Douce rêverie

Un merle chante

 

De ma main ouverte, le sable s’écoule tranquillement. Il se disperse dans le vent qui l’entraine. Il est comme les jours que je laisse filer sans que je puisse les retenir, sans que je puisse les ralentir. Je suis indolent, à regarder filer ces jours qui s’en allant, ne laissent qu’une trace fugace dans mes articulations qui doucement se figent pour un repos qui va s’éterniser.

La nuit d’hiver, assombrit les horizons, jette un voile terne sur ma rétine qui tarde à décoder les couleurs, le paysage devient gris.

Sur la balustrade, un oiseau noir s’est posé.  Il n’est pas très gros, son bec est jaune. Il me regarde. Je fixe son œil droit, mais mon regard reste triste. Son bec s’ouvre, claque une fois, deux fois, reste entrebâillé, en attente. Un sifflement long et monotone s’échappe. Une autre modulation se superpose, plus douce. Il continue, son œil me fixe. Peut-on remarquer un sourire dans l’œil d’un merle ? Les notes changent et font un assemblage étonnant. Je ferme mes yeux, j’oublie l’oiseau. Les notes du chant de l’oiseau me pénètrent, m’envahissent. Illusion auditive, je crois reconnaitre les premières notes de la flûte du Boléro de Ravel.

Dans ma tête, la caisse claire commence à battre le rythme comme un leitmotiv qui m’entraine et fend la brume devant moi. Je ne regarde plus l’oiseau qui lui continue de jouer avec son bec. Le bec de la clarinette est venu s’insérer comme pour répondre à une question de la flûte. Derrière moi, un pizzicato des violoncelles me donne des frissons le long de mon dos endolori. Le vert du sapin qui orne mon jardin m’apparait. Deux hautbois jaloux reprennent le tempo entrainant dans cette fête mystérieuse. Dans un déchirement du ciel, j’aperçois une trace bleue. Les trombones miaulent leur gaité, courroucés de n’avoir que si peu été entendus. Conscients de leur superbe, les violons s’engagent dans le débat. Un arc de soleil rouge s’est inséré sur la ligne des crêtes.

Je suis seul, mais un orchestre m’entoure. Sa musique remplit mon esprit, mon âme, tout mon corps. J’ouvre les yeux, je lève la tête, le ciel est clair, ma mie arrive avec son doux sourire, elle m’offre un café. Un autre sourire glisse sur mes lèvres, l’oiseau s’est envolé.

 

© Pierre Delphin – 20 décembre 2021

 

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Didie Clau
Posté le 11/01/2022
Quel magnifique hymne à la vie et au temps qui passe ! J'ai été emportée par votre style, votre poésie et la vision du monde qui nous entoure. Quand on fait le silence en soi-même, que notre esprit arrête de produire des idées parasites, c'est un monde enchanté et merveilleux qui s'offre à nous et qui attend juste qu'on y prête attention. Ce que vous avez parfaitement su transcrire dans votre récit.
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