Journal de Kero

Journal de Kero – Jeunesse, seconde partie, troisième chapitre

 

C’est à l’aide d’une mémoire vive et affûtée que je me rappellais cette journée. Je fermais les yeux et me remémorais chaque moments, chaque mots....C’est ce jour-là, précisément, que ma vie s’accéléra et que mon innocence de jeune garçon en prit un coup derrière l’oreille. Mais qu’importe, ces quelques heures, ont défini ce que je suis.

J’avais maintenant 12 ans, j’aidais mes parents à la confiserie, mais ça ne me plaisait guère… j’étais pas doué tout simplement. On me demandait de me tenir toute la journée derrière la caisse pour amadouer les grosses clientes tandis que moi je ne pouvais m’empêcher de me projeter dans mes cours du soir. J’avais réussi à négocier une trentaine de minutes avec le vieux Deriss, capitaine de la garde à la retraite. Cela faisait deux semaines qu’il m’enseignait les bases de l’escrime. Maintenant que j’y pense, même tout minot, je préférais déjà tuer les fougères dans la forêt avec mon super bâton « le Destroyer », je crois que je l’avais appelé, plutôt que de vendre des gourmandises à tous les obèses du quartier.

Ils m’avaient demandé de les attendre à l’orée de la forêt très tôt le matin à l’aube. Tout excité, j’étais arrivé avant eux et mon regard se perdait sur la végétation. Une jeune mousse verdoyante s’étendait devant moi à perte de vue. Un bon mètre au-dessus de la mousse, se tenaient mes futures victimes, droites, fortes mais elles ne feraient pas le poids face à mon Destroyer ! héhé… Puis les surplombant d’une bonne quinzaine de mètres, les châtaigniers et les chênes solides terminaient ce tableau, un souvenir de ce paysage si cher à mon enfance.

- C’est toi ?

Ils étaient trois, je ne les avais pas entendu arriver. Je déteste être pris par surprise…

- Kero, c’est ça ?

- Oui, Oui c’est moi j’ai…

- Tu te la fermes, tu me laisses causer et on fera affaire

Nerveux, j’acquiesçais. Ils se la jouaient, mais j’étais clairement pas en position de force ou de déconner. Je ne pouvais pas louper çà.

- T’as ce que Geri t’as demandé ?

Une nouvelle fois j’inclinais légèrement ma face vers le sol tout en les regardant bien droit dans les yeux pour leur montrer que je n’étais pas impressionné.

- Fait voir

Je plongeais ma main gauche dans la poche de mon veston et en sortais le Graal. Pour un enfant de la rue fringué de loques comme mes nouveaux amis, cela représentait 3 semaines de plats chauds et de toit sur sa tête pendant la nuit. Et c’est pas peu, je vous prie de me croire ! En hiver, on se les caillait sévère dans notre bon pays de Gelderie. Je me souviens que je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire devant leur tête d’ahuris… Un brillant d’or messieurs dames, rien moins que ça !

- Donne

Il s’était exprimé ne pouvant s’empêcher d’avoir les yeux accrochés sur sa convoitise. Je décidais de suivre mon plan à la lettre. Je refermais la main et remettais la pièce dans la poche pour qu’ils me regardent dans les globes et ainsi obtenir toute leur attention.

- Minute… je te donnerai le dur fruit de ton labeur sur le chemin du sable, pas avant…

J’avais affaire à des durs, à n’en pas douter. Il ne fallait jamais sous-estimer un enfant de la rue. J’avais eu la chance d’échapper à cette condition jusque-là, mais je les respectais. Dure était la vie des vagabonds en Gelderie. Le froid hivernal était bien souvent mordant comme un chien enragé et nombreux étaient les gamins retrouvés mort, dans le meilleur des cas, de froid, bien souvent rués de coups ou charcutés au couteau. La vie dans la rue… La jungle. Devant la tension qui montait et les visages qui se durcissaient, je décidais de prendre les devants.

- Ecoutez les gars, je vais parler franco. Vous pouvez vous dire que vous allez me le prendre par la force assez facilement, mais avant ça, je vous dirais que cela ne sert à rien. Conduisez-moi à ce que nous avons convenu dans les temps et je vous donnerai la pièce de bonne grâce. Je sais que vous connaissez le chemin. C’est promis, je ferai pas d’histoire. J’ai envie de voir le spectacle et vous avez envie de croûter chaud. Nous sommes tous gagnants ici messieurs. Alors réfléchissez bien, soit vous vous faites une belle somme bien rondelette facile, soit je vous montre mes talents de bourrin et je vous présente le Destroyer.

Tout en lâchant ma menace, je sortais mon bâton de derrière mon dos. Je l’avais décoré, pour l’occasion, de six gros clous bien dégueulasses et bien rouillés de manière à refroidir toutes ardeurs et montrer que j’étais pas un rigolo. Le seul dont je connaissais le nom, Geri, prit la parole.

- Laisse tomber Svan, il est réglo.

Le Svan en question, une bonne tête de plus que tout le monde dans notre petite assemblée, plissa les yeux. Sa moue se changea en un sourire malsain et je n’aimais pas du tout ce que j’entendais par la suite.

- Si tu crois m’impressionner petit con, t’as pas tiré la cloche à la bonne adresse.

Il avait lâché sa bombe avec une froideur…. Putain lui, on la lui faisait pas… En même temps, tu deviens pas chef de bande en faisant des pas de danse. L’éclat lumineux du petit matin reflétait sur la lame qu’il venait de sortir… Geri reprit la parole.

- Svan, on sait tous ici que tu l’éclates en 20 secondes. Mais, je vais t’dire… Jl’ai déjà vu se battre… Et c’est pas une chouineuse d’escrimeur de mes deux qui va baisser son fourreau en même temps que son froc… J’pense qu’il veut jouer son dur mais au fond, il est réglo. À mon avis, il sait à qui il cause.

Svan prit tout son temps pour soupeser le gros mensonge de Geri. Mon regard n’avait pas cillé et, avec le recul, je pense que c’est ce qui fit la différence et que je puisse vous rendre ces quelques pages. Svan rangea son couteau et je rangeais mon bâton clouté. La tension s’écroula lorsque le chef de la bande me convia à un lieu de rendez-vous deux heures plus tard. J’espérais seulement me barrer avant qu’ils aient le temps de sentir. C’est la première fois de ma vie qu’une coulure de chiure venait tâcher mes chausses et je remerciais le ciel d’avoir accepté le marché de Geri. Sans lui, je serais probablement mort ce jour-là. Il avait bien valu les deux pièces de bronze en plus qu’il m’avait fait débourser pour assurer mes arrières cet enfoiré !

 

Je me tenais à présent à l’endroit convenu. Derrière un petit bosquet à l’écart de la ville à l’est de l’étang du Reng. Nous étions assez loin de notre destination et je me demandais pour quoi il m’avait donné rendez-vous aussi loin…

- T’auras pas besoin de ta clouteuse

Putain il m’avait encore surpris l’enflure ! Il était apparu pile dans mon angle mort… J’ai l’impression qu’il aime ça en plus. Je le vois à son regard qu’il se biffe de m’avoir fait flipper.

- Je l’ai pas avec moi…

Il me relookait de la tête au pied. Je l’aurai bien traité de tarlouze si j’avais pas eu peur de me prendre une droite. Il continuait d’avoir son petit sourire malicieux que je n’aimais pas du tout.

- Bien, je vois que tu t’es fait belle pour le spectacle ahah… maintenant ferme là et contente toi de me suivre.

Il était seul, je venais de le remarquer, je me demandais pourquoi, je décidais de braver mon interdit de fermer ma gueule.

- Tes petites copines n’assistent pas à la fête ?

Il s’arrêta net et je me cognais contre lui, surpris par son blocage corporel. Il se retourna tout doucement. Je pensais m’en prendre une quand il me lâcha sans pression…

- Je fais payer cher pour mes services comme tu peux le savoir, il serait bien idiot de ma part de faire profiter tout le monde gratos de ma découverte et même si les gars font partie de ma bande. Oh bien sûr ils ont déjà essayé, par tous les moyens, de me soudoyer ou de me supplier. Le tarif reste le même pour tout le monde, un brillant d’or. Ça les vaut, tu le sais, je le sais, tout le monde le sait… alors je garde ça pour moi c’est tout. D’ailleurs je vais te priver de la vue dans peu de temps, je pense que tu comprendras aisément pourquoi. Maintenant…

Pendant qu’il jacta son dernier mot il plaça son index sur sa bouche. Je dois avouer que sa logique était bonne et je ne voyais rien à argumenter là-dessus. J’étais tout simplement étonné par la clairvoyance qu’il avait de la situation. Il n'avait sûrement pas vécu dans la rue toute sa vie. D’autres mômes auraient partagé la découverte avec les copains, le bouche à oreille aidant, l’entrée secrète ne le serait pas resté très longtemps, et envolées avec elle mes chances d’assister à mon rêve.

 

Nous arrivâmes bientôt non loin de ma terre promise, ma lubie, le fruit de mes rêveries, je ne pensais qu’à ça ces derniers temps, et je ne réalisais guère que j’étais à quelques dizaines de minutes de voir cela de mes propres yeux.

Comme promis il se retourna avec ce qui semblait être un bandeau de fortune que je soupçonnais d’être un bâillon, mais je ne fis pas d’histoire. Ma panique s’envolait quelque peu quand j’avais acquis la quasi-certitude que Svan ne me ferait plus rien maintenant, il avait fait montre de trop d’intelligence et de sérénité. Le mal qu’il se donnait pour protéger la source de son revenu me confortait dans l’idée qu’il savait ce qu’il faisait et qu’il ne prendrait pas le risque de tout faire foirer en essayant de me foutre une branlée.

J’avançais désormais les yeux bandés… Il me tenait la main et me guidait tel un jouvenceau trainant sa jouvencelle dans son jardin secret pour aller batifoler sous les étoiles et espérer lui faire perdre sa virginité. Je me souviens que j’espérais précisément que cela ne m’arrive pas. J’avais entendu trop d’histoires sordides de gamins qui avaient vu le loup trop tôt.

Il me lâcha bientôt la main et j’entendis un bruit de feuilles et de branches que l’on balaye du sol avec les pieds… Logique. Tout en m’intimant de baisser la tête à l’aide d’un coup de patte appuyé sur mon crâne, nous reprenions la marche et je pouvais affirmer que l’air avait changé, nous nous trouvions entre quatre murs, pour sûr. Plus nous continuâmes et plus j’entendais des cris au loin, ou plutôt des clameurs, aucun doute nous touchions au but.

Tout d’un coup, il me fit m’arrêter, m’enleva le bandeau d’un coup sec, et celui-ci tombant, mes oreilles récupérait l’entièreté de leur capacité et j’entendais à présent la populace crier, encourager, vociférer. Ahahahahah nous y sommes, c’est bon, putain c’est bon !

Svan souriait avec bienveillance, cela ne lui ressemblait pas… Pendant que je m’acclimatais à la nuit de la pièce, j’essayais de distinguer ce qu’il y avait à voir. Mes yeux furent happés par quelques lignes lumineuses et pendant que je m’en approchais, j’entendais Svan bougeotter.

- Ton regard, c’est celui que je devais sûrement avoir lorsque j’ai découvert cet endroit… Nous sommes pile dans les temps, çà ne devrait plus tarder à commencer… Maintenant, file moi la brille.

Je me déchaussais et sortit la pièce de ma chaussure. Pendant qu’il souriait, me laissant entendre l’absurdité de ma piètre cache, je la lui lançais comme si c’était une vulgaire piécette de cuivre. Je ne m’attardais pas vraiment sur Svan, autre chose captait mon attention, j’avais envie de plonger mes yeux à travers le soupirail car désormais les murs tremblaient, une forte voix se mêlait à la clameur des spectateurs, les clapes de mains résonnaient dans notre antichambre qui devait se trouver sous les gradins, j’en étais maintenant certain. Mes yeux, grand ouverts, je regardais le sable de l’arène sautiller, le combat allait commencer !

 

Comme je vous le disais, ce jour-là, je ne l’oublierai jamais. A cette époque, mes connaissances générales étaient assez maigres, et tout ce que je savais, je l’avais soutiré de papy Deriss, qui consentait à me lâcher des bribes d’informations après m’avoir laisser finir de poser mon torrent de questions. Je savais que la force des ExGa et ExVo, c’était la projection de la matière, tandis que l’avantage des InGa et InVo était la concentration de leur pouvoir… Pour ainsi dire, je ne connaissais pas grand-chose. Mais j’étais avide de savoir… Je n’avais jamais vu un combat de mage et l’organisation du Momentum dans notre ville me donnait la meilleure opportunité de ma vie. Bordel, j’avais économisé sec pendant des mois pour me payer ce droit de regard. Je réalisais bien que j’étais chanceux, mais pas à quel point. En effet, je sus plus tard que le prix pour la moins bonne place était de 10 Brillants d’or… Un luxe que bien peu de gens peuvent se permettre.

Je ne prêtais plus aucune attention à Svan, ma personne et mon univers tout entier était tourné vers le sable et ce qui allait arriver. Je venais de m’apercevoir qu’il y avait une petite mare au sein de l’arène, et tandis qu’un péon venait patauger dedans pour nettoyer quelques feuilles, me donnant l’information qu’on avait pied dans cette grosse flaque, mon regard fit le tour de l’enceinte ovale. Une quinzaine de torches en accompagnait le contour du mur, et je me rendis compte à quel point notre angle de vision était excellent considérant notre emplacement.

Un type pointa le bout de son nez hors de la tribune princière. Il était richement habillé, tout de blanc vêtu, probablement du lin accompagné d’une longue écharpe bleu pastel. Même de loin, je bavais sur son tissu et je pouvais sniffer le coût d’un tel textile à travers les barreaux. Il tenait dans ses mains un objet en forme de cône dont je ne connaissais pas l’utilité, mais je la découvrais dès que j’entendis la puissance de sa voix.

- Mesdames et Messieurs ! Bienvenue à toutes et à tous dans la plus grande arène Gelder ! En ce jour béni, vous allez avoir la chance, le privilège, le plaisir, d’assister à un match de légende ! La discipline reine des combats de mage ! LE QUATTUORE !

Évidemment, toute l’assemblée était déjà à la page. Le match avait été annoncé il y a des mois maintenant, et tous les détails logistiques avaient dû faire l’objet d’une étude minutieuse pour que le combat soit une réussite. Voyez-vous, à cette époque, le Quattuore, restait un combat très rare, et c’était le début des grandes organisations d’événements tels que celui-ci.

- Mesdames et messieurs ! Veuillez faire un accueil tonitruant aux premiers combattants ! Une paire qui nous vient de Linésie… utilisant des produits de l’atelier de Maître Fendam… les frères MANESTRIAS !

Les deux champions rentrent dans l’arène sous les applaudissements des spectateurs. Dans mes souvenirs, ils sont impressionnants… Torses poils, pieds nus, juste habillés d’un corsaire marron équipé d’une ceinture fiolée. L’un, un géant, à l’air inébranlable, portant une énorme double hache de guerre. L’autre, tout aussi grand, une force de la nature, une rapière classique ainsi qu’un bouclier.

L'orateur reprend.

- Messieurs dames ! Veuillez maintenant accueillir comme il se doit les prochains combattants ! Une paire Bodhur… sponsorisés par le Maître Delom… Je vous présente Grael et Spander !

Une clameur se fait entendre dans tous l’ovale, et lorsque les deux bruns entrent dans la danse, c’est l’arène toute entière qui s’anime. Ils portent tous les deux, également, le même habit de scène. Des bottes noires, en cuir, du classique et des chausses maronnasses bien foncées. Pour le haut, un gilet beige ouvert, tout simple, qui découvre une ceinture à munitions portée en bandoulière. L’un, un molosse, une boule de muscles, porte une lance tridentée en croix puis un énorme bouclier. L’autre, petiot, une brindille, à l’air nerveux, ne porte aucune arme apparente mais seulement deux énormes ceintures de cuir de la même couleur que son bas viennent barrer son torse.

Bordel, ils ont l’air bon ceux-là. Monsieur muscle et le nabot. Ils ont des têtes de tueurs et ça me plait ! C’est bon, j’ai trouvé mes pref’ ! Des Bodhurs c’est ça ? Ouais… Ils vont éclater les tantouzes de Linésie. Des frères en plus… Jamais mélanger travail et famille, moi je vous le dis.

Les quatre protagonistes se toisent, et peu à peu le bruit fait place aux chuchotements pour bientôt devenir silence. Jamais vu une tension pareille, ça va saigner. On sait tous que le combat est à mort, fait rarissime pour l’époque je dois vous le rappeler. Le riche reprend.

- INITIUM !!!!

L’assemblée explose en encouragements pendants que les acteurs du spectacle se mettent en position de combat. Les gestes sont rapides et sûrs. Je vois déjà des fioles être dé-bouchonnées de toutes part. Je n’ai aucune notion de leur stratégie et je m’en gicle pas mal. Je suis là pour voir du sang.

Les quatre ingèrent le contenu des maîtres. Ils attendent.

Les Linésiens ouvrent la marche. L’un derrière l’autre, ils se dirigent vers leur opposant.

Mes favoris débutent zarb. Le petiot grimpe sur le bouclier du gros, agenouillé. Se relevant, il donne un coup de hanche bien sec qui projette le nabot par-dessus le parapet. Le gringalet s’accroche au mur d'enceinte, chope l'un des flambeaux et saute… Chute libre de 3 mètres sur le sable. Tel un chat il se réceptionne en roulade sans un bobo. Agile le singe…

Les deux frérots, voyant ce qui se trame, se précipitent vers la flaque et se fouttent les pieds dedans… Je comprends rien. Ils avancent plus.

Le petit singe souffle sur la flamme. Le feu semble être entraîné par un vent de magerie qui se transforme en un gigantesque souffle se dirigeant tout droit vers les Linésiens. Tout en comprenant que le minus pratique la magerie de projection offensive, un Exvo, mes yeux essayent de suivre la flamme… Costaud le nabot ! J’aperçois, du coin de l’œil, un énorme mur d’eau qui se dresse devant le premier des frères. Il s’était placé devant l’autre afin de le protéger, un ExGa surement ! Le feu vient s’éteindre. PSHHHHHT. Vapeur. La tapisserie d’eau s’écroule. Invraisemblable… J’en revenais pas. L’action avait duré cinq secondes et le stade entier avait déjà le souffle coupé.

Les deux frères s’élancent vers l’avant. Leur coordination est parfaite, on voit qu’ils ont bossé… Ils encerclent le lancier. Putain mon molosse est dans la panade… Le petit s’éloigne avec une rapidité inouïe ! Tels des prédateurs se ruant sur leur futur déjeuner, les frangins de Linésie lancent une attaque simultanée sur Monsieur muscle. Le gros profite de l’allonge de son trident pour repousser et tenir en respect la rapière de l’un des frères. L’autre se propulse littéralement vers l’avant entamant un vicieux arc de cercle de sa hache de guerre… Trop beau le geste ! Trop puissant ! Forcément un InVo, ceux qui concentrent leur magerie d'attaque. On aurait dit que son coup surhumain allait arracher ma maison, la grange et le ruisseau au fond du jardin… 

La hache vient s’écraser sur le bouclier du lancier dans un bruit incroyable que seuls des titans pourraient peut-être connaître… Il était fait en quoi ce bouclar sérieux ?...

Une dague vient perforer le dos du frangin à la hache… Il lâche une complainte bien justifiée… Bien visé petit !

Mon gros lancier s’écarte quelque peu… Je pige que c’est pour faire place nette à la prochaine attaque du nabot. Il avait flanqué la fratrie. Il s’était positionné au bord de l’eau. L’offensive ne se fait pas attendre. Sous forme d’un torrent de boue, l’attaque se dirige vers le blessé qui n’en demandait pas tant. Dans un acte héroïque, son frère se jette devant lui et bloque une nouvelle fois. Un mur de sable… Et pas un petit !

L’attaque est incroyablement puissante et continue…mais ne parvient par à ébranler le mur. Le protecteur, l'ExGa, pose une main sur la blessure du hachoir et retire la dague d’un coup sec. Sa main reste posée sur la blessure de son frère, pour le soigner j'imagine. Le mur flanche. Sa protection s’effrite pendant que le torrent se finit. OUI !!!

La fin du jet de boue vient ensevelir avec force les deux frères. On les voit plus ! Ah si ! Le protecteur. Il se dépêtre péniblement. Il sort une nouvelle fiole. L’avale. Pousse une gueulante qui résonne encore dans les profondeurs de mes tripes et forme un dôme de terre qui vient les protéger… Quelle technique ! Pas mal pour des tantouzes !

Je vois mal ce qui se trame à l’intérieur. Ce temps mort a réveillé la foule qui sort de sa torpeur et maintenant hurle tout son saoul pour la mise à mort. La brindille galope vers son binôme et profite de l’accalmie pour palabrer… Allez les gars ! On sort un truc de derrière les fagots là !

Tout à coup, le cocon s’écroule. Une hache qui scintille. Un mec je crois. Comprends pas. La vitesse… Il est propulsé le type ! C'est l'InVo je crois ! Il est littéralement porté par un mur de vent !

Le nabot, vif comme une mangouste, s’éjecte en toute hâte. Le molosse n’a pas le temps d’esquiver. Dans un vain effort, il essaye de placer son bouclier en opposition. La hache lui tranche le jarret. Le membre vole. Le temps s’arrête. Une éternité. Le truc atterrît près du nouvel unijambiste. Un cri de douleur. Les murs tremblent. Du sang partout, putain !

Le coup semble être fatal. Les deux frères vont gagner, pour sûr ! Et merde ! J’ai parié sur le mauvais cheval. Premier mort. 1-0. C’est la fin.

Non, le nabot ne s’avoue pas vaincu. C’est ça mon gars ! Il leur feule dessus. Un animal. Il leur balance tous ses poignards. L'ExGa Linésien se cache derrière son bouclier. Son frère, le hachoir plonge son arme en plein thorax de l’estropié. Geyser. Giclette. Trainée sur le mur. Mort. Je suis désespéré… Il s’est quand même prit une lame dans le cul le tueur…

Mon petiot se rebiffe. C’est pas fini ! Il se remet dans la même position que tout à l'heure. Le tourbillon de feu… Rebelote ? Non. C’est au moins deux fois plus puissant que tout à l’heure. C’est dingue. L’attaque est trop soudaine. Y’a pas le temps pour que le frère refasse le coup du sauvetage in extremis. Une torche humaine. Le bourrin pousse des cris de cochons. Il l’a vengé… c’est du délire. Le dernier frère, impuissant derrière son bouclier, regarde la torche humaine qui ne ressemble plus guère à son frangin se mouvoir et se tordre sur le sol… un choc.

La populace fait silence. On se croirait dans un tombeau. Je suis scotché par la violence, par la rapidité des événements. Favori 1 est mort mais Favori 2 ne lâche rien. J’arrive pas y croire.

Dans un cri de désespoir, le seul Linésien restant se rue sur le nabot. Ma brindille semble diminuée par son attaque dévastatrice, mais sort une nouvelle fiole. Un rocher, non, une putain de boule de sable. Ça a l’air dur comme de la pierre. Ça part pleine balle vers la gueule du dernier frangin qui avale une fiole à son tour. Mur de vent. Explose le boular. Mais comment ? Le mur s’écroule dans un silence de cathédrale.

Les deux gars sont sur les rotules, ils ont l’air cramé, j’ai l’impression qu’ils ont plus rien en stock, ils semblent vides de l’intérieur… Ça va se jouer à la contondante… Le protecteur se relève tant bien que mal. Se dirige difficilement vers le nabot. C’est fini, il a l’air à sec de dagues. Il a tout donné le gars. C’est inéluctable, il va se faire trancher. Ils ne sont plus qu’à deux mètres. Le futur vainqueur laisse tomber son bouclier. Un mètre. Il arme son bras, sa rapière prête à goutter le sang et… s’écroule ?...

IN-CRO-YABLE !!!

Une lance lui a transpercé la gueule de part en part… La dent principale de la lance est venue se planter à l'arrière du crâce et ressort par la bouche... C’est dégueulasse. Le corps tombe, inerte. Une flaque d’hémoglobine toute fraîche vient peindre la gueule de mon petit protégé. Le nabot est toujours à genou. S’écroule de fatigue. Que s'est-il passé ? Je pige rien. QUOI ? Le molosse ! Debout, une énorme balafre sur le torse, la guibole attachée au tronc ? La gueule enfarinée. Le mec est debout. Il marche… Un lancer en pleine tête. Le type était mort quoi ! C'est à cet instant que je compris que ma boule de muscle était un utilisateur de la magerie de concentration défensive, un InGa. Il aide le petiot à se relever.

Mes pref’ l’ont fait ! YAH !

La foule explose. Cris. Pleurs. Vociférations. Chaos. Des péons entrent dans l’arène pour ramasser ce qui reste des corps.

Je chiale. Pas de tristesse, pas de peur, non bordel, de joie. Je viens d’assister à la plus belle chose de ma vie. Je me dis que ce combat restera dans les mémoires, c’est sûr, ya pas moyen.

Je m’arrache à mon souvenir de marmot pour vous dire que ce combat resta bien dans les têtes. C’est grâce à ce Momentum que l’un des premiers quattuore de l’histoire pu définir et fixer les règles du quartet moderne que vous connaissez sûrement.

C’est comme le dernier des Linésiens à avoir mordu la poussière, la gueule grande ouverte, que je découvris mon futur, ma vocation. Kero Stramb, organisateur de combat.

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