Donnez-moi des conseils en amour, soldats !

Notes de l’auteur : Bon, il est vrai que j'ai peut-être un peu menti lorsque j'ai dit que c'était inspiré de faits réels...

Gilles Hobbson et son mari Alan Hascker s’étaient recontrés à Noël, à New York, à minuit. Les lampes festives de la ville irisaient les facades et une lègere couverture de neige couvrait tout de sa douce blancheur. Les deux voulaient oublier leurs problèmes et se vider le crâne : chacun errait sans but dans le monde nocturne de cette ville, entourés par les nombreuses familles heureuses et le couples qui s’aimaient. C’est devant un grand sapin de Noël que le deux se croisèrent : Hobbson marcha juste à côté d’Alan, puis trébucha sur une plaque de verglas. Il tomba, tomba, tomba… et s’étala la tête la première sur le sol. Alan ne le remarqua pas, puisqu’il avait le dos tourné et des écouteurs dans les oreilles. 

Plus tard, c’était la Saint-Valentin, et Hobbson comme Alan avaient chacun accepté un blind-date. À leur grande surprise, ils se trouvèrent chacun en compagnie d’une personne aux goûts horribles et à l’opinion politique tellement douteuse qu’elle ne devrait surtout pas être décrite dans ses lignes. Les deux compères rentrèrent ainsi chacun chez eux, amères, pensant décidément qu’ils ne trouveraient jamais un partenaire dans ce monde de fous.

Plus tard, bien plus tard, les deux se retrouvèrent à nouveau dans la même ville. Enfin, comme ils étaient chacun dans un appartement différent, d’un bout à l’autre de la ville, ils ne se sont jamais vraiment recontrés, donc je vois pas pourquoi je vous raconte ça.

Je vous passe donc tous les détails, mais après beaucoup d’expériences foireuses, des crises existentielles passionantes et des aventures palpitantes, Gilles Hobbson et Alan Hascker se rencontrèrent dans un bar, entre amis, où ils burent comme des trous et finirent dans le petit appartement d’Hobbson pour y faire l’amour comme des bêtes jusqu’au petit matin. 

Et c’est à peu près là qu’ils surent qu’ils finiraient leurs jours ensemble.

 

 

Quelques mois plus tard, le commandant Hobbson prononça : « J’ai besoin de vous pour sauver mon mariage. »

Cette nouvelle fut accueillie avec la stupéfaction générale de quelqu’un qui venait d’apprendre que sa petite amie était en réalité lesbienne et sortait avec sa mère depuis des années. Inès, Thomas et le reste de l’escouade restèrent tous silencieux, tandis que le visage du commandant demeurait de glace. 

C’est alors que quelqu’un toqua à la porte, articulant « Excusez-moi ? Tout va bien, ici ? » puis entra suite à l’absence de réponse. 

C’était un petit homme entièrement chauve, dans la soixantaine, propriétaire de l’hôtel à ses heures perdues. Il nota toute la population assez hétéroclite de la chambre, puis s’adressa au commandant Hobbson : « Aviez-vous fini ?

— Bientôt oui, nous devrions partir dans une dizaine de minutes, répondit Hobbson.

— Si vous pouviez vous presser un petit peu… Ne le prenez pas mal, mais les voisins vont commencer à se poser des questions, et avoir des militaires si tard le soir…

— Je comprends parfaitement.

— Surtout des connards d’amerloques, ne le prenez pas mal…

— C’est bien naturel.

— Alors en plus il y a des gradés et s’ils se retrouvent tous à poil, vous comprenez, on a pas envie de tarlouzes ici…

— J’imagine. »

Le propriétaire sourit comme un serpent qui venait d’avaler une portée de souris devant leur mère, puis quitta la chambre sur la pointe des pieds. Une fois qu’on entendit le bruit de ses pas s’estomper, Thomas fit une grimace et se tourna vers le commandant : « Chef ! Vous avez entendu ça ?

— Bien sûr que je l’ai entendu, soldat. C’est révoltant.

— Comment vous avez pu tenir le coup comme ça ?

— J’aimerais ne pas faire de remous, soldat. Tout de même, dire que le propriétaire d’un hôtel soit autant concerné par les rumeurs et les bassinages de ses voisins est navrant » soupira le commandant alors qu’il s’assit dans un coin.  

Tous les soldats présents hochèrent la tête en chœur. Inès, elle, eut un léger temps d’arrêt, puis regarda le commandant d’un air confus, ne parvenant qu’à articuler un éloquent : « …Quoi ?

— Mais entrons dans le vif du sujet, commandant, commença Thomas, qui venait de finir de mettre ses vêtements. Vous avez parlé d’un groupe terroriste, c’est cela ?

— Soldat, ce n’est pas cela la priorité, repliqua Hobbson d’une voix sèche. Avant tout, j’aimerais que vous m’aidiez à réparer ma relation avec mon mari.

— Chef, vous êtes sûr que vous ne voulez pas qu’on s’occupe des terroristes plutôt ? essaya le soldat Jenkins, convaincu de poser une question juste.

— Soldat ! Insinuerez-vous que je passe ma vie personnelle avant mon travail et la protection de ma patrie ?

— Euh, non…

— Bien sûr que les terroristes sont plus importants, je ne suis pas aveugle. Mais j’aimerais régler mon problème de couple tant que le sergent Jefferson et que Mme Inès sont là. Après tout, il ne faudra pas plus de quelques minutes au téléphone pour régler un différent de couple qui dure depuis des années, n’est-ce-pas ? »

Le soldat Jenkins hocha lentement la tête, chuchotant un « Chef, oui chef » apeuré, conscient que ce n’était pas spécialement la chose la plus juste à répondre. Mais bon, la justesse, elle peut aller se rhabiller, elle prend pas le risque de devoir faire des séries de pompes jusqu’à la mort, elle.

« Soldat Jenkins, tant que vous y êtes, allez voir le propriétaire pour payer le séjour du sergent » ordonna le commandant, et le soldat Jenkins ne se fit pas prier plus longtemps. Il quitta la pièce avec la prestance d’un élève qui a enfin entendu la sonnerie de fin des cours.

Enfin tranquilles, le sergent Thomas Jefferson se tourna vers son chef et fit une dernière tentative : « Alors, commandant, par rapport à ces groupes terroristes, quels sont leurs noms ? Leurs effectifs ? Leurs bases ? Leurs moyens ? Leurs avantages ? » 

La réponse du commandant fut immédiate : « Nom : Alan Hascker Hobbson. Effectif : une personne seulement. Base : un loft dans Brooklyn qui coûte à mon avis bien trop cher. Moyen : important, c’est un avocat. Avantage : il a la mainmise totale sur mon cœur. »

Il y a pas de mots pour exprimer tout le self-control employé par le sergent Thomas pour ne pas rougir. Pas besoin de les exprimer de toute façon, puisqu’il échoua. Sans réfléchir, Inès fit diversion en prenant la parole (et, bien qu’elle ne l’admetterait pas, elle rougissait aussi) : « Mais, pourquoi vous demandez notre aide ? Je ne connais ni vous, ni votre mari…

— C’est très simple, mademoiselle. Sachez que durant mon observation de votre relation, j’ai pu constater que vous étiez chacun les rois absolus du mensonge et de la tromperie. Je crois que je n’ai jamais été le témoin d’une relation aussi fausse et toxique. 

— Merci, chef ! répondit Thomas, les larmes aux yeux.

— Allez vous faire foutre, compléta Inès.

— Ainsi, j’écouterai vos conseils et, quoi que vous me direz, je ferai l’exact inverse. Je ne pourrai qu’obtenir de bons résultats.

— J’ai une idée alors, débuta Thomas. Pourquoi pas ne jamais l’appeler, ne jamais s’excuser pour quoi que vous ayez commis -de toute façon, ce n’est pas de votre faute- et de lui promettre de toujours faire les mêmes erreurs ?   

— Intéressant.

— Aussi, pourquoi ne pas lui avouer tout de suite qu’il n’est rien pour vous, et que vous pourrez parfaitement avoir une nouvelle vie sans lui, poursuivit Inès.

— On dirait mes parents à leur mariage, chuchota un des soldats.

— Aussi, insistez bien sur le fait que vous ne pensez jamais à lui chaque jour.

— Et mentionnez bien le fait que vous aviez espionné pendant une semaine un de vos soldats sous son lit.

Pendant qu’un des soldats commençaient à avoir les larmes aux yeux, gagné par l’émotion romantique profonde de la scène, le commandant jugea avec prudence leurs conseils. Puis il prit une longue inspiration, sortit son portable et composa un numéro. « J’aimerais parler à mon mari en toute intimité… alors si vous permettez, bouchez tous vos oreilles, indiqua Hobbson.

—Chef ! N’oubliez pas que plusieurs d’entre nous peuvent lire sur les lèvres, indiqua Thomas.

— Vous avez raison, sergent. Soldat, fermez tous les yeux !

— Vous allez l’appeler ici ? interrogea Inès les yeux grands ouverts, alors qu’elle remarquait qu’elle était toujours toute nue.

— Bien sûr. Ma chère mademoiselle, j’ai besoin de support émotionel. Je ne pourrais le réaliser seul, j’en ai peur. Mais tant que vous y êtes, vous pouvez vous habiller » dit le Commandant en montrant tous les soldats dorénavant aveuglés et sourds.

Inès faillit indiquer que le Commandant avait lui les yeux ouverts, mais elle eut la curieuse intuition que discuter encore plus serait inutile et lui donnerait mal à la tête. Alors elle se mit sous les draps et s’habilla le plus vite possible, tandis que Hobbson appuyait sur le bouton « appeler » et prit de longues inspirations. Pendant ce temps, tous les autres soldats se tenaient en garde-à-vous, en silence, fier de rendre service à leur patrie.

C’est à ce moment que le propriétaire de l’hôtel entra dans la chambre et se figea à l’entrée, confrontée à une scène qu’il ne pourrait jamais raconter à personne puisque nul ne le croirait. Hobbson fusilla le propriétaire du regard et cingla : « Qu’est ce que vous voulez, encore ? Le soldat Jenkins n’a pas pu vous payer ?

— Si, si, monsieur. Tout est en règle mais…

— Mais alors, quoi ?

— Votre soldat a voulu aller aux toilettes, mais celles du rez-de-chaussée étaient bouchées…

— Qu’est ce que vous voulez que ça me foute ? Je suis sur une affaire d’état, là !

— Et bien… j’ai dit à votre soldat qu’il pouvait se soulager dehors, alors il est sorti…

— Allez droit au but, sinon vous me paierez mon divorce !

— C’est que… en sortant dehors… j’ai vu votre soldat se faire encercler par plusieurs personnes cagoulées, puis se faire assommer, et enfin être emmener dans une camionette… »

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Isapass
Posté le 22/11/2020
Ah, je sens qu'il va y avoir de l'action, là ! Pauvre Perkins ! Tout ça pour des toilettes bouchées...
Le cours de sauvetage de couple par Thomas et Ines est effectivement édifiant, j'espère que Hobbson a une bonne capacité de prise de recul !
Encore une fois, sur la forme, j'ai noté quelques problèmes d'utilisation des temps. Notamment un qui revient régulièrement : quand on utilise "alors que", "pendant que", "tandis que", on met plutôt le verbe à l'imparfait (parce que c'est une action longue qui décrit le contexte au moment où l'action soudaine de la proposition principale intervient). Or, tu le mets de temps en temps au passé simple (j'ai plutôt vu ça dans le chapitre précédent).
J'ai aussi repéré ça : "Et c’est à peu près là qu’ils surent qu’ils finiront leurs jours ensemble." Il faudrait remplacer "finiront" par finiraient" parce que ton récit est au passé et que pour exprimer le futur dans un récit au passé, on doit utiliser le conditionnel.
"Pendant qu’un des soldats commençaient à avoir les larmes aux yeux," : commençait.
Merci pour cette histoire rafraichissante, qui donne immédiatement envie de s'enrôler ! Je continue ma découverte des HO.
A bientôt !
Seja Administratrice
Posté le 21/11/2020
Eh, mais elle est très cool, cette fic (oui, je redécouvre les histoires PAennes xD) :p

J'aime beaucoup l'absurde et là, on peut dire que je suis servie ! Ca s'enchaine bien, on passe d'une situation barrée à une autre, les personnages ont zéro second degré, bref tout ce qu'on attend xD

Bref, de grandes chances que je revienne trainer par là à l'issue des Histoires d'Or :p
Le Saltimbanque
Posté le 22/11/2020
Oh merci beaucoup !
Elie Langroi
Posté le 17/11/2020
Toujours très drôle ! C'est évident. Cette situation pendant laquelle chacun donne le conseil le plus pourri qui soit pour aider le commandant... c'est assez drôle, je trouve !
Seulement, je dois l'avouer, certains aspects grammaticaux m'ont un peu gêné dans la lecture... je les relève et tu en feras ce que tu souhaites !

Les événements s'enchaînent et cette capture annonce du très bon ! Merci beaucoup pour ces tranches de rire.

pensant décidément qu’ils ne trouveront jamais un partenaire dans ce monde de fou -> "qu'ils ne trouveraient" (le passé simple appelle l'imparfait dans la relative)
ce monde de fou -> "ce monde de fous"
ils ne ne sont jamais vraiment recontrés -> "ils ne sont jamais vraiment rencontrés"
Cette nouvelle fut accueillie avec la stupéfaction générale de quelqu’un qui venait d’apprendre que sa petite amie était en réalité lesbienne et sortait avec sa mère depuis des années -> "la stupéfaction générale" désigne tout le groupe "de quelqu'un" désigne une personne, ce qui rend la phrase difficile à comprendre.
Après tout, il ne faudrait pas plus de quelques minutes au téléphone pour régler un différent de couple qui dure depuis des années, n’est-ce-pas ? -> "il ne faudra"
le soldat Jenkins ne se pria pas plus longtemps -> "ne se fit pas prier" (faire prier est une expression)
Pourquoi pas ne jamais l’appeler, ne jamais s’excuser pour quoi que vous ayez commis -de toute façon, ce n’est pas de votre faute- et que vous lui promettez de toujours faire les mêmes erreurs ? -> "et ne jamais lui promettre de toujours faire les mêmes erreurs"
Alors elle se mit sous les draps et s’habilla le plus vite possible, tandis que Hobbson appuya sur le bouton « appeler » et prit de longues inspirations. -> de même, le passé simple appelle l'imparfait donc "tandis que Hobbson appuyait"

Le premier paragraphe est merveilleux : on sent toute la poésie de la description qui rapidement se tourne vers la dérision. Tout est trop beau, tout est trop magnifique... et on comprend vite que rien ne fonctionne. C'est vraiment excellent !
Le Saltimbanque
Posté le 17/11/2020
Aaaah, je suis content que l'humour du premier paragraphe fonctionne !


Et merci beaucoup pour toutes ces corrections ! Wouaw, j'ai laissé passer de belles bourdes décidément. Je m'excuse d'avance pour la suite de l'histoire...
Hylm
Posté le 24/10/2020
Après une journée de travail, ça fait vraiment plaisir de lire ton histoire. J'adore déjà la relation entre les personnages, les répliques et leurs interactions. Je me demande même si Inès ne va pas se retrouver embarquée avec le reste dans leur lutte fière pour leur patrie.
Juste je crois que "ils surent qu'ils finiraient leurs jours ensemble" sonne mieux que finiront mais je suis pas un as de la grammaire
Le Saltimbanque
Posté le 25/10/2020
Ah oui, Inès n'en a pas fini avec eux...

Ça me fait hyper plaisir que tu apprécies autant l'histoire ! Pile quand je connaissais à douter, ça me donne du courage pour continuer !

Yep, j'ai eu du mal avec cette formulation... j'en ai toujours d'ailleurs...
Zoju
Posté le 23/10/2020
Salut ! J'ai vraiment beaucoup de plaisir à lire ce texte. Cela faisait longtemps que je n'avais pas été prise de fou rire en lisant un texte. Le titre de ton histoire m'avait interpellé et je me suis laissée tenter. Je n'ai pas été déçue. J'ai bien aimé ce côté complètement absurde de ton histoire. La mentalité complètement décalée de tes personnages et la situation loufoque à l'extrême. Tu reste pleinement dans le humour absurde que cela fonctionne. On comprend Inès qui se demande de plus en plus dans quel bande de fous, elle est tombée. La question est de savoir si cela est vraiment inspiré de faits réels. Honnêtement, tes personnages existent bels et bien dans cette histoire. Curieuse de voir comment cela va évoluer, mais en tout cas merci pour ce moment ! :-)
Le Saltimbanque
Posté le 23/10/2020
Salut !
Merci beaucoup pour ce commentaire, si tu aimes l'absurde et le loufoque, je peux t'assurer que la suite continue dans cette direction ! J'espère que ça va te plaire.

Qui sait ? Peut-être que tout se que je raconte ici s'est effectivement déroulé dans le monde à un moment... on se sait jamais...
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