La banane

Par Kieren

Jaune et longue, comme une grande virgule. Molle et sucrée, comme un marshmallow. À l'origine je n'aimais pas ce fruit, il avait un goût qui me dérangeait ; tout cela a changé le jour où j'en ai goûté la soupe. Il n'y a rien de sorcier à cette recette : coupez les bananes en morceaux, faites les cuire dans une casserole avec un peu d'eau et mixez. Buvez chaud. Il y a bien sûr la possibilité de rajouter d'autres fruits, de la menthe, des épices ; rien ne doit vous ralentir dans votre quêtes de nourriture préférée. Tant que vous le faites en prenant soi de vous.

 

Il fut un temps où l'homme était la proie de plus grandes créatures, telles les manticores : de grands fauves à queue de scorpion et à tête humaine, arborant trois rangées de dents épouvantablement longues et pointues. Mais la tendance s'inverse parfois.
 

Pour venger la perte de tant d'êtres aimés, les humains d'un village de sable et de poussières chassèrent toutes les manticores de leur région, massacrant les parents avec leurs progénitures. Cette guerre se poursuivit durant 7 ans, et les créatures périrent presque toutes.

 

Presque.

 

En effet, il n'en resta qu'une seule, une jeune, trop jeune pour chasser toute seule, qui s'était cachée sous le cadavre de sa mère, trop vieille pour oublier, et elle grandit en se nourrissant de cadavres et de haine.

Elle renforça sa mâchoire en éclatant des os, de la pierre, puis du fer. Elle aiguisa ses dents en déchirant la chair, des viscères, puis des serres. Elle rongea sa colère, jusqu'à ce que rien ne lui résiste. Ses dents d'ivoire étaient devenues des dents de diamant.

 

Alors commença une ère de terreur pour les humains. Elle les dévora tous, sans distinction, tous ceux qu'elle voyait, tous ceux qu'elle sentait, tout ceux qu'elle entendait. Sa faim était immense, et son ire insondable.

Beaucoup lui résistaient, mais les haches se brisaient, les épées tombaient en morceaux, les flèches explosaient ; rien ne passait au travers de ses dents. Rien.

Car, seule, il ne lui restait rien. Elle aurait pu partir, chercher les siens, mais elle n'en avait que faire. Plus elle mangeait et moins elle oubliait ; plus elle tuait et moins elle pardonnait.

 

Finalement, elle acquit un nom : la Vorago.

 

Elle s'installa au milieu d'un désert, et après avoir chassé les humains de son territoire, elle l’agrandit. Elle partit chasser dans les autres pays, capturer les enfants, afin que les futures génération meurent dans l’œuf. Mais cela ne lui suffit pas.

Car, à force de dévorer les enfants, ses dents se garnirent de caries, et elle ne s'en rendit pas compte. La chair qu'elle déchiquetait était jeune, sucrée, pleine d'avenir et de fraîcheur. Et ses dents en diamant indestructibles commencèrent à se gâter. Elles jaunirent, devinrent molles avant de nécroser et de tomber. Les gamins survivants prévinrent leurs parents, et une croisade se mit en place.

 

Ils partirent dans le désert et chassèrent la Vorago en direction de la mer. Et lorsque celle-ci cherchait à atteindre la berge pour reprendre pied, les humains lui jetaient des pierres, des lances et des flèches.

Finalement, après une dernière respiration, la créature fut engloutie par les eaux. Ses dents jaunes et molles refirent surface, et disparurent à l'horizon, et elles se plantèrent sur un autre continent pour devenir des fruits, pour nourrir les plus affamés.

 

Quant à la Vorago, on dit que son cadavre fut dévoré par les requins, et que ceux-ci n'ont pas osé toucher à ses dents, horrifiés par les massacres qu'elles ont perpétrés. Mais certains pensent qu'elle est toujours là, vivante dans le sable, aspirant les malheureux qui poseraient leurs pieds au dessus de sa tête.

Et ils disparaîtraient, ne laissant sur Terre qu'un amer désespoir.

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