Cyber-assaut
Sur la même ligne que Tan, Diego et les hikers volontaires, Calixt marchait derrière l’énorme bataillon de robots kamikazes. Il y en avait plus d’un millier ; des nettoyeurs d’intérieur autonomes cubiques et pourvus de toutes sortes de brosses et chiffons, des néofaucheuses en forme de cylindres auxquels s’arrimaient des lames articulées, des cybermasseurs — un pied central et six bras terminés par différents accessoires en caoutchouc rose —, des automates-majordomes humanoïdes, des électropeintres capables de reptation verticale, des métajardiniers sur coussin d’air avec leur pomme d’arrosoir… Calixt n’aurait jamais cru qu’il existait une telle variété de robots. Qui avait besoin d’une machine pour remuer son sucre ? Peu importait, de toute façon, tout ce qu’on leur demandait à l’heure actuelle, c’était d’aller gentiment se faire griller dans le champ de force. Or, pour l’instant, ils s’y précipitaient tout droit, slalomant entre les arbres sur leurs pieds mécaniques, leurs roues ou leurs chenilles. Le garçon devait trottiner pour suivre la multitude de LED clignotantes qui scintillaient devant comme si c’était Noël.
Ce n’était pas par hasard si Calixt se concentrait sur les fonctions des machines ; plus on approchait et plus son cœur accélérait. Et si tout se passait de travers ? Si le champ de force ne grillait pas ? Si Oxan n’avait pas pu désactiver les cybersoldiers ? La présence de Diego juste à côté de lui le rassurait beaucoup, mais malgré sa stature, il ne pouvait pas abattre seul tous les dangers. D’ailleurs, lui-même n’avait pas l’air tout à fait serein.
Au-delà de la nuée de LED, Calixt distingua les lueurs émanant du campement.
– On arrive, chuchota-t-il.
Au signal de Diego, Vany pianota sur le terminal qu’elle avait emporté pour stopper les robots. Calixt observa attentivement les alentours grâce aux jumelles numériques que Karl lui avait laissées.
– Je ne vois plus les cybersoldiers. Soit ils sont partis, soit ils sont éteints. En tout cas Oxan a dû réussir.
– Alors on attaque ! ordonna Diego.
Vany passa l’instruction sur son écran et les robots reprirent leur marche vers leur destin. Le premier — une néofaucheuse — atteignit le périmètre de sécurité. Il se figea dans un grésillement accompagné d’une gerbe d’étincelles. Sa LED s’éteignit au moment exact où l’écran bleuté du champ de force se déployait tout autour de la clairière. Les engins suivants subirent la même fin, si bien qu’au bout d’une minute à peine un monceau de carcasses au végéplastique fondu se dressait sur le bord de la clairière le plus proche. Les autres robots l’escaladèrent ou contournèrent l’obstacle pour se jeter sur le mur foudroyant un peu plus loin, de plus en plus nombreux. Il y avait tellement d’étincelles qu’on aurait dit un feu d’artifice. De l’autre côté de l’écran, les hors-mondes s’étaient levés pour contempler le spectacle bouche bée. Diego fit de grands signes et tenta d’appeler, mais la lumière des courts-circuits et leurs grésillements étaient trop denses pour qu’il puisse signaler leur présence. Des fumées à l’odeur piquante montaient dans l’atmosphère, brouillant encore davantage la netteté du décor.
– Il y en a un qui est passé ! s’exclama néanmoins Tan.
Repérable grâce à sa LED verte, un des robots avait effectivement franchi la barrière bleue. Sa coque fondait sur ses rouages de carbone, pourtant il poursuivait sa route avec obstination vers le centre du camp.
– Ce pasque l’champ d’force y faiblit ! expliqua Billie avec un grand sourire.
Tandis que les ossatures métalliques carbonisées s’accumulaient encore à la limite du périmètre, plusieurs autres engins traversèrent. Le champ de force clignota, se rétablit ; la borne la plus proche de Calixt libéra un jet de fumée grise. Le système saturé allait bientôt céder ! Le garçon porta de nouveau les jumelles à ses yeux pour voir dans quel état se trouvait le boîtier. Dans la focale, une faible lueur attira son attention. Elle provenait d’une forme claire, juste derrière la borne. Lorsqu’il zooma, son cœur s’emballa aussitôt.
– Les cybersoldiers ! cria Calixt, mortifié. Ils sont encore actifs ! Je… je suis désolé de pas les avoir vus !
– Où ça ? hurla Diego.
– Il y en a un là. Il a l’air paralysé, mais il est toujours allumé.
À ce moment, l’écran bleuté clignota de nouveau avec intensité, puis s’éteignit. Pendant une seconde, on entendit plus que les roues des derniers robots sur les brindilles et quelques grésillements ténus en provenance des carcasses, puis une clameur monta du groupe des hors-mondes au milieu du campement.
– Ne bougez pas ! vociféra Diego.
Mais c’était trop tard ; la fin de la surcharge énergétique réanima les cybersoldiers qui interprétèrent comme une tentative de fuite les mouvements des prisonniers. En un instant, ils se mirent tous à avancer vers le centre de l’enceinte, leurs bras-canons braqués devant eux.
– À l’abri ! cria la voix de Skull au milieu de la fumée.
Les hors-mondes se ruèrent vers les bungalows au moment où les robots tiraient leurs premiers rayons bleus. Trois hors-mondes furent blessés. Aussitôt, Diego épaula son fusil, toucha un cybersoldier qui tomba. Alors qu’il en visait un second, le premier se releva et reprit sa course, à peine diminué.
– C’est pas vrai ! s’exclama Diego qui continuait à atteindre ses cibles sans grands résultats.
Calixt avisa un métajardinier intact qui glissait sur son coussin d’air au-dessus de ses congénères carbonisés. Il l’attrapa et l’amena jusqu’à Billie en criant :
– Est-ce que tu peux démonter le module d’aéroglisse ?
En trois manipulations, la hikeuse déclipsa la plateforme qu’elle tendit à Calixt. Celui-ci bondit dessus, ramassa un électropeintre au passage, puis fonça vers le cybersoldier le plus proche malgré les protestations de Diego et de Tan. Il s’éleva au maximum — trois mètres, car le module n’avait rien à voir avec ceux des airscoots. L’humanoïde tira dans sa direction, mais un rapide zigzag lui permit d’éviter le rayon bleu. Lorsqu’il le survola, il lui jeta son chargement. Le cybersoldier ne tomba pas, mais sa tête se tordit de côté, détraquant sa coordination. Il se mit à tourner en rond tandis que l’électropeintre se faisait un devoir de l’escalader.
Pendant ce temps, les tirs bleus se multipliaient en direction des bungalows dont les murs et les portes commençaient à souffrir. On entendait des exclamations lâchées par les hors-mondes à chaque nouvel impact.
Inspiré par l’idée de Calixt, Diego fourra son arme entre les mains de Tan, puis courut vers le tas de carcasses le plus proche pour en projeter une de toutes ses forces sur un cybersoldier. L’automate reçut le projectile en plein thorax et s’écrasa plusieurs mètres plus loin. Les hikers imitèrent aussitôt Diego. Leurs lancers étaient moins destructeurs, mais ils ralentissaient la progression de l’ennemi. Ayant rapidement saisi le fonctionnement du fusil-laser, Tan tirait sans discontinuer ; Calixt multipliait les largages. Il restait encore une bonne vingtaine de robots tueurs toujours opérationnels. À force, on va les avoir, pensa Calixt. Les membres du commando étaient à l’abri derrière les barricades de carcasses et les hors-mondes dans les bungalows. Même si ça leur prenait des heures, ils parviendraient à venir à bout des soldiers.
Soudain, un cri retentit depuis les rangs des hikers :
– Ça crame !
Le cœur de Calixt fit un bond ; l’un des cybersoldiers était passé en mode lance-flamme. Le feu s’éleva de l’un des bungalows, puis d’un second. L’équipage allait brûler vif !
Oh là là, ces robots qui se réactivent... ça n'annonce rien de bon surtout avec le cybersoldier qui passe en mode lance-flamme à la fin (c'est terrible mais ça m'a quand même fait rigoler xD). C'est à se demander comment les héros vont s'en sortir !
Et en effet, je ne voulais pas que mes héros gagnent trop facilement ;)
Tu as raison, c'est pas de la super cam, les cybersoldiers, quand même, mais comme ça m'arrange, je ne me plaindrai pas au fabricant !