Kartrouville Ex attaché au radiateur

37. Kartrouville Ex attaché au radiateur
(By Victor Carmin)

Alors comme ça Plan-Cul me rappelle ? Alors comme ça même après les trucs horribles que j’ai fait il ne peut plus se passer de moi ? Ha ! Je fais quoi du coup ? Je décroche ou je lui fous un vent ? Bon je déconne, évidemment que j’allais décrocher, j’avais trop envie de l’entendre s’humilier en me demandant de revenir dans sa vie. Je suis allé dans la cuisine pour que Chibi Kiwi entende pas, au cas où ça dérapait. J’espérais bien que ça allait déraper.

- Allo Victor ?

- Et ben Drissou-Lapinou, tu craques déjà ? Tu t’es rendu compte que tu pouvais pas te passer de moi ?

- Dans tes rêves. Sois sérieux deux minutes faut que je te parle d’un truc important.

A ce moment là j’étais plutôt de bonne humeur, à mater le foot avec Chibi Kiwi. Que Diak m’appelle, ça m’avait fait plaisir, franchement lui aussi il me manquait. Nos disputes et leurs conclusions torrides, à quel point tout était simple avec lui, ses grandes dreads... je retrouverai jamais un plan-cul pareil. D’ailleurs j’en avais même pas envie, je voulais Driss Diakité moi, j’avais plus baisé avec personne depuis notre séparation bizarrement j’en ressentais pas trop le besoin. J’aurais pu repartir à la chasse, j’adore ça d’habitude, mais là, alors que pour la première fois depuis un paquet d’années j’avais zero plan cul et plein de temps libre, j’ai rien fait. Même pas remis à jour mon profil Q+. Victor Carmin n’avait pas envie de baiser. C’était peut-être le tranxène, ou bien la culpabilité.

En tout cas quand Diak m’a appelé, je me suis dit “c’est reparti” et j’étais plutôt content. Alors sa voix sèche et impatiente m’a mis en colère. S’il appelle pas pour qu’on fasse la paix, qu’est-ce que ce blaireau peut oser vouloir de moi ?

- Okay vas-y je t’écoute. Tes excuses. Je suis prêt.

Il a éclaté de rire :

- Mes excuses ? Pourquoi je m’excuserai ?

- Ben pour ta trahison !

- Tu veux dire TA trahison.

- QUOI ?

Je parlais pas de ça ! Je parlais de sa trahison envers moi, qu’il m’ait menti pendant 4 ans. Pas de... pas encore de ça. Kiwi a rien à voir la dedans, je veux plus y repenser. Je veux oublier ça pour toujours pourquoi il en reparle ? Il veut pas capter que c’est à cause de lui si j’ai pété les plombs ? Il veut pas comprendre que j’ai besoin de l’entendre me dire qu’il est désolé d'avoir joué avec mes sentiments... nan pas mes sentiments quand même, mais un truc qui s’en approche un peu sans être niais… ma confiance, peut-être. C’est quand même simple : je veux qu’il me demande pardon de pas m’avoir empêché de déconner, alors qu’il avait moyen de me tirer dessus.

J’ai commencé à me lancer dans une longue tirade hargneuse, pas trop fort parce que j’étais certain que Chibi Kiwi écoutait derrière la porte. D’habitude, Diak m’écoute rager jusqu’à ce que je m’essouffle, puis il riposte avec une punchline, c’est sa technique de serpent, mais là il m’a pas laissé aligner trois insultes avant de me couper la parole :

- Okay okay, du calme. J’appelais pas pour qu’on s’engueule.

- Parce que si tu crois que j’ai envie de recommencer de baiser avec toi maintenant que je sais comme t’es qu’un...

- J’appelais pas pour ça non plus. Bon sang Carmin tu es enfermé dans des schémas tellement basiques, je pensais que c’était un rôle que tu jouais, c’est pas possible d’être primaire à ce point.

Planquez-vous ! Psycho-Diak me fait une analyse de personnalité.

- Tu t’en plaignais pas avant, j’ai craché.

Il est resté silencieux. Moi aussi. Et je me suis calmé un peu :

- Bon, Diak,  on s’insulte ou on raccroche ?

- Ne raccroche pas.

Il avait soudain l’air... alarmé, je dirais. C’est pas quelque chose que j’ai vu chez lui souvent. Et comme je ne suis pas un aussi gros connard que ce que raconte la croyance populaire, je lui ai laissé une chance, au nom du positif et du négatif que j’avais ressenti pour lui par le passé :

- Allez. Exprime-toi.

- Je crois que je suis suivi, a-t-il prudemment déclaré. Ça fait plusieurs semaines que j’ai cette impression.

Grenade sortant d’une ruelle avec une batte à clous.

- J’ai fait en sorte de sortir le moins possible, de surveiller mes déplacements, mais il sait où j’habite. Je peux le voir par la fenêtre, il attend en bas de mon immeuble.

Par ce temps de merde ? J’ai eu un peu pitié du malheureux.

- Il va pas te tuer, t’inquiètes. Il s’est contenté de saccager mon appart.

- Très rassurant, Carmin, merci.

- Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Appelle les flics.

- Je peux pas faire ça. Il est recherché.

J’ai été étonné de cette réponse. Diak le roi des paranos qui se soucie du sort de Grenade, alors qu’il craint pour sa propre vie ? Ces trucs qu’on découvre sur les gens, des fois.

- Et ben défend toi, t’es un grand garçon.

- Tu veux me le faire dire à voix haute hein ? Je voudrais que tu m’aides.

J’aurais trouvé ça jouissif en temps normal, mais pas face à Grenade. Je pouvais pas affronter sa colère, sa douleur. Perdre Kiwi avait dû le rendre fou.

- Nan, Diak, je peux pas. Je le connais.

-  Depuis quand t’as le moindre respect pour les gens que tu connais ?

J’ai frémi sous l’insulte.

- T’as raison je suis qu’un connard. T’as été con de me demander de l’aide.

- Victor att...

Je lui ai raccroché au nez. Puisque je respecte pas les gens, il fallait pas s’attendre à ce que je vole à leur secours. Diak avait qu’à se démerder, ça lui apprendra.

J’ai rejoint Chibi dans le salon.

- Alors ? m'a-t-il fait avec appréhension

- T’as tout entendu ? je lui ai demandé en m’effondrant à côté de lui.

- P’têtre.

J’ai rigolé. C’est pas grave, j’avais dit aucun nom, j’avais fait gaffe. Chibi avait pas pu faire de rapprochement.

- Il va se battre avec quelqu’un, c’est ça ?

- En gros.

- Il est fort ? Et l’autre type tu le connais ? c’est qui le plus fort ?

- C'est, euh... je pense que c’est l’autre type. Mais il lui fera pas de mal, Diak est parano compulsif, ça veut dire qu’il a peur de tout.

- Merci je sais, s’est offusqué le copier/coller.

- Okay bah la prochaine fois je t’expliquerai plus rien.

J'étais un peu inquiet pour Diak, en vrai. J’aimerais pas savoir que Grenade veille en bas de chez moi. Il était assez malin pour trouver un moyen d’entrer. Quand j’avais retrouvé mon appart saccagé j’ai demandé à mes voisins s’ils avaient vu quelque chose, une voisine m’a dit qu’elle avait croisé mon date Q+ dans les escaliers, il avait rendez-vous avec moi mais ne me connaissait que par mon pseudo, et son téléphone était en panne il ne pouvait pas m’appeler et avait oublié le numéro de l’appart. Il lui avait donné ma description physique mais c’était même pas vraiment la peine : un date Q+ c’était surement pour Victor Carmin au 10eme, porte à gauche.

Est-ce qu’une technique pareille allait marcher avec Diakité ? Pas sûr, Grenade ne connaissait pas son apparence physique. Par contre il pouvait trouver son nom quand il voulait en cherchant sur l’organigramme de Santorga Cergy dispo sur le net, et ensuite trouver le numéro d’appart sur la boite aux lettres. J’espère que Driss a bien fermé sa porte à clé.

Mon téléphone a vibré et je me suis jeté dessus. Chibi Kiwi m’observait du coin de l’œil.

Il n’est plus en bas, disait le message.

- Bah voila ! j’ai gueulé soulagé. Le tueur fou est rentré chez lui, pas de quoi faire un caca nerveux

- Et s’il était monté ? a demandé Chibi que j’avais laissé lire par-dessus mon épaule.

- Et ben Diak se démerdera.

- Et s’il meurt, a murmuré le clone d’un ton terriblement dramatique.

- Mais non ! Purée vous êtes pas possible, tous.

Je me suis concentré sur le match, c’était le début de la deuxième mi-temps. Diak retrouvé au petit matin suicidé de trois balles dans le dos. Comment ça hors jeu ? y avait pas hors jeu putain ! Les gens penseront qu’il n’a pas supporté son licenciement. Ya que moi qui saurait. La Pologne mène 2-1, ces tricheurs. Diak buté par Grenade parce que j’ai trahi Kiwi. Chibi qui ignorerait tout. Ça va que la Pologne a perdu contre la République Tchèque qu’on a battu 4-0, c’est quasi sûr que la France est qualifiée pour la coupe du monde de l’an prochain, on est les meilleurs de notre poule. Grenade est déjà recherché pour terrorisme de toute façon. Ya que pour Diak que ça changerait quelque chose. Et puis merde.

Je me suis levé.

- T’y vas ? m'a demandé Chibi.

- Ouais... putain il me fera chier jusqu’au bout ce mec.

- Je peux venir avec toi ?

Vlà autre chose. Si je ramène Chibi Kiwi, ça va surement calmer un peu Grenade, lui donner une raison de nous écouter. D’un autre coté... comment j’explique la situation au clone ? Chibi n’est au courant de rien de ce qui s’est passé avec sa souche, est-ce que j’ai envie qu’il l’apprenne comme ça ? Est-ce que j’ai envie qu’il l’apprenne tout court, qu’il devienne mon ennemi ?

- Nan.

- Pourquoi !? Je peux me battre ! Grenade m’a appris !

- Raison de plus.

- Hein ?

- Ecoute : personne va attaquer mon plan-cul. Je vais juste le voir pour avoir la conscience tranquille et pour l’engueuler. Avec un peu de chance on va baiser une dernière fois. Si tu viens c’est foutu.

- Ah... bah ouais, du coup je comprends.

Brave petit. J’ai traversé les rues qui me séparaient de chez Diak en me disant que j’étais vraiment trop con de sortir dans le froid pour ses beaux yeux après ce qu’il m’avait fait. Il avait intérêt à pas être chiant. J’essayais de taire un mauvais pressentiment que j’avais, mes jambes se mettaient à courir toute seules, ça m’énervait. Comme si j’en avais quelque chose à foutre.

Effectivement, Grenade n’était pas en bas de l’immeuble. La fenêtre de l’appart de Diak était éclairée. Je suis monté vite fait.

Premier battement de cœur loupé : la porte était entrouverte, et la serrure forcée.

Des bruits de baston, des grognements de douleur. Je me suis précipité à l’intérieur en gueulant “Diak ! Driss t’es où ?” Si j’arrivais trop tard, putain, avec tout ce que j’ai déjà à me reprocher.

Un truc affreux chez Diak c’est qu’il se meuble “design” avec des trucs modernes, là, pouah. Il a notamment une table basse en verre, le genre de saloperie qu’il faut toujours faire gaffe à pas rayer et sur lequel t’as pas le droit de mettre les pieds. Et ben bye-bye la table en verre. Elle était fracassée en mille morceaux et deux fous furieux se roulaient dedans au milieu des éclats. J’aurais pu rigoler si Grenade était pas au-dessus de Diak, si y avait pas du sang partout, un couteau à un mètre d’eux, si Diak était pas en train d’essayer de se protéger le visage avec ses avant-bras couvert d’entailles.

J’ai gueulé sans réfléchir “Grenade arrête” comme si c’était un pote à moi, comme si on était proches au point qu’il m’écoute. Il s’est levé de Diak et a voulu me mettre un coup de poing mais j’ai paré, contre-attaqué et hop, je l’ai immobilisé les deux bras dans le dos alors qu’il gueulait de colère. J’ai tout de suite capté qu’il était crevé le pauvre, sinon ça aurait pas été si facile de le maitriser, je suis objejctivement meilleur que lui mais pas à ce point. Diak a grogné mais il est resté au sol, immobile, les bras sur le visage.  C’est un costaud. C’est peut-être un gros nerd qui décolle pas de ses écrans, mais il fait du sport, il est athlétique. Mais comparé à la tornade que j’avais du mal à contenir, il faisait pas le poids. Grenade avait rien à perdre. Driss et moi, on lui avait tout pris.

- Diak va chercher les menottes ! j’ai gueulé alors que Grenade d’ordinaire si flegmatique ruait contre moi comme un animal.

Comment je sais que Diak a des menottes chez lui ? A votre avis.

Mon collègue a remué un peu, à mon grand soulagement. Il s’est roulé sur le flanc et s’est levé en se tenant un côté qui pissait le sang. Il avait dû se prendre un coup de couteau, en le regardant s’éloigner je me suis dit qu’il fallait que je l’emmène à l’hôpital. Il a pas de clone, merde. Il a qu’une vie. Mais qu’est-ce que j’allais faire de Grenade ?

- Grenade calme-toi putain ! Il a rien à voir là-dedans.

- C’est Champignon ! m'a-t-il craché comme si je l’ignorais. Tout est de sa faute. Il nous a trahis.

- Laisse-moi t’expliquer.

Grenade se contorsionnait pour se dégager, à plusieurs reprises j’ai manqué de laisser échapper un bras.

- Toi aussi, FdB, t’es un traitre.

Diak est revenu, plié en deux. Il m’a tendu en tremblant la paire de menottes déjà ensanglantée. J’ai reculé prudemment avec Grenade et je l’ai attaché... au radiateur. Je réalise un petit fantasme, là.

Je me suis éloigné vite fait. Heureusement qu’il avait le masque à gaz, au moins comme ça il pouvait pas mordre. Par contre ça l’empêchait pas de nous insulter. Bon... et maintenant... procédons pas étapes. Déjà, je sauve la vie de mon ex-plan cul.

- Qu’est-ce que tu fous, s’est étranglé Diak en me regardant pianoter sur mon téléphone.

- On a un Uber en bas dans dix minutes. Je t’emmène à l’hôpital.

- Je... et lui ?

Grenade tirait sur les menottes comme un taré, mais c’était du solide ces petites choses. Testé et approuvé par Victor Carmin. Il se dégagerait pas. J’ai aidé Diak à se mettre debout.

- Il va rester là sagement, j’ai dit en regardant notre prisonnier. Il est recherché de partout. S’il appelle au secours, si quelqu’un l’entend et entre ici, il est foutu.

Grenade s’est tu. J’ai trainé Diak vers la sortie et celui-ci a balbutié à son agresseur :

- On n’est pas ennemis, Grenade... Ecoute-moi, quand je reviendrai. T’es en sécurité ici.

Et puis boum : il s’est laissé peser de tout son poids sur moi. Le mec il vient de se faire planter et sa priorité c’est de s’assurer que son agresseur soit pas trop fâché. Ça m’énerve. Ça m’énerve qu’il soit plus cool avec Grenade que moi. Grenadine a été mon pote aussi.

- On revient vite, je lui ai dit à mon tour. Déconne pas.

On est partis au son des ruades et des menaces de mort. Tout va bien. Diak est en un seul morceau dans mes bras. Grenade est au chaud et neutralisé. Chibi Kiwi est devant la télé et ne se doute de rien. Je contrôle parfaitement la situation. Si si je vous jure. Le premier qui rigole il échange sa place avec moi.