sourire dessinait une fissure déplaisante sur ses lèvres et ses yeux flambaient autant que des bûches jetées dans l'âtre.

 -  Très bien, je laisse libre à vous l'expérience de la terreur prochainement. Je suis curieux de savoir comment vous avez réussi à vous mettre Schyama à dos mais étant donné les circonstances, je ne pense que vous êtes disposés à partager cet exploit.

 -  Que... ? Commença Xia en s'avançant vers le couturier, déterminée.

Mais ses parents la soutirent par le bras, sous les protestations cristallines de ses breloques. Ignorant cette interruption inutile, Hélios acheva ses paroles avec une note doucereuse :

 -  Ce fut un véritable plaisir de vous avoir accueilli, et d'avoir eu de vos nouvelles, mes chers. A bientôt.

Et il s'en fut derrière une table pleine de jupons en élaboration et de cisailles dorées. Stupéfiés par son toupet, la troupe s'exclama d'une seule voix :

  -  Et notre commande ?

Hélios retourna vers eux un minois inexpressif. Il était vraiment grand, en fait. Son ombre engloutissait Annie.

 -  Mes services ne concernent pas les Rosenoirs, argumenta-il d'une voix âpre.

« Gobelet défraîchi ! Gob... ! »

 -  Nous allons voir ça !

Jupes relevées, cheveux lâchés, pipe cramponnée à son rictus, Solveig se planta face au phénoménal couturier, avant que ni lui, ni les autres puissent ajouter leur grain de poivre. Comme lors de sa première rencontre avec Annie, elle flamboyait. Ses yeux mordorés débordaient d'agacement.

 -  Et comment comptez-vous acheter mon indulgence ? Demanda Hélios d'un ton si caressant, si sulfureux et si cruel qu'Annie sentit un frisson horrifié lui survoler l'échine.

 -  Par votre, unique je le crains, point faible.

Solveig avait répondu sans vergogne et avec une très grande rapidité, comme si elle avait préparé cette réplique depuis des semaines. Une fois cette phrase achevée, elle enracina une nouvelle fois sa pipe dans sa bouche.

 -  Qu'est-il ? Questionna Hélios.

Un sourire coquin germa sur les lèvres satinées de la mère. Solveig semblait se régaler de la situation et Annie réalisa soudain à quel point elle pouvait être une ennemie redoutable... ou une alliée pleine de bénéfices. Était-ce vraiment elle qu'elle défendait avec tant d'ardeur, en ce moment même ?

Perché sur l'une des poutres, Pudubec s'était enfin tu.

 -  Si je vous promet cinquante plumes de phénix, accepterez-vous de lui fournir un vêtement de votre plus belle collection ?

Hélios sourit avec application. Ses manières n'avaient apparemment pas changées mais Annie remarqua ses mains soudainement tremblantes sans difficulté. Solveig avait visé juste, mais la réponse de l'avare éplucha son cœur comme un vulgaire légume :

 -  Non. Si vous me proposer une telle somme, je déclinerai.

Varid décida alors que l'instant était opportun pour ajouter son grain de sel.

 -  Et de toute façon, quelle idée ! Cinquante plumes de phénix, Solveig ? Aurais-tu perdu la tête ? Annie continuera de barboter dans les robes de Xia et voilà, l'incident est clos !

Il postillonnait avec tant de hargne, secouer la tête avec tant de vivacité et s'agiter avec tant de flamboyance que ses bésicles finirent par se décrocher de son nez. Elles dégringolèrent au sol dans un bruit sourd. Heureusement, elles s'en tirèrent sans dégâts apparents mais subirent une série de jurons par leur propriétaire.

Solveig considéra son mari accroupi avec une sévérité nouvelle. Son regard conformait l'entêtement.

 -  Je refuse, Varid. L'incident n'est pas clos. Cet abruti ne s'en tirera pas comme ça.

 -  Pardon ? Réclama sèchement ce dernier.

 -  Taisez-vous ! S'écria Solveig en se retournant vers lui dans un froissement indigné de jupons. Que direz-vous de cent plumes de phénix au lieu de m'interrompre d'inutilités ?

Tout le monde en demeura baba. L’œillade d'Annie était mouillée de larmes d'incompréhension. Même Xia la tira par la manche avec un sourire gêné :

 -  Euh... maman ? Je crois que...

 -  Je crois que je vais accepter, l'apostropha Hélios.

Ses traits se convulsaient en sourire. En sourire démoniaque. En sourire glaçant. En sourire horrifiant. En sourire étincelant de pierres précieuses. Il tendit une main gantée vers la farouche Solveig.

 -  Marché conclu, madame ?

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Sklaërenn
Posté le 30/12/2020
Hélios me sort des yeux ! Comment peut-il être certains qu'elle est une Rosenoire ? d'où lui viens cette haine ? Je suis contente de l'audace de Solveig, je ne la pensais pas lui tenir tête à ce point.
Pluma Atramenta
Posté le 30/12/2020
Haha, Hélios a sorti des yeux de beaucoup de lecteurs, je suis assez fière de moi ^^ Et super contente de te revoir par ici, d'ailleurs...!
Solveig est une femme au tempérament aussi flamboyant qu'entêté, tu le remarqueras davantage avec la suite.

A bientôt <3
Pluma.
noirdencre
Posté le 26/11/2020
Waow! Scène très bien décrite. Hélios est flamboyant, inquiétant à souhaits et... imbuvable.
On sait enfin pourquoi Annie met les gens si mal à l'aise dans ce monde...
Une petite question : est-ce que tu écris d'abord sur papier ou directement sur ordinateur?
Pluma Atramenta
Posté le 27/11/2020
Merci beaucoup, beaucoup ^^

J'écris principalement sur l'ordinateur (c'est beaucoup plus rapide, aisé, et j'ai l'impression que les idées jaillissent plus vite) mais il m'arrive régulièrement de rédiger certaines scènes à la main pour me débloquer d'un doute ou d'un passage difficile, pour rester concentrée ou tout simplement parce qu'il n'y a pas d'ordinateur à disposition.
Je griffonne également souvent des phrases survenues des abysses étonnants de mon imagination dans un petit carnet...
noirdencre
Posté le 28/11/2020
Et c'est à n'importe quelle heure et à n'importe quel endroit que tes abysses te parlent...
Pluma Atramenta
Posté le 28/11/2020
Paradoxalement, oui :)
noirdencre
Posté le 29/11/2020
C'est ce que j'avais cru remarquer....
Et ces phrases du petit carnet te servent ensuite dans tes histoires?
Pluma Atramenta
Posté le 29/11/2020
Je m'en sers comme petit guide, il m'aide à m'organiser. Quand j'écris, il est à côté de moi et me suis partout où je vais.
noirdencre
Posté le 29/11/2020
Même en cours? Les profs ne te disent rien?
Cherry
Posté le 20/11/2020
Hola Pluma !

Voici ce que j'ai encore relevé :

l'architecture dans laquelle elle s'apprêtait d'entrer = l'architecture dans laquelle elle s'apprêtait à entrer.

il avait fallu qu'elle tombât sur une famille plein de complexes = une famille pleine de complexes

une vieille machine à coudre s'épouillait de toiles d'araignées = s’épouiller signifie se débarrasser de ses poux… Ce verbe n’est pas le meilleur pour cette situation

vous le savez depuis le temps que vous me côtoyer = vous le savez depuis le temps que vous me côtoyez

Voudrez-vous une tasse de thé, par hasard ? = Voudriez-vous une tasse de thé, par hasard ? (Ici on utilise du conditionnel présent pour des formules de politesse ou de condition, mais aussi pour des rêves, des souhaits et désirs.)

Chaque courbes de chaque meubles, chaque surface de chaque objets crachaient le corrompt. = Chaque courbe de chaque meuble, chaque surface de chaque objet crachaient le corrompt. (Je ne comprends pas du tout ce que veut dire « cracher le corrompt », cette expression ne marche pas ici)

La glace de son nouveau comportement pourrait geler le soleil. = La glace de son nouveau comportement pouvait geler le soleil.

On n'entendait plus que les rires de dehors = du dehors

Varid avançait vers les projecteurs = Varid avançait sous les projecteurs

Une bouclette s'évada timidement de sa coiffure, tandis qu'une pinçait le manche de son ombrelle de toutes ses forces. = ce passage manque de fluidité et n’est pas très clair…

une fourmi courait sur les dallages = cette expression n’est pas très claire non plus

Vous en avez donc aucune idée ? = Vous n’en avez donc aucune idée ? il vaut mieux que tu gardes la négation quand Hélios s’exprime, ça sied plus à son image

la perruche s'envola en travers la pièce = la perruche s'envola à travers la pièce

Mais les pouvoirs de Schyama dépasse les entendements. = Mais les pouvoirs de Schyama dépassent l’entendement.

Toutefois, il serait déraisonnable d'en abuser car cela pourrait avoir d'horribles conséquences. = Toutefois, il serait déraisonnable d'en abuser car cela pouvait avoir d'horribles conséquences.

Si vous me proposer une telle somme, je déclinerai. = Si vous me proposez une telle somme, je déclinerai.

Que direz-vous de cent plumes de phénix au lieu de m'interrompre d'inutilités ? = Que diriez-vous de cent plumes de phénix au lieu de m'interrompre d'inutilités ?

Je crois que je vais accepter, l'apostropha Hélios. = le « je crois que » donne ici l’impression que Hélios n’est pas sûr de lui, alors qu’il accepte la proposition (ce qui est contradictoire car quand on négocie, on s’attend à accepter totalement). Pourquoi pas une autre tournure pour exprimer son accord ?

Il peut y avoir encore des coquilles par-ci par-là mais voilà ^^

Généralement ce chapitre est sympa en plus de nous donner plus d’informations sur l’intrigue ! Enfin ! Les Rosenoires m’intriguent déjà et j’imaginent qu’elles joueront un rôle capital dans l’histoire 😊
Par contre je trouve ça étonnant que tout le monde se mette à défendre Annie (surtout Solveig) mais cela contribue à dévoiler une autre facette de leur personnalité. Après, c’est dommage que Annie n’ait pas échangé plus avec Hélios, ça aurait pu montrer qu’elle ne se laisse pas faire. Je trouve que cela fait un moment qu’Annie se laisse ballotée dans l’histoire sans exprimer son avis ou marquer de décisions, mais je m’embarque pour le prochain chapitre !

Franchement ce Hélios fait déjà peur pour la suite de l’histoire !

A bientôt 😉

Cherry :p
Pluma Atramenta
Posté le 20/11/2020
Mais euuuh... Toutes ces vilaines coquilles ! XD
Il ne faut pas trop en vouloir à Annie de se laisser ballotée dans tout les sens : un nouvel univers, quand même ! Je pense que dans sa situation, je ferai moi-même profit bas... Enfin bref, j'accepte ta remarque avec le même enthousiasme que les précédentes, et tu n'es pas la première à me faire une remarque de ce style ! J'essayerais au mieux d'endurcir Annie sans sombrer dans l'incohérence.
Merci encore et infiniment pour ta lecture, Cherry, (et merci d'avoir un œil aussi aiguisé, hein x)) j'espère de tout mon cœur que la suite te plaira ! <3

A très vite !
Pluma :p
Eryn
Posté le 18/09/2020
Un couvre chef qui crie lorsque vous le retirez (pas retirer)
Varid exige des explications ? Ou des excuses ?
Quel est donc votre sous-entendu ? (et pas « quelle »)

lui écumer de telles insolences au visage qu'il en aurait les larmes aux yeux = haha géniale cette formulation !
Voyons ma chère Solveig, je vous croyais (et pas croyez)

Bon sympa pour Annie, elle se fait rejeter et en plus Solveig se fait arnaquer pour essayer de l'aider... Quel sale type ce couturier !
Et ces Rosenoires ? tout ça est bien intriguant !
Pluma Atramenta
Posté le 18/09/2020
Merci beaucoup, Eryn ! <3 Tes remarques et ton enthousiasme sont des baumes au cœur ! J'été en train d'errer sur le forum sans m'être déconnecté du site, et que voilà ? DEUX commentaires d'Eryn ?! Merci infiniment !
Eryn
Posté le 18/09/2020
J'essaie d'avancer dans mes lectures, mais j'avoue que je suis pas trop dedans en ce moment... Enfin je suis contente si ça t'aide ! ;-)
Alice_Lath
Posté le 13/06/2020
J'ai plutôt l'impression que Solveig perd au change haha, elle paye bien plus cher une robe plutôt que de faire jouer la concurrence avec un rival potentiel du tailleur. C'est pas forcément hyper malin de sa part haha. Et du coup, un lien avec les Rosenoirs ? Par exemple un hybride ? Ça ne serait pas si incongru. En tout cas, je serais fort étonnée qu'il n'y ait pas de liens. Solveig et Varid sont marrants quand même, tantôt ils la défendent, tantôt ils ont l'air de s'en méfier. Je serais hyper curieuse de connaître le fond de leur pensée !
Pluma Atramenta
Posté le 14/06/2020
Merci beaucoup pour ton com' !
Le fond de leurs pensées ? Niaf niaf. Une autre fois peut-être... A travers le roman !
DraikoPinpix
Posté le 02/06/2020
Coucou !
Un chapitre intéressant, voici comment Annie est vue par la société. Est-elle réellement une Rosenoire ? Voyons ce que tu nous réserves :3 Effectivement, Solveig est folle à dépenser autant d'argent. ^^ La fin ne me dérange pas, ne t'en fais pas :)
Tous ces détails donnent vie à ton texte, c'est chouette !
A bientôt !
Pluma Atramenta
Posté le 02/06/2020
Merci pour ton commentaire ! Comme d'habitude, tu me fais très plaisir <3
Les réponses dans les prochains chapitres !
Prudence
Posté le 15/05/2020
Bonjour, bonjour ! Je l'admets voilà, je suis ébahie. Enfin de l'action ! Et je ne suis pas déçue, loin de là ! J'ai adoré ce chapitre, je crois que c'est mon préféré ! Tout est très fluide, malgré quelques détails à améliorer. Les personnages ici s'affirment, je les vois, je commence à les comprendre et je m'y attache pour de bon ! J'ai oublié que je lisais, un film se tissait lentement devant mes yeux. Je visionnais tout : le boutique, Varid et ses lunettes, la tête de Solveig, Xia, Puddebec qui vole, Annie qui ne comprends rien.

Ton vocabulaire est soutenu, et il y a très peu de répétitions, ou alors on ne les remarque pas : elles ne dérangent pas. J'ai juste relevé le mot "charivari" qui n'était pas le terme adapté dans une phrase.
Les images que tu inventes sortent des sentiers battus, et nous transporte. Un petit grain de Passe-miroir, je sens (mais ne t'inquiète pas, tu t'en détaches très bien).

Continue sur cette lancée et...

A très bientôt pour la suite ! ^^
Prudence
Posté le 15/05/2020
*transportent (ah, l'orthographe !)
Prudence
Posté le 15/05/2020
*la boutique (aussi, c'est mieux)
*comprend rien (non mais, c'est quoi ces lettres qui se révoltent ?!) :p
Pluma Atramenta
Posté le 15/05/2020
Wooooooow merci !!!!!
Je crois que j'ai jamais eu affaire à un commentaire aussi sympathique ! Merci, merci, merci !
Je verrais avec quoi je pourrais changer "charivari", je trouve ce mot drôle, donc j'aime bien l'employer ;)
Oui, la Passe-Miroir est l'une de mes inspirations.
Hahaha ! C'est la Révolution des Mots !
A plus tard dans un nouveau commentaire ! ;) ;) ;)
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