Débraillée et livide

Par Elf

Ah ! cette lumière omniprésente et sans relief, une épine dans l’œil ! Quand est-ce qu’elle disparaît ? Hein ? Toujours à devoir chercher l’ombre pour pas crever de chaud. Puis, l’ombre, c’est frais mais à peine… couci-couça… je vais à l’ombre, qu’est-ce que je trouve ? Des étincelles de soleil ! Partout sur le sol ! Je retourne au soleil, j’aime pas faire les choses à moitié. Alors les rayons picotent tout mon corps comme des fourmis, la chaleur me rosit les joues et je transpire ; sans parler de cette lumière blanche qu’on peut même pas regarder en face ! Et même là, un vent passe. Là non plus, apparemment, on peut pas faire les choses complètement. Et, moi – moi ! – je devrais choisir entre l’ombre ensoleillée et le soleil ombragé ! Tu parles, j’ai attendu le coucher de soleil.

 

Le coucher de soleil me brûle les yeux. Je regarde à droite, à gauche, qu’importe ! Les rayons déforment les arbres – on dirait qu’ils n’ont plus de troncs tellement le soleil brille ! Je vois plus rien. Le soleil gobe tout, surtout l’horizon. Ah ! Je… Ah ! Quel enfer !

J’ai levé les yeux plus haut – je pouvais voir que ça du paysage. J’ai vite fait eu un torticolis. Maintenant que le soleil s’endormait, j’ai voulu la nuit. J’aime pas les choses faites à moitié. Ça me tentait bien le sombre, les ténèbres, seulement des étincelles de lumière – pas de quoi piquer mes yeux – des centaines de mini-soleils sur un fond bleuté.

 

Enfin le dégradé de couleurs trop vives – rouge et orange et jaune – s’est dissipé. Mais faut croire que je suis trop idéaliste. Le bleu se fonçait, mes sourcils se fronçaient. Je voyais de moins en moins bien. Autant éteindre la lumière, c’est pareil. Si je vois rien, ça sert à rien de rester plantée là. J’avais naïvement encore de l’espoir. J’ai voulu les étoiles pour éclairer, j’attendais qu’elles tapissent entièrement la voûte céleste. Et elles sont arrivées ! Quelle déception ! Lentement. Une à une. Rien de grandiose, on aurait dit des élèves tout sages qui se mettent en rang. D’ailleurs, il commençait à faire frisquet, je frissonnais. Et pas de veste sur moi ! Je parie que mon nez était écarlate… je le sentais à peine. Ah mais qui sont ces poètes qui parlent de la nuit avec tant d’admiration – presque à la vénérer ! Sont fadas, ceux-là. Et la lune ! Qu’est-ce que c’était à part un vieux morceau d’emmental abandonné dans un frigo vide ? Hein ? Les étoiles, les miettes. Incapables par-dessus le marché de réchauffer, ni même d’éclairer ! L’infini de bleu, l’univers dans mes yeux, la petitesse dans le cœur, c’est pas beau. J’ai voulu l’aube. Je parie que son rose ressemble à l’éclosion d’une fleur, avec sa délicatesse, sa fragilité… et tout le toutim.

 

Ah ! Ah ! A croire que j’apprends pas de mes erreurs. Après m’être gelée dans la nébuleuse pailletée, voilà l’aurore. Je préfère même pas en parler. J’ai cligné des yeux, il y a eu un bout de soleil au loin. J’ai éternué, il faisait jour. La rosée m’a achevé, je suis rentrée trempée. Les larmes sur mes mains faisaient des arcs-en-ciel tellement minuscules que je les voyais à peine. En m’approchant pour les observer, j’ai écrasé mon nez sur mes doigts : disparus, les arcs-en-ciel.

 

J’en ai pleuré jusqu’aux larmes, en me traînant chez moi. Là, j’ai voulu voir si j’avais aussi mauvaise mine que mon âme. Je me suis plantée devant mon mir… AH ! J’avais oublié !

Trop de lumière d’un coup, je me suis évanouie sur mon tapis, en ayant le temps de penser à deux choses :

1. Faudrait que je change de planète, celle-ci est trop déprimante. Voire d’univers mais ça doit coûter bonbon.

2. Normalement les étoiles sont plus grosses que le soleil. Sauf que ma tête ressemblait à un fruit confit étincelant. J’ai une tête d’étoile.

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noirdencre
Posté le 12/01/2022
Une pensée débraillée, un cœur qui frappe à tous les univers, un toc toc d'espoir au soleil, puis à la nuit, puis... puis l'insatisfaction. Le monde des autres n'est pas à ta taille, il te boudine ou te va trop large.
Ne change pas d'univers, mais change l'univers.
Elf
Posté le 12/01/2022
Wow. Rien à dire, vous avez tout (joliment) dit :)
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