Frissons, doutes et peur

Tout notre groupe d'amies se rassembla autour d’elle pour voir la même chose qu’elle. Quelques secondes nous suffirent à constater qu'une silhouette menaçante se rapprochait de plus en plus de nous. On ne voyait que son ombre mais ça suffisait largement à se faire une idée de son physique. L’horrible chose était assez grosse, avait des longs doigts crochus, des cheveux très  emmêlés ainsi qu’une voix grinçante qui ferait trembler n’importe quelle personne. Les gardiennes et moi étions toutes d'accord sur ce qui s'annonçait. Cette ombre appartenait sans aucun doute à Nébula. L’abominable sorcière qui était capable de tout pour nous faire échouer, avait dû être au courant que quelque chose allait se passer avec la guérisseuse. La reine noire s'était empressée d'atteindre le chêne imposant. 

Dans la panique, nous nous efforçâmes de nous disperser en discrétion. Je cherchais toujours un abri pour me protéger quand je me retrouvai face à la trappe qui nous avait permis d’accéder au salon. Je fis signe à mes amies de me rejoindre pour espérer nous en sortir. Aussitôt, elles revinrent sur leurs pas et arrivèrent enfin à mes côtés. A la cave on était bien plus en sécurité malgré qu’elle soit peu accueillante. 

Bien qu’on s’attendait à défier la reine au cœur de pierre un jour ou l’autre, nous étions grandement effrayées. Un nuage de stress flottait au-dessus de nos têtes et l’ambiance sympathique vira au cauchemar. Je sentis le sol craquer à chacun des pas fait par la sorcière de l’ombre. Nébula semblait arpenter la pièce pile au-dessus de nous. Soudain elle trébucha avant de tomber sur la trappe en bois. Hors ce n'était pas n'importe qu'elle trappe, c'était LA trappe. Elle céda sous son poids et atterrit de ce fait  dans la pièce où nous étions cachés.  Elle hurla alors de sa voix rauque :

- « Maudis sois-tu »

Mon cœur se mit à battre plus rapidement, je n’arrivais plus à me calmer. Était-ce notre destin de laisser périr le royaume entre les mains de l’affreuse sorcière et de se faire arrêter par Nébula en personne ? Je n'en étais pas pressée mais tôt ou tard nous n'allions pas tarder à le découvrir. La créature machiavélique observait attentivement la cave tournant sa tête lentement de gauche à droite. Elle se dirigea alors vers le tas de cartons empilés derrière lesquels on s’était cachées.  Une de mes amies bougea tout à coup pour changer de position. Cette action était compréhensive car ce n’était pas confortable du tout. Malgré tout, on devait s’y faire et rester sur le sol froid pour ne pas se faire repérer. La contrainte était grosse mais le risque à prendre l'était encore plus. Sous la contrainte nous coopérions silencieusement et le plus discrètement possible.

Nébula s’avança encore plus près de nous. Je sentis alors quelques gouttes de sueurs déferler de mon front, la pression était trop forte. Elle semblait détecter les moindres changements à notre grand désespoir. Nos cœurs battaient à tout rompre tant la peur nous emplissait de plus vive. On avait conscience que la reine était à moins de 10 cm de nous. Mais il fallait garder la tête haute et se remémorer sans cesse des phrases positives même si on avait beau ne pas y croire. Pour éviter de me tracasser trop, j'essayai de me détendre en fermant mes yeux. Quand tout à coup la sorcière retira brusquement les cartons de leur place initiale. On hurla en chœur comme si le simple fait de le faire pouvait nous sauver. Elle sembla surprise par ces cris  ce qu'il lui fit expliqua son immobilité de quelques secondes. 

Au lieu de nous échapper ou faire quoique ce soit, nous restions ici, à sa merci. Si notre destin était qu’on se fasse prendre par la reine des ombres, il nous était inutile de résister. Il ne restait plus qu’à espérer le contraire. Pendant les quelques secondes insoutenables, je m’efforçai de rester debout malgré mes jambes tremblantes et ma tête qui se faisait lourde. La sorcière avait l’air troublée de nous retrouver dans sa cave et agita devant nous un vieux balai qu’elle avait dans ses mains pour nous impressionner. Sans même se donner le mot, le coup d’alerte fut donné et nous courâmes à toute vitesse hors de sa portée. Nous avions changé d'avis, réalisant qu’il était préférable pour tous que nous nous chargions de rechercher les colliers par nous-même. On retourna en un rien de temps le salon rempli de poussière et de bibelots ne servant à rien d’autre qu’à décorer la pièce. On tenta de se cacher, déboussolées. Mais la tâche n'était pas si simple car on fut vite rattrapé par Nébula qui, son sceptre tordu à la main, l’agitait étrangement. Je me tournai subitement et en voyant que la sorcière chuchotait, compris immédiatement qu’elle était en train de nous ensorceler. J’avais conscience qu’elle en avait les capacités mais ne pensait pas que Nébula irait jusque là pour un rien. 

Il était clair qu’on était prises au piège ! Elle nous ensorcelait, et l’on ne pouvait rien y faire.  En un rien de temps, nous nous retrouvâmes enfermées dans une énorme bulle. Bien qu’elle semblait ordinaire, ce n’était pas le cas. Comparé aux autres bulles, celle-ci n'était pas fragile bien au contraire, elle s’avérait être d’une solidité sans faille. On était sans défense, à la merci de la plus cruelle des sorcières, qui sans pitié réduisait le royaume à une dimension privé de tout bonheur. On commença à léviter quelques centimètres au-dessus du sol. Puis la bulle commença à planer tranquillement. Nébula s’installa sur sa vieille chaise à bascule grinçante et se balança dessus en nous regardant fixement. Les " tics-tac" de l’horloge rendaient l’atmosphère encore plus stressante. Je commençais à réfléchir ; puisque mes amies étaient des kyomis, elles devaient forcément pratiquer la magie. De ce fait, elles pourraient nous sortir de là. Hélas je compris bien avant de leur demander qu’il était impossible de sortir de ce piège sans doute insensible aux sorts. De toute façon, elles devaient économiser leurs forces car il leur restait très peu de pouvoir. Tout ça à cause de la même personne qui nous gardait prisonnière et détruit le royaume. La sorcière s’approcha de nous à pas lent et déclara d'une voix nasale encore plus grinçante que tout à l’heure :

-  « Que faisiez-vous dans ma cave espèce de chenapans ? Je vais vous faire passer l’envie de revenir ici. La personne pour qui vous travaillez à tort de vous envoyer ici, je vais lui faire regretter de m’espionner.

- Mais quelle personne ? Demandais-je sans m'en rendre compte.

- Tu le sais très bien petite vermine, tu cherche juste à m'embrouiller mais ça ne marchera pas, me répondit-elle plus que méfiante

- D'ailleurs toi qui aime bien riposter, dis moi qui tu es petite insolente, » continua t-elle

Je ne lui répondis pas, puisque je n’allais en aucun cas trahir quand même mes origines ainsi que la cause de ma venue. J’étais totalement embrouillée, je ne savais même plus quoi penser. Pourquoi nous accusait-elle d'espionnes. Est ce que le châtiment pour cela y est plus ou moins élevé ? Trop de questions sans réponses se mélangeaient dans ma tête. Je restai longuement à réfléchir et encore réfléchir mais rien ne changeait. Alors que je cessais de tergiverser, la sorcière se rapprochait davantage. Elle était si près qu’on pouvait apercevoir ses dents jaunâtres. Son regard plongé dans le notre était une véritable torture. Elle resta dans cette même posture de sorte à bien nous mettre la pression. Chose qui fonctionna puisque Skyla craqua et avoua tout :

- « Nous sommes les gardiennes des éléments suivis de l’élue de la prophétie et nous venons pour te battre, encore il faudrait que tu l'oses.

Cette stratégie risquée se révélait à double tranchant, songeais-à cet instant 

- Enfin ça c’est si tu n’as pas trop peur de te te faire battre par des plus jeunes que toi, » continua Sarah confiante qui avait compris le petit jeu de Skyla

La reine des ombres ne répondit pas, elle se mit à regarder profondément son horloge déformée. Nébula semblait très pensive même trop, ça devenait de plus en plus louche. Et là en venait la question rivée sur toutes les lèvres ; "A quoi pouvait-elle penser ?"

Tout à coup le chat qui nous avait guidés auparavant fit son apparition tel un cheveu sur la soupe. L'animal aux yeux vairons avait une lueur spéciale dans son regard. Il vint se blottir contre la sorcière. C'est alors que je compris que je devais intervenir. 

• « Stop ! »

Tout le monde fut pris d'un sursaut avant de se tourner vers moi, avides de réponses au sujet de mon acte précipité. 

Bien que je voulais en dire plus, j'en fus incapable. Tout bouillonnait dans ma tête au point que je me retrouve embrumée par tout ça. J'avais compris, du moins je me tenais à ce peu d'informations. Eclipse, ce mystérieux chat qui c'était soit disant porter volontaire pour nous aider n'était autre qu'un allié de la reine. Dans notre grande inconscience nous l'avions suivi jusqu'à ce qu'il disparaisse pour prévenir Nébula. Tout était clair à présent ! Comme un puzzle, les pièces semblaient s'enclencher à la perfection. Après mon intervention, personne ne disait plus un mot, pas même la méchante sorcière. Voyant qu’elle était distraite par le traître félin, je m’emppressai de tout raconter aux filles. A mes mots, elles furent aussi surprises et déçues que moi durant ma découverte percutante. Le silence était ensuite très pesant, jusqu’à ce qu’il fut interrompu par Eclipse en lui-même. Le chat noir au corps msusclé prit de l’élan avant de se precipiter à toute vitesse en direction de notre étreinte. D’un violent coup de griffe, il éclata la bulle. On tomba au sol brutalement. Encore secouée par ce qui venait de se passer, je tentai de me raisonner  sur le sol qui allait nous être réservé. Je tentais en vain de capter le regard des gardiennes des éléments quand je tombai sur celui d’Eclipse. Le chat me regardait avec un regard espiègle et sans en connaître la raison me fit sourire. Si je n’avais pas su la vérité à son sujet, je me serais sans doute jetée sur lui pour le câliner. Au lieu de ça je lui rendis brièvement son regard avant de le détourner. Je ne le remerciai pas. Après tout, je ne savais pas à quoi m’en tenir. Nous avait-il libérés volontairement pour qu’on fuit cet endroit au plus vite ou bien parce que Nébula allait passer à l’action. Il se rapprocha de moi en me fixant toujours étrangement. Sur mes gardes, je reculai discrètement pour l’échapper. Il m'adressa soudainement la parole prétendant être de mon côté. Au départ je n’y prêtais pas attention, refusant de croire à ces mensonges. Mais petit à petit l’envie d’en savoir plus me titilla au point que que me retourne et me mette à l'écouter. Il parlait toujours d’une voix mélodieuse et calme à la fois. Le simple fait de l’entendre suffisait à m’apaiser. Pourtant une partie de moi refusait de se laisser aller si facilement. Si je l'écoutais, ce n'était que pour avoir des réponses à mes questions. J’étais rancunière et ne pardonnais pas si facilement. 

Finalement, Eclipse réussit à faire pencher la balance de son côté en épuisant son stock d’arguments. Il avait su me convaincre plus que je voulais l’admettre. J’avais tiré des conclusions hâtives à son sujet et le regretai un peu à présent. Pourtant cela faisait partie de mon comportement que je devais accepter. Imprévisible, rancunière et espiègle à la fois faisaient partie de moi et je ne pouvais le nier. Même si j’avais su tirer partie de ce caractère pour en faire une force, celui-ci m'amenait souvent vers des sentiers imprudents.  

Le félin énigmatique m’avait détaillé qu’il croyait en nous au contraire de sa maîtresse. Celle-ci avait de sérieux trous de mémoire et se méfiait de tout le monde peu importe ce qu’ils prétendaient à cause de la conquête de Nébula. Eclipse précisa qu’il ne devait sous aucun cas révéler le prénom de sa gardienne avant de finir par ajouter que les filles l’a connaissait. Pour qu’elle les reconnaisse il fallait que les gardiennes chantent :” La magie est dans notre coeur”. Sans prendre le temps de réfléchir, je m’empressa de tout dire à mes amies. Puis je me tournai vers le chat et je le regardai paisiblement. 

Une douce voix emporta mes pensées et ne laissa que du bonheur. Puis une autre voix se joignit à la chanson, puis trois, et enfin quatre. Les gardiennes des éléments avaient compris le message d’Eclipse et chantèrent une belle mélodie qui parlait de rivière cristalline, de magie, de licornes ainsi que toutes sortes d'animaux féeriques. La vieille femme se mit soudain à fredonner les paroles qu'elle semblait très bien connaître puis elle commença à danser ou plutôt bouger ses bras et ses jambes de manière déséquilibrée et grotesque. C'était d'ailleurs assez amusant, mais je m'empêchais de rire pour ne pas gâcher ce formidable moment de convivialité. A la fin de la chanson entrainante, toutes sautèrent dans les bras de la sorcière. Puis Skyla déclara : 

• « Sélène c’est bien toi ?

• Bien sûr mon enfant, vous m’avez tellement manquées, dit-elle au bord des larmes

• Tu nous a fait une de ces peurs, rappela Sarah qui tentait en vain de se libérer

• J’en suis consciente, c'était le but. Mais pourquoi venez vous ici alors que le royaume entier est sous l’emprise de Nébula, demanda Sélène les serrant encore plus fort

• Et bien nous avons besoin de toi, commença Flora

• Nous nous sommes mis en tête de sauver Ophira, affirma Skyla

• C’est ce que j’ai vu. Vous avez tellement grandi depuis le temps. Je me rappelle encore de vous alors que vous ne saviez à peine voler, intervint la guérisseuse nostalgique

• C’est vrai. Mais là il est urgent de clore cette discussion au plu vite, rappela Sarah

• Nous n’avons que treize jours pour le faire. Nous avons absolument besoin de toi pour nous donner des pistes sur les colliers ancestraux

• Quoi !? Mais vous ne vous rendez pas compte de ce que vous dites, s'apostropha Sélène 

• Nous y avons mûrement réfléchi et puis l’avenir du royaume en dépend, si nous le faisons pas, personne d’autre le fera, riposta Sarah toujours aussi tenace

• C’est d’accord mais vous devez me promettre de rester prudentes, je me remettreai jalmais de vous perdre, non  pas une seconde fois

• C’est promi !, s'exclamèrent les filles à l’unisson

• Sélène disparut dans la pénombre avant de ressortir quelques minutes plus tard, un vieux parchemin à la main.