Dernier sacrifice

Par tiyphe
Notes de l’auteur : Ca chapitre est beaucoup plus personnel que les autres, mais je trouvais qu'il avait sa place dans ce recueil o/
Bonne lecture !

J’ai passé une grande partie de ma vie à chercher le désir dans les yeux des garçons et des hommes qui me plaisaient (et même les autres) tout en haïssant mon corps. 

J’achetais des robes et des jupes parce qu’on me disait que c’était plus féminin que les pantalons, alors que je trouvais ça inconfortable au possible. Je portais des talons plus ou moins hauts qui me faisaient soi-disant de jolies jambes et le regrettais une heure plus tard en pleurant de douleur. Je choisissais des soutiens-gorges trop petits et “push-up” pour qu’on apprécie ma grosse poitrine alors que j’aurais dû commencer par l’apprécier moi-même et en prendre soin. 

Pendant mon adolescence, j’ai dû mettre des tampons parce que le sang des règles, c’est sale et que les autres ne doivent pas voir ça, alors que ça me tétanisait, rien qu’à l’idée d’insérer quelque chose dans cet orifice. J’ai laissé un garçon me tripoter tout ça parce que j’étais triste que ce ne soit pas mon crush du moment qui le fasse. J’ai même décidé un jour de me raser entièrement le maillot parce qu’un garçon qui me plaisait me disait qu’une “forêt vierge” chez une fille c’était dégueulasse. Et ce gars-là, je ne l’ai pourtant jamais emballé au point qu’il aille vérifier sa théorie chez moi. 

Je me suis mise à fumer pour pouvoir parler à un garçon et le suivre à chaque pause. Je pensais que ça me donnait un air cool auprès de lui, alors qu’en fait je me bousillais la santé. Je me maquillais dans l’espoir qu’on me trouve belle, mais c’était de l’argent jeté par les fenêtres pour pas grand-chose. J’ai bu beaucoup d’alcool au point de me mettre en danger pour faire comme les autres et parce que j’avais peur qu’on me prenne pour une fille coincée.

J’ai décidé de sortir avec des garçons parce que c’était quelque chose de normal pour une fille, alors que finalement j’aurai très bien pu sortir avec des filles. Jusqu’à mes 20 ans, je disais encore “Olala, mais si ma mère l’apprenait, elle me tuerait” alors que j’étais devenue assez grande pour faire mes propres expériences ou mes propres choix, qu’ils soient bons ou mauvais.

Je me comparais toujours auprès des autres filles de mon âge et subissais tout autant leur jugement parce que mon corps n’était pas dans la norme sociale. Je recevais une pression de ma famille et surtout de ma mère et ma grand-mère concernant mon poids parce qu’“une jeune fille grosse ne plait pas aux garçons”. Et pourtant, on m’a enfermé dans une spirale de paroles toujours plus contradictoires les unes que les autres pendant de très longues années.

“Arrête de manger, t’es trop grosse.”

“Mais laisse-la donc manger ce qu’elle veut, c’est une enfant.”

“Regarde ce que mamie t’a préparé, tout plein de cochonneries.”

“Mais qu’est-ce que tu es grasse.”

À ne pas confondre avec “gracieuse”. Ça non, je ne l’ai jamais été. Ni élégante. Ni délicate. Tout ce qu’on a toujours voulu de moi. Pourtant, j’ai essayé.

Aujourd’hui, j’ai 25 ans. Je commence tout juste à apprécier le corps avec lequel je vis. Il n’est pas parfait, du moins selon mes critères qui sont devenus plus objectifs. Il y a des bouts de gras par-ci par-là, mais il y a aussi des sourires. Je ne porte plus que des baskets, parce que les chaussures sont de mon point de vue faites pour marcher, pas pour torturer. Je limite les robes et jupes à celles qui me plaisent, parce que je me sens bien dedans et non pas pour être féminine. J’ai arrêté de fumer, même si parfois, ça me manque. J’essaie de changer mes habitudes de soutien-gorge, de rasage ou encore de protections hygiéniques, mais ce n’est pas évident de vivre contre la société.

J’ai découvert que les femmes me plaisaient autant que les hommes. J’ai découvert que je pouvais en effet manger ce que je voulais, mais avec mes propres règles, mes propres proportions, mes propres regrets. Tant que je suis en bonne santé, je me sens heureuse. 

Et pourtant, malgré tout ça, je me demande encore quel sera mon dernier sacrifice pour la société en tant que femme.

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charleaute.c
Posté le 29/01/2021
Tiyphe,
Quelle superbe nouvelle. L’une de mes préférés parce que forcément elle fera écho à beaucoup d’entre nous.
Très touchant, très vrai et un peu triste quand même.
Bravo parce que c’est compliqué de se livrer, de rendre public cette intimité, et merci.
tiyphe
Posté le 29/01/2021
Merci :3
Disons que c'est plus facile de le faire par ce biais qu'à l'oral ^^'
Soyons fortes ! <3
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