Escalier à grimper

Par Dédé

 

«Escalier brillant, petits pieds glissants.»

Écrit réflexif d'un collectif d'hommes et de femmes de ménage

 

En réalité, la première fois que j'ai grimpé un escalier, euh... En fait, c'est aujourd'hui que j'ai monté les marches de l'escalier de la maison pour la première fois.

En dix-neuf mois, j'ai enfin réussi à avoir accès à l'étage qu'on a gardé hors de ma portée ! Et si je veux être parfaitement honnête, dans un premier temps, ce n'est pas l'étage supérieur de ma maison qui m'a intrigué. En effet, c'est le concept-même de l'escalier que j'ai trouvé plutôt drôle. Eh oui ! Et c'est de cette manière que je prends plaisir à dire «enco’r», «enco’r» à celui qui m'accompagne en me tenant la main.

Évidemment, j'ai interdiction de monter l'escalier tout seul. En plus, je dois être accompagné. Et il est hors de question que je me prive d'escaliers pour cette raison.

— Enco'r ! Enco'r !

En plus du mot que j'écorche un peu volontairement, je m'entraîne aussi à pousser un petit rire hystérique tout joyeux. En prenant bien soin de taper dans mes mains et de sautiller avec mon derrière par terre.

— Enco'r ! Enco'r !

Emmitouflé dans un petit manteau de laine, j'ai promené Minou, le chien qu'on a adopté quelques semaines auparavant. Évidemment, on m'a accompagné durant la promenade, vous vous doutez bien.

En fait, je m'aperçois que mon accompagnateur n'a aucune envie de faire un tour d'escalier avec moi. Est-ce si difficile d'imaginer que je viens de découvrir un nouveau manège à domicile ?

Et dire que, pour des questions de sécurité, je n'ai pas le droit de dévaler le dit-escalier sur le derrière, zut alors...

Est-ce qu'on va oser me refuser un tour d'escalier ? Eh oui !

Est-ce que je compte m'arrêter là ? Eh non !

Énormément, c'est à ce point-là que j'aime mon nouveau jouet : l'escalier. Énormément !

— Enco'r ! Enco'r !

Est-ce que j'ai dit que j'allais lâcher l'affaire ? Eh non !

Et, mes efforts finissent par payer quand mon papa me prend par la main pour me faire monter la première marche.

En toute honnêteté, elle est un peu haute cette première marche, tellement haute que je suis forcé de pousser un petit cri d'effort et de bien lever la jambe : mais qu'est-ce que ça fait du bien d'être sur cette première marche !

Eh, mais c'est que c'est pas fini ! En fait, j'ai une dizaine de marches qui m'attendent... En tout et pour tout une dizaine, oui.

Et voilà une deuxième marche ! Elle était assez facile celle-là, il faut dire. Et pour ce qui est de la troisième... Étant, depuis le début, contre le fait qu'on m'accompagne dans mon nouveau manège, j'ai bien été heureux quand mon papa m'a rattrapé en plein vol. En effet, mon pied gauche a ripé sur le bord de la troisième marche et j'ai failli me retrouver la tête contre le rebord de la marche !

En voilà une catastrophe d'évitée !

En avant pour la quatrième marche ! Escaladée sans problèmes.

Entièrement concentré sur la marche numéro cinq, je ferme les yeux puis je les ouvre à nouveau. En premier lieu, car avoir les yeux fermés est le meilleur moyen de tomber mais aussi parce que fermer les yeux est un signe de faiblesse.

Est-ce que je suis faible, moi ? Eh non !

En ce qui concerne la sixième marche, rien à signaler : j'ai repris confiance en moi. Eh oui !

En posant mon pied sur la septième marche, ce dernier manque de glisser. En fait, il faut croire que la malchance est avec moi...

Empiétant sur la huitième marche, je manque de basculer en arrière tellement fort que j'ai failli entraîner mon papa dans ma chute. En réalité, c'est plutôt ironique de penser que lui aussi a bien besoin d'être surveillé et d'être tenu par la main.

Eh oui, je fais preuve de mauvaise foi... Et alors ?

En arrivant sur la neuvième marche, j'anticipe d'ores et déjà la dernière.

Enjeu important sur ce coup-là. Échec ou réussite, pas le droit à l'erreur. Étant qu'à un seul petit pas de la ligne d'arrivée, le pied doit être posé avec précaution. Et, devinez quoi ? En étant incapable de vous l'expliquer, mon pied gauche se tord alors qu'il touche la ligne d'arrivée des escaliers et je perds l'équilibre. Et, il a fallu que mon papa pense que j'allais basculer en arrière, ce qui n'aurait pas été le cas, évidemment...

En avant, et sans perdre de temps, je m'effondre sans personne pour me rattraper. Encore heureux que je m'accroche aux murs et que j'arrive à atterrir les genoux à terre afin d'amortir la chute.

En m'agenouillant sur la ligne d'arrivée, je sens que j'ai vraiment eu peur, j'ai bien vu que mon papa n'a pas anticipé ma chute. Encore heureux, je n'ai rien de vraiment grave. Et puis, surtout, je savoure ce moment. Enfin !

Eh oui ! En vérité, ce tour de manège a été des plus périlleux mais je m'en accommode vraiment très bien. En même temps, des chutes, des mauvaises surprises, des imprévus, on en connaît et on va en connaître encore longtemps paraît-il, non ?

Et, c'est alors que je tourne le regard vers celui de mon papa, en levant la tête bien haut pour qu'il puisse me voir et je lui dis, sans surprise :

— Enco'r ! Enco'r !

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