Episode 4 : Le frère vengeur

Par Sin

 

  1. INT. Château de Kaamelott : Salle – JOUR 

 

Bohort est debout au milieu de la salle, un texte de théâtre dans la main. Amaury est debout en face de Bohort, le même texte dans les mains. Les deux écrivent et répètent une pièce de théâtre. 

Bohort (jouant son texte) 

Ton règne prendra fin ce soir, faux roi ! Tu paieras pour mon frère ! Pour tous les frères !! 

Amaury (jouant son texte) 

Approche, couard ! Je n’ai jamais craint la fatalité ! Ni la mienne, ni celle de ton frère ! Approche ! 

Bohort (improvisant) 

AAAAHHHHHH !! À MORT, MÉCRÉANT !!! 

Amaury  

Pardon, seigneur Bohort ? 

Bohort (se reprenant, riant) 

Oh, pardonnez-moi, seigneur Amaury. C’est que j’étais tellement dans mon personnage. Je m’y suis quelque peu perdu. 

Amaury 

Aucun problème, seigneur Bohort. C’est juste que je préfère quand le texte est respecté à la lettre. Comprenez que si tout le monde faisait ça, on s’y perdrait tous. 

Bohort 

J’en prends bonne note. Je tâcherai de m’en souvenir, seigneur Amaury. 

Amaury 

Très bien. On reprend ? 

Bohort 

Avec joie. 

Générique de début. 

Amaury et Bohort sont assis autour de la table, l’un en face de l’autre. Sont disposés sur la table des feuilles vierges, une pile de feuilles écrites ainsi que des plumes et de l’encre. Les deux chevaliers prennent des notes au fur et à mesure de leur discussion. 

Bohort (en lisant le texte) 

Cette pièce est pour le moins très bien écrite, seigneur Amaury. Je trouve l’histoire prenante. 

Amaury 

Vraiment ? Eh bien, merci, seigneur Bohort. Ce n’est qu’une ébauche, pour l’instant. Et je n’y ai pas encore tout raconté. Il y a encore beaucoup à faire. 

Bohort 

Tout de même, pour une première pièce vous vous en sortez bien : vous savez déjà où vous voulez aller, le personnage du frère prêt à tout pour se venger de cet affront est complexe juste comme il faut, les divers évènements amenant de la comédie comme du dramatique sont très émouvants. C’en est presque à me couper le souffle. 

Amaury 

Moi-même, j’ignore comment elle va se terminer. Mais cela viendra. 

Bohort 

D’où vous est venu cette inspiration ? 

Amaury 

Les secrets de fabrication, c’est sacré. Si tout le monde les connaissait, il n’y aurait plus rien d’original au théâtre. Mais ce que je peux vous dire, c’est que ce sont mes voyages qui m’inspirent. Mais pas plus. 

Bohort 

Allons, seigneur Amaury. Ne me faites-vous point confiance ? 

Amaury 

Là n’est pas la question, seigneur Bohort. Même à mon oncle, je ne révèlerai rien. Alors n’insistez pas. 

On entend une porte s’ouvrir. Arthur la traverse et entre dans la pièce. Il remarque les parchemins sur la table. 

Arthur 

Tiens donc, Bohort et seigneur Amaury. Qu’est-ce que vous glandouillez ici, tous les deux ? Vous lisez ? 

Amaury 

Pas exactement, Sire. 

Arthur s’approche de la table et des parchemins qu’il ramasse et commence à lire. Il relève la tête et regarde en direction de Bohort et Amaury. 

Arthur 

Non, mais c’est une blague ? 

Ellipse. 

Amaury 

Sire, ça vaut vraiment le coup de se mettre dans cet état ? Pour une simple pièce de théâtre ? 

Arthur 

Une simple pièce de théâtre ? Et bah on peut dire que vous manquez pas de souffle. Et puis, impliquer Bohort là-dedans, vous avez peur de rien, mon petit pote.  

Bohort 

Ohh, je suis un misérable. 

Arthur 

Fermez-la, Bohort. Seigneur Amaury, si vous êtes à Camelot, c’est pour quelle raison, au juste ?  

Amaury 

Euh… Le Graal et la Légende, je suppose ? 

Arthur 

Voilà. Et vous pensez vraiment que gratter du papier, ça va vous faire avancer dans la quête du Graal ? Où vous faire entrer dans la Légende ? 

Amaury 

Enfin, sire. C’est pas gratter du papier qu’on fait. Je vous ai dit, j’ai une passion pour le théâtre. Bah, il faut bien que je l’alimente. Et puis en plus, vous avez pas pris le temps de la lire, cette pièce. 

Arthur 

Mais qu’est-ce que vous voulez que ça me foute, bon sang ? Vous allez me débarrasser ce merdier, tous les deux. Vous êtes chevalier de la Table Ronde, seigneur Amaury, pas dramaturge ! 

Amaury 

Sire, prenez au moins un instant pour jeter un petit œil à ce que nous avons écrit. Et puis cette pièce a une grande valeur pour moi. 

Arthur 

Mais je m’en fous. Pourquoi je ferais ça ? 

Amaury 

Non, mais c’est pour moi. Mon oncle m’a toujours dit qu’il fallait avoir un avis extérieur pour pouvoir progresser. 

Arthur 

Oui, enfin encore faut-il que vous tombiez sur des gens qui comprennent le langage du théâtre. Faudrait déjà qu’il y en ait qui comprennent le langage courant. 

Amaury 

C’est justement pour ça que Bohort est ici, lui il le comprend. Et surtout, personne au sein de Camelot n’est plus grand clerc que vous, Sire.  

Arthur 

Et donc ? 

Amaury 

Et donc, sire, vous êtes sans doute le plus à même de m’aiguiller dans l’écriture de ce texte. 

Arthur 

Mais j’en ai rien à carrer, bon sang ! J’aime pas le théâtre ! 

Amaury 

Bohort, lisez l’introduction de la pièce. 

Bohort 

Euh... Je ne suis pas sûr si... 

Amaury (coupant Bohort) 

Lisez-le, je vous dis. 

Bohort (lisant sur l’un des parchemins) 

« Un roi, en place depuis des années, se retrouve face à ce qu’il semble être un fantôme de son passé. »  

Amaury 

Alors, sire ? Ça vous donne pas envie de connaître la suite ? 

Arthur s’avance doucement vers la table, se penche et pose ses mains dessus. 

Arthur (d’une voix très calme) 

Décarrez. Tous les deux, immédiatement. Si je vous revois, l’un comme l’autre, à replancher dessus, je vous envoie un pain, mais quelque chose de violent. 

Bohort (à Amaury) 

Je crains qu’insister davantage ne nous cause que davantage de problèmes, seigneur Amaury. 

Arthur 

Je confirme. 

Bohort 

Il vaut mieux nous en aller. 

Amaury 

Comme vous voudrez, Sire. 

Bohort et Amaury se lèvent de leur chaise et se dirigent tous les deux vers la porte et sortent de la pièce. Arthur vérifie s’ils sont bien partis, commence à regarder les parchemins de la pièce, en saisit un et commence à le lire. Il est pris par l’histoire et s’assoit sur une chaise. 

Ellipse 

  1. INT. Château de Kaamelott – Chambre du roi – SOIR 

Arthur et Guenièvre sont tous les deux allongés dans le lit. Arthur lit assidûment la pièce de théâtre d’Amaury. Il semble très pris dans l’histoire. Guenièvre s’approche d’Arthur. 

Guenièvre 

Qu’est-ce que vous lisez de beau ce soir, mon ami ? Vous semblez absorbé par ces parchemins. C’est si passionnant que ça ? 

Arthur 

C’est une pièce de théâtre, qu’est-ce que vous pouvez bien y comprendre ? 

Guenièvre 

Oh ça va, pas la peine d’être désagréable. Figurez-vous que j’ai l’intention de m’y mettre au théâtre, moi monsieur. 

Arthur relève la tête des parchemins et regarde vers Guenièvre.  

Arthur 

Du théâtre, vous ? 

Guenièvre 

Bah oui, vous verrez un jour, quand je monterai les planches vous serez époustouflé.  

Arthur 

Eh bah ! Je souhaite bon courage à ceux qui auront la lourde tâche de vous apprendre. 

Guenièvre 

D’ailleurs, ça m’étonne de vous voir lire une pièce, vous qui n’aimez pas le théâtre. 

Arthur 

 Oui ben là, c’est différent. J’étais curieux, j’ai commencé à la lire et j’ai pas pu m’arrêter. Voilà. 

Guenièvre 

Eh ben, elle doit vraiment être spéciale pour que vous ayez le nez dedans depuis que vous êtes rentré dans la chambre. Qu’est-ce que ça raconte ? 

Arthur 

« Un roi, en place depuis des années, se retrouve face à ce qu’il semble être un fantôme de son passé. » Une sorte de tragédie grecque comme on en fait rarement de nos jours. 

Guenièvre 

Elle fait un peu froid dans le dos, votre histoire. Mais qu’est-ce qui peut bien se passer dedans pour que vous y intéressiez à ce point ? Racontez-moi l’histoire, s’il vous plaît. 

Arthur 

Dans cette pièce, le roi, de ce que j’ai pu lire c’est un bon et joyeux glandu, accueille un voyageur à sa cour, mais en le rencontrant, il lui rappelle un homme dont il a été responsable de la mort plusieurs années auparavant. Au fil des jours, il découvre qu’il s’agit en réalité d’un parent, alors c’est pas encore précisé mais ils se ressemblent tellement que ça pourrait être un frère, et qu’il ne souhaite qu’une chose : la vengeance. Alors forcément ça joue sur les révélations, les coups en douce, les quiproquos... 

Guenièvre 

Ah bon ? Ça a l’air triste et dramatique. Vous imaginez ? Votre seul désir, seule volonté pendant des années, c’est de vouloir tuer quelqu’un. 

Arthur 

Et encore, ce “frère vengeur” était à peine âgé d’une dizaine d’années quand il a entrepris cette quête. C’est ce qui m’a frappé. Je trouve cette histoire... Passionnée en un sens. 

Guenièvre 

Passionnée ? Mais pourquoi ? Qui c’est qui l’a écrite ? 

Arthur 

Amaury. 

Guenièvre 

Le seigneur Amaury ? Le nouveau venu au château ? 

Arthur 

Celui-là même. Il est quand même doué, je dois l’avouer. 

Guenièvre 

Tant mieux, ça change. Vous pensez qu’il y a un rôle que je pourrais jouer ? Allez, montrez-moi. 

Arthur écarte les parchemins pour empêcher Guenièvre de les prendre. Elle essaie à plusieurs reprises, en vain. 

Arthur 

Hé, doucement ! C’est fragile. Et ce sont les seuls exemplaires.

Générique de fin. 

Les crédits défilent. 

  1. INT. Château de Kaamelott : couloirs / Porte de la chambre d’Amaury - NUIT 

Arthur, en tenue de nuit, un chandelier dans une main et les parchemins de la pièce de théâtre dans l’autre, frappe à la porte de la chambre d’Amaury. La porte s’ouvre et Amaury en sort, en tenue de nuit lui aussi. 

Amaury (la voix fatiguée) 

Sire ? Tout se passe bien, sommes-nous attaqués ? 

Amaury 

Non, non, rien de tout ça. 

Arthur tend les parchemins à Amaury. 

Arthur 

Je souhaitais juste vous rendre ceci. Vous les aviez laissés sur la table. 

Amaury reprend les parchemins assez sèchement des mains d’Arthur. 

Amaury 

Alors ça, Sire, j’aime pas. Mais alors pas du tout. Vous auriez dû me le dire avant. Sans déconner, c’est personnel. 

Arthur 

Oh, c’est bon, détendez-vous, je suis désolé. J’ai bien aimé, au fait. 

Amaury 

Oui c’est ça, allez bonne... Vous avez bien aimé ? Mais vous avez tout lu ? Du début à la fin ? 

Arthur 

Bah, seulement ce vous aviez écrit, il manque encore des éléments. Mais oui. 

Amaury 

Rien d’autre ? 

Arthur 

Non. Après, je vous donnerai peut-être mon avis quand elle sera terminée. 

Amaury 

Vous m’en direz tant.  

Arthur 

D’ailleurs, je voulais vous dire. Si jamais vous cherchez des comédiens... 

NOIR 

Arthur 

...Si le personnage de la reine pouvait être un peu plus gourde ET si vous pouviez ajouter un ou deux oiseaux, faites-moi signe et moi, je vous trouverais la candidate idéale. 

FIN 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez