Incendies intraduisibles

Par Dédé

 

«Il couvre le toit d'autrui et le sien a brûlé.»

Intitulé d'un article d'Incendies Magazine

 

Ignorant que je suis endormi, je ne me suis pas attendu à me retrouver confronté à des rêves bizarres, encore une fois. Ici, plus de démons, de diables, de tomates farcies poètes, de pain d'épices cannibale. Il s'agit plutôt d'un rêve récurrent, très récurrent.

Instinctivement, dans tous mes rêves, on retrouve un incendie.

Incendie, un incendie, à chaque fois.

Idylliques, au début, mes rêves le sont toujours. Initialement, ce sont des rêves typiques d'enfants de quatre ans. Il y a toujours des courses de voiture, des cascades impressionnantes, des super-héros, des versions de moi sorties tout droit du futur.

Ignobles, ensuite, mes rêves deviennent ignobles ! Incendie, un jour. Incendie, toujours.

Invraisemblable, le premier incendie dans le monde de Morphée se déclare alors que je joue aux petites voitures. Impossible dans la vie réelle ! Il s'avère que je suis pourtant seul à la maison – je sais que je ne reste jamais seul d'habitude mais ce n'est pas ce détail qui m'a choqué durant le rêve –. Immédiatement, des flammes apparaissent de nulle part, en grimpant d'abord sur les rideaux, bloquant l'accès à mes fenêtres. Incertain, je tente d'ouvrir la porte pour sortir de là parce que forcément, le feu me fait peur. Incapable de l'ouvrir, je suis saisi d'une énorme crise d'angoisse. Irrémédiable, ma crise d'angoisse semble irrémédiable : au bout de quelques secondes, je suis persuadé que je vais en mourir. Inconscient qu'il s'agit d'un rêve aux premiers abords, je crie, je pleure, je prie.

Interminable, le rêve semble interminable jusqu'à ce que j'inhale ce qui semble être de la fumée, ce qui a le mérite de me réveiller en sursaut. Inespéré, le réveil était inespéré !

Imprégné de ce terrible rêve, je ne suis plus tranquille lorsque papa et maman m'envoient me coucher. Inondé d'obscurité, j'ai toujours peur qu'une lumière inquiétante fasse son apparition. Indigné désormais par l'obscurité, j'ai voulu refuser de dormir mais papa et maman viennent tous les soirs me raconter une histoire. Impressionnant comme une histoire peut m'apaiser quelques instants mais je ferme les yeux et le cauchemar recommence !

Intraduisibles, mes rêves sont vraiment intraduisibles. Interpréter mes rêves risque de faire des cheveux blancs à tous ceux qui se risqueront à l'exercice !

Incorporation de flammes et d'incendie dans mon rêve : scène numéro deux. Inséré dans un univers un peu féerique, je me vois assis sur un petit trône, ma petite couronne sur la tête, dans mon petit château quand l'ennemi nous assaille de boules de feu mon peuple et moi. Ici, l'apparition du feu peut être cohérente avec le rêve, jusqu'à ce que les boules de feu atterrissent sur le sol du château en montrant leurs grandes dents. Instantanément, elles décident de s'allier et de former une boule géante, à la mâchoire extrêmement puissante. Incognito, une boule de feu se montre très désireuse de me dévorer tout cru.

Incroyable mais vrai, je parviens à me réveiller alors que j'ai la désagréable sensation que la chaleur de la boule de feu me brûle le visage tant elle se rapproche de moi.

Ironie, le lendemain de ce rêve, papa a voulu me donner une petite leçon de tennis avec des balles en caoutchouc. Inconsciemment, j'assimile les balles en caoutchouc à ces boules de feu qui m'ont attaqué. Impensable traumatisme.

Incompris, personne n'a réellement saisi ma virulente réaction quand j'ai cherché à éviter les balles en caoutchouc au lieu de les renvoyer avec ma raquette en plastique. Inlassablement, papa m'a expliqué les règles du jeu, encore et encore, mais je ne lui ai pas dit la véritable raison de mon comportement.

Il se trouve que je n'ai pas fait que deux rêves autour du feu.

Impossible de me souvenir de quand date le rêve en question mais je me balade en forêt, un panier sous le bras, à la recherche de champignons, sûrement ! Imbriqué dans ce rêve, l'incendie débarque et m'encercle de toute part. Ici, j'ai des difficultés respiratoires plus rapidement que la dernière fois dans ma chambre. Illico, je vois flou et la peur me paralyse. Ici encore, j'y crois et je ne me doute pas une seconde qu'il puisse s'agir d'un rêve.

Indubitablement, je me dis que puisque ce sont mes rêves, il doit y avoir un moyen de pouvoir les contrôler. Imitant la réalité, le rêve peut bien vite tourner au cauchemar : je crois que j'en ai apporté la preuve à plusieurs reprises.

Irrésistiblement, une fois, une petite fille m'a demandé de la suivre sur une aire de jeu. Immobile, une fois arrivés, je la regarde jouer, prenant place sur la balançoire, s'aventurant sans crainte sur le grand toboggan, n'hésitant pas à faire le cochon pendu. Ici aussi, je ne me méfie de rien jusqu'à ce que la petite fille prenne feu. Il me semble qu'elle ne souffre pas, ce qui est très étrange. Il faut que je la sauve mais que faire ? Impuissant, je me contente de la regarder brûler, avec tristesse et dégoût.

Invincible, à chaque fois, je survis à mes cauchemars !

Il va de soi, tout de même, qu'il est rare de décéder en vrai dans un rêve.

Instant de bonheur, chanceux que je suis, la même semaine que mon dernier rêve, maman m'amène sur une aire de jeux et me propose de m'installer sur la balançoire. Intransigeant, je croise les bras et refuse sans la moindre explication. Impressionnée par mon comportement, maman n'insiste pas et me propose le toboggan. Immédiatement la même réaction. Indécise, maman fait le cochon pendu et m'invite à essayer de l'imiter. Idem, ma réaction n'a toujours pas changé.

Impérativement, aux vues de mes récentes réactions, papa s'interroge et me pose quelques questions. Illustre comédien que je suis, je réussis à ne rien laisser paraître. Imbuvable, il ne faut surtout pas que je sois imbuvable quand papa me parle de ça : et si je parle, je prends le risque que les rêves d'incendies deviennent contagieux.

Il ne faut pas parler !

Il ne faut pas !

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