IV. Voyage d'agrément

Par Jibdvx

Le carrosse roulait déjà depuis plusieurs heures. Le soleil commençait lentement à descendre sur les arbres et certains membres du groupe somnolaient sur leur sièges. Jambar, constatant que lever un campement s'imposait, parqua le véhicule sous un arbre, devant une petite clairière. Quand ils furent tous descendus, Elio commença à scruter les fourrés autour d'eux, aux aguets. Quelque chose semblait le préoccuper, pourtant l'atmosphère était des plus calme.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda Orm en sautant hors du chariot.

— Cet endroit se trouve au croisement des routes commerciales entre les royaumes de l'Ouest et du Nord. Aussi nous risquons de rencontrer quelques voleurs et malandrins sur notre chemin.

— Ah ! fit le barbare avec un soupir de soulagement. Enfin de quoi se défouler un peu. Les bandits de grands chemins ne sont généralement pas très solides, ni même très malins, mais ça fera l'affaire.

Elio l'ignora et continua de parler :

— J'ai entendu parler de l'un de ces bandits, de la bouche d'un marchand que j'ai croisé sur la route d'Among City. Il se nommerait Sillas Gueule de bois et serait à la tête d'une vingtaine d'hommes.

— Drôle de nom pour un bandit, fit remarquer Anton.

— N'est-ce pas ? Poursuivit le chevalier. Sa mâchoire inférieure lui aurait été arrachée lors d'un raid. Après s'être enfuit, il aurait réussit à forcer un menuisier de la région à lui en confectionner une nouvelle. Depuis, Sillas possède une mâchoire factice en bois, d'où le surnom.

— Je crois avoir vu sa salle tronche sur une affiche qui traînait à Among City, grogna Orm. Du menu fretin avec une prime ridicule, pas de quoi s'inquiéter.

Anton se grattait le menton d'un air songeur.

— En tout cas, il doit être assez malin pour réussir à se sortir d'un champ de bataille avec une blessure pareille...

— Tu ne crois pas si bien dire ! Fit une voix derrière eux avec un drôle d'accent rocailleux.

Les aventuriers se retournèrent pour s'apercevoir qu'une vingtaine de bandits armés de haches, d'épées courtes et de piques les observaient depuis le couvert des arbres. À leur tête se trouvait un grand échalas musculeux habillé de cuir avec des gantelets de plaque rutilante. Sa mâchoire inférieur semblait être en chêne. Elle émettait un claquement sec à chaque mouvement, le tout le faisant ressembler à un casse-noisette démesuré. Il les fixait d'un air de défi, visiblement content de son petit effet.

— Ah, vous ne vous attendiez pas à ça, messire, dit-il à Anton, car réussir à approcher votre petit groupe et à vous surprendre ne fut pas des plus aisé !

— Mais chef, fit l'un des voyou. Ils se sont arrêtés à deux pas de l'entrée principale, les sentinelles n'ont eu qu'à...

— Oui oui, grâce à mon génie militaire ! Le coupa Gueule de bois.

— A deux pas de votre camp ? Dit Elio les yeux plissés, la main sur la garde de son épée.

Sillas eut une grimace qui devait lui servir de sourire et répondit :

— Vous vous tenez dessus ! Il y a un vaste réseau de galleries sous la forêt et elles nous servent de base. Bon, maintenant que je vous ai tout dit, je crains de ne pouvoir vous laisser vivre. Dommage, vous aviez l'aire sympathi.....Qu'est-ce qui te fais sourire toi ?

Orm rayonnait. Un large sourire courait sur son visage d'une oreille à l'autre. Il se tourna vers les autres membres du groupe, ils hochèrent de la tête.

— Parfait, dit simplement Orm.

— Eh bien quoi ? Rugit Sillas. Je m'en vais t'enlever ce sourire de la tronche moi-même mon grand ! Vous autres, hurla-t-il à l'adresse de ses hommes, à l'ataaa..!

BOM

Avec une vitesse impressionnante, Orm s'était rué vers Sillas pour lui asséner un coup fulgurant dans les côtes, un craquement retentit et le bandit ouvrit des yeux rond comme des soucoupe alors que ses poumons se vidaient d'un seul coup. Il s'affala à terre dans un claquement de mâchoire sous les regard éberlués de sa troupe. Ils étaient bloqués sur place. Cet homme venait de mettre leur chef à terre en une seule attaque à mains nues !

Orm releva Gueule de bois par les cheveux et lui décocha un coup de tête qui fracassa la mâchoire artificielle.

— C'est bien ce que je me disais, t'étais qu'une grande gueule, fit le barbare.

— Je doute que le chef de ces mécréants survive à l'attaque verbale de notre ami, chuchota Jambar à Elio.

— Effectivement, répondit l'autre, il y a mis des arguments de choc.

Orm souleva sa victime au-dessus de sa tête, le fit tournoyer un instant et lui écrasa la tête au sol dans un bruit mou et spongieux.

Plusieurs secondes de flottement suivirent la fin de la carrière de Sillas Gueule de bois. Le groupe de bandits regarda le corps de leur chef osciller doucement puis tomber sur le sol de la petite clairière, semblable à un pantin dont on aurait coupé les cordes. Ce fut ce moment que choisit l'un des truands pour crier :

— Tuez-les pour notre chef !

Alors que la troupe de bandits poussait un beuglement et chargeait, une dague de jet fendit l'air et alla se ficher dans le front de l'homme.

— Joli tir, dit Anton à Jambar.

Le fracas de l'acier devint retentissant et les cris de douleur se mêlèrent aux cris de guerre. Elio dégaina son épée décrivant un arc de cercle devant lui qui décapita net le bandit lui faisant face, ceux qui se trouvaient derrière stoppèrent leur course et commencèrent à encercler le chevalier.

— Inutile ! Annonça fièrement Elio en se mettant en garde. Aucun d'entre vous ne saurait même me toucher !

Les truands ricanèrent.

- Bien sûr petit on te croit...Allez, laisses-toi embrocher bien tranquillement ! Fit le bandit sur sa gauche.

Elio se fendit, para une pique filant droit sur son visage et décocha un coup de coude au rufiant qui l'avait nargué. Pendant que ce dernier portait sa main à son nez en sang, le chevalier effectua une botte droit au cœur.

— M'embrocher disais-tu ?

Son ennemi mourut avant de toucher le sol.

Au même moment, Anton se trouvait dans une situation similaire.

— Eh les gars regardez ! Celui-là n'est même pas armé !

— Ouais enfin l'autre ne l'était pas non plus...

Le mercenaire ouvrit sa main droite dévoilant un glyphe gravé dans sa chair. Les bandits firent un pas en arrière à la vue du glyphe.

— Un mage ? Bah ! T'es pas le premier qu'on affronte, compte pas nous étonner avec tes petite étincelles et...euh....

Le coupe jarret se tut quand une lumière bleue jaillit du sceau, la lumière grandit pour se changer dans un dernier éclair en une gigantesque épée courbe, des runes parcourraient sa lame reflétant la lumière du crépuscule. Anton brandit son imposante arme, face à ses adversaires.

A cet instant, les bandits étaient devenus blêmes et se mirent à reculer de plus en plus.

— T-t-t 'aurais pas pu l-l-la f..fermer Stan ? Bégaya l'un d'eux.

— C'est la...la...c'est lui ! Fit un deuxième dont le front se couvrait de sueur.

— Anton à la Faucheuse ! Cria le dernier.

— Pas votre jour de chance hein ? Dit doucement Anton. Désolé.

Faucheuse fendit l'air et broya les côtes du dénommé Stan qui s'effondra en hurlant.

L'escarmouche dura encore une dizaine de minute avant que le dernier bandit n'ait été encastré dans un arbre aux bons soins de Orm.

— Rien de mieux qu'une bonne bataille pour vous remettre en jambe ! Il jubilait.

Anton se tourna alors vers Elio :

— Pas mal ta technique ! L'école Estienne n'usurpe pas sa renommée.

Le jeune chevalier eut un bref sourire.

— Merci, dit-il, mais mes talents d'épéiste, je les dois à mon père qui m'enseigna l'art de l'escrime.

— Un grand guerrier sans aucun doute ton père, lança Orm, déjà occupé à fouiller les cadavres.

— Il l'était oui. Elio serra la garde de son épée encore dans sa main.

Anton considéra le jeune homme du regard, puis lui donna une tape dans le dos avant de se diriger vers Jambar. C'est alors que ce dernier leva la main, faisant signe aux autres de se taire. Ce qu'ils firent.

— Vous entendez ? Demanda l'homme à l'écharpe.

Anton tendit l'oreille.

— Des chevaux, au petit trot, déclara-t-il.

Une petite troupe de cavaliers armés de lances fit son apparition dans la clairière. Elle était composée de soldats arborant le blason des patrouilles de frontière Ouestars : d'or au griffon d'argent. L'homme de tête, qui portait les insignes de capitaine de patrouille, avança sa monture jusqu'au groupe. Il prit la parole.

— Salutation messieurs ! Commença-t-il. Je suis le capitaine Alvar Vanis. Pouvez-vous m'expliquer en détail ce qu'il s'est passé ici.

Son regard parcourut la clairière et il constata que l'endroit était recouvert de ce qui devait être un groupe de bandits.

Après avoir fait signe à Orm de ne pas intervenir, Jambar répondit :

— Et bien capitaine, il se trouve que nous avons été interpellés par ces voyous. Il engloba la clairière d'un mouvement des bras. Ceux-ci étant bien décidés à mettre fin à notre existence de manière prématurée. Imaginez notre désarroi !

— J'imagine...Dit Alvar Vanis en réprimant une exclamation lorsque ses yeux se posèrent sur le reste de ce qui ressemblait à une mâchoire en bois. Mais continuez.

— Nous avons donc été obligés de réagir...énergiquement, par pur réflexe d'auto-défense.

— Fort bien, fort bien, répondit le capitaine en se caressant le menton. Et à tout hasard, vous auraient-ils communiqués l'emplacement de leur repaire ?

— Je crois que oui, Jambar réfléchit. Cherchez quelque chose comme une grotte ou une trappe dans les environs.

— Eh bien merci messieurs, bonne journée. Lança le capitaine en faisant se tourner son cheval.

Puis il cria à sa troupe :

— Demi-tour et déployez-vous dans la zone ! »

Les cavaliers s'éloignèrent. Quant-ils furent hors de vue des aventuriers, l'un des soldats se dirigea vers Alvar Vanis.

— Capitaine je...

— Nouveau ? Le coupa Alvar.

— Ahem...Oui capitaine, répondit le soldat mal à l'aise.

— Alors écoute le bleu. La discipline la plus importante dans les patrouilles de frontières est l'analyse topographique !

— Pardon capitaine ? Le soldat semblait de plus en plus perdu.

— L'analyse du terrain si tu préfères, enfin...Peux-tu me dire où se trouvaient les individus que nous venons de croiser ?

— D..Dans une clairière ?

— Certes mais encore ?

— D'à peu près vingt foulées de large, ladite clairière était...Oh ! Il avait compris.

— Oui le bleu ?

— ...était recouverte des cadavres de ce qui semblait être la bande de Sillas Gueule de bois que nous cherchions depuis plusieurs jours.......

— T'as compris le bleu ?

— Oui capitaine !

— Parfait petit. Maintenant continue de chercher !

Une fois les soldats partis, les aventuriers nettoyèrent la clairière pour y installer leur campement. Ils trouvèrent au total, une centaine de centrians d'or et quinze d'argent ainsi que quelques breloques de peu de valeur. Orm ronchonnait.

— On aurait pu fouiller leur repère ! Maintenant leur butin va aller dans les caisses de l'Ouest.

Jambar lui répondit :

— Nous n'étions pas là pour ça de toute façon, et je vous rappelle que nous devons voyager léger.

— Ouai mais...enfin tu vois, c'est l'usage généralement. On zigouille les bandits, on se sert dans leur repère, le village voisin nous accueille en héros et on peut manger et dormir à l'œil à l'auberge. C'est le métier qui veut ça.

Jambar hocha la tête, compréhensif. Dès qu'ils eurent finit d'empiler les cadavres dans un fossé non loin, ils y mirent le feu et retournèrent à leur campement. La nuit était déjà bien avancée et ils devaient partir à l'aube, ils tirèrent au sort les tours de garde puis dormirent.

Lorsque vint le tour de Jambar, celui-ci s'installa confortablement près du feu en écoutant les bruits nocturnes de la forêt. Ses yeux passèrent en revue les membres de leur groupe, il tenait quelque chose, une petite pierre blanche veinée de rouge terne qu'il faisait rouler dans ses mains. Il touchait au but.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Isapass
Posté le 24/11/2020
Aaaaah, la scène de combat avec plusieurs pôles d'action simultanés... Que c'est dur à gérer ! Pour donner l'impression que tout se passe en même temps c'est très compliqué : il faut dérouler les combats en parallèle et ne pas laisser un des personnages désoeuvré (je crois qu'il y a eu un sujet là-dessus sur le forum, d'ailleurs). Mais là, avec le ton humoristique, le séquentiel passe bien. Et surtout, on a une idée, maintenant, de l'arme de chacun de nos héros. Et de leur niveau : ils sont vraiment de sacré candidats ! D'ailleurs ils en sont très conscients puisqu'ils rigole d'avance XD
Je ne suis pas sûre d'avoir compris où tu voulais en venir avec le dialogue entre le jeune soldat et le chef de patrouille. Est-ce que ce dernier veut juste faire remarquer au bleu à quel point la performance des 4 mercenaires est incroyable ? Ou est-ce qu'il y a autre chose que j'ai raté ? Ou est-ce qu'on va savoir plus tard ? J'ai un petit flou là-dessus.
Allez, encore un petit chapitre !
UnePasseMiroir
Posté le 30/12/2019
Coucou ! J'ai lu les premiers chapitres de ton histoire avec curiosité, et j'avoue être agréablement surprise ! Cette petite baston conviviale était très drôle à lire, quelques passages m'ont particulièrement plu, genre :
"— C'est bien ce que je me disais, t'étais qu'une grande gueule, fit le barbare.
— Je doute que le chef de ces mécréants survive à l'attaque verbale de notre ami, chuchota Jambar à Elio.
— Effectivement, répondit l'autre, il y a mis des arguments de choc."
Ça c'est de l'humour fin comme je les aime XD

J'aime bien aussi tes personnages, un peu clichés sur les bords, mais pas dans un sens négatif ; ça les différencie et les rend sympathiques ! Je trouve dans ton histoire une petite touche de Kaamelott, je sais pas si tu connais...

Bref, ça me plaît jusqu'à présent !
Flammy
Posté le 04/10/2019
Coucou !

J'ai beaucoup apprécié ce chapitre =D On voit la dynamique de groupe qui se mets en place, je trouve l'humour de plus en plus présent, c'est vraiment agréable !

L'intervention des bandits tombe pile au bon moment, rien de mieux pour souder les liens que de déboiter des honnêtes travailleurs en groupe <3 Pour les soldats, je suis un peu plus circonspecte (pour le coup, deux grosses coïncidences d'un coup, ça fait beaucoup), donc je me demande si on va les revoir par la suite =D

Des remarques :

"Mais chef, fit l'un des voyou" voyous

"C'est bien ce que je me disais, t'étais qu'une grande gueule" J'adore <3 La suite aussi !

"L'escarmouche dura encore une dizaine de minute" Minutes

"l'un des soldats se dirigea vers Alvar Vanis." Sauf erreur de ma part, on a pas vu le nom avant, et ça m'a fait un peu bizarre qu'il sorte comme ça du néant.

"ils y mirent le feu" Ca pue un cadavre qui brûle, je sais pas si c'est une bonne idée à côté du campement ^^"

Pluchouille zoubouille !
Jibdvx
Posté le 05/10/2019
Merci beaucoup pour tes annotations et ton commentaire ! Je suis très content que l'histoire t'accroche :D Pour répondre à tes deux dernières annotations: Si Alvar Vanis est bien mentionné avant, quant il se présente d'ailleurs (et on va pas tout de suite le revoir maiiiiiis c'est prévu). Ensuite, j'avoue y avoir pensé aussi pour la fausse en feu et puis je me suis dit que la troupe n'en avait tout simplement rien à faire de l'odeur XD Mais si ça sonne vraiment bizarre de faire ça, oui je l’enlèverai. Je suis en train de continuer le roman en ce moment (pour ça que j'était peu présent) et je ferais une grosse réécriture à la fin ^^
Merci encore !
unecrivainel
Posté le 24/08/2019
Ahah j'aime beaucoup l'action de ce chapitre ! Un peu de sang et de combat ne fait de mal à personne... du moins pour les lecteurs xD Pour les personnages c'était autre chose ^^
Jibdvx
Posté le 24/08/2019
Pauvre Silas en effet X)
Vous lisez