I'm an Albatraoz - AronChupa

Par Pouiny
Notes de l’auteur : La version de Just Dance 2016 de cette chanson sera plus approprié pour cette musique capsule !

https://youtu.be/N_pimhvskE4

En ce 8 mai, j’avais 17 ans. J’étais en terminale, mais ce jour-là je n’étais pas au lycée. J’exauçais plutôt un de mes premiers rêves d’adolescent : alors que je partais en train de Nîmes pour la ville de Montpellier, j’allais rejoindre des amis pour aller à la première ‘’geek convention’’ de ma vie.

 

J’ai oublié son nom : sûrement quelque chose en rapport avec les mangas. Je me souviens précisément du jour que ce fut, car je fus surpris par l’absence de transport en commun dans la ville à cause du jour férié. Je fus pris de panique et  si perdu qu'un ami dut venir me retrouver à la gare pour m’aider à trouver le parc des expositions. La journée faillit commencer sur un désastre, laissant une grande part à mon angoisse, alors que j’étais égaré dans une ville que je ne connaissais pas. Mais il la sauva par sa présence rassurante et son costume médiéval qui me rappela mon objectif.

 

Nous finîmes par repérer à grand-peine une navette nous emmenant à notre destination. Ce bus surchargé n’était pris que par des visiteurs de la convention, déguisés comme mon ami ; amusés, sociables, qui n’attendaient que d’entrer dans l’évènement pour permettre à leur fantaisie extravagante de s’échapper. Ainsi, rien que dans le bus, avant même d’arriver dans le lieu, nous retrouvions déjà l’ambiance électrique, fébrile et passionnée qui me faisait tant rêver des conventions. Mais une fois entré dans l’immense salle, bondée par les stands de peluches, de nourritures et envahie de personnes costumées en tout et n’importe quoi, je compris alors que tout ceci allait bien plus loin que tout ce que j’avais imaginé.

 

J’ai vécu cette journée comme un rêve. Surexcité, sautillant partout, puis en panique face à foule monstrueuse, et retrouvant le sourire en passant devant des peluches magnifiques, j’étais constamment au plus haut de ma sensibilité. J’arrivais à peine à me contenir. Je passais du rire aux larmes en quelques minutes, l’euphorie n’était jamais loin du stress. Mes yeux ne pouvaient pas s’ouvrir assez grand pour tout ce que j’avais envie de voir. Et mon ami, amusé, me suivait d’assez près, s’assurant d’être derrière moi si jamais ma frénésie devenait de l’angoisse néfaste.

 

Cette journée fut si intense qu’elle marqua non pas une Musique Capsule, mais deux. Et la première fut celle qui me suivit en écho dans toute la salle, une chanson du dernier « Just Dance » sorti, que les visiteurs de la convention mettaient encore et encore pour danser dessus. Cette musique que j’entendis avec envie toute la journée, entre moquerie et admiration quand je regardais ceux qui osaient se risquer à des pas de danse, en groupe de dix ou vingt. Et cette musique était I’m an Albatraoz, de AaronChupa.

 

Assez régulièrement, quand on était fatigué de marcher, on s’arrêtait pour observer les danseurs. Et la danse de cette chanson me marqua profondément. Les basses résonnaient dans ma cage thoracique. Les pas d’une dizaine de personnes s’écrasaient sur le sol, sautant d’un même rythme, alors que la mélodie créée par l’ordinateur m’accrochait les oreilles. Ce ne fut qu’au bout de plusieurs écoutes que je finis par réaliser l’absurdité de ses paroles.

 

« But who’s that little mouse ? 'Cause I'm an albatraoz! »

Avec un regard circonspect, je questionnai mon ami qui se prit à rire. Il m’expliqua par la suite l’anglais grésillant sur d’immenses enceintes. La chanson évoquait très clairement un délire sous acides. Tout jouait sur un contraste entre le sale, le grossier, le vulgaire et la tentative de rendre tout ceci enfantin en parlant d’une prostituée comme d’une petite souris. Perdu, j’observais les danseurs, dont j’enviais les pas assurés et travaillés. Aucun ne se souciait de comprendre ce qu’ils entendaient. Ils suivaient le mouvement, la basse qui explosait comme une batterie aux oreilles du public, profitant de l’énergie pour se dépasser et marquer le meilleur score. Et sans prêter d’attention au sens ni même à ce que faisait cet albatros au milieu de l’histoire, ils en appréciaient le rythme, la sonorité. Alors, je débranchai mon cerveau. La musique tourna, et très vite je compris pourquoi personne n’arrivait à s’en passer. Délire incompréhensible à l’aberration évidente, elle tenait pour elle toute la force et l’amusement que pouvaient ressentir tous ceux qui prenaient part à cet évènement.

 

Si la femme sur l’écran était une danseuse à tutu, n’importe qui pouvait se joindre au groupe et frapper du pied le sol avec vigueur. Je passais et repassai devant eux avec beaucoup d'hésitation, si bien que mon ami essaya de me convaincre de tenter. Mais je ne franchis pas le pas. Bien que fébrile, surexcité comme un enfant au pays des merveilles, ma peur ne me permit pas ce jour-là de me lancer dans l’aventure que tant d’autres osaient.

 

« I’m an Albatraoz » teinta ma journée de rêve d’un rose et d’un blanc pâle. Même si je n’ai pu aller au bout de ce que j’espérai durant l’évènement à cause d’angoisses vives comme des couleuvres dans l’ombre, elle me donna un aperçu d’amusement et de lâcher-prise auquel je pouvais encore rêver. Et si à dix-sept ans je ne pus m’autoriser tout ce que je voulais, je sais qu’un jour, très certainement, je me vengerai en devenant cet albatros.

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