Étape 1 ou Prendre contact avec les allié(e)s / Chapitre 2

Ravynne Diablo.

Je vous le conçois, c'est un nom très étrange, probablement un pseudonyme. Après tout, qui voudrait donner son vrai nom avec une telle annonce ?

Mais je dois reconnaître qu'elle est tout de même très drôle. Après tout, j'aurais sûrement fait la même chose. Enfin, j'aurais rajouté quelques chats noirs et des paillettes. Et peut-être aussi des emojis cacas parce que personne ne pourra me faire dire que ce sont les pires emojis au monde, au contraire. Quoi de mieux qu'un caca qui sourit à la vie ?

Je relis plusieurs fois l'annonce que je tiens fermement dans mes mains – parce que le vent veut me la voler. En même temps, j'ai toujours su que le vent n'était pas mon ami et qu'il était prêt à tout pour contrer mes plans. Je le sais depuis qu'il se ramène à chaque fois que je porte des robes. Depuis, je ne lui fais plus confiance.

N'importe qui n'aurait pas envie de croire sérieusement à cette annonce et n'importe qui aurait jeté ce bout de papier dans la poubelle la plus proche. Mais si vous commencez à me connaître – et il serait temps après un seul et unique chapitre –, vous sauriez que je suis du genre à foncer tête baissée dans les plans les plus loufoques. En particulier quand ceux-ci se pointent devant moi aussi facilement. Pourquoi refuserais-je quelque chose d'aussi accessible ? Je ne vais tout de même pas me compliquer la tâche !

Alors, serrant le papier dans ma main, je me faufile jusque dans les cuisines pour rejoindre Ayden. Tandis que j'occupais le poste de voiturière de ce restaurant, lui occupait l'un des nombreux postes de serveurs ici.

Dès que son regard croise le mien, un sourire se dessine sur son visage et il comprend immédiatement que j'espère pouvoir m'extirper quelques minutes avec lui pour une brève pause, juste un moment pour se défouler.

Nous avions l'habitude de fuir notre boulot pendant quelques instants, tout en espérant ne pas nous faire repérer par le patron et dénoncer par les autres collègues. Heureusement pour nous, l'équipe était de notre côté et on leur rendait souvent la pareille. Une fois isolés dans un coin à l'abri de tout regard ou toute oreille, nous pouvions échanger sur divers sujets tous plus stupides les uns que les autres.

Notre sujet de prédilection était toujours le même : nous sortions nos meilleures applications de rencontre et on se mettait à juger les profils qui tombaient sur nos téléphones. Puis parfois, on osait matcher à la demande de l'autre.

Ayden ne se gênait pas pour me dire que j'avais des goûts de merde en filles et j'en faisais de même quand il cherchait encore une conquête dans la gent féminine. Voyant qu'il avait peu de succès de ce côté-là, il s'était tourné vers les hommes, mais ça n'avait rien changé à son étiquette de "bisexualité". Il me l'avait dit à quelques reprises et puis je n'en avais jamais douté en voyant qu'il jugeait toujours autant les filles sur mon profil.

— Alors, sur quoi t'es tombée cette fois-ci ? lance-t-il amusé en allumant une clope.

— Rien sur Tinder ni sur OKCupid. En fait, rien à voir tout court avec un site de rencontres. C'est même bien mieux que ça !

— Pitié dis-moi que Jean-Claude ne vient pas à la prochaine soirée !

Malheureusement, nous avons tous les deux un certain "Jean-Claude" dans notre cercle d'amis. Il avait été introduit via un ami en commun et depuis nous avions dû apprendre à le supporter. Notre ami n'avait pas cessé de nous dire "Vous verrez ! Vous finirez par l'apprécier petit à petit ! Il est juste maladroit avec les gens !". Mais au final, même après des semaines, il est toujours aussi chiant et ennuyeux. Je vous jure que c'est assez impressionnant à voir. D'habitude, je suis plutôt du genre insomniaque, sauf à chacune de ses paroles où je piquais du nez à chaque fois.

— J'aimerais beaucoup... Mais visiblement, on va devoir se coltiner. Enfin, seulement s'ils organisent une soirée en dehors de notre boulot.

Un des plus gros problèmes de travailler le soir : tous vos amis s'en fichent. Et le problème n'est pas que je n'ai que des connards en amis. Non, le monde entier sont des connards ! Je n'en ai pas vraiment vu des gens tolérants jusqu'alors...

— Ça n'a encore une fois, rien à voir avec tout ça ! ajouté-je.

Soudainement, je lui tends le papier de l'annonce. Il le lit une première fois, un air neutre sur le visage. Puis une deuxième fois, l'air un peu plus intrigué. Et enfin une troisième fois, l'air ahuri.

— Et... qu'est-ce que tu veux faire avec ça ? me demande-t-il d'un ton hésitant.

— Bah à ton avis ? rétorqué-je comme si c'est évident – et dans le fond, c'est évident.

— Le jeter à la poubelle ? tente-t-il en fronçant ses sourcils.

— Non ! Je vais contacter cette sorcière et je vais me débarrasser de la seule personne qui me fait chier !

— Jean-Claude ? essaie-t-il de nouveau à demi-voix.

— Non ! Notre connard de patron ! Il m'a fait une remarque sur ma couleur de cheveux ce salaud !

Il plisse son regard, se demandant probablement où je veux en venir. Pourtant, tout est clair ! Qu'est-ce qu'il ne comprend pas ? Peut-être parce que je n'ai pas sorti Tinder. C'est probablement pour ça. On se comprend tout de suite mieux dès qu'on est sur Tinder.

— Et tu penses vraiment que ça va marcher ? s'enquiert-il.

— Il n'y a pas de raison que ça ne marche pas ! Regarde cette annonce ! Elle est parfaite !

Je lui mets le papier à quelques centimètres de ses yeux qu'il recule aussitôt. Certes, je lui masque la vision et c'est probablement illisible comme ça, mais c'est quand même important qu'il la relise une quatrième fois !

— Ne me dis pas que tu vas sérieusement contacter ce charlatan ! lance-t-il, toujours aussi surpris.

— Hé ! Ne dit-on pas qui ne tente rien n'a rien ? rétorqué-je, l'air malin.

— C'est bien vrai–

— Voilà ! Donc je ne veux plus rien entendre !

Je croise les bras et lève fièrement la tête. Même s'il veut me contredire, il ne le ferait pas, ayant probablement la flemme de se lancer dans un débat où il était déjà perdant. Il sait qu'il ne peut pas combattre mon entêtement. Il avait essayé plusieurs fois, à son plus grand péril, puisqu'il y avait laissé quelques plumes. Enfin, il avait surtout perdu beaucoup de temps. Et ce jour-là, il avait aussi compris que j'étais capable d'enchaîner les "mais non" pendant des heures et des heures.

Il éteint sa clope et s'empresse de sortir son téléphone, tout sourire. Visiblement, il est passé à autre chose. Tant mieux, je ne vais certainement pas changer d'avis ! Non mais oh ! Personne ne me dit quoi faire ! Encore moins mes amis !

— J'ai eu un nouveau match sur Tinder, m'annonce-t-il.

— Oh montre ! Je veux voir ! Montre sa gueule ! Je veux voir s'il est moche ou pas !

Voyant à quel point je suis surexcitée et que je saute frénétiquement sur place, il se rend sur l'application en quelques clics puis m'affiche le profil de son nouveau match.

Pendant de longues minutes, je le reluque et inspecte ledit profil. Je le juge de A à Z. Après tout, Ayden mérite le meilleur, pas une pauvre serpillière, alors je suis là pour m'assurer que ses choix sont les bons – même s'il ne veut pas écouter mon avis.

— Alors ?

— Pas mal. Pas mon genre de mecs, mais pas mal, pas mal.

— Ton genre de mecs ? Depuis quand tu as un genre de mecs ? s'étonne-t-il.

— Justement, rétorqué-je avec un clin d'œil.

Il lève les yeux au ciel brièvement, comprenant alors où je voulais en venir. Évidemment que pas le moindre homme sur Terre ne pourrait jamais m'intéresser. Dès le moment où j'avais annoncé mon homosexualité à mon entourage, je n'avais pas changé d'avis dessus. Et puis, dès mon plus jeune âge, je n'avais cessé de répéter encore et encore à quel point je trouvais les garçons "dégueulasses". Certes, je n'étais qu'une gamine à cette époque, mais je savais déjà ce que je voulais dans ma vie.

En vrai, j'ai toujours vu ce que je voulais dans ma vie. Je suis une femme déterminée tout de même.

— De toute manière, je vais lui envoyer un message, lance-t-il en voyant mon air lunatique.

— Tu vas lui envoyer quoi ? Une petite blagounette bien pourrie ?

— Tu déconnes, mais c'est parfois très efficace !

— Mais bien sûr, répliqué-je ironiquement.

Je lève les yeux au ciel à mon tour. J'ai beau savoir que c'est bel et bien la vérité, je ne peux m'empêcher de faire ressortir ma mauvaise foi. Et il le sait, ce pour quoi il ne cherche pas à enfoncer le clou. De toute manière, on alternait régulièrement les rôles et bientôt, ce serait probablement lui qui se foutrait de ma gueule.

Il écrit brièvement un message, tout sourire. Je sautille alors à ses côtés en répétant d'une voix assez aiguë "Montre !" en boucle en espérant qu'il finisse par céder. Il finit par accepter de me tendre son téléphone pour que je puisse constater l'ampleur des dégâts.

Il a envoyé un GIF d'un pingouin qui tombe avec comme texte l'accompagnant : "Ce n'est pas la blague du pingouin qui pète mais du pingouin qui tombe pour briser la glace entre nous deux".

Je relis plusieurs fois son message, assez dubitative et plutôt blasée. Puis je lève mon regard vers lui. Il se contente de sourire timidement et je soupire.

— Tu as vraiment envoyé ça ? je m'enquiers d'une voix grave.

— Et comment que je lui ai envoyé ça ! rétorque-t-il, toujours aussi enthousiaste.

— Ça ne va jamais marcher ton affaire !

— Tu déconnes, mais je viens de recevoir un message à l'instant !

— Pardon ? Mais c'est n'importe quoi ! C'est de la merde Tinder !

— Tu dis ça parce que tu matches jamais avec personne ? se moque-t-il de moi.

Je lui tire la langue avec un bref "gna gna gna", ne supportant pas avoir tort – encore une fois. On peut vraiment être des gamins des fois, mais c'est bien mieux ainsi. Après tout, qui se ressemble s'assemble n'est-ce pas ?

— Il me propose de prendre un verre avec lui demain ! s'extasie mon ami.

— Ne me dis pas que tu vas accepter alors que tu as échangé deux messages avec lui !

— Trop tard, rétorque-t-il.

Un grand sourire se dessine sur son visage et je ne peux m'empêcher de soupirer lourdement.

Soudainement, une voix grave et brusque nous fait sursauter. Immédiatement, nous reconnaissons le violent ton de notre patron.

— Daphne et Ayden, vous ai-je autorisé une pause ?

On se contente d'un sourire complaisant sans rien ajouter. Il nous somme de retourner au travail, comme d'habitude.

— Encore une fois Daphne, cette couleur est vraiment horrible ! ajoute-t-il sans la moindre gêne.

J'aurais pu lui répondre, mais flemme. Je lève juste les yeux au ciel et soupire. De toute manière, bientôt il ne pourrait plus me faire la moindre remarque.

Bientôt.

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Nuity
Posté le 08/09/2020
Ok mais maintenant je suis émotionnellement investie dans la vie amoureuse d'Ayden. J'espère qu'il va bien et que son date est vraiment mignon. C'est mon fils désormais.
MissRedInHell
Posté le 09/09/2020
ha ha x')
Il en a de la chance :')
Imagineuse
Posté le 03/09/2020
Génial ! J’adore l’humour et je trouve que ta plume est vraiment fluide. Ça donne envie d’aller voir le duo comique en face à face ;) et d’engueuler le patron xD
MissRedInHell
Posté le 03/09/2020
Merci :D
Haha ça va être explosif x')
ManonSeguin
Posté le 20/08/2020
Ayden et Daphne mon nouveau duo comique préféré ! Au passage, je me suis totalement reconnu dans le passage avec Tinder, je suis le genre à envoyer des GIF gênant ou à envoyer une blague à la con ahaha alors j'ai naturellement ris !

Et j'ai vraiment de plus en plus hâte de découvrir quel sort Daphne va réserver à son patron...

Petite mention spéciale à notre ami Jean-Claude qui n'est vraisemblablement n'est pas apprécié (on a tous un pote d'un pote pareil) ! Hâte hâte de la suite !
MissRedInHell
Posté le 20/08/2020
Je me suis bien amusée avec ces deux-là haha x')
Surtout que l'histoire du GIF, c'est tiré d'une histoire vraie que j'ai vu passer un jour dans les réseaux sociaux... Et je trouvais ça trop fun pour ne pas être utilisée XD

Huhu surprise surprise :3

Surtout que Jean-Claude est présent dans BEAUCOUP d'histoires et il s'y fait tout le temps maltraité. XDD
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