Entrée 5 : Steiner

Par Jibdvx

— Tenez Stanley.

Il prend le pulse dans sa main, le soupèse et vise la silhouette à forme humaine qui vient d’apparaître en bordure de son champ de vision. 70 mètres. Le coup part presque instantanément. Temps de réaction 0,003 secondes. La décharge traverse le champ de tir pour former un cercle rougeoyant de 2 centimètres de diamètre en plein milieu du torse de la cible. Le docteur Osbourne est impressionné, son pourcentage de sympathie est assez élevé pour qu'il ait envie d'épouser Stanley.

— Je vois que la maîtrise de votre arme de service n'a pas été altérée le moins du monde, conformément à nos pronostics. Je dirais même que... qu'est-ce qui vous fait rire Stanley ?

— Rien... vous pensez que Virgile pourra faire de l'humour un jour ?

Il tapote de l'index sur son crâne.

— Vous possédez le tout dernier modèle d'EMB, le fleuron de l'intelligence artificielle. Cependant, je crains qu'il ne soit impossible pour... Virgile ? Oui donc, il est impossible que votre EMB puisse exprimer quoi que ce soit d'autre que des analyses. Ce n'est pas une conscience de rechange, voyez-le comme un outil. Certes, c'est un outil qui peut prendre le contrôle de votre corps de façon temporaire, mais sa fonction primaire est de vous protéger, pas de... sympathiser.

Le docteur part d'un éclat de rire.

Un deuxième coup part, plus à droite. Osbourne sursaute, Stanley ne l'a pas quitté des yeux.

— Il ne pourrait pas lui venir à l'idée de tirer sur quelqu'un pendant qu'il est aux manettes ?

— Imp... Impossible. C'est une machine. Par essence, il ne peut pas porter atteinte à un être vivant !

— Je suis un peu une machine maintenant moi aussi. Qui vous dit que je saurais être totalement "opérationnel" à un moment crucial ?

Troisième coup, au ventre. J'enregistre une contraction au niveau de l'abdomen mais Stanley ne cille pas. Le pouls du docteur s'affole, je capte une légère sudation. Il jette un bref coup d’œil vers la vitre blindée au fond de la salle, derrière nous. Depuis quelques jours, un autre homme assiste à nos entraînements : A. Steiner. Non répertorié dans ma base de données. J'en fais part à Stanley.

« Sûrement un gros légume en train d'admirer son dernier investissement. »

Pendant un instant, leur regard se croisent. Stanley ressent du dégoût.

« Fais moi une analyse comportementale de ce type veux tu ? »

Bien sûr Stanley. Mais je tiens à vous informer que cette personne n'a rien d'un légume hormis son nez proéminent.

Il reprend l'entrainement au tir. Cibles à haute vélocité, difficulté maximale.

« Et l'autre ravi de la crèche qui me certifie que tu sais pas faire d'humour... Bon, t'as quoi sur notre légume ? »

Aucune information dans ma base de données. Stoïque, difficile à décrypter. C'est effectivement quelqu'un d'important. Soucieux du respect que les autre lui doivent. Mais il n'est pas en haut de la hiérarchie.

« Les chefs ne se déplacent jamais. Continue. »

Il vous aime bien.

« Pardon ? »

52% de sympathie.

« Super... »

— Et bien Stanley je dois dire que c'est... impressionnant !

— Hein ?

— Les cibles Stanley...

33 cibles déployées, 33 cibles atteintes.

— En revanche Stanley. Pourquoi visez-vous systématiquement en plein torse ?

Stanley hésite, je connais sa réponse.

— C'est là que ça fait le plus mal. J'en sais quelque chose.

Stanley a de nouveau son rire nerveux.

— Je suis heureux que vous preniez cela sur le ton de la rigolade Stanley !

Osbourne a un sourire niais. Il ne comprend pas Stanley. J'estime que personne d'autre ne pourrait mieux le comprendre. J'intègre cette donnée à ma fonction principale.

— Avant de partir vous reposer Stanley. Monsieur Steiner désire vous voir.

Nous écoutons attentivement le docteur Osbourne.

— Le gars derrière la vitre qui ne dit jamais rien ?

Osbourne jette un nouveau regard embarrassé à l'inconnu et chuchote.

— Faites attention Stanley. Cet homme travaille pour les gens qui financent le programme Embarqué. Techniquement... votre corps leur appartient...

— ... Charmant ! Et bien raison de plus pour améliorer notre capital sympathie !

— Excusez-moi Stanley ?

Déjà, Stanley part à la rencontre du fameux "Steiner". À travers la parois de verre parre-balles, le visage de notre observateur silencieux est à demi plongé dans la pénombre du poste d'observation. Une peau mate tintée d'étranges reflets dorés. J'émets l'hypothèse d'un maquillage. Cheveux rasés de près, visage osseux, des yeux brun enfoncés dans leurs orbites. 

— Bonjour Stanley. Je veux que vous sachiez que l'organisation que je représente est extrêmement satisfaite de vos progrès ! La police peut-être fière de vous compter à nouveau dans ses rangs.

Technique basique d'approche.

— Content de l’apprendre. Monsieur ?

— Ammut. Ammut Steiner. Je sers d'intermédiaire avec la police et le programme Embarqué.

— Enchanté.

— Je vous annonce que, comme prévu, vous pourrez retrouver votre poste et votre domicile dés demain. Vous disposerez également de deux jours de congé pour vous réacclimater parmi les vivants.

— Parfait ! Je commençais à me sentir à l'étroit dans ma petite chambre. L'appartement me manque.

Ammut Steiner affiche un sourire froid.

— C'est cela. Mais nous espérons que vous mettrez à profit vos nouvelles capacités pour terminer votre dernière mission.

Stanley se lève. J'enregistre un pic de stress.

— ... Avec plaisir. J'ai hâte de voir la gueule des gars qui m'ont fait ça. Et de les faire payer pour Jeff...

Le sourire de Steiner s'élargit.

— Au revoir officier McTiernan.

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