Douce nuit... sainte nuit - 5 décembre

5 DECEMBRE

« DOUCE NUIT … SAINTE NUIT »

Son doux parfum flotte dans ma chambre. Chèvrefeuille. La lumière tamisée de ma veilleuse se reflète sur son visage. Elle me sourit et passe sa main dans mes cheveux.

- Réveille-toi Emma, le père Noël est passé. Je crois que tu as été très sage cette année.

Je baille et m’étire. Il n’y aura rien sous le sapin. Je le sais. Je ne suis plus une petite fille. Je sais que papa n’a plus de travail. Remplir le frigo est de plus en plus difficile. Je l’entends pleurer parfois la nuit, quand il croit que je dors. Papa ne sourit plus. Il est courbé, comme les papis, car la vie est un poids trop lourd.

Maman m’attrape la main et m’aide à descendre l’escalier. Encore ensommeillée, je perçois à peine le sapin dans la nuit. Papa rouspète et m’ordonne de retourner me coucher. Il comprend vite que je n’en fais qu’à ma tête et me rejoins. Il ouvre de grands yeux ronds et se fige. Je me précipite vers l’interrupteur. Quand la lumière jaillit, son visage est aussi blanc que la neige de Noël.

Je hurle de joie et me précipite vers les cadeaux. Incroyable ! La poupée qui me faisait tant rêver dans la vitrine du magasin. La robe en dentelles que j’espérais, sans y croire. Ho ! La maisonnette en bois du catalogue. Les papiers aux mille couleurs volent dans tous les sens. Je prends le cadeau sur lequel est inscrit « papa » et le lui ramène. Il tremble, comme une feuille d’automne.

Il tend la main et lit la carte accrochée avec un fil de nylon rouge.

« J’espère que cette montre te donnera le sourire. Je t’ai vu l’admirer, jour après jour, chez l’horloger. Joyeux Noël, mon bien-aimé. Ton épouse adorée ».

Les larmes coulent sur son visage. Il tombe à genoux au sol. Une odeur de chèvrefeuille flotte dans l’air. Il revoit encore et encore ces images qu’il n’oubliera jamais. Le crissement des pneus sur l’asphalte. Le hurlement de maman. Un chauffard ivre. Le silence assourdissant.

Maman est décédée l’année dernière.