III.11 Andromède

Par Flammy

Chapitre 11 : Andromède

 

~835 jours avant le cataclysme

 

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La société dryadienne est divisée en trois grands groupes. La noblesse, qui demeure à Lyanie et occupe des fonctions prestigieuses dans la gestion du royaume, l’académie de magie ou la gestion de la météorologie. Les marchands, qui voyagent sans cesse pour échanger les productions du royaume contre des produits rares des autres contrées. Et enfin, les agriculteurs. La plus grande partie des travaux manuels des champs sont effectués par des travailleurs d’autres contrées, ce qui leur offre des remises sur la nourriture pour leur famille. Il s’agit essentiellement de Mokochiens et d’Athanoriens.

Notes de Max.

 

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Maxwell se plaqua contre un arbre, le souffle bloqué dans la gorge. Lors de ses pérégrinations, il en avait vécu des situations compliquées… Mais là, sans magie, dans l’illégalité la plus totale, il ne donnait pas cher de sa peau. Avant la Senso, les Izanamiens ne plaisantaient déjà pas avec leurs règles. Alors maintenant… Il aurait de la chance si on lui laissait le temps de réciter ses prières à son Esprit. En même temps… venir étudier le Bifröst sans autorisation… On avait tué des gens pour moins que cela.

Pas très loin de lui, Ewoomi souriait largement. Tout l’amusait toujours et il prenait toutes les situations avec humour. Mais pour une fois, Maxwell aurait aimé un peu plus de sérieux et de soutien de la part de son protégé. Lui pourrait probablement se tirer de tous les ennuis, mais ce n’était pas son cas. Ewoomi chuchota, plus par désir d’épargner les nerfs de son professeur que pour réellement se cacher :

— Mon vénérable maître, si je me montrais assez hardi pour entamer une conversation en izanamien avec notre noble agresseur, cela refroidirait peut-être ses ardeurs guerrières ?

Maxwell lui lança un regard noir. Parfois, il aurait aimé un peu moins de légèreté de la part de son élève qui lui ne risquait rien. Avec un samouraï, il aurait encore pu essayer de parlementer un peu. Mais un ninja appliquait ses ordres, point. Et un ninja n’abandonnait jamais l’affaire, fuir ne leur servirait à rien. Normalement, personne n’allait jamais au Brifröst. Il s’agissait autant d’un lieu sacré que fui à cause de son lien avec le monde des canitas.

Pourquoi avait-il fallu que quelqu’un vienne, justement ce jour-là ?

Fleur.

Maxwell ne comprenait même pas comment il n’y avait pas pensé avant. Il connaissait très bien Fleur, pour l’avoir côtoyée à l’académie avant la Senso. Côtoyée et un peu plus. Il savait sa fascination presque malsaine pour l’autre monde. Tous les Dryadiens devaient être au courant depuis le temps. Il avait entendu que l’empereur Kuruyamada l’avait exilée dans les environs pour prendre le contrôle du climat. Bien sûr qu’elle devait passer sa vie près du Bifröst. Il aurait juste aimé qu’elle vienne sans chien de garde. Il avait déjà été suffisamment surpris de la voir avec un bébé dans les bras. C’était d’ailleurs à cause de cet instant d’hésitation qu’il n’avait pas réagi assez rapidement. Le ninja les avait repérés. Et après avoir caché Fleur et son petit derrière un arbre, il s’était mis à leur recherche.

Maxwell contempla Ewoomi. Une solution aurait été de lui demander de rester derrière pour qu’il ralentisse le ninja pendant qu’il s’enfuyait. Il n’avait pas vraiment envie de mourir, cela ne faisait pas partie de ses plans d’avenir. Sans compter qu’Armita les attendait à distance, ils ne pouvaient pas l’abandonner seule au beau milieu de nulle part. Elle ne s’en sortirait pas.

Ewoomi sembla comprendre le dilemme de Maxwell et haussa les épaules avec un sourire. Il savait que son élève n’avait aucune envie de retourner chez lui, mais il se comportait de manière assez chevaleresque pour passer ses désirs au second plan, loin derrière le bien-être d’Armita. La main d’Ewoomi s’égara un instant sur le pommeau de son épée. Avec une arme, il était doué. Très doué. Il aurait probablement été capable de tuer le ninja, mais Maxwell n’avait aucune intention de se lancer dans ce genre de choses, même pour garder sa petite vie tranquille.

Sans compter que, pour ne pas laisser de preuves gênantes, il devrait aussi réduire au silence Fleur et son bébé. Maxwell secoua la tête, espérant enlever toutes pensées belliqueuses à son protégé. Ewoomi n’était pas d'un caractère violent. Mais son professeur le connaissait assez pour savoir qu’il ne fallait pas le pousser dans ses retranchements. Et ne surtout pas toucher à ses amis.

Maxwell se crispa, un filet de sueur coula le long de sa tempe. Il n’entendait plus le ninja depuis un moment. Il avait largement eu le temps de se rapprocher en silence pour les prendre par surprise. La forêt devint oppressante, même le vent avait arrêté de secouer les feuillages. D’une seconde à l’autre, peut-être que…

Ewoomi se décolla de son tronc avec un large sourire. Il s’avança de quelques pas au milieu des arbres et observa les alentours avant de frapper dans ses mains. Il revint ensuite à côté de Maxwell et lui serra l’épaule.

— Le danger s’est ensauvé devant notre fière bravoure ! Il semblerait que notre trouble-fête ait préféré emmener sa compagne à l'abri avant de s’occuper de nous. Partons avant son retour.

Maxwell hocha la tête. Il n’avait jamais pu étudier de sa vie le Bifröst et il aurait énormément aimé pouvoir l’examiner de plus près. Mais cela serait pour plus tard. Après une seconde d’hésitation et un dernier regard en arrière, il se mit en route. Il avait eu son lot d’émotions fortes pour la journée. Autant aller retrouver Armita. Et espérer qu’ils auraient moins de soucis pour s’approcher illégalement de l’Yggdrasil.

 

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Assise en tailleur au milieu d’une clairière, Armita attendait. Elle avait enlevé ses chaussures et soigneusement étalé sa robe blanche autour d’elle, comme une corolle. Les rares taches de lumière qui transperçaient les feuillages faisaient briller les broderies dorées du tissu et ses cheveux d’un blanc éclatant. Ses pupilles rouges scrutaient l’obscurité, à la recherche de traces de vie. Chez elle, les animaux la connaissaient suffisamment pour s’approcher d’elle lorsqu’elle restait silencieuse et immobile. Ici, ils la trouvaient trop étrange. Normal. Beaucoup de magiciens la trouvaient aussi trop étrange.

Des bruits de courses tirèrent Armita de ses réflexions. Elle fronça les sourcils. D’habitude, ses compagnons ne courraient pas. Ils discutaient joyeusement entre eux mais ils ne se montraient jamais pressés. Quelque chose clochait. Elle remit rapidement ses chaussures et se leva. Du haut de ses quinze timthrialls, elle n’avait toujours pas eu sa poussée de croissance. Ewoomi la taquinait parfois en insinuant qu’elle ne l’aurait probablement jamais. Armita restait indifférente à ses remarques. Une particularité de plus ou de moins, est-ce que cela changeait vraiment quelque chose dans son cas ?

Maxwell et Ewoomi déboulèrent près d’elle, à bout de souffle. Maxwell ne paraissait pas très loin de s’écrouler mais Ewoomi souriait comme toujours.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? s’inquiéta-t-elle. Des ennuis ? Je croyais que vous en aviez pour plus longtemps que ça au Bifröst…

Armita ne développa pas sa pensée. Lorsque Maxwell commençait à étudier quelque chose qui l’intéressait, il perdait toute notion du temps. Alors se retrouver nez à nez avec le Bifröst… Armita s’était attendu à ne pas les revoir avant la nuit.

— Nous… Nous avons eu l’immense joie d’avoir de la compagnie.

Armita pâlit, sa peau déjà blanche prenant une teinte cadavérique. Maxwell le remarqua immédiatement et leva les mains en signe d’apaisement.

— Ne… Ne t’inquiète pas. Tout va bien… pas de bobo.

Armita s’avança tout de même et tourna autour des deux hommes pour les observer sous toutes les coutures. Elle ne les effleura à aucun moment, mais elle vérifia tout. Seuls les souffles courts rythmèrent leur récupération, dans le calme paisible de la forêt dryadienne. Maxwell reprit la parole avant d'avoir totalement retrouvé sa respiration.

— Il faut réunir les affaires et déguerpir le plus rapidement possible. Le ninja qu’on a croisé risque de lancer une battue. On ne doit pas laisser de traces.

Armita se mit tout de suite à l’œuvre. Il n’y avait de toute façon pas grand-chose à ranger, elle n’avait pas encore commencé à monter le camp. Elle pensait avoir plus de temps. Ils reprirent la route rapidement, Maxwell ouvrait la marche, connaissant tous les recoins d’Atlantide et Ewoomi passait en dernier, vérifiant tout.

Le repos ne serait pas pour tout de suite, mais cela ne troubla pas Armita.

Elle n’avait pas fugué de chez elle pour le plaisir. Elle avait un objectif et elle comptait bien le remplir.

 

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Les Izanamiens n’avaient pas réussi à les retrouver.

Ewoomi les avait quittés un moment, afin de brouiller les pistes. Il s’était montré suffisamment efficace pour que Maxwell et Armita ne soient pas ennuyés. Depuis, ils avançaient en direction de l’Yggdrasil qui les surplombait de loin. L’arbre géant s’élevait très haut dans le ciel et son feuillage formait une coupole qui jetait dans l’ombre toute une partie de la forêt. Il s’agissait de la zone la plus inhospitalière des royaumes dryadiens.

Dès qu’on s’engageait dans le périmètre des racines de l’Yggdrasil, il était absolument impossible de pratiquer la moindre magie. Sans compter les phénomènes naturels ou magiques étranges qui émaillaient les environs. Personne ne s’approchait de l’Yggdrasil sans une bonne raison. Maxwell avait déjà vécu cette aventure, mais Ewoomi voulait aussi tenter l’expérience, d’où leur présence ici.

Maxwell jetait régulièrement des coups d’œil en arrière pour vérifier qu’Armita se portait bien. Il n’avait aucune idée des effets que l’arbre sacré aurait sur elle, et il aurait préféré éviter de prendre des risques. Mais Ewoomi avait insisté, lourdement, alors qu’en général, il faisait passer la sécurité de ses compagnons avant tout. Maxwell se doutait qu’il y avait plus qu’un caprice derrière cette envie et qu’il n’en démordrait pas. Autant finir cette expédition au plus vite, pour se lancer d’autant plus rapidement dans la prochaine lubie d’Ewoomi.

Maxwell restait tendu, tous les sens en alerte. La lumière déclina, déjà masquée par l’arbre géant. La température chuta d’un coup et Armita commença à frissonner. Mais ce n’était pas cela qui inquiétait Maxwell. Il se concentrait, espérant repérer le moment où la magie deviendrait impossible à cause du pouvoir de l’Yggdrasil. Soudain, il se figea. Malgré la Grande Extinction, ses entrailles se tordirent. Il fit signe à Armita de s’arrêter derrière lui.

— On va rebrousser un peu chemin et lever le camp pour la nuit. Je préfère vraiment que tu ne rentres pas dans ce périmètre.

Armita ouvrit la bouche pour protester mais Ewoomi la prit de vitesse en revenant sur ses pas et en faisant mine de la repousser en arrière sans l’effleurer. Elle soupira et recula d’elle-même. Elle murmura tout de même :

— Je ne suis pas en sucre, vous savez…

— Certes oui, jeune demoiselle ! Mais ayez pitié de la sénilité de notre vénérable professeur, il…

— Je t’entends. Ton vénérable professeur n’est pas encore sourd.

Ewoomi éclata de rire.

 

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Le repas à peine fini, Ewoomi sauta sur ses pieds et marcha tranquillement de long en large, tout en étirant ses muscles et en faisant jouer ses articulations. Maxwell grimaça.

— Je croyais que je m’étais bien débrouillé la dernière fois ? J’espérais un peu plus de répit…

— Au vu de vos prestations face au ninja tout à l’heure, vous avez surtout gagné une double dose d’entraînement !

Maxwell grommela un instant avant de se lever et de commencer les exercices rituels. Il ne pouvait pas réellement protester au vu de sa réaction un peu plus tôt et de comment une simple course l’avait laissé le souffle court. Armita leur jeta à peine un regard, habituée à cette routine. Elle savait juste qu’elle devrait s’occuper seule de ranger, mais elle le ferait un peu plus tard. Une fois l’échauffement fini, Maxwell récupéra un grand bâton sculpté, qui culminait jusqu’à ses lunettes. Ewoomi, plus petit que son professeur, s’entraînait avec une arme de la taille d'une épée.

Cela ne l’empêchait pas de vaincre systématiquement.

Depuis le début de leur voyage, Ewoomi avait décidé d’enseigner l’art du combat à Maxwell, pour que celui-ci soit capable de se débrouiller en toutes circonstances. Il avait d’abord refusé, arguant qu’il n’était qu’un rat de bibliothèque, certes endurant pour la marche, mais sans plus. Il n’avait pas osé l’avouer, mais l’utilisation de lames le répugnait un peu. Il était pourtant ouvert d’esprit, mais il ne voulait pas s’imaginer faisant couler le sang de quelqu’un.

Malheureusement pour lui, Ewoomi était têtu. Très têtu. Et lorsqu’il avait une idée en tête, rien ne pouvait l’en détourner. Surtout que Maxwell n’était pas en position de force face à son élève. Il avait fini par céder, suite à un compromis : se servir uniquement de bâton. Son esprit éthique et responsable s’accommoderait bien d’assommer une ou deux personnes.

Depuis, il devait reconnaître qu’Ewoomi avait eu bien raison de le former. Et il avait assommé plus qu’une ou deux personnes. Avec Ewoomi et ses idées farfelues, il fallait mieux savoir se défendre. Parfois, Maxwell se demandait qui était vraiment le professeur et l’élève. Dans ces cas-là, il essayait de penser à autre chose. Au moins, ce tour du monde improvisé était amusant. Même si Ewoomi avait un don pour rendre tout plus risqué.

Maxwell laissa échapper un grognement lorsqu’un énième coup de bâton sous les côtes lui coupa le souffle. Il avait progressé, depuis le début, mais Ewoomi se maintenait toujours juste au-dessus de lui. Assez bon pour le battre à plat de couture mais pas avec une facilité trop décourageante. Maxwell mit un genou au sol et tenta de respirer normalement. Ewoomi lui tendit une main secourable pour l’aider à se redresser mais il refusa.

— J-Je crois que ça va aller pour moi, fit-il le souffle court. J’ai eu assez de bleus pour ce soir.

— Voyons maître, ne vous dévalorisez pas ! Je suppute que vous tiendriez à merveille encore quelques passes !

Maxwell grimaça. Il pourrait peut-être, en effet, mais avec les événements de la journée, il voulait juste se reposer. Armita vint spontanément à son secours.

— J’ai entendu plusieurs histoires à propos de l’Yggdrasil, mais je me demandais… sait-on vraiment pourquoi on ne peut pas faire de magie à proximité ?

Maxwell soupira de soulagement face à la question et il remonta ses lunettes sur son nez. L’instant d’après, elles glissaient de nouveau à cause de la sueur.

— Non, on ne sait pas grand-chose de plus que les légendes… Les conditions de vie dans les environs de l’arbre sacré sont très dures, et il est arrivé que des professeurs de l’académie n’en reviennent pas. Personne n’a envie de l’étudier de trop près.

Maxwell laissa son bâton au sol et vint s’installer à côté d’Armita, près du feu, pour continuer ses explications.

— Avec la disparition de la magie, plusieurs ont pensé que l’Yggdrasil en était responsable et le roi Réséda avait organisé plusieurs expéditions pour tenter de trouver une solution. Ça a été une hécatombe sans aucune magie. Et après la Senso… L’empereur Kuruyamada n’a pas forcément intérêt à ce que la magie revienne.

Armita fixa les flammes, le regard trouble. Les complots politiques la mettaient toujours mal à l’aise. Sûrement parce que, toute sa vie, elle en avait été à la fois très proche et éloignée. Ewoomi s’accroupit à ses côtés, aussi souriant qu’à son habitude.

— Pourquoi tourmenter notre chère demoiselle avec de si basses considérations ? La légende d’Andromède se montre bien plus divertissante !

Maxwell haussa les épaules et remonta ses lunettes sur son nez avec une expression désabusée.

— La légende d’Andromède ne repose sur aucune réalité, il s’agit juste d’un conte pour effrayer les enfants par rapport aux dimidius. J’ai fait des recherches dans plusieurs clans mais…

— Qu’ouïs-je ma très chère Armita ?! Tu ne connais pas cette histoire ? Un tel manque est navrant et il est de notre devoir de rectifier cela, n’est-ce pas professeur ?

Maxwell fixa un instant Ewoomi par-dessus ses lunettes. Il pourrait dire ce qu’il voudrait, s’il n’allait pas dans son sens, il se ferait ignorer jusqu’à rentrer dans le bon chemin. Lorsque son élève avait une idée, il ne lâchait jamais l’affaire.

— Tu ne connais vraiment pas, Armita ?

Elle secoua négativement la tête. Maxwell soupira avant de prendre une grande inspiration.

— Ça ne m’étonne pas d’un sens. C’est un conte qui a été créé pour susciter la peur et la haine, je comprends qu’on ait essayé de t’éviter ça. Il faut que tu aies conscience que cette légende n’a qu’un but. Prouver aux enfants que les dimidius sont des monstres et que nous devons les éliminer. À prendre avec beaucoup de recul donc.

En auditrice attentive, Armita hocha vivement la tête.

— Alors… Il existe beaucoup de variantes, mais je vais te résumer la plus courante.

— Honorable maître, ne souhaiteriez-vous pas plutôt nous la conter ? Cela…

— Trouve-toi quelqu’un d’autre pour le spectacle ! coupa Maxwell sans mouvement d’humeur. Je suis très mauvais pour ce genre de chose et je risque d’embrouiller Armita... L’histoire commence alors que notre monde et celui des canitas n’étaient pas encore séparés. Les canitas s’attaquaient de plus en plus aux magiciens et dans toutes les villes avec cohabitation, des tueries avaient lieu. Certains considèrent que les dimidius ont pris part à ces massacres, mais du côté des canitas, contre les magiciens. Les dimidius, à cette époque, étaient réunis dans un même clan, sous les ordres de la reine Andromède. Il s’agissait d’une personne cruelle et sanglante. Elle aidait les canitas à éliminer les magiciens pour ensuite s’occuper des sans pouvoirs et rester seule au monde avec les dimidius. Lorsque les Esprits mirent au point leur plan pour protéger les magiciens, Andromède et les siens tentèrent de le faire échouer, sans succès. Andromède fut donc bannie, mais quelques dimidius réussirent à passer en Atlantide et, depuis, ils essaient de terminer les œuvres de leur reine, détruire les magiciens.

Maxwell laissa planer un instant de silence, pensif. Il sortit de ses rêveries lorsqu’il remarqua le visage soucieux d’Armita.

— Il n’existe aucune preuve du rôle des dimidius dans ce pan de notre histoire. Et si longtemps après, il est difficile de démêler le vrai du faux. Certains contes présentent plutôt Andromède comme la première dimidius, l’ancêtre de tous les autres. Personnellement… je doute qu’Andromède ait vraiment vécu. Vu le nombre de dimidius, je ne pense pas que leur population ait été un jour assez grande pour former un clan et avoir un chef. Il s’agit juste d’une jolie histoire pour apprendre aux enfants à haïr les dimidius.

Maxwell adressa un sourire doux à Armita.

— Donc vraiment, ne te tourmente pas avec ça.

Un peu perturbée, elle hocha la tête. Elle hésita un instant, avant de se lancer.

— Mais… Quel est le rapport avec l’Yggdrasil ?

— L’Yggdrasil serait l’œuvre d’Andromède. Elle l’aurait créé de son vivant pour empêcher les magiciens d’utiliser leur pouvoir et les massacrer. Né de sa haine, pour la destruction.

Armita ne posa plus de question.

 

~0~

 

Le lendemain matin, Maxwell rechigna à l’idée de repartir. Il gardait des courbatures de son entraînement et il s’inquiétait pour Armita. Qui savait quelle conséquence l’Yggdrasil aurait sur elle ? Mais Ewoomi, impatient comme jamais, leva le camp à lui tout seul et les poussa de la voix à se mettre le plus rapidement possible en marche. L’assurance d’Armita avait en partie disparu mais elle tenta de le cacher derrière un sourire. Maxwell soupira. Décidément, la personne la plus mature de leur trio était la plus jeune.

Ils partirent en un temps record. Maxwell se crispa, inquiet à l’idée qu’Armita fasse une crise au moment de franchir une frontière qu’ils ne voyaient pas. Après un long moment, il se força à se détendre. Ils avaient probablement déjà dépassé le point critique et rien d’affolant ne s’était passé. Il devait admettre qu’ils avaient eu de la chance et qu’Armita ne courrait aucun danger. Inconsciemment, il accéléra le pas. Plus vite Ewoomi aurait vu ce qu’il souhaitait et plus vite ils pourraient repartir. Ewoomi avait renoncé à l’idée d’aller jusqu’au tronc, mais il voulait absolument atteindre au minimum une racine aérienne.

Drôle de lubie.

Au moins, ils ne risquaient plus de croiser quelqu’un. Personne ne s’approchait aussi près de l’Yggdrasil depuis l’Extinction. À part le froid, omniprésent depuis qu’ils avaient pénétré dans l’ombre de l’arbre géant, rien ne perturberait leur progression. Et cependant… Maxwell ne pouvait empêcher un désagréable pressentiment de le tirailler. Il continua pourtant, certain qu’il ne pourrait pas endiguer l’enthousiasme d’Ewoomi.

En début d’après-midi, ils arrivèrent au pied d’une racine qui les surplombait largement. Maxwell ne s’était jamais senti aussi petit, près de comprendre l’état d’esprit d’une fourmi qui rencontrerait sa chaussure. Son sourire légèrement altéré, Ewoomi s’approcha de l’écorce sans regarder quelque chose de particulier. Il observait tout et rien à la fois. Il paraissait presque… déçu. À quoi pouvait-il bien s’attendre ? Maxwell s'avança à son tour, prêt à lui…

Une onde magique s’échappa de l’Yggdrasil.

L’arbre sacré scintilla une seconde, éclairant les ténèbres qu’il créait. L’instant suivant, de petites sphères s’envolèrent dans toutes les directions. Certaines se regroupèrent et se concentrèrent autour de la racine proche d’Ewoomi et de Maxwell. La lumière devint de plus en plus intense jusqu’au moment où elle les aveugla tous.

Lorsque Maxwell rouvrit les yeux, une silhouette brillante émergeait en partie de la racine. Il s’agissait d’une femme, dont les longs cheveux flottaient autour d’elle comme une couronne de tentacules. Elle semblait chercher quelque chose du regard, sans voir les trois magiciens devant elle.

 « Felozis… L’Oracle… »

 

La voix éthérée provenait de nulle part et partout à la fois.

 « Il faut… Je dois… »

Elle paraissait un peu déboussolée. Ou alors, elle luttait contre la douleur.

 « Je dois… prévenir Felozis… Je… Je ne tiendrai plus très longtemps… »

 

La femme se recroquevilla sur elle-même, ses mots de plus en plus inaudibles et tremblants dans le silence.

 « Il sera… bientôt libéré. Felozis… doit… »

Elle s’arrêta, ses traits crispés par la souffrance. La seconde suivante, la silhouette explosa en des milliers de petites sphères lumineuses s’élevèrent vers le ciel. Hébété, Maxwell les regarda disparaître, sans prononcer le moindre mot. Armita retrouva ses esprits la première.

— Mais… Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce que c’était ?

Un instant assombri, Ewoomi sourit plus largement, incapable de vraiment s’inquiéter de quelque chose.

— Eh bien… Si nous devons nous fier aux dires de notre vénérable professeur hier… Il devait s’agir d’Andromède, la mère des dimidius.

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Jibdvx
Posté le 08/02/2020
Tellement de lore dans ce chapitre ! Du coup quelque chose me dit que l'Empereur en sait beaucoup sur l'arbre. Ou du moins qu'il essaie d'en savoir plus. Ça promet pas mal de révélations, voire même des combats contre des ninja (ce qui serait plutôt stylé). Il y a pas mal d'intrigues en tout cas et chaque camp veut tirer son épingle du jeu. Encore une fois, ça rend l'univers très cohérent avec ces jeux de pouvoir.
Flammy
Posté le 10/02/2020
Re-coucou ! =D

Je suis vraiment contente de voir que ça te plait =D Vu que c'est un chapitre plus calme, avec en effet pas mal de background, j'avais peur que ça soit un peu plus ennuyant, mais visiblement, même si c'est plus calme, ça passe ^^ Et en effet, il risque de se passer pas mal de choses dans la suite :p Le livre 1 sert pas mal à poser les choses, mais après, ça part en cacahuètes ^^

Merci beaucoup pour la lecture et ton commentaire !
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