Introduction

Par Fenkys

Un Helariasen ne s’agenouille jamais, fût-ce devant son roi.

(Devise de l’Helaria)

 

Je me présente. Je m’appelle Saalyn, fille de Hylsin et de Larsen. Je suis le troisième archonte de la Corporation des Guerriers Libres. Et le premier à avoir été élu à ce poste. Je suis née en 585, le 24 mesov plus exactement à Neiso, sur l’île d’Ystreka. On m’a dit que ce jour-là, une tempête particulièrement violente avait frappé la Pentarchie et que c’est de là que viendrait mon nom. Le mois de mesov étant au cœur de la saison des tempêtes, c’est peut-être vrai.

À l’époque, rien n’était comme aujourd’hui. Les feythas n’étaient pas encore arrivés. Il n’y avait pas d’humains, d’edorians, de nains ou de drows. Aucun nouveau peuple en fait. Ni rien de ce qu’ils ont amené avec eux comme les chevaux, les chiens, les chats, les ruminants et j’en passe. Et les peuples reptiliens n’étaient pas encore qualifiés « d’Anciens ». Le monde était magnifique, sans pluie de feu ou de désert empoisonné. L’hégémonie se disputait entre les stoltzt et les gems. Mais le cœur de la civilisation stoltz se situait dans l’ouest autour de la mer intérieure alors que les gems régnaient sur les montagnes au centre du continent. Les bawcks ? Ils étaient partout où nous ne pouvions pas aller. Notre monde n’était pas parfait. Nous avions eu notre lot de catastrophes bien sûr. Mais aucune ayant la gravité de ces tyrans.

L’Helaria aussi était différente. Il se limitait à une seule île peuplée d’à peine plus de neuf mille habitants. Et Neiso n’était qu’un gros village, n’abritant qu’un port de pêche fort d’une flottille de trente-huit barques. Nous étions autonomes, la mer, nos champs et nos caves produisaient toute la nourriture dont nous avions besoin. Nous étions pauvres, mais nous vivions bien. Nos richesses provenaient de trois sources. Notre hydromel tout d’abord. Il s’exportait bien et à prix élevé. Mais nous en vendions peu, nous étions les premiers à consommer notre production. Nos tapisseries aussi, tellement réputées qu’elles s’arrachaient à prix d’or. Mais là aussi, elles étaient peu nombreuses. Les plus petites nécessitaient des mois de travail, alors que les plus grandes, les plus chères aussi prenaient des douzaines d’années pour être achevées.

En fait, notre principale source de revenus était nos bras. Nos guerriers étaient bons et bien entraînés. Mais nous vivions en paix depuis longtemps. Qui aurait attaqué une nation aussi pauvre ? Aussi nous nous sommes loués. Nous avons vendu notre savoir-faire guerrier aux marchands qui voulaient protéger leurs biens quand ils transitaient sur les routes. Notre trajet le plus fréquent reliait Diacara, la capitale de l’empire Diacarain à Ocar dans l’empire Ocarian. Le trajet était long, plusieurs mois. Mais il était bien payé et quand je rentrais au pays, je ne manquais jamais de verser ma participation au trésor de la Pentarchie.

Pendant les cinq cents ans qui ont suivi, les choses n’avaient quasiment pas évolué. Tout au plus, notre population avait un peu augmenté. À l’époque, je n’étais qu’une guerrière, sans particularité remarquable si ce n’est un joli minois et une silhouette avenante. Je m’échappais de l’Helaria le plus souvent possible, multipliant les escortes. Non pas que je détestais mon pays. Au contraire, il était ancré au plus profond de moi. Je l’avais dans le sang. Mais les possibilités y étaient limitées. Pendant ma jeunesse, j’ai dû visiter tous les recoins du monde, ou presque.

Un jour, tout a changé. Aujourd’hui, quasiment aucun de ces pays n’existe encore. Et l’Helaria, un des rares survivants, est devenue une grande puissance. La première flotte, la deuxième armée, la première économie du monde actuel. Nous avons dépassé le niveau qu’avaient atteint les hauts royaumes stoltz au temps de leur gloire, même si ce n’est que depuis peu de temps. Un changement aussi majeur s’étale généralement sur des générations. L’évolution est progressive jusqu’au moment où le pays est prêt à entrer dans le club des puissants.

Rien de tel pour l’Helaria. Le changement fut brutal. La décision fut prise un jour de jouer dans la cour des grands. Et à partir de ce moment, tout fut mis en œuvre pour atteindre cet objectif. J’ai été le témoin de ces événements.

Calen, l’archonte de la bibliothèque m’a demandé de coucher mes souvenirs sur le papier. Ils sont selon elle irremplaçables. En dehors des pentarques, je dois être l’un des derniers survivants de cette période. Depuis quelques années, je sens que mes forces déclinent. Il doit me rester deux douzaines d’années à vivre. Peut-être moins. Même si je n’en avais pas eu conscience, la présence fréquente de Wotan à mes côtés est éloquente. Il panique à l’idée que je puisse disparaître un jour. J’ose à peine imaginer comment il réagira quand ce sera le tour de Calen dans quelques siècles. Bientôt je ne serais plus en mesure d’assumer mes fonctions. J’ignore qui me succédera. Mais il aura la tâche difficile à passer derrière moi. Non pas que j’ai mis la barre particulièrement haute. Mais je suis la première à occuper ce poste. Helaria et Muy, mes prédécesseurs, ont acquis la célébrité dans d’autres domaines, ils n’ont fait que passer dans la corporation. Moi seule ai consacré sa vie aux Guerriers Libres. Comme enquêtrice d’abord. Puis comme archonte. Mon successeur, on le comparera sans cesse à moi. Et chacune de ses erreurs sera décortiquée et évaluée à l’aune de ce que j’aurai pu faire.

Il est temps que j’en vienne au fait. Le moment où la pentarchie a décidé de devenir une puissance, celle où elle a décidé que plus jamais elle ne courberait la tête devant qui que ce soit, celle où elle a cessé d’être une proie pour devenir prédateur, peut être montré sur un calendrier.

 

Cette date c’est le jour où les pirates nous ont attaqués, le 4 hedo de l’an 1079.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Zultabix
Posté le 28/06/2021
Là encore, je ne suis pas fantasy, comme déjà dit, mais ta plume est vraiment chouette. Tu nous embarques allègrement où tu veux, sans chichis, sans tralalas, comme un train qui file dans la nuit.
C'est saturé d'infos, mais elles cela glisse, car ton personnage existe et semble on ne peut plus sincère !
Bref, tu es un bon conteur !


Bonne continuation.
Fenkys
Posté le 28/06/2021
Il y a quelques temps, quelqu'un avait fait remarquer qu'il n'existait pas de romans policiers dans un univers de fantasy. Or je disposais d'un personnage adapté. J'ai donc créé l'introduction qui nous présente le personnage principal de la saga : Saalyn. Chronologiquement, il se place environ cent ans avant «L'éparque de Burgill». Et d'ailleurs, il n'y a encore ni éparque, ni ville de Burgill à cette époque.
Zultabix
Posté le 28/06/2021
Ok, ok ! Me voilà renseigné !

Bon courage pour la suite !
Benriya
Posté le 15/11/2020
Bonjour,

j'ai particulièrement aimé ce prologue pour sa richesse au niveau des informations. Souvent, dans les prologues, on cherche à en dire le moins possible, à garder le mystère mais, sans trop en dévoiler, tu arrives à nous transporter dans un monde qui fourmille de détails sans trahir l'attente que l'on peut avoir d'une intrigue à découvrir sur la longueur, soulignée par la toute dernière phrase annonçant l'arrivée des pirates.

Sur le style, le vocabulaire, l'ortho et la conjugaison je n'ai rien à dire et dieu que c'est rafraichissant ! Ton écriture est fluide et simple à suivre ; la seule chose que je trouve un peu dommage a été déjà citée par doudoumechant juste en dessous de mon commentaire, certaines phrases commençant par "Et" auraient pu ne pas être tronquées mais apporter une continuité. Les phrases plus longues, quand elles ont un rythme, ne sont pas un frein à la lecture et justement tu as le rythme qui s'y prête.
Fenkys
Posté le 07/12/2020
Bonjour,
Merci pour ce commentaire. Je vais étudier tes remarques avec attention.
Je suis désolé pour ce long retard à répondre. Je n'étais pas très présent sur la plateforme ces derniers temps. Cette nouvelle est l'une des plus ancienne que j'ai écrite.
Mais je l'avais mise de côté pour rédiger un roman (La paysanne) qui se situe dans le même univers, mais un siècle dans le futur. Je l'ai reprise après la publication du roman. Elle a donc bénéficié d'un long temps de gestation.

Ce n'est qu'une introduction. Les choses commenceront réellement dans la nouvelle suivante : « Les mines de l'Ocarian» que je compte publier dans le courant de l'année prochaine. Actuellement, 4 nouvelles sont écrites et une cinquième est en gestation.

Bonne lecture.
Laurent
doudoumechant
Posté le 09/10/2020
Bonjour Fenkys,

Merci beaucoup pour cette introduction.

Tout d'abord je dois te dire que j'ai beaucoup apprécié ce monde que tu as créé. J'ai envie d'en savoir plus sur ce qu'il s'est passé pour l'Haleria et donc de lire la suite. Ce que je ferai sûrement après ce commentaire.

J'ai en général un peu de mal avec les débuts qui en disent trop. Dans la hâte de poser un décor, on enchaîne beaucoup d'informations qui auraient pu, je pense, être développées au cours de plusieurs chapitres. Le fait que ton personnage écrive ses mémoires est cependant une bonne explication à ce début chargé.

Ce qui me pose un peu problème c'est surtout les phrases commençant par des conjonctions de coordinations "et" "mais". Je pense qu'il n'est pas toujours nécessaire de couper tes phrases en deux.

Sinon ton écriture est agréable à lire et j'ai hâte de continuer ma lecture.

A très bientôt !
Fenkys
Posté le 09/10/2020
Bonjour,
Merci pour ton commentaire. Cette nouvelle a été publiée après un roman qui se situe dans le même monde presque un siècle dans le futur. Les lecteurs s'attendaient à trouver certains éléments qui ne sont pas encore présent dans cette époque antérieure. Ils apparaîtront au fur et à mesure des nouvelles.

Pour le style, j'ai en effet un peu exagéré sur les "mais", je vais essayer d'y remédier.

Laurent
Vous lisez