Crepuscule de vacance (2) - Déchirure

Par Pouiny

Quand je rouvris les yeux, les belles-de-nuit étaient déjà refermées. Le soleil était au-dessus des montagnes, bien trop haut dans le ciel. Nous nous étions endormis l’un contre l’autre dans ce jardin étroit. Réalisant très vite, la tranquillité de la nuit disparu face aux bonnes manières. Je secouai Aïden, toujours endormi :

« Aïden ! Réveille toi ! Aïden ? »

Je n’eus au départ pour toute réponse que de grognement incompréhensibles.

« Allez Aïden, bouge toi ! Il ne faut pas rester là !

– Quoi… On est pas en vacances… ? »

Je ne pris même pas le temps de prendre en pitié sa tête engourdie et ses paupières qui ne suivaient pas la cadence. Je lui tirai le bras pour forcer le mouvement :

« Ce n’est pas la question ! Bouge toi !

– Tu m’expliqueras, si je me lève ?

– Oui, mais pas avant. Pour l’amour de Dieu, Aïden…

– Hé ho, pas de gros mots dès le matin… »

Avec douleur, il se redressa sur ses jambes, alors que je partais déjà hors des fleurs. Il ne put rien me demander que je l’intimais déjà de monter sur mon vélo. Il comprit enfin que quelque chose n’allait pas quand il me vit pousser sur les pédales bien plus intensément qu’à l’habitude.

« Tu m’expliques ? »

Il avait une voix fatiguée, mais sérieuse. Me concentrant pour le ramener au plus vite chez lui, toute l’histoire de ma guitare et de ma mère me semblait bien trop longue. Après hésitation, je répondis.

« Je n’ai parlé de toi, ni à mon père, ni à ma mère.

– Tes parents ? Mais ils ne sont pas au travail, à cette heure-là ?

– Je n’en suis pas sûr, je ne connais pas leurs horaires précis.

– C’est si grave que ça ?

– Ça pourrait. Je t’expliquerai… Peut-être pas maintenant, mais je t’expliquerai. »

Il resta silencieux, plutôt peu convaincu mais conciliant. La culpabilité et la honte commençaient à m’envahir alors qu’on continuait le trajet en un silence pesant. Une fois arrivé chez lui, je m’arrêtai et il descendit. Il m’ausculta du regard, immobiles devant moi, puis fini par dire :

« Tu ne veux pas passer à la maison, qu’on en discute ?

– Il n’y a pas tes parents ?

– Peut-être ma mère, mais…

– Ça ira, ne t’inquiète pas. Je viens te chercher plus tard, pour s’entraîner ? »

Son regard se fit encore plus suspicieux. Je souris davantage, comme en réponse.

« Ok, finit-il par soupirer. Viens quand tu veux.

– Ça, il ne faut pas me le dire deux fois ! A plus tard, Aïden. »

Mais il me regardait encore avec un œil étrange. Gêné, je tournai le vélo et parti à vive allure.

 

Je ne rentrai pas chez moi. Soudainement angoissé par la maison familiale, je fis de longs détours inexplicables sous le soleil, espérant presque me perdre dans cette petite ville dont j’avais pourtant si vite fait le tour. Puis, quand j’estimai que l’heure était bonne, je retournai vers la maison d’Aïden, le cherchant pour un entraînement, qui fut particulièrement silencieux. Ce ne fut pas de la faute de mon compagnon, qui tenta tant bien que mal de créer la conversation. Mais perdu, je restai plus silencieux qu’à mon habitude. Puis, alors que j’allais le déposer, il me retint légèrement de sa main sur ma hanche.

« Est-ce que tu peux aller à l’hôpital, s’il te plaît ? »

Surpris, j’obéis. Et nous roulâmes sous le soleil couchant, en silence. Les pédales me semblèrent lourde, alors que je comprenais que l’angoisse me travaillait plus que je ne l’espérais. Puis, alors que devant l’hôpital il descendit et que j’allais commencer a faire demi-tour, il me dit d’une voix timide :

« Non… Viens avec moi… S’il te plaît. »

Surpris, je figeai mon mouvement, et oubliait presque un instant d’avoir peur.

« Tu es sûr ?

– Oui. Allez, viens, avant que je ne change d’avis. »

Sous son regard gêné, je déposais mon vélo devant l’hôpital, et commençait à rentrer dans le bâtiment avec lui. Alors qu’il saluait des personnes qui m’étaient inconnues, il me prit la main. Ce simple mouvement, discret et anodin, me réchauffa un peu le cœur. Marchant devant, il me guidait dans le bâtiment aux murs blancs, traversant des couloirs, pour finalement arriver dans une allèle sombre et peu éclairée. On se désinfecta rapidement les mains dans un lavabo prévu à cet effet, avant d’avancer jusqu’à une porte qui semblait tout à fait banale. Il s’arrêta devant et me regarda. Ses yeux bleus dans l’obscurité semblait luire d’un sentiment que je n’arrivais pas à déchiffrer. Il m’embrassa rapidement, avant de me dire avec un air gêné :

« Je comprendrais, si elle te fait un peu peur, mais sois courtois, d’accord ? Elle n’est vraiment pas méchante.

– Pour qui tu me prends ? Si c’est ta sœur, c’est forcément quelqu’un de bien ! »

Il soupira, puis ouvrit la porte. Avant même de voir quoi que ce soit, une petite voix douce nous accueilli :

« Tu es venu ! Oh ? »

Et la jeune fille qui venait de parler sembla remarquer très rapidement qu’il y avait une inconnue dans ses habitudes. Alors que nous nous engouffrions dans la salle, Aïden me montra de la main et déclara :

« Salut, Béryl. Je te présente Bastien. C’est mon coach sportif, celui dont je t’avais parlé. Bastien… Ma sœur, Béryl. »

Je restai bouche bée, scotché devant mon interlocutrice. Béryl était une jeune fille qui ressemblait énormément à Aïden d’apparence, à ceci près qu’elle était pâle comme les murs de l’hôpital et que ses cheveux blancs, pourtant coupé à ras, semblaient concurrencer sa peau à en devenir invisibles. Mais surtout, surtout, les yeux de Béryl, rouge sangs, me fixaient pourtant avec une lueur curieuse et joyeuse. Ce regard si intriguant et inhabituel me fit fermer ma grande bouche pendant quelques secondes, surpris.

« Et bien, Bastien, c’est un honneur… »

Et voyant qu’elle me tendait la main, je repris mes esprit pour lui serrer franchement ses doigts fins. Ils me semblèrent tristement glacés au contact.

« Tout le plaisir est pour moi ! Je ne pensais pas que je rencontrerais un jour en chair et en os cette fameuse sœur…

– Et moi dont ! C’est la première fois que Aïden me présente quelqu’un… Je suis touchée ! Tu dois être vraiment exceptionnel.

– N’exagère pas, non plus, grommela son frère, gêné.

– Qu’est-ce que tu racontes, évidemment que je suis exceptionnel ! »

Elle rit de bon cœur, alors que j’affublais Aïden de légers coups de coude.

« Alors, il paraît que tu es expert d’histoires qui font peur, me demanda Béryl avec un air doux.

– Quoi ? Mais qu’est ce que tu racontes sur moi, toi ?! Tu vas me faire passer pour un psychopathe !

– Et bien quoi, c’est vrai, non ? Quand on passe des nuits ensembles, tu passes ton temps à essayer de m’effrayer…

– Mais ce n’est pas ce qu’on raconte aux jeunes filles ! Tu n’as vraiment aucune éducation, c’en est consternant... »

Il allait se vexer, mais mon petit théâtre avait l’air de faire son effet sur ma spectatrice.

– C’est bien ce que je me disais. Tu connais d’autres choses ?

– Évidemment ! Je connais tout type d’histoires, de poèmes aussi. Je suis un troubadour des temps modernes !

– Ça se voit. Tu es bien plus à l’aise qu’Aïden. Lui, à chaque fois que je lui demande de raconter quelque chose, il bégaye ou sort un livre à réciter.

– Pauvre de toi, fis-je à Aïden avec un air moqueur. Il lit bien, au moins ?

– Pas du tout ! Avoua Béryl avec un petit rire. Il est vraiment mauvais pour parler.

– Ah, ça ! Parfois, je suis obligé de lui faire répéter plusieurs fois ce qu’il dit. Il n’a pas de barbe, et pourtant on a l’impression que son expression reste coincé dans son duvet…

– Bon, c’est fini, vous deux ? »

On se regarda furtivement avec Béryl, et nous rigolâmes ensemble. S’avouant vaincu, Aïden du se résoudre à ne pas faire la tête et rire avec nous, bien que ce fut peut être un peu jaune. Une fois l’épreuve du physique de Béryl passée, je découvris en vérité une jeune fille curieuse, intelligente et une langue bien pendue. Nous parlâmes tous les trois comme si nous nous connaissions depuis des années, sans interruption, jusqu’à ce que Aïden regarde l’heure.

– Bon, il va commencer à se faire tard. Bastien, il va falloir rentrer.

– D’accord. Béryl ? Ce fut un plaisir de faire ta connaissance.

– Ce fut plaisant pour moi aussi. S’il vous plaît, repassez par là de temps en temps, c’est agréable d’être avec vous.

– Si Aïden me le permet, ce serait avec plaisir !

– Si Aïden ne le permet pas, je saurai me venger !

– Béryl ! »

Aïden semblait véritablement choqué. Pour toute réponse, Béryl eut un petit rire.

– Au revoir, Aïden, Bastien. »

Et en lui faisant un signe de la main, mon compagnon et moi passèrent la porte. Une fois refermée, il laissa passer un petit soupir.

« Ça va, Aïden ?

– Oui. Ça s’est bien passé, non ? »

En parlant, nous nous dirigions vers la sortie.

« Son regard a été très perturbant au début… Mais elle est vraiment sympathique.

– N’est-ce pas ? C’est dommage qu’elle ne puisse pas rencontrer grand monde, hein ?

– Elle t’a toi, c’est déjà bien, non ? »

Il resta silencieux un moment, alors que nous retournions à la fraîcheur de l’air du soir.

– Et toi, ça va mieux ? Finit-il par me demander.

– Comment ça ?

– Tu t’es un peu décoincé. Depuis ce matin, tu étais bien silencieux.

– Ah…

– Qu’est-ce qui se passe, Bastien ? Qu’est-ce qui ne va pas ? »

Alors qu’on montait sur le vélo, l’angoisse que j’avais pu oublier dans cette petite pièce sécurisante où vivait Béryl me reprenait la gorge. En silence, je commençais à pédaler, alors que les doigts d’Aïden se serrèrent légèrement sur mon t-shirt.

« J’ai fait quelque chose…

– Non, non ! Pas du tout. Ce n’est pas ça.

– D’accord. Ça me rassure. »

Il sembla respirer un peu mieux. Je me sentais capable de ne pas arriver à lui parler, mais même moi je n’arrivais pas vraiment à savoir ce qui me faisait aussi peur. Il ne pouvait pas le voir d’où il était, mais mes mains sur le guidons tremblaient légèrement, alors que je le ramenais tranquillement chez lui sans rien paraître.

« Mais au fait, Aïden.

– Oui ?

– Pourquoi tu m’as présenté ta sœur, maintenant ?

– Pourquoi ? »

Il semblait n’y avoir pas vraiment réfléchi lui-même. Après un temps de réflexion, ce fut avec un ton on ne peut plus léger qu’il me répondit :

« Comme ça, tu fais un peu plus parti de la famille, non ? J’espérais que ça te rassurerait. Et en plus, je savais que ça allait faire plaisir à Béryl, donc c’était d’une pierre deux coups. »

Surpris, je me figeai. Voyant que je me tendais sur mon vélo, il s’inquiéta :

« J’ai mal fait ?

– Non… Ça me touche. Merci, Aïden.

– Aucun problème. »

Nous restâmes silencieux jusqu’à chez lui, où j’eus envie de lui demander de rester pour éviter ma propre maison. Mais me rattrapant au dernier moment, je fis demi tour, et le nœud au ventre, je fis route jusqu’à chez moi.

 

Au début, j’eus presque un espoir de bien m’en tirer. Mes parents, silencieux dans le salon, m’entendirent rentrer et ne firent rien qui changeait de l’habitude.

« Bonsoir. Je vais aller préparer le repas. »

Un sourcil se leva quand aucun de mes parents ne me répondirent. D’habitude, au moins ma mère me saluait. Mais espérant encore un peu qu’ils ne soient pas au courant, je me dirigeai vers la vaisselle de la cuisine. Mais le ton froid de ma mère mit fin à tout espoir de bien finir cette soirée.

« Bon, alors, tu vas nous en parler de ce garçon, ou il faut qu’on te force ? »

Mon mouvement, en train de laver des assiettes, se figea en l’air. Mon cœur dans ma poitrine commença à me hurler de m’enfuir. Sans regarder ma mère, j’arborai le plus beau sourire que je possédais.

« Pardon, mais… De quoi tu parles ?

– Ah non, Bastien ! »

Cette fois ci, je n’eus pas le choix de me retourner, car ma mère m’avait prit l’épaule. Son visage était tordu par la colère.

« Je peux tolérer beaucoup, mais je n’accepterais jamais le mensonge ! Ne fais pas l’innocent, je t’ai vu ! »

Instinctivement, je tenais encore l’assiette que je lavais dans la main. Je sentais mes muscles se serrer sur elle comme une bouée de sauvetage. Cette petite assiette me semblait être ma seule et futile alliée.

« Son mon toit… Sous mon propre toit…

– Enfin, dans les faits, c’était pas vraiment sous ‘‘notre’’ toit, si ça s’est passé dans le jardin, non ? »

Alors que ma mère semblait bouillir de rage et de désespoir, mon père, toujours immobile dans le canapé avec un livre de médecine, semblait plutôt sarcastique. Ma mère recula de moi pour vivement réprimander celui qui venait d’ouvrir la bouche.

« Sous notre toit ou pas, qu’est ce qu’on s’en fiche ! Ce n’est pas le moment de faire dans le détail ! Son honneur…

– Son honneur, son honneur, tout de suite les gros mots ! Désolé chérie, mais tu passes ta journée à t’occuper de besoins de petits vieux et de malades à l’hôpital, et là tu nous parles d’honneur ? Tu devrais savoir depuis longtemps que c’est une valeur obsolète, de nos jours.

– Tu vas trop loin, Bruno ! »

Elle était définitivement sortie de la cuisine, et mes parents, invisible à mes yeux, commençaient à se crier dessus. Je laissais passer quelques minutes, le temps de réussir à respirer, ignoré et immobile dans la cuisine. Malgré le volume, j’arrivais à peine à les entendre. Puis ayant peur que ma mère en vienne aux mains face à mon père qui n’avait toujours pas bougé de son canapé, je revint vers eux, espérant calmer le jeu :

« Pardon, maman… Mais c’est juste un ami… »

Le regard de mes deux parents me dévisagèrent en silence pendant quelques secondes, avant que ma mère se remette à vociférer :

« Un ami ? Arrête de me prendre pour une imbécile ! J’ai bien vu comment tu dormais sur lui, ce matin ! Ne vas pas me faire croire que c’est innocent !

– Tu as peut-être exagéré. Ce ne serait pas la première fois, remarqua mon père, toujours aussi calme qu’à son habitude.

– Toi ! Ton fils est malade, détraqué, et tu t’en fiches ?! Tu ne vois pas que ce n’est pas le moment pour tes remarques sans intérêt ?

– Toi, tu es surtout en train de constater que lui hurler dessus et lui avoir mis la pression pendant des années ne lui a pas permis de devenir ce que tu voulais.

– C’est toi qui me dit ça ?! »

Ma mère arracha le livre des mains de mon père pour le lancer à l’autre bout de la pièce. Mon père, surpris, resta sans rien dire, alors que j’eus un cri de surprise. La situation m’échappait totalement. Attirant de nouveau l’attention de ma mère, elle me prit par le col et me hurla :

« Dis-moi la vérité Bastien ! Est-ce que tu as consommé ?!

– Quoi… ?

– Je m’en fiche de tes excuses ! Réponds moi !

– Sylvie, lâche-le !

– Pas tant qu’il m’aura répondu ! »

Elle me regardait comme si elle allait me manger. En un éclair, je me rappelais, ce soir, les agresseurs, mon vélo. Des larmes coulèrent naturellement alors que mon visage se tordait d’une panique pure.

« Je ne comprends rien… Maman…

– Stop ! Tu vas trop loin, lâche-le tout de suite ! »

Mon père se releva d’un seul coup, mais alors qu’il lui empoignait la main qui me tenait le col, l’autre main vola dans sa figure. Un silence de mort se fit alors. Ma mère, choquée, regardait la joue rouge de mon père, dont le regard sombre oscillait entre de l’effarement et de la colère. L’air était tellement dense qu’il me semblait presque incapable de rentrer dans ma gorge. Un sifflement lourd, menaçant, semblait résonner dans la maison familiale.

« Bastien. Monte dans ta chambre tout de suite. Nous avons à parler, avec ta mère. »

Ma mère, figée dans son mouvement comme en état de choc, ne m’accorda même pas un regard. Quant à moi, je n’hésitai pas. Je montai les escaliers sans demander mon reste. Je claquais par réflexe la porte de ma chambre, et m’écrasa juste derrière, pour être sûr que personne ne rentre. Recroquevillé contre la porte, me sentant enfin en sécurité, je commençais à pleurer, doucement. Comme en écho à des jours d’enfances, j’entendis mes parents se disputer. Hurlant, cassant des objets, je me bouchais les oreilles pour ne pas entendre. Tout me semblait infâme, et je ne pouvais m’empêcher de penser avec douleur à Aïden. Je ne pouvais pas m’empêcher de rêver de partir le rejoindre. Entouré par l’ombre et l’obscurité de ma chambre que je n’avais pas allumée, je me sentais terriblement seul.

 

Je finis par m’endormir à l’endroit où je me trouvais. Je ne me réveillai qu’au jour levé. Engourdi d’avoir passé des heures entières recroquevillé, je me levai avec douleur. Je descendis les escaliers d’un pas lourd. Le salon était dans un état calamiteux. Des chaises étaient renversées, du verre cassé était répandu sur le sol. Mon père, allongé sur le canapé, semblait souffrir de problèmes de dos. Ses cernes parlaient d’elles-même par rapport à la nuit qu’il avait passée. On se fixa sans mot dire pendant quelques minutes, avant que d’une voix brisée, je finis par demander :

« Maman ?

– Elle est partie. »

Il se rassit sur le canapé et me fit silencieusement signe de venir m’asseoir aussi. La mort dans l’âme, j’obtempérais.

« Écoute. Ta mère et moi, on va divorcer.

– Je suis censé m’en étonner ? »

J’avais le cœur trop lourd pour pouvoir m’attrister davantage. Mon père me regardait encore dans les yeux, et pour la première fois, je compris qu’il n’était pas invincible. Car dans son regard, il ne semblait n’y avoir que de la douleur.

– Non. Je suis désolé de ce qu’il s’est passé hier, Bastien. »

Je ne pus pas répondre, mais ma tête s’écrasa contre son épaule. Il n’eut aucun geste affectueux, mais il ne me repoussa pas.

« N’essaie même pas de me dire que ce n’est pas de ma faute, je ne te croirais pas.

– D’accord. »

Ce simple assentiment sembla crever mon cœur. Son épaule bougea légèrement alors qu’il prenait de l’air comme pour plonger.

« Et du coup… Pour ce qui est de…

– Je ne veux pas me mêler à ça. Je ne veux rencontrer aucun juge ou avocat, et je ne veux vivre, ni chez toi, ni chez elle. A la rentrée, je pars d’ici, et je vais vivre ailleurs. Seul.

– Vraiment seul ?

– Ça ne te regarde pas. »

Sa main sembla se lever, au début comme pour me caresser, mais au final il ne fit que me repousser, sa main sur mon épaule.

« Tu es sûr de toi ?

– Certain. Avec toi, j’étouffe, et avec maman, je n’existe pas…

– D’accord.

– Elle ne reviendra pas ici ?

– Je ne pense pas. Je n’en sais rien. »

Je me relevai, et d’un pas lourd, me dirigeai vers la sortie de cet enfer.

« Où est-ce que tu vas ?

– Voir un ami. Débrouille-toi, pour manger.

– Bastien ! »

Je me retournai lentement. Mon père eut l’air d’hésiter, puis du se raviser.

« Non, rien. Amuse-toi bien. »

Sans un regard, je retournai me changer dans ma chambre et parti immédiatement sur mon vélo, guitare dans le dos. Je ne pouvais pas attendre le crépuscule pour voir Aïden.

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