Donnez-lui des vêtements, soldats !

Notes de l’auteur : Je me permets d'indiquer que les noms de lieux sont complètement fictifs... normalement. Parce que s'ils s'existent, merci de me les signaler, ce serait vraiment dingue (j'ai juste mis des mots au pifs sur Google Translate).

C’était dans le milieu de la journée, et le soleil infernal régnait en maitre dans un ciel immaculé. La chaleur était alors étouffante, apprenant à toutes choses vivantes ce que ressentait un steak lorsqu’il était abandonné au milieu d’une poêle. Dans la grande ville d’Alrout, perle du Moyen-Orient, réputé pour ses magnifiques monuments fermés au public et ses romantiques attrapes-touristes, tout le monde recherchait désespérement les moindres espaces à l’ombre pour échapper à la chaleur torride.

C’est ici que se sont rencontrés Thomas Jefferson, sergent de l’Armée américaine alors en congé, et Inès Falliguerho, serveuse dans un bar du coin et arnaqueuse à ses heures perdues. 

Dans un petit espace ombragé d’à peine un mètre carré, deux personnes ne pouvaient pas y être à l’aise à moins qu’elles se tinrent très proches l’une de l’autre, dans une intimité alors imprévue. Ou alors l’une des deux personnes aurait cherché une excuse bidon pour s’éloigner rapidement, conscient qu’il serait malavisé de chercher à débuter une relation intime avec cette inconnue alors que le commandant avait spécialement insisté sur le fait qu’il garde « sa bistouquette américaine dans son pantalon pour une fois. »

Ce n’est pas ce que fit le Sergent Thomas Jefferson. Celui-ci pensa immédiatement : « C’est la plus belle femme que je n’ai jamais vue… aujourd’hui. Parce que si je commence à comparer toutes les femmes dans ma tête, j’en aurai pour toute la journée, et je me tiendrai là comme un abruti sans rien dire, fronçant les sourcils d’un air très pensif. Ma mère m’a déjà dit que je devrais arrêter de penser à des choses inutiles. Ah maman, tu m’as toujours bien aidé… pour la peine, je te mets en tête de mes classements des femmes les plus sexy que je n’ai jamais rencontrée. Après tout, ce sont mes pensées, et je peux y faire ce que je veux, personne n’en saura rien… »

Tandis que le sergent Thomas Jefferson se tenait là comme un abruti sans rien dire, Inès le regarda d’un air critique, comme un fermier regarderait un cochon qu’il s’apprêtait à manger. Après quelques secondes, Inès haussa les épaules, puis pensa : « Voilà un beau pigeon qui a rien dans le crâne et tout dans le portefeuille. Parfait : je vais traîner avec lui un petit peu, le faire payer jusqu’à la ruine puis partir sans rien dire. Après tout, qu’est ce qui pourrait mal se passer ? »

 

 

Une semaine plus tard, Inès se reveilla brusquement, couchée dans le lit, la tête qui tournait et une escouade de soldats nus qui l’entouraient avec un air inquiet. Des deux côtés du lit, se tenant debout en face-à-face, le sergent Thomas Jefferson et le commandant étaient pris dans une conversation houleuse. « Il faut à tout prix que l’ambulance arrive. Pourquoi pensez-vous qu’elle s’est évanoui, commandant ?

— Je ne sais pas, soldat. Je pense que c’est à cause du fait que vous autres étaient tous nus autour d’elle.

— Je vois. Peut-être le fait de vous voir ainsi tout habillé a dû lui faire un choc. Les femmes sont des créatures bien plus sensibles et fragiles que nous, après tout.

— Soldat ! Je ne vois aucune faille dans votre raisonnement. Pensez-vous que je doive me mettre tout nu également ?

— Oh, elle s’est réveillée ! »

Et alors qu’elle se redressait en grommelant, tous les soldats se rapprochèrent d’elle, lui demandant comment elle allait. 

Inès constata avec exaspération qu’elle était toujours nue. Elle couvrit rapidement son corps avec les draps tout en criant : « Non, mais vous êtes pas un peu malades ? Vous vous croyez où, merde ?

— Madame ! répondit le musculeux soldat Almarov. Nous sommes dans une chambre d’hotel au premier étage de l’auberge Jaysh Ghabi !

— La ferme ! Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? Et surtout : mettez des vêtements, bordel ! »

Sans attendre plus longtemps (ils commençaient à avoir un peu froid de toute façon), les soldats commencèrent à remettre leurs vêtements méthodiquement, efficacement. En les regardant, le commandant se dit qu’il les avait bien formé et en ressentit une fierté toute paternelle ; Thomas Jefferson se demanda s’il devait lui aussi se rhabiller, pensant que sa présence nue rassurait Inès ; Inès se questionna pourquoi les soldats se mettaient à se rhabiller ici et pas ailleurs, imaginant une espèce de complot ou une torture psychologique nouvellement inventée par l’armée américaine.

Une fois qu’il ne restait comme homme nu que le sergent Thomas Jefferson, le commandant se racla la gorge et declara d’une voix grave et autoritaire qui remplit la pièce : « Très bien, maintenant que tout le monde est prêt, laissez-moi vous expliquer…

— Pourrais-je avoir des vêtements, maintenant ? » le coupa Inès.

Et après que toute l’escouade se soit mise en mouvement pour rassembler tous ses vêtements, le commandant se racla la gorge à nouveau puis emplit la pièce de sa voix de baryton : «  Très bien, nous pouvons enfin discuter de la raison…

— Et pourquoi James est encore nu ? » dit Inès en pointant du doigt le sergent Thomas Jefferson.

Après que toute l’escouade eut rassemblé ses vêtements, puis que le Commandant informa à Inès le vrai nom du sergent et que celle-ci donna une claque retentissante à Thomas, tout fut silencieux. Le Commandant hésita quelques secondes, alors Inès se tourna vers lui et l’assaillit : « Alors ? Je veux des explications sur-le-champ !

— Je comprends, répondit le Commandant d’une voix impassible. Je me présente d’abord ; je suis le commandant Gilles Hobbson. Mes soldats m’appelent chef, ou commandant, ou abruti quand ils ont besoin d'une sévère correction. Mon mari m’appelle Chéri, ou Gilles quand il est en colère. Mes ennemis m’appellent… ça je n’en sais rien, je n’ai aucun ennemi, je m’assure de n’avoir que des amis.

Le jeune soldat toussa. Hobbson se tourna vers lui et parla avec la douceur d’un fusil automatique : « Interrompez-moi encore une fois, soldat Jenkins, et vous ferez tellement de pompes que vous continuerez d’en faire jusque dans votre cercueil, me suis-je bien fait comprendre ? Faîtes-moi vingt pompes !

— Chef ! Oui, chef !

— Où en étais-je… ah oui, la raison de notre présence. Avant tout, je m’inquiétais grandement de l’absence du Sergent Jefferson.

— Vos sentiments m’honorent, commandant ! glissa Thomas, les larmes aux yeux.

— Ne vous flattez pas, sergent. Je vous avais spécifiquement indiqué de ne pas abuser de votre jour de congé, et vous aviez une fois de plus ignoré mes ordres. Il était de mon devoir de vous retrouver pour vous punir comme il se doit.

— Oh, repliqua simplement Thomas alors qu’il remarquait que son uniforme était à l’envers.

— Faîtes-moi vingt pompes, sergent. Où en-étions-nous… ah oui. Un petit groupe terroriste s’agite en ville, et j’ai besoin de tous mes hommes. De nombreuses opérations dangereuses seront organisées d’ici peu, des missions de grandes envergures, un retentissement international, le meilleur moyen de faire honneur à votre patrie.

Puis Hobbson soupira, et ses yeux perçants fixèrent Thomas. Alors qu’il venait de terminer ses pompes, le sergent se dit que le Commandant allaient probablement le mettre à la tête d’une de ces missions dangereuses, rien que pour le punir. Thomas soupira, se demandant bien ce qu’il avait fait pour mériter ça.

« Mais surtout, termina le commandant Hobbson d’une voix solennelle, j’ai besoin de vous pour sauver mon mariage. »

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Isapass
Posté le 22/11/2020
Alors là, je l'avais pas vu venir le coup du mariage... O_o
J'ai particulièrement aimé la digression sur la mère/femme la plus sexy du monde qui est très bien trouvée dans le genre drôle-et-malaisant !
Mais du coup, on ne sait pas comment Thomas/James et Ines sont passés de la terrasse à la chambre une semaine plus tard. Est-ce qu'il l'a vraiment séduite ou est-ce qu'elle était toujours dans l'idée de l'arnaquer ?
Bon, c'est très sympa, sans prise de tête, ça fait du bien ! J'ai vu quelqu'un t'avait parlé de Hotshot et que tu ne connaissais pas ? Je confirme : il faut que tu vois ce film (et le 2 aussi) ! Et je ne sais pas si tu as lu, sur PA "Ceci est l'histoire de Sam Cooper", mais je te conseille aussi d'y jeter un œil ;)
Isapass
Posté le 22/11/2020
Ah oui et dans mon comm précédent, je disais que j'avais eu peur au début parce que tu parlais de décrire la vraie guerre dans toute son horreur, etc... Du coup j'ai cru que c'était vrai et que tu nous faisais une histoire horrible façon L'enfer du devoir (pardon pour les références, je ne suis plus toute jeune XD)
Le Saltimbanque
Posté le 22/11/2020
Ouiiii j'ai vu Hot Shots récemment, j'ai adoré ! Et on me dit que le 2 est encore meilleur...
Et "Ceci est l'histoire de Sam Cooper" a été un immense coup de coeur. Je suis même un peu jaloux du talent de uNeven...

Inès traîne encore un peu avec Thomas, pour le vider jusqu'à la dernière goute. IMPOSSIBLE qu'elle soit tombée amoureuse. Et pas de chance pour elle, le commandant est arrivé !

Je suis content que le passage malsain/drôle de la femme la plus sexy ait fonctionné : je l'ai fait lire à certaines personnes, et des fois ça ne passe pas très bien hehe

Merci de continuer à lire !
Isapass
Posté le 22/11/2020
Dans hotshot 2, il y a la scène qui m'a fait le plus rire de tous les films que j'ai vus, je crois : je ne veux pas te spoiler mais c'est la scène de la poule. Si tu le vois, tu me diras ce que tu en as pensé ;)
Elie Langroi
Posté le 17/11/2020
Non mais... l'appeler comme le troisième président des Etats-Unis, c'est quand même culotté, on le remarquera ^^
Vraiment... le fait qu'on sache qu'elle a surtout essayé de l'arnaquer alors qu'il déclarait sa flamme un chapitre avant, je trouve ça parfait !
Tu dis souvent "sans attendre plus longtemps" alors que parfois, tu pourrais te contenter de "sans attendre".
"Je pense que c’est à cause du fait que vous autres étaient tous nus autour d’elle." je ne sais pas si c'est voulu... mais "êtes" ou lieu de "étaient" (mis à part si le but est de montrer le niveau de langage du personnage, ce qui est efficace).

Sauver son mariage... ok... curieux de voir la suite !
Le Saltimbanque
Posté le 17/11/2020
Et je JURE que j'ai trouvé son nom au pif la première fois, en cherchant le patronyme le plus américain possible.
Et je m'en vais corriger les fautes sans attendre plus longtemps...
Selma
Posté le 08/11/2020
Un chapitre tout aussi drôle que le premier !
Seulement, la discussion à propos de l'habillement est un peu trop longue à mon avis, c'est un peu lourd.
À part ce petit problème, j'aime toujours autant les répliques mythiques des personnages. Particulièrement celle-ci : "Mes ennemis m’appellent… ça je n’en sais rien, je n’ai aucun ennemi, je m’assure de n’avoir que des amis. Le jeune soldat toussa."
Ton histoire a un véritable caractère !
Le Saltimbanque
Posté le 08/11/2020
Je voyais bien le risque de tomber dans la beauferie avec le passage du vêtement, et j'ai vraiment essayer de limiter le gag... tant pis.

Mais content que les autres répliques fonctionnent !
Hylm
Posté le 24/10/2020
Une parfaite continuation du premier chapitre. On commence à bien voir le style de personnage que sont James/thomas et Hobbson.
J'étais un peu confus lors de la lecture du chap 1 avec les deux noms de Thomas mais en le relisant j'ai compris assez facilement.
Le Saltimbanque
Posté le 25/10/2020
Fun fact : au début j'hésitais à appeler ce personnage Thomas ou James, donc j'ai écris plusieurs fois les deux prénoms par erreur... et ça a mené naturellement à une blague !
Content que ça te plaise !
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