Chp 8

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- BON… JOU…RE ! CO…MMENT… VAS…TU ?

- Bien, merci

- VEUX… TU… DU… LAIT ?

- Oui, merci.

Vanouché étudie cette mère de famille qui lui parle depuis une semaine comme à une demeurée, le sourire aux lèvres et la bonté chevillée à l’âme. Elle la remercie intérieurement de tous les efforts qu’elle fait pour qu’elle se sente à l’aise : sa façon de parler, certes, mais aussi l’organisation de sorties en famille, de discussions sur les coutumes françaises, de rencontres autour de goûters avec tous les enfants du quartier. Nul doute qu’elle a une longue habitude de l’accueil de correspondants en tout genre. Mais si elle pouvait malgré tout la laisser seule quelques heures par jour, quel soulagement ce serait. Vanouché a le sentiment d’être assaillie de toute part à force d’être entourée.

Papa leur a dit que la meilleure façon d’apprendre une langue, c’est de s’immerger. Donc le mois de juillet, premier de leur nouvelle vie, serait consacré à une rencontre avec le français. Par ses anciens amis, il a trouvé trois familles qui sont prêtes à accueillir chacune une des filles. C’est une chance de commencer ainsi leur intégration. Une habitera à Poitiers chez une famille de catholiques pratiquants et fera même une semaine de camp scout avec la jeune fille qui a le même âge qu’elle : ce sera Bella. Une autre sera en région parisienne, à Houdan, dans une famille de quatre enfants, dont aucun n’aura son âge, le plus vieux d’entre eux ayant huit ans. Voilà la famille qui accueillera Vanouché. Quant à la Petite, elle passera ses journées chez un couple d’amis parisiens, qui ont des jumeaux du même âge qu’elle, gardés par une nounou à domicile. Mais tous les soirs, elle rentrera chez papa et maman : elle est encore trop petite pour vivre au loin.

Vanouché n’en peut plus de ce long exil. Et pourtant, elle n’a quitté l’Iran que depuis trois semaines. Elle se demande si elle aura le sentiment de se retrouver un peu chez elle quand elle retrouvera le foyer familial, emménagé en plein Paris. Ou bien aura-t-elle encore ce lancinant sentiment d’étrangeté ? Papa a dit qu’elle commencerait leur scolarité française dans un lycée public, comme les autres jeunes de leur âge, dès la rentrée en septembre. Mais saura-t-elle alors assez bien parler français pour suivre en classe ? Continueront-ils à parler perse à la maison, ou devront-ils aussi adopter le français tous les soirs pendant les repas familiaux. Maman aura-t-elle adopté la cuisine française, qui lui semble si insipide, sans la présence d’aucun épice, ou bien aura-t-elle trouvé les ingrédients pour faire son délicieux chelow khoresht comme avant ? Vanouché n’en peut plus de toute cette incertitude. Elle sourit poliment aux membres de cette famille étrange. Elle attend de retrouver les siens. Elle ne se rend même pas compte qu’elle sait maintenant participer à une conversation longue en français.

 

 

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