Eeiza Pothra

Les nuits se ressemblent depuis une semaine. Lorsque le crépuscule s’immisce dans la chambre, une hantise s’invite en moi. Dans une obscurité illimitée, les ombres des ténèbres se mêlent à cette légèreté quotidienne. Avec cette invitation macabre, je me fonds dans une autre dimension. Cette chimère peut se décrire par l’imagination parfois frappante, sortant de mes rêves les plus fous. Normalement, mes profondes nuits n’ont jamais été dérangées. Elle a pu se distinguer parfois par un sommeil difficile à atteindre pour finir d’abdiquer à la fatigue et à l’ennui. Dans la routine morbide et contrôlant de Carslam-II, jamais je n’ai autant été bousculé qu’à l’arrivé de ce tracas. Les morts de ma mère et de ma grand-mère m’ont réellement affecté, cependant je me suis habituée à ne présenter pas de réelle expression de tristesse ou de deuil. Je préfère la discrétion et l’intimité que rentrer dans un grand bouleversement. Aux funérailles de ma mère, ma sœur a versé des larmes en intimité devant ma personne, mais comme moi, elle a préféré cacher cette tristesse que le montrer à nos proches. 

Dans l’antre de la nuit, je ne peux pas expliquer la réalité de mes somnolences. Car comme à chaque nuit, quand mes yeux se ferment pour reposer mon esprit, des répétitions pathologiques et abstraites se répercutent autour de moi. Un silence infini monopolise des nouvelles frontières. Mon corps se retrouve dans un espace mystérieux et énigmatique. Enfin, « se retrouver » est vite dit pour la véritable prestation cosmique. Car en réalité, une seule vision subjective se retrouve dans cet espace. Je ne vois pas mon corps ou je ne peux pas m’entendre respirer. Seuls mes yeux sont propulsés dans ce vide intersidéral. Dans cette grande opacité spatiale, je suis une anomalie. Ma vision des étoiles est parfaite, comme si une bulle atmosphérique me permet de contempler ce spectacle unique.

Dans cette espace irrégulière, comme une véritable mise scène,  je suis transportée à découvrir chacun de ses secrets par une avancée étrange vers ce cauchemar. Du déplacement obligatoire et indomptable de ma vision sur la configuration spatiale, on me conduit à contempler des géantes gazeuses, des différentes lunes, des comètes ou encore des planètes telluriques vides de vie. Dans un système solaire inanimé d’êtres à cette observation première obligatoire, ce voyage astral me rend malade. Inexplicable et indescriptible, on m’amène dans une projection particulièrement étrange et cyclique. Ce chemin est toujours identique, mais d’innombrables détails s’ajoutent à chaque fois qu’on me permet d’avance. D’une douceur et d’une tendresse au début, aidant même ma quiétude, tout se transforme très rapidement lorsqu’on m’oblige de regarder brusquement vers une direction bien précise.

Dans le début de cette illusion, ma vision se concentre uniquement sur un grand paysage étoilé, magnifique et unique. Une différence s’anime depuis, se développant à une grande vitesse. Devant cet immobilisme cosmique, une étoile au loin commence à disparaître. Puis, l’étoile voisine s’évapore aussi dans la même noirceur maladive de l’autre. S’étendant par cette première apparition, la levée de cœur est habituellement suffisante pour me réveiller. Elle est cependant reportée pour cette nuit.

Non, les étoiles ne disparaissent pas sur place, c’est plutôt un ombre qui apparaît dans les horizons glaciaux de l’espace. Dans ce grand ombre incongru et mobile, ses contours s’agrandissent pour gober le décor spatial. Broyant les lois mathématiques et physiques de l’univers, je suis témoin de cette agressivité, de cette noirceur et surtout de sa solitude. Se développant dans ce cauchemar, cette reconfiguration s’élève à un autre niveau de mon entendement. 

À ce regard totalement abstrait et cassé, une autre forme encore inconnue se dessine. Un autre mouvement que celui de l’ombre se déguise dans ce simulacre. À mon regard sur cette nouvelle représentation de l’univers, une couleur foncée devient claire. Projetée vers cette couleur unique entourée dans un décor plongé obscur, le malsain entoure mon être. À travers cette ombre répugnante, une chose innommable et cosmique s’enlise autour de ma personne. De cette douleur indéfinissable, une lueur rougeâtre apparaît dans cette grande couverture nocturne, cachant le peu de lumière qu’il peut avoir de ce fameux objet.

À travers cette immense toile, une planète ou une comète de couleur rouge apparaît. Nullement certaine de ce que représente cette nouvelle vision, cette forme ovale m’enlève une partie de moi-même, absorbée et même vampirisée par son emprise. À cet objet rougeâtre, des tremblements erratiques changent l’apparence externe de son sol. Horrifiant à première vue, il défigure ces montagnes naturelles et se construisant par une force dissimulée. Cette reconstruction malsaine devient de plus en plus répugnante pour des raisons inexplicables, où maintenant cette nouvelle nature me réveille en sursaut et surtout avec une boule dans la gorge.

Malgré le froid glacial de mes rêves, je me réveille en sueurs, vidée complètement de mon énergie et affolée. La chambre est encore dans la noirceur de la nuit et malgré toutes les rudesses de ma nuit, rien ne bouge. Même mon mari, Ethan Scott, est toujours en plein sommeil. Des nombreux hauts de cœurs, repensant à cette lueur rouge, me replongent dans cette corruption indéchiffrable. Je me lève du lit pour aller vomir dans les toilettes positionnées dans notre salle de bain, voisin de notre chambre.

Tentant une démarche silencieuse pour éviter encore d’embêter Ethan de mes problèmes maladifs nocturnes, j’accélère surtout le pas lorsque j’arrive au portail de la porte des toilettes. Activant le mécanisme en passant ma main devant deux interrupteurs ; une pour fermer la porte et l’autre pour ouvrir les lumières, je vise ensuite vers la toilette. Retenant la déjection avec une main devant ma bouche, je n’arrive pas à viser correctement la toilette, où la souillure touche le bol de toilette, mais aussi le sol avoisinant.

Régurgitant ce que je peux dans les toilettes, les images de mes cauchemars imprégnant ma mémoire, aident à alimenter ce dégout. Cette grande ombre, cachant une difformité voulant éteindre les lumières de chaque soleil, est nauséabonde, mais toujours impénétrable. La présence abstraite de cet objet, sans astre et sans direction, m’a plongée dans ce désagrément inintelligible. Le concept en lui-même m’engage à comprendre cette importance minime et misérable de ma réelle existence. Habitante de Carslam, notre réputation n’est plus à refaire.

D’une risée intergalactique pour certains par nos lois, souvent décriés, cette planète se définit largement comme un summum du totalitarisme abject et abominable. Ce profond fossé, qui nous sépare de plusieurs civilisations, n’est pas uniquement lié à la Grande Révolution Sismantiste. Elle s’écrit surtout par la différence sanguinaire, qui représente souvent notre forme d’expression la plus ignoble qu’elle soit. Carslam est ainsi reconnu cette violence la plus crue et laide qui imprègne les étoiles sombres de l’univers. 

Ancienne monarchie avant de rentrer dans la Révolution Sismantiste, les présidents du conseil de notre planète ne remplacent que les Rois de l’Ancien Régime. Dans cette incessante grande ligne de continuité totalitarisme, tous les citoyens de Carslam se sont habitués à vivre dans cette cruauté. Si certains peuvent croire que les purges viennent des nouvelles modes sismantistes, il faut réviser cet avis car ; les anciennes familles royales se sont autant massacrées, tout en assassinant des civils qui n’ont pas aucun rapport de proche ou de loin de l’héritage du sang. Dans cette habitude sanguinaire et meurtrière, notre réputation galactique se résume par ces stupides conflits, ayant amenée uniquement des carnages inutiles.

Pour tous les individus, ayant eu la malchance de naître et de vivre sur cette planète, on s’est habitué à vivre dans cette barbarie. Rencontrer des cadavres dans les ruelles, datant de deux ou trois jours, avec les asticots et les moustiques, est bien plus fréquent que rencontrer des itinérants. Par cette habitude de vivre dans l’horreur, je me suis construite cette carapace, me permettant ainsi d’encaisser ces revers immondes. C’est pour cette raison que je suis surprise d’être autant bouleversée par ces visions incompréhensibles. Présents dans ma vie depuis plusieurs nuits, j’ai pensé plusieurs fois que tout allait revenir à la normale après un moment, mais je m’avoue vaincue. Ethan l’a remarqué et il a décidé de respecter mon silence.

À entendre la porte magnétique qui s’ouvre en arrière de moi, la patience de mon mari s’est écoulée en essayant d’attendre que cette maladie disparaisse toute seule. Épuisée par mes nuits et surtout par ma maladie, je ne me tourne pas immédiatement vers Ethan. Je prends une serviette blanche proche du bain pour essuyer délicatement le vomi sur le bord de la toilette et aussi sur le sol. D’une haleine pestilentielle, je tourne uniquement un petit regard sur Ethan, habillé de son pyjama blanc et de ses petites lunettes. Ses cheveux noirs plats se conforment à un style capillaire permis par le Gouvernement planétaire. Plutôt maigre, un peu plus petit que moi, son visage est plutôt fin. Mignon, faisant un peu intellectuel et binoclard, notre relation se définit surtout par une inexistence de relations sensuelles entre nous deux, mais d’une grande complicité au niveau de notre complémentarité. 

Cachant parfaitement cette absence de relation sexuelle, notre connivence est réelle et réciproque depuis qu’on s’est connu à la petite école. Comprenant rapidement ses attirances, j’ai été dans la contradiction totale des traditions souvent masculines de Carslam, lorsque j’ai déposé le genou au sol pour lui demander d’être ma Fleur Rouge. Ma proposition de mariage a toute été suite mal reçue par les familles concernées. D’une pratique extrêmement dangereuse par toutes les pensées sociétaires mises en avant, élaborant le droit exclusif que seuls les hommes puissent faire une telle demande. Cette proposition s’est concrétisée par un doute, qui a commencé à se propager dans la famille de Scott.

Si leur haine a été ancestrale envers ma personne après cet évènement, la découverte de l’homosexualité d’Ethan aurait été largement plus répugnée. Dans ce régime, tout est très simple dans son amoralité. Depuis l’aube de Carslam, bien avant qu’elle soit colonisée, les règles ont toujours été les mêmes. L’homosexualité n’a jamais existé. Et si dans d’autres époques, des camps de rééducations essentiellement pour les « détraqués » ont pu exister, aujourd’hui, notre régime est plutôt dans les disparations de ces cas problématiques ne se conformant pas à la pensée majoritaire de la société collective de Carslam. Dévorés par des ziens dans la forêt voisine est l’une des conséquences les plus morbides qui auraient pu m’arriver avec un tel agissement. Au moins, pour ma propre personne, les institutions ont trouvé des punitions symboliques et institutionnelles peinant ceux attachés à leurs notoriétés et à leurs ancêtres.

« Tu vas bien, Eeiza? » Demande Ethan, devenu  plus soucieux de mes derniers maux. Bien moins  bavarde qu’avant,  je suis en train de battre mes propres records actuellement autour de mon mutisme habituel. Toujours agenouillée devant les toilettes, je me sers du rebord du lavabo pour me remettre debout. Portant aussi le pyjama blanc, pareil à celui d’Ethan et sans symbole, le Régime Sismantique de Carslam nous préfère ainsi, toujours sans couleurs. De mes cheveux bruns décoiffés, d’une petite transpiration présente ou encore d’une mèche de cheveux salie par ce malheureux accident nocturne, j’utilise une autre serviette afin de nettoyer ma chevelure brune contaminée par un bout et je me sers de l’autre bout de la serviette afin d’essuyé mon front.

En face du miroir, je vois mon mari patienter encore, attendant le bon moment pour réagir. Je ne préfère pas me tourner immédiatement vers Ethan dû à ma mauvaise haleine. « Encore ces mystérieux cauchemars, c’est toujours le même processus et les mêmes images, mais de nombreux détails s’ajoutent à chaque fois. » Après ce premier résumé, j’active le lavabo pour accumuler de l’eau dans le creux de ma main.

Quelques goutes tombent sur le haut de mon pyjama durant la gorgée, je reprends doucement parole après. « Ne t’inquiète pas, je vais quand même venir au bureau demain matin. De toute façon, les prochains jours ne demandent pas beaucoup d’énergie pour conclure la fin du mois. » Je vois Ethan s’avancer vers moi, portant une hésitation à mettre un véto à cet agenda journalier. On a étudié le même domaine à l’université, un champ d’étude, surtout prononcé pour les hommes, jusqu’à temps que les sismantistes ont voulu changer les mentalités pour le principe de l’égalité absolue.  Malheureusement, les promesses égalitaires et révolutionnaires ont largement été oubliées avec les années. 

Au Ministère du Transport, dans le bureau central pour les activités et les réparations des engins mécaniques, Ethan a reçu le poste d’ingénieur, pendant qu’on a décidé de me mettre dans le poste d’aide-technique, qui se résume au titre de femme à tout-faire. Dans cette déception, je l’ai prise comme n’importe quel échec.  Cette société a déjà formalisé depuis son début de rester dans le statu quo. On peut changer de régime, mais la société restera toujours la même. Dans une tendance plutôt vile, la raison pourquoi j’occupe cet emploi peut être interpréter par mon lien avec Ethan.

Ethan, inquiet, s’avance vers moi pour me passer une main dans le dos. « Je crois que tu devrais prendre un temps pour toi. Habituellement, tu te remets beaucoup plus vite de d’un rhume ou d’une pneumonie. Ma peur pour ta santé se tourne vers peut-être un empoisonnement alimentaire. » La malnutrition, l’autosuffisance et la crise alimentaire deviennent les trois principaux problèmes de Carslam, maintenant omniprésent par la maladie, et par une famine que les élites négligent depuis trois ans. Selon des sources extérieures et surtout des langues qui se délient lors des pauses au bureau, le Gouvernement Sismantiste de Carslam se sert de nourritures périmées pour nous sustenter depuis le début de la crise. 

Rationnelle, je décide de lui répondre tout doucement : « Je ne pense pas. La crise alimentaire a commencé bien avant l’arrivé de ces cauchemars. Hormis ces malheureux accidents nocturnes et les coups de fatigues, je n’ai aucun autre problème. » D’un œil suspicieux, je ne crois pas qu’il doute de moi, mais il aime mieux s’assurer d’un autre aspect vu les relations sexuelles absentes entre nous deux. « Tu es peut-être enceinte? » Dans ce doute et cette question à la fois, je lance un petit ricanement avant de répondre. « Pas de relation avec un autre homme depuis une année. Et rappelle-toi, que je te le dis avant. » Notre intimité nous permet quelques excès, qui peuvent être facilement dénigré par les grandes instances, mais très bien acceptés entre nous deux. Il a déjà eu des relations avec un collègue, comme j’ai déjà eu une intimité d’un soir avec un homme.

Souvent recalé au niveau des mentalités, notre relation de longue date s’affiche clairement comme un cas unique. On s’aime. La question de cet amour est inconditionnelle et surtout logique. Nous deux, on a souvent été marginalisé et peu loquace avec des fraternités universitaires. Décrite parfois comme une être antipathique et particulièrement sèche devant les autres, mon caractère fait souvent fuir. Ethan, quant à lui, est bien plus expressif et souvent très maladroit. Cependant, à l’université, son malaise a toujours été bien plus perceptible. Il a eu peur qu’un professeur, collé sur l’idéologie Sismantique et sur le respect des règles, le découvre après son rapprochement avec un autre étudiant. De cette planète, où d’innombrables individus souvent perçus comme pernicieux, manipulateur et dénonciateur, sont là pour éliminer tout ce qui est à l’encontre du régime. J’ai calmé les doutes en certifiant notre relation.

« Je m’inquiète beaucoup, Eeiza. » Répond-t-il quand je recommence à lui répéter que tout va bien. « Carslam n’est pas très généreux envers les malades, surtout si on tente de se convaincre que la maladie va passer avec le temps. Deux semaines ont passé et ton état semble se dégrader de jour en jour. J’ai peur que ton traitement biologique soit défectueux depuis un moment, ou que ton système immunitaire s’est affaibli depuis les problèmes alimentaires. » Prenant doucement mes deux épaules avec sa tendresse habituelle, ses yeux noirs visent les miens :

« Je ne veux pas que tu tombes sévèrement malade, Eeiza. Tu sais que le Régime n’est pas très friand des malades qui doivent un surplus de médicament et de traitement. Tu te souviens pour ta mère? Ils… » Je sais, oui. Ils ont arrêté les traitements pour sa maladie cardiaque, bien trop couteuse en transport et surtout dans l’incapacité d’autoproduire les médicaments pour la garder en vie quelques années supplémentaires de plus. 

Ce rappel douloureux me rend plus sensible, bien que le deuil soit fait, souvent j’oublie les injustices faites pour économiser au maximum le système. « Je vais prendre un rendez-vous, Ethan. Mais, je suis sûre que c’est rien de grave. » À mon tour, je dépose délicatement mon bras sur le sien pour le frotter. Par la suite, son sourire joueur et son regard amusé m’indiquent de la supercherie dès l’acceptation de ce rendez-vous médical. « Laissez-moi deviné… tu as déjà pris le rendez-vous pour moi? » Il incline la tête en laissant un petit rire.

Le rendez-vous médical a été prévu bien avant cette discussion, mais son coté sécuritaire est l’une de ses plus grandes qualités. Il sait très bien quoi faire, même si une crise interplanétaire touche Carslam. Cette affection peut parfois être énervante, mais ce comportement rappelle beaucoup ma mère. Durant tout notre vécu avec elle, ma sœur et moi, nous avons subi son contrôle maternel pour la moindre petite douleur ou tristesse. Extrêmement superstitieuse, notre mère a toujours eu le don d’ajouter les troubles psioniques pour expliquer chacun de nos comportements.

Omniprésent dans tous les systèmes, le potentiel psionique est central à de nombreuses crises et importants. Quelques fois, les prêtres l’indiquent comme un don de Dieu ou encore des Dieux, pendant que d’autres fois, les scientifiques le résument par une évolution biologique naturelle. Ma mère a surtout eu le don de l’expliquer par notre lignée familiale. Habituellement utilisés dans des codes militaires pour créer un bouclier mental, une poussée physique ou pour les plus puissants de combattre des armées, certains utilisateurs les utilisent pour même maitriser un contrôle mental ou lire dans les pensées.

Entre ces innombrables usages, nul n’est certain d’où vient ces dons. De nombreuses théories se confrontent sur le sujet. Il est cependant très important de douter de ceux qui possèdent des capacités jamais prouvées. Ma mère a toujours prétendu que notre branche psionique a été connectée depuis des générations à chacune de nos ancêtres. Extrêmement sceptique à ce don, car jamais, on en retrouve ailleurs, ma mère s’est créée beaucoup de fantasmes à travers un régime qui ne permet pas d’avoir un espoir quelconque.

Cependant en repensant à toute cette histoire de malaise et de cette touche presque maternelle d’Ethan, je me souviens d’un autre détail. Ma mère m’a déjà parlé des soucis de sa génitrice dans le passé. Celle-ci, Ellia Pothra, a vécu une fin de vie assez mouvementée avant de passer au trépas. À cette petite réflexion dans mon esprit, je décide de laisser Ethan reprendre du sommeil pour fouiller dans des documents longuement interdits depuis les années. Cachés dans un mur, derrière une photographie du Président du Conseil de Carslam, plusieurs écrits, maintenant proscrits, s’y retrouvent. Depuis la purge des êtres psychiques, les familles avec ce potentiel, ont été largement éradiquées et effacées de l’Histoire. Pour ma part, quelques fragments sont restés. Comme la plupart des membres de ma famille, on a toujours eu un aspect à rédiger des carnets pour garder en mémoire notre existence et nos parcours respectifs.

Cette tradition a commencé surtout lorsque Jinora Pothra, une guerrière bien connue, sur le territoire voisin du Royaume d’Origorn, a vu et surtout subi le Fléau des Fanatiques Akhaniens. Ayant envahis notre terre assez tôt, ils ont rapidement brûlé la mère de Jinora, pour que sa fille devienne au mieux une vengeresse, et au pire complètement traumatisée. Elle est encore connue légèrement comme une guerrière ayant jouée légèrement sur l’imaginaire des chevaliers qu’elle a accompagné durant le conflit galactique. Maintenant cloisonnée dans ce Régime Totalitaire, Carslam a essayé longuement d’effacer les traces de l’Histoire Pothra, pendant que la région voisine, appartenant à Origorn tient toujours des archives à ce sujet. Silencieuse, je retrouve plusieurs de ses manuscrits dans le mur secret. Mes premières recherches tombent sur la vingtaine de manuscrits restants éparpillés à travers le mur. Une majorité a été écrite par ma mère, quelques uns viennent de ma plume et finalement les deux derniers appartiennent à ma grand-mère.

Malheureusement, les écrits de Jinora ont tous été effacées sur Carslam, mais pour ceux qui ont un peu de respect à l’Histoire, plusieurs de ces écrits ont été publiés et préservés dans la Confédération Jumarienne pour essayer de retracer le chemin de la Grande Guerre avec des témoignages directs de l’époque. Maintenant indifférente à cette histoire, mes yeux sont surtout tournés vers les pages écrits par la main de ma grand-mère. Mon rendez-vous médical est assez tôt dans la matinée, donc je peux chercher des informations des pensées, des rencontres, des aventures et du mariage de celle-ci.

Son premier livre est très bien écrit, composé avec une certaine forme de poésie, où elle a même collé des photos de son mariage avec Simon, son mari. Le premier carnet restant de ma mère est dans sa cinquantaine, où son visage est toujours jeune par les traitements anti-âge universels pour tous les êtres de l’univers, malgré des régimes récalcitrants sur cette technologie. Lire ce document a été bien plus facile, Ellia me fait même pensée à une certaine conteuse d’histoire dans ce premier carnet. Elle rêvasse lorsque la révolution sismantiste a été en train de faire son bout de chemin dans les premiers régimes politiques voisins d’Egoria. 

Passant une heure ou deux à lire le premier carnet, je me permets même de sourire en voyant une grande part d’innocence de ma grand-mère, pensant peut-être voir un réel changement dans les paradigmes de notre société. Peut-être que le Roi totalitaire va disparaître pour laisser place à un système plus juste et surtout plus égalitaire. Le deuxième carnet restant, devient plus intriguant. Sa dactylographie a complètement changé, devenant souvent plus maladroite et répétitive. Tout dans les mouvements de ses crayons s’aligne vers une impatience douloureuse. Souvent quelques de ses récits, vaguement décrits dans le passé, deviennent plus courts. Aux différences des deux époques, on peut croire qu’elle devient désillusionnée en percevant la réelle nature de la Révolution Sismantique. Mais non, parce qu’à la première rédaction du carnet, malgré une énorme déception de la part des élites aussi meurtrières que les derniers, ce qui la perce réellement dans ses défenses, c’est le moment où ses fantômes sont revenus…

En fait, ma mère a utilisé cette expression, mais je me souviens lors de mon adolescence d’avoir lu une autre raison de cette lourde dépression pour sa génitrice. Malheureusement, je n’ai pas le temps de finir de lire pour m’assurer d’un doute. À un voyage d’environ quarante minutes en marchant de l’hôpital, je dois me préparer. Curieuse et intriguée par cette question, j’essaie de ne pas réveiller Ethan en allant chercher un manteau pour supporter la poudreuse noire de la région. Dans une malheureuse légende, Carslam et ses retombées dans l’obscurité se définissent dans le symbole les cendres des martyrs brûlés subissant à chaque jour, le foudre de ce régime. D’un climat rigoureux, les trois lunes et le soleil, à l’apparence blanche, les nuages camouflent souvent cet aspect. Le ciel ne se veut que rarement visible pour nos yeux. Elle trompe l’œil. Elle se mystifie par cette brume, nous laissant un gout aussi amer que les dirigeants sociopathes et mégalomanes qui se remplacent. Manteau noir, avec un pantalon noir et des cheveux attachés maladroitement, mes yeux visitent le voisinage.

Chaque élément de cette banlieue se ressemble. Notre vieux voisin me salue de la main, portant presque les mêmes vêtements noirs que moi. En lui retournant les salutations, il continue son chemin sans se laisser jargonner. Tout Carslam a compris la raison pourquoi il est essentiel de ne pas trop dialoguer entre nous. La mort peut être souvent rapide, lorsque la dénonciation est rapide en vue d’une future promotion dans un ministère. Dans ce quartier, comme tous les autres, les maisons sont toutes identiques. Blanche, rectangulaire et d’une étage, toutes les ménages de Carslam sont dans cette conformité architecturale. Car, le Ministère des Ménages Domestiques a implanté des règles assez particulières pour une égalité absolue, même dans les maisons disponibles. Bien sûr quelques gestionnaires, secrétaires et proche du gouvernement ont des locations bien plus larges que les règlements officiels, parce que certains seront toujours plus égaux que d’autres.

De ces petites maisons, elles sont composées de tous les mêmes locaux : Une étage, composée d’un salon, d’une cuisine, d’une chambre – et parfois plus pour ceux qui veulent vraiment sacrifiés des enfants à ce système – et finalement une salle de bain. De cette exigence architecturale assidue, elle nous enferme dans l’horreur de cette fausse égalité Sismantiste. Suivant le trottoir, je passe ces maisons, où le seul moyen de différencier les habitations, est l’adresse placée à coté des portes. De mon regard abaissé au sol, les passants sont plutôt rares à cette heure. Je me dirige vers le secteur médical Est de la région, où la plupart des médecins habite à proximité du fameux hôpital. 

Après avoir traversé ma banlieue, je dois passer une route où la forêt est d’un silence particulièrement morbide accompagnée de nombreux grands arbres. Les oiseaux ont disparu, surtout depuis que le Gouvernement se sert de ce bois pour faire disparaître des opposants maintenant anonymes. Dévorés par leurs ziens, les aboiements, les craquements des os et les hurlements agonisants ont faits disparaître une grande partie de la faune. Cette forêt est toujours accompagnée d’une noirceur, où que la trace des fossés indique un passé sanguinaire, alors que les cadavres à moitié-dévorés nous rappellent la cruauté actuelle.

Passant à travers ce silence accablant, je remarque un véhicule lourd, où en arrière des sièges conducteurs du nombre de quatre, deux énormes cages sont ouvertes. Dans les maladresses étatiques de ce monde, il faut comprendre ainsi la devise du gouvernement : « On va toujours vous trouver quelque chose à faire durant votre journée de travail, même pour vos ziens enragés. » D’un œil observateur, je décide de passer le chemin, parce que l’un des policiers de l’État fait le guet juste à coté de la camionnette. Je sens son regard sur moi, présentant surtout une indifférence à ma venue, mais surtout une curiosité. 

Contrairement à tous les autres maisons, l’hôpital est visible. Grand, accompagné de plusieurs étages, ils surplombent tous les arbres dans les horizons. Sans vies autour, sa couleur blanche, presque neuve, créé un sentiment de disparité. Cet hôpital peut même terrifiée par son isolement.  Les maisons des médecins se retrouvent de l’autre coté de ma venue dans une région un peu plus riche. Sans vie autour, je me trompe deux fois pour trouver la porte d’entrée, me faisant même avertir sévèrement par le gardien de sécurité par l’intercom. En colère, il m’ordonne de rentrer par la porte sept. Silencieuse, je suis ces indications sans savoir où est cette foutue porte sept. Arrivant à me retrouver dans ce foutu accès dans ce labyrinthe géant, je suis les chiffres sur chaque porte pour enfin trouver l’entrée. Les longs couloirs blancs intérieurs ressemblent à toute cette apparence automatique commandée par le gouvernement. Ce n’est pas très important cette apparence, ce matériel est presque le seul pouvant permettre une autosuffisance structurelle.

La route de l’accueil est facile à prendre. Les panneaux me signalent le chemin à suivre pour trouver la salle d’attente. Dans ce fameux local ouvert complètement vide, je me dirige vers le réceptionniste, accompagné de rides et un visage abaissé vers son ordinateur. Le saluant avec émotion, son comportement me laisse un froid. D’une voix plutôt robotique vu son débit, son automatisme est insupportable. Indiquant mon nom et la raison de ma venue, il reprend. « Je recherche votre rendez-vous. » Me renseigne-t-il, pendant que je vois très bien qu’il a une seule ligne sur l’écran de son ordinateur par le reflet du blanc en arrière de lui. Attendant quelques secondes supplémentaires, ne déposant même pas un regard sur moi, il me pointe un couloir et me dit de me diriger vers le local numéro un. Ce comportement légèrement absurde ne m’amuse pas, le signalant en levant mes yeux dans le ciel devant la déshumanisation totale du réceptionniste. Je poursuis mon chemin après le désintérêt total de cette plainte à son égard. 

Passant ma main devant le petit carré rouge sur le coté, la porte magnétique s’ouvre en même temps que la lumière du local. Dans cette salle aussi aseptisée que l’hôpital, je vais m’asseoir en direction du lit, où un petit matelas rouge est placé. Enlevant mon manteau noir, je le dépose à mes cotés en attendant le fameux médecin. Replaçant mes cheveux pour former une petite couette sur le coté, j’essaie de me rendre plus vivante par le sentiment de la stérilisation autour de cette salle blanche et surtout du vide qui accompagne ce fameux hôpital. Entre l’agent de sécurité frustré et le réceptionniste complètement amorphe, rien ne me permet actuellement de créer une sensation de vivacité dans un endroit où elle doit  être encouragée. Dans ce local, je regarde les différents objets pouvant aider à comprendre d’où viennent les maux. De petits bâtons en bois pour vérifier la bouche ou encore un otoscope plutôt classique, je patiente doucement en regardant les différents outils médicaux.

J’émets un sourire sincère, lorsque je vois un médecin passé la porte. De sa blouse rouge-foncée, il est plutôt jeune. À son arrivé, il ne pose même pas un regard sur moi. « Antécédent cardiaque. » Ces deux premiers mots me laissent pantoise, pendant qu’il prépare à optimiser son scan, son regard ne s’est pas posé une seule fois sur moi. « Antécédent cardiaque, madame? » En répétant cette question, je le vois me fixer un regard jugeur et pratiquement dégradant. Sans se présenter d’avantager, du même âge que moi, mon sourire s’efface pendant je lui adresse enfin cette réponse attendue.

« Ma mère est morte de problème cardiaque. » À cette réponse, il laisse un soupire d’exaspération, puis de sa tablette médicale, il regarde enfin mon nom. « Eeiza Scott. »  Le médecin s’approche ensuite de moi et pose la machine du scan sur mon chandail blanc directement entre mes deux seins. Gênée par ce mouvement, je grogne légèrement à son manque d’amabilité. Son léger ricanement me laisse encore cette mauvaise impression d’un pervers.  Détachant cet engin de ma poitrine après, il regarde les résultats affichés sur le petit tableau de l’autre coté du scan. « Aucun problème au cœur. » Déposant le scan sur le coté, son regard est malsain et même rétrogradant. C’est peut-être une fausse impression que je possède de celui-ci, mais tout m’est hostile dans sa personnalité. D’un visage plutôt carré et d’une personnalité pressée, me faisant surtout pensée à un coté pressant, et même désordonné.

« Est-ce que vous mangez bien votre un repas obligatoire par jour? » À cette question, je lui réponds à la positive, ne manquant pas ce repas, car il est bien le seul repas disponible du Ministère de l’Agriculture. Frustré de ne pas trouver immédiatement la réponse à mes maux et sans bien sûr sans demander mes symptômes, il regarde de nouveau mon nom sur la tablette. Peut-être que pour lui, il est trop difficile de se souvenir de sa seule patiente de la journée… je ne sais pas, mais je sais être de mauvaise langue. Faisant descendre les données, je le vois descendre les informations. Puis, il remarque l’astérisque, qui lui donne un sourire hypocrite à sa petite barbe qui accompagne son menton. De cette seule observation, cette expressivité me laisse encore plus perplexe.

« Je crois comprendre le problème, Eeiza. » Commence-t-il de sa voix maintenant chevrotante. « Le problème n’est pas cardiaque ou elle ne vient non plus de votre nutrition. Elle est bien plus profonde. Tous vos soucis tournent autour de votre famille. » Et voilà, je suis tombée dans ce petit piège où parfois des idéologues sismantistes pensent que plusieurs maladies viennent carrément de notre défaut de ne pas croire à leur idéologie. Drôle manière de penser, alors que les officiels cherchent à nous répéter que l’aliénation de la religion permet ces aliénations irrationnelles. Au final, à l’absence de réflexions plus méthodologiques, matérialisme idéologique, religions et nationalismes finissent par tous se ressembler ; Ils vivent tous dans la même illusion d’une vérité.

« Il existe parfois chez les sujets de Carslam, un mal qu’il faut combattre à tout prix. » Sa voix faussement moralisatrice est encore plus abjecte, me faisant presque penser qu’il a peut-être averti la police secrète pour m’exécuter sur place. « Peut-être que c’est votre sang Pothra qui demande de revenir à tout prix, non? Pouvez-vous sentir votre psychique s’émerger sur des objets? Est-ce que vous ressentez un affinement de reprendre l’héritage de Jinora? » À ces multiples questions, encore plus nocives que pernicieuses, je le regarde avec une certaine sévérité. Dans ma franchise la plus nette et surtout la plus violente, je lui réponds :

« Vous divaguez. Je n’ai plus aucun attachement envers ce nom de famille. Cela ne me dit rien du tout. » Cette réponse ne lui plaît pas parfaitement, car entre des dons psychiques que je camoufle depuis des années et Jinora, se posant comme l’une des plus grandes guerres de la Régions à une autre époque, la cruauté du Régime peut être très rapide, lorsqu’un décideur affiche clairement un plan pour éliminer des faux problèmes. De ma voix intransigeante et sévère, il recule de ma position et referme les bras sur lui. « Êtes-vous certaine à 100% que l’esprit de Jinora est morte chez vous? »

D’une voix terne, convaincue et pleine de vérité, je relève le regard vers lui pour cette réponse qui peut facilement cassée le cœur de ma feu-mère : « Elle n’est pas morte ; Jinora et le sang Pothra n’ont jamais existé. »

Cette réponse l’a convaincu. Car même si cette prose est difficile à accepter pour ma sœur, elle est d’une réalité pour moi. Mariées nous deux, notre nom de famille a surtout disparu après la mort de ma mère, qui a toujours eu l’idée de respecté l’aspect de préservation du nom de famille malgré l’union. C’est pour cette raison que ma mère, et mes autres ancêtres ont tous préservées le Pothra après leurs prénoms afin de suivre cette ligne de conduite. Cette tradition s’est arrêtée, lors de ma demande du Fleur Rouge à Ethan. Aperçue et signalée par le gouvernement, ma vie a été préservée, mais ils ont obligé à ma sœur et moi d’abandonner tout symbolisme nous rappelant Jinora, les Pothra ou encore nos anciennes traditions psioniques.

Ma frangine a été légèrement frustrée par cette réécriture de l’Histoire, mais dans mon état d’esprit, il est plus important de rester vivantes que combattre un régime politique qui ne risque de jamais que par le nom. Même à mon avis, si on réussit réellement à se recomposer des forces, à unir les combattants psioniques, à trouver des alliés dans le Royaume d’Origorn et après de créer une Révolte, on risque d’être surpris par les tendances à prendre après une victoire militaire.

Avec ou sans affiliation avec un grand empire, que cela soit avec l’UST ou que cela soit avec le Royaume d’Origorn, Carslam ne sera jamais apte à adoucir sa réputation. Cette planète se réfugie depuis de la Grande Guerre à cette folie indisciplinée et sadique. Le nom des dirigeants et des titres peuvent changés, mais on revient toujours aux mêmes : La perspective d’un monde cruel, adepte aux génocides et à la caricature même du totalitarisme du pire. Il faut s’habituer à vivre dans ce monde et surtout à trouver des pistes de comment survivre à cette détermination sanguinaire. La mienne a été de me convaincre de minimaliser mon importance, de me résoudre devenir uniquement Eeiza au lieu d’incorporer toutes ces traditions.

Peut-être que ma mère se retourne dans sa tombe pour avoir une telle pensée, mais au moins par cette décision, ces deux filles ne vont pas la rejoindre dans sa tombe. À cette réponse au ce médecin, toujours aussi détestable que désobligeant, il fait quelques vérifications supplémentaires avec son scan. Vérifiant à vitesse la théorie d’Ethan sur la possibilité d’une grossesse, il se retrouve ainsi rebouter par les explications possibles à mes maux. Il a donc décidé de me donner le conseil le plus simple de l’Univers : Me reposer pour les prochains jours. Deux ou trois jours au maximum, parce que sinon le Bureau Sismantiste risque de ne plus voir mon utilité après.

À la sortie de l’hôpital, je reprends ma marche en direction vers chez moi, tout en pensant aux petites journées de repos permis par le Ministère de la Santé. À ces journées, je cherche d’abord à finir le carnet de ma grand-mère tout d’abord. Encore curieuse de cette démarche particulière, d’un souvenir, où ma maternelle m’a prétendu que notre lien spirituel avec nos ancêtres permet de nous renouer avec le passé ou encore de se faire maudire par celles-ci. De cette évocation surtout spirituelle, je demeure encore largement sceptique à toute cette histoire. Traversant encore cette route et cette forêt silencieuse, mon regard baissé sur l’asphalte noir, me camoufle du vide accompagnant maintenant ce chemin, apportant précédemment une faune vivante.

Toujours dans mes propres pensées, un bourdonnement dans mes oreilles me sort de ma concentration à mi-chemin. Ce bruit, m’interpellant, est plutôt intriguant. Au milieu de la route, je détourne mon regard vers une partie du bois, où je distingue, selon mes perceptions, une seule note d’un instrument de musique à corde interdit dans la région. Au loin, je distingue une couleur partielle, la différenciant des arbres de la forêt. Immobile et étrangement hors-contexte avec cette forêt, un assombrissement rends cette place encore plus effrayante. D’un rectangle rougeâtre, planté au sol, mes déductions me font surtout pensées à une porte. Mais lorsque je tente de me diriger vers le bois pour identifier cet objet, un bruit sourd, sauvage et violent me fait sortir de cette observation. La brutale réalité me fait revenir à mon esprit.

Un zien, les deux pattes en l’air, s’est approché en toute vitesse de ma direction pour éclabousser quelques goulettes de sang venant de ses babines. Ce grand monstre, dévoreur de chaire, est transformé par ces dresseurs pour être une incarnation de sa pire bestialité. D’environ un mètre, son maigre poil hérissé et ses yeux injectés de sang, cette pauvre bête représente réellement la cruauté de Carslam. Je tombe pratiquement au sol en percevant ce monstre, effrayée de me faire dévorer par son désir de sang. D’un rire moqueur, je vois, derrière le colosse enragé, l’un des policiers de l’État, maintenir la laisse métallique de cette bête. Tirant vers lui cette arme vivante, l’homme avec l’habit rouge foncé me sort quelques répliques, partagées entre le mépris, des idées moralisatrices et des remarques sexistes. Pendant que les trois autres policiers rentrent dans la camionnette revenant de leur mission macabre, le quatrième ricane toujours de ma position, tout en rentrant son zien dans l’une des cages.

Je me relève doucement, en portant uniquement un regard extrêmement sévère envers le policier. D’un mouvement vulgaire, il met sa main sur son pantalon directement sur ses parties avant de les remuer. « Toujours disponible pour réchauffer une petite penaude des quartiers de l’Est! » Dit-il avant d’éclater en hilarité. Il embarque ensuite avec les autres policiers pour partir en trombe. Les aboiements du zien s'attenuent après. Soupirant à ce départ, je me retourne une dernière fois vers la forêt, essayant de retrouver la forme que j’ai vue avant l’apparition de cette menace. Disparue dans l’ombre des arbres, je ne me pose pas plus de questions pour continuer ensuite mon chemin.

Retournant enfin dans mon quartier, le retour est plus tranquille. Elle s’exécute doucement par l’apparition de quelques anonymes, passant sur le même trottoir que moi. Enfin de retour dans mon domicile, je passe encore une fois ma main devant la serrure pour rentrer et trouver un peu de cette source, qui me semble plus sécuritaire qu’à l’extérieur. Dès mon entrée, je remarque un grand détail qui a changé dans le salon. Mon arc-à-flèche de chasse est installé sur les carnets que j’ai sortis dans la nuit. Cette arme est habituellement cachée dans une armoire, mais qu’Ethan a décidé de sortir pour peut-être me rappeler un autre fragment restant des Pothra. À l’époque de la Révolution Sismantistes, les armes en Altarium ont été largement bannies. 

Chacune des armes a été fondue ou scindée. Si certains ont vu cette politique pour couper court à toute future rébellion, cette excuse est totalement fausse. Même avec les armes de pointes des dernières heures, il est impossible de combattre un Gouvernement, soutenu  par l’une des plus grandes puissances de la Galaxie. La raison du bannissement de ces armes est surtout pour le symbolisme et pour plaire au Gouvernement Central de Stakringrad. Lame d’énergie, pistolet électrique, fusil-laser ou encore les particularités nano-technologiques de la région féodale ont tous été détruits, voulant réduire à zéro l’influence de l’extérieur ou encore du passé.

Sur les carnets, je retrouve l’une des dernières armes de mon enfance, où lorsque ma mère, toujours en pleine-forme, nous a amené dans la forêt voisine pour chasser. De sa courbe métallique, quelques étrangetés technologiques sont combinées pour cette arme, pouvant devenir rapidement très dangereuse. Jinora, comme toute sa descendance, a toujours eu deux principes très importants : Son épée en altarium, fusionné avec le principe nano-technologique, et notre potentiel psionique, toujours plus puissant dans la transmission des femmes. Si dans le deuxième cas, on le cache totalement ; j’ai eu la possibilité de transformer l’épée de Jinora en cet arc avant que les bureaux de censure m’enlèvent tout de mon passé. Oubliée et négligée de ma part, je retrouve le sourire en passant un doigt sur le stabilisateur métallique. « Yorlek, tu es toujours vivant? » Des petites lumières eu devant commencent à s’allumer. L’intelligence virtuelle se réveille dans son long sommeil pour me rappeler le nom des Pothra, et une partie ce que je suis, malgré mon propre déni.

Les deux premiers jours de repos ont été plutôt tranquilles et anodins. Redécouvrant ainsi la panique de ma grand-mère dans son carnet, certaines similitudes me sont très parlantes, mais je conclue surtout sur une coïncidence. Remerciant bien sûre Ethan de la sortie de cet arc à son retour, je me permets de mieux me retrouver. Ainsi, les deux dernières nuits ont été plutôt tranquilles, sans cauchemars et surtout d’une sérénité exceptionnelle. Dans ce nouveau sentiment de confort, je m’apaise aussi à redécouvrir la rédaction dans des carnets vierges.

Mélangeant poésie, réflexion et dessin, je me perds dans un style éclaté, ne permettant pas réellement de le comprendre sur la représentation de quelques dessins. Indirectement, je suis guidée à dessiner un grand cercle entourés de deux autres formes similaires. Sur plusieurs pages, ce dessin se répète. Obsession ou pas, je ne me pose pas de questions réellement. Mon esprit se repose et peut-être se guide sur un meilleur chemin. 

À cet allègement, j’ai cru sincèrement reprendre ma vie quotidienne, en ajoutant peut-être l’écriture des carnets dans le domicile. C’est à la troisième nuit, quelques heures avant mon retour à l’emploi, que le réveil a été plutôt brutal. Ethan m’a réveillé dans la nuit, pendant que les spasmes physiques et les cris d’épouvantes l’ont fait sortir de son sommeil. Saignant d’un œil et aussi des deux oreilles, mon pyjama blanc laisse une cicatrice de ce cauchemar complètement oubliée, me retrouvant complètement enfermé dans un autre mystère. Lorsqu’Ethan réussit à me réveiller, ces questions sont intempestives et mystérieuses. Je ne peux pas lui offrir une seule réponse de cohérente. Je n’ai aucune idée de quoi j’ai cauchemardé pour tomber dans un tel état.

Encore une fois, on retombe dans la même charade, les mêmes anomalies et encore plus de questions que les première fois. Au début, j’ai mentionné peut-être l’idée d’aller voir une deuxième fois un médecin, mais pour lui, la raison de ce mal ne vient pas d’une maladie biologique. Il s’est passé quelque chose cette nuit, où selon lui, j’ai parlé durant le cauchemar. Plutôt confus de la situation, il a encore voulu que je prenne un temps pour me reposer, justifiant encore mon absence par la maladie.

Au retour après sa journée de travail, il m’a avoué les peu de mots qu’il a entendu une phrase lors de mon sommeil, d’une voix complètement déformée. Grave, altérée et surtout énoncé par quelques mots mystiques, il est incapable de se souvenir exactement de la fameuse sentence. Il a été capable de retracer un ou deux mots dans son esprit, toujours en choc de cette matinée brutale. « Regarder » et « Poursuivre » sont ce qu’il se souvient de plus, mais il est encore en état de choc de cet évènement encore très étrange. Visiblement frappé par la dernière nuit, c’est à mon tour de faire un petit effort devant cette crise. Je suis consciente surtout de mon grand problème, parce que mon état d’esprit a largement été frappé par deux pensées complètement différentes.

Lors de mon réconfort, je me suis surtout ressourcée. Dans ce premier état d’esprit, j’ai retrouvé le carnet de mes parents, l’arc-à-flèche des derniers fragments de Jinora et aussi et aussi même me reconnecter avec mes attitudes psioniques. Dans le deuxième état d’esprit, où le cauchemar s’est réveillé, il est surtout de question de retourner à ma vie quotidienne au Ministère du Transport. Durant les moments où je me suis retrouvée sincèrement dans mes origines, la deuxième partie s’écrit surtout au retour à la normalité. Inconsciemment, je suis sincèrement affirmative à croire que cette tournure a alimenté ce retour. Manifestement choqué, je décide de faire un petit effort pour cette fois-ci le laisser respirer. Acceptant de prendre quelques jours de repos de plus, je décide à mon tour de lui faire une fleur.

Malgré ses craintes, je vais me ressourcer durant ces jours dans le profond de la forêt. Toute l’hostilité de cette forêt, elle s’est construite par ma propre perception et celle du nettoyage politique du Régime. Je lui assure de prendre toutes mes sécurités, allant même dans mes connaissances les plus approfondies de cette forêt. Jamais les policiers et les Ziens ne vont au-delà du un kilomètre par la crainte de se perdre dans son étendue. Je lui assure aussi que la plupart des prédateurs dangereux ne s’approchent plus du territoire, préférant surtout les montagnes, où les chasseurs ne s’avancent pas pour éviter d’être pris au piège. Entre les deux frontières périlleuses, on retrouve un territoire entre les deux, faisant ressentir cette sécurité. Préventive et amicale, je lui explique aussi ma théorie et encore, extrêmement inquiet, il m’explique un fond du problème autour de cette hypothèse : Si cette idée se confirme, les soins vont être difficiles. Il est laborieux de partir du territoire sans être dans une mission de propagande politique à l’extérieur des frontières.

À cette inquiétude d’Ethan autour de cette option, je lui confie uniquement d’attendre avant de se lancer une telle conclusion. Cette impression est peut-être fausse. Pour toutes personnes habitant sur le territoire de Carslam, on pense un jour partir de ce territoire, mais en réalité, c’est extrêmement déconseillé. Si un agent du Ministère de l’Intérieur se rend compte d’une recherche de fuite collective, c’est souvent tout le groupe qui disparaît : Soit sur une planète de rééducation, soit dans une fosse commune. Dans ces deux options possibles, il faut éviter à tout prix les deux. Répondant ainsi à chacune de ses nervosités, il est soulagé. Je le ressens au profond de lui, parce que je sais très bien qu’il a aussi besoin de repos. Je ne peux pas continuer à lui faire subir une telle pression et c’est logiquement mon seul moyen de lui laisser peut-être deux jours pour respirer. Puis avant que je me prépare à partir, il m’a avoué que son responsable est très conciliant autour de mon horaire – me faisant comprendre, qu’à toute évidence, une employée à ces fonctions est à tout fait est remplaçable. – Donc, je peux facilement profiter de ces congés pour encore mieux me ressourcer. 

Ayant préparée deux sacs, dont un réservé surtout à la chasse, à la nourriture et à ma tente. Le deuxième sac est plutôt pour l’arc, le sac de couchage et quelques autres outils. Préservant ses produits depuis plusieurs années, la plupart des outils date d’une autre époque. Les couleurs bleus du sac de couchage sont maintenant interdits et ils viennent de l’époque bien avant le durcissement des principes sismantistes. Avec un permis de chasse encore valide, je profite du laxisme des saisons pour l’enregistrer officiellement et éviter tout problème légal après. Avant de partir en direction de la forêt, j’ai aussi vérifié la météo. On commence à perdre la poudre noire pour une pluie fine pour les prochains jours.

Souriante, c’est souvent cette température que je privilège. Faisant fuir les adeptes du soleil clair, la tranquillité d’esprit est bien plus marquante pour ma part. Lors des sorties avec ma mère et ma sœur, j’ai toujours adoré entendre la pluie heurtée sur notre tente, me rappelant le monde extérieur de notre contrôle. Après toutes ces vérifications, je me lance. Bien visible durant mes premières traversées dans le quartier, je deviens plus une anonyme, lorsque les arbres commencent à effacer l’effet de la civilisation. Habituée à toujours prendre la même piste, je m’inquiète surtout à ce que je peux trouver sur le chemin. La camionnette d’exécution publique a été proche du chemin. Son accès facile et sa popularité pour les fins-connaisseurs expliquent les raisons des exécutions publiques dans ce secteur.

Mes bottes écrasent la boue causée par la fine pluie. Je deviens très prudente à mes premières avancées sur ce chemin accidenté. Des empreintes de pieds sont toujours visibles, mais elle date de plusieurs jours. Après quelques minutes de marche, le pire est présent. L’odeur m’avertit. Cette puanteur incessante, avec le seul bourdonnement des moustiques, me donne déjà l’image de cette horreur. Au mutisme de cette forêt, mon odorat et mon ouïe ne me trompent pas. Je m’arrête en face de la silhouette déformée par les morsures et les cruautés bestiales des ziens. Dans ce sombre dessein, je soupire, commençant à contourner cette difformité volontaire. Son visage est maintenant coupé nette, pour laisser juste une place à un manque facial, où les asticots dévorent les derniers morceaux de la chaire. « Mon pauvre. » Dis-je avec une levée de cœur.

Après avoir contourné cette victime anonyme, je continue mon chemin, décidant de ne pas dévisager encore le cadavre du pauvre humain qui a subi les foudres du Régime. Je m’enlève cette idée de la tête pour retrouver au bout de quelques kilomètres enfin le bruit des insectes et des petits animaux. Respirant, je me souviens encore du conseil de ma mère lors de la chasse d’une proie. On doit toujours respecter l’animal chassé. Il faut surtout viser droit et surtout être mortel pour éviter la souffrance de sa cible. Plus jeune, avec ma sœur, on a chassé ensemble ici, entre l’arbre crochu et la grande pierre. Piégée dans cette petite nostalgie, mon sourire s’agrandit. Dans un souvenir proche de ma famille, je continue sur le même chemin. À cette petite promenade innocente au début, ma mère nous a parlé de comment sa génitrice lui a tout apprise sur la chasse, mais aussi sur la vie. Dans ce rappel familial, je décide de me remémorer d’un petit extrait qui me laisse toujours très perplexe dans les archives maintenant enregistrés de ma grand-mère. « Yorlek, lis-moi le chapitre de le Gouffre d’Ellia Pothra. » Maintenant devenu mon compagnon, cette intelligence virtuelle peut servir autant pour mon arc à flèche en choisissant la nature et la dangerosité de la flèche tirée, que faire de diverses tâches comme la lecture ou encore pour me citer les grandes communications du Régime. Comme chacun des chapitres, tout commence par le nom de l’auteure, le titre et deux dates. « 13 Septembre, Année 12 après la Grande-Révolution. 13 Septembre 591 après la Chute-du-Feu-Rouge. » Ces deux dates me permettent mieux de nous retrouver, parce qu’on garde un pied à l’extérieur du Régime, tout en restant dans les dates officielles du Régime Sismantique. 

« Au début, je ne peux pas décrire réellement de ce que je voyais. Avec Simon, mon mari, nous essayons de retrouver les raisons du pourquoi du trouble de ma nuit. Jamais, je n’ai souffert autant dans ces nuits mouvementées. Je ne sais pas pourquoi, mais je confondais facilement la fermeture de mes yeux et les cauchemars qui m’entouraient. J’avoue avoir peur du noir, parce que tout a commencé ainsi. Consciente de mon sommeil, je me retrouvais dans un monde complètement obscurci où j’entendais le pas de mes pieds au sol. Indifférente au début, cette vision envahissait chacune de mes nuits, comme si elle gagnait du terrain.

Et dans ces ténèbres cauchemars, je me suis rendue compte d’une chose… on m’observait derrière cette noirceur. Un être était présent et il m’observait de tout mon cru, connaissant la profondeur de mon âme, connaissant mes tendresses, mes amours, mes peurs et mes souffrances. Il était impossible de lui cacher quelque chose, car son seul œil invisible me transperçait par la puissance de cette obscurité. Cela devient insurmontable de supporter cette vision difforme. »

À ce message encore estropié par les sentiments et cassant avec sa quiétude habituelle, la santé mentale de grand-mère s’écroule ensuite pour affecter énormément notre famille. Dans la suite de son carnet, quelques années avant son suicide, elle ne s’est jamais remise des nombreux cauchemars, la touchant. Elle a perdu ainsi un grand intérêt central à cette vie. Effrayée de tomber dans le même cheminement, je suis soulagée de retomber sur un sujet aussi anodin que les bruits des animaux interrompant ce silence envahissant. Avec un petit sourire, je lève le front pour accueillir quelques gouttes sur mon visage de cette fine pluie tombant toujours et effleurant les feuilles des arbres. En retrouvant la vie de cette nature, je me remémore parfaitement de la place où ma mère a planté notre tente durant notre enfance.

Arrivant sur place, le lieu est pratiquement identique au départ. Installant mes deux sacs à proximité des arbres, j’enlève quelques branches avant d’installer dans la tente à sa place originale. Des multiples bruits de feuilles ou à la stridulation des criquets, ma concentration est surtout dans cette élaboration plutôt primitive de cette forêt. Cette nature me rappelle comment les rénovations ont tout tourné vers un perfectionnisme malsain. Aujourd’hui sur Carslam, même les maisons sont préfabriquées pour être installé par des grands navires de construction du ciel. À cette rudesse de taper des clous par mon marteau, j’entends un mouvement en arrière de moi. Par le bruit des feuilles, l’animal doit être un peu plus gros que la moyenne. Arrêtant un moment de faire ma tente, je me tourne vers ce lieu pour communiquer en direction de ce précédent mouvement, d’où que j’ai fait le chemin précédemment.

« Quelqu’un est là? » Demande-je assez fort pour le randonneur surprise l’entende ou encore pour faire fuir les grands animaux pouvant être à l’alentour. Retournant dans le silence après cette action, nul être ne se manifeste après. Je retourne doucement à finir installer mon camp pour les deux prochains jours. Après ce travail fait, je rentre mes deux sacs dans ma tente pour commencer à le loger.

M’assoupissant dans ma tente, je m’enferme dans mon sac de couchage. Retrouvant ainsi la fine pluie battante sur ma tente, mélangée par le bruit des animaux et des insectes, ma respiration devient sereine. Libre de quelques mouvements, je commence ensuite à fermer les yeux et à faire le vide à travers ma personne. La petite ondée devient une petite balade afin de me réconforter. Mélangée avec le bruit des animaux et des insectes, je retrouve mon enfance, mais surtout une partie de mes origines. Cette perception est capitale pour sentir la composition de l’équilibre de cette vie. Je respire doucement, piégeant mon souffle dans un rythme régulier. Je ressens enfin un calme que je n’ai jamais pu trouvée depuis les derniers jours. 

Le bruit du vent dans les feuilles, les Arymorths qui lancent des petits avertissements aux autres membres de son espèce pour les alerter contre les prédateurs et les insectes qui répètent sans cesses la même chanson ; tous ces facteurs m’aident énormément à me fixer. Nul n’a besoin d’un grand silence pour dormir, il suffit de se savoir connecter avec cette nature si parlante. Sans pouvoir dormir pour autant, cette énergie me redonne la force de ressentir cette nature et ces animaux aux alentours de moi. Levant doucement une main vers mon visage, je me concentre doucement pour que mes pouvoirs psychiques s’animent de nouveau. Une lueur jaune apparait ensuite autour de ma main. Gardant mon attention, je pose délicatement mes doigts au sol.

Sur les deux prochains kilomètres, je vois les formes d’animaux et d’insectes qui se déplacent durant la nuit. Un petit prédateur a réussi à attraper un petit Arymoth, essayant de fuir dans sa tanière, malgré les alertes de ses compagnons. La pluie tombante permet aussi de tout relativiser par cette injustice loi de la nature, surtout par la petite proie maintenant dévorée. Ce sentiment m’a tellement manqué.

Sursautant par un bruit à proximité, j’entends la voix de Yorlek, mon intelligence virtuelle, répétée le début du message du gouffre, je ne peux pas m’empêcher de lui lancer sèchement un : « Ferme-là! » Connaissant l’âge de l’engin, il s’agit peut-être d’un léger dérèglement dans son système, mais habituellement, cette machine sait s’éteindre à un ordre simple. Continuant à répéter le récit de ma grand-mère, je ne peux m’empêcher de m’asseoir en soupirant de frustration fixant mon regard vers le sac où se retrouve Yorlek.

« Et dans ces ténèbres cauchemars, je me suis rendue compte d’une chose… on m’observait derrière cette noirceur. Un être était présent et il m’observait de tout mon cru, connaissant la profondeur de mon âme, connaissant mes tendresses, mes amours, mes peurs et mes souffrances. Il était impossible de lui cacher quelque chose, car son seul œil invisible me transperçait par la puissance de cette obscurité. Cela devient insurmontable de supporter cette vision difforme. » Je m’attends au mutisme de sa voix automatique après. Mes yeux se fixent nerveusement à mon sac où le carnet est placé, normalement le bruit statique s’éteint en même temps que la fin d’un enregistrement lorsque…

« Il va venir, il va te regarder et il va te poursuivre. Il le fait en tout temps. Sans nous laisser comprendre ce qu’il veut de nous. Nous ne pouvons que le regarder occulté par les ombres, complètement impuissante. Dans sa misanthropie, soit tu l’acceptes, soit il te détruit. Je ne sais pas si je peux l’accepter, je ne sais pas si je peux être détruite, mais mon destin est à lui, parce que nous existons grâce à ce regard imperméable qu’il pose sur nous… »

Sortant de mon sac de couchage, je saute sur mon sac pour pratiquement le déchirer afin de l’ouvrir. Cet écrit n’a jamais été dans le carnet de ma grand-mère, je ne comprends pas ce qu’il est en train de se passer. Peut-être qu’il lit un autre chapitre, mais comment est-ce possible? Sans connaître par cœur chaque paragraphe les deux carnets restants de ma grand-mère, je connais une grande partie des écritures de celle-ci. Bizarrement, peut-être par la panique, je ne retrouve plus le carnet, comme s’il est enfoui dans les mêmes vêtements, armes ou produits de chasses que je suis en train de sortir éternellement. Je dois me calmer avant tout, peut-être que je suis dans mes illusions et dans ma déchéance. Je retire mes doigts de mon sac, reprenant mon souffle devant cette immense absurdité. Fermant les yeux, ma concentration est au maximal, mais je suis dérangée par autre chose, non par la voix de Yorlek, mais par un silence absolu complètement anormal, faisant disparaître tous bruits des animaux, des insectes et même de la pluie.

Ouvrant ma tente par curiosité, je n’ai pas le temps de sortir ma tête de mon abri qu’un hurlement strident et insupportable me projette au sol. Me bouchant les oreilles naturellement avec mes mains, cela confirme mon soupçon d’un nouvel cauchemar s’éveillant dans mon esprit pour encore mieux me briser. Le sang coulant des oreilles et un nouvel mutisme me font relâcher la pression sur mes oreilles, ouvrant un œil vers l’extérieur. Maintenant, il est possible de sortir de ma tente. Cette morose réalité envahit le sombre dessein de la nature m’entourant.

Les arbres, maintenant crochus et noirs, accompagnent un sol plongé dans les ténèbres. Au loin, mon regard s’arrête sur deux énormes tours gothiques surplombant les arbres… Penchée légèrement sur une partie du mur, je pense percevoir enfin le mystérieux invité de ce cauchemar. La pauvre victime, dévorée par les ziens,  est maintenant soufflée par une deuxième vie morbide. Celui-ci m’observe malgré son visage manquant. Dès que mes yeux se fixent sur ce monstre, celui-ci se cache derrière les deux énigmatiques tours gothiques noires. Je détourne ensuite mon regard vers les nuages. La seule chose qui est maintenant visible dans le ciel, cassant toute connaissance de la réalité, est cette lune rouge, semblant grandir et envahir les ombres de mes cauchemars. M’amenant au plus profond de l’ignorance, cette image me reste en mémoire pendant de longues minutes angoissantes.

Puis, tout disparaît d’un coup. Je me réveille debout, mes pieds s’étant écorchés sur des arbustes à proximité, en regardant les trois lunes grises qui ont toujours marqué Carslam. Je remarque facilement le sang sur mon habit, ayant coulé de mes oreilles, mais aussi de l’un de mes yeux. Soupirant de soulagement en réentendant la faune et en ressentant la pluie sur mon visage, je me retourne violemment en entendant Yorlek.

« Il va venir, il va te regarder et il va te poursuivre. »

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Lydasa.
Posté le 14/07/2020
Pouette
Bah voilà j'ai dévoré le deuxième chapitre.

Clairement j'ai du mal a y trouvé des points négatif, a par quelque répétition au tout début avec le passage du médecin.

Non je matins le faite que tu as vraiment un belle plume, tu arrive a retranscrire l'horreur de ses rêves a tel point ou a la fin je me suis totalement sentie angoissé. On avait parler des cauchemars toute les deux, des Creepypasta, et ce rêve... ce rêve est clairement dans le contexte. C'est si fluide a lire que c'est passé tout seul, moi qui angoissait a cause de la longueur en faite non, on s'y prend tellement bien dedans que c'est finalement rapide a lire.

Clairement on peut voire ça comme une histoire d'horreur sur la fin et aussi le début, on ressent la lourdeur des visions.

La description du mouvement politique en place donne vraiment une idée de leurs condition de vie, elle me fait pensée a la Corée du Nord avec ce régime totalitaire et arbitraire. J'ai aussi exploser de rire quand tu as écrit "Zien" je vais appeler le miens gros vilain zien maintenant.

Il y a juste quelque chose qui me chiffonne et que je relève dans le prologue et premier chapitre. Ils sont humains? Ou sont des extraterrestre avec un aspect physique different? Tu parle des hommes oiseau mais quand tu aborde t'es protagoniste on ne sais pas trop sous quel aspect les imaginer, alors je les imagine humains ce qui doit surement être faux.

Bref je passe a la suite dés que je peux, je pense que je vais dévoré tes écris.
Knaaki
Posté le 18/06/2020
C'est pas du tout flippant comme fin, ça, dis donc ! xD

Non, en vrai, j'aime beaucoup ce chapitre dans son fond. J'aime beaucoup le personnage principal et l'ambiance qui l'entoure, c'est plus dynamique que précédemment. T'as un côté sombre, un peu angoissant, à la thriller, avec ce côté aussi vie normale d'un côté, mais un peu pesant. Je trouve que ça marche vraiment bien !

Et ton worldbuilding, aussi, mamamia ! 'fin c'est pas nouveau, mais je l'aime vraiment ! C'est un univers super complexe, tu l'as développé à fond, et ça se ressent. Le truc de la nourriture et de la médecine, j'ai trouvé très intéressant, notamment sur ce que ça peut amener comme tensions par la suite.

C'est toujours côté construction et forme que je bloque un peu. T'as deux choses qui me gênent, et que je remets à chaque fois mais je pense que c'est important.
– Tu as une très forte tendance à séparer la présentation de ton univers de ton fil d'intrigue, ce qui est dommage parce que t'as vraiment moyen d'intégrer les informations dans le fil de narration juste en changeant la construction de tes phrases et en filtrant les informations essentielles et celles les secondaires. Tu dis toujours beaucoup, beaucoup de choses qui des fois ont du sens dans la compréhension, des fois non. Et ça ralentit énormément la lecture. C'est surtout présent au début, parce que tu intègres davantage les informations dans ta narration par la suite.
– Tu utilises beaucoup de participes présents, beaucoup, beaucoup, ce qui fait que beaucoup de tes phrases se rallongent pour pas grand-chose.

Voili voilou ! En tout cas, ça commence à devenir vraiment intéressant, avec cette histoire d'ombre et de maladie. Ça réserve des surprises pour la suite !
BearOmega
Posté le 18/06/2020
Merci grosse calamar, je vais tenter de corriger mes défauts à ma réécriture!
SollyR
Posté le 07/06/2020
J’ai bien aimé le personnage de Eeiza qui est connecté à sa famille. En particulier sa grand-mère, sa mère ainsi que sa sœur. Elle a l’air d’être une personne douce et innocente, déjà qu’elle se marie a un homme, tout en sachant son homosexualité…

Je me pose des questions liées à ses rêves. Quelles sont leurs significations ? Pourquoi ont-ils un impact aussi puissant sur elle à un tel point qu’elle saigne lorsqu’elle rêve ? Au moins, elle a un mari qui cherche à la soutenir en la proposant d’aller à l’hôpital.

L’environnement dans lequel vit Eeiza est extrêmement inquiétant et ténébreux. Déjà, être obligé de manger un repas périmé… tout n’a pas l’air d’être enjoué pour eux.

J’aurais aimé qu’il ait plus de détail sur la révolution Sismantiste. Je n’ai pas trop compris en quoi il consistait. Mais surement que ce sera expliqué plus tard, je n’en doute pas.

Tout de même, il y a de l’intrigue dans ce chapitre ! Déjà la phrase : « il va venir, il va te regarder, il va te poursuivre » laisse une ouverture à la fin. Sur tout que son mari l’a entendu prononcer ces mots durant son sommeil. En plus, le Yorlex là d’ailleurs répété !

Pourquoi, pourquoi et pourquoi ? XD

Sur ce, je te souhaite bonne continuation pour tes chapitres ! J’ai hâte de découvrir le prochain personnage. <3
BearOmega
Posté le 07/06/2020
Merci encore beaucoup pour ton retour, ma Solly.
J'espère que la suite va te plaire. ;)
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