Chapitre XXIV : la vocation du sourire

Par Makara
Notes de l’auteur : Bonjour ! Voici un nouveau chapitre, c'est du premier jet, n'hésitez pas à me faire des remarques :p
Bonne lecture et merci encore <3

Arthur se réveilla en sursaut lorsque des phares de voitures l’éblouirent. Il avait été obligé de s’arrêter quelques heures sur le bas-côté pour dormir un peu tant la fatigue le tiraillait. Son regard s’arrêta sur l’heure : 4h00 du matin. Il mit le contact et repartit sur les routes. Il ne devait lui rester que deux heures avant de rejoindre Peillac.

Il avait conduit toute la nuit, d’abord pour déposer Eliot à son hôpital psychiatrique puis pour faire le chemin en sens inverse. Il avait compris qu’il y avait une urgence au domicile de Lucie devant le nombre d’appels de Carla Cole et Lucie Cruz. Il avait rappelé, mais personne n’avait répondu. C’était donc l’estomac noué et l’esprit préoccupé qu’il avait quitté son frère. Penser à Eliot lui fit monter les larmes aux yeux. Il n’en pouvait plus de le voir souffrir, d’assister à ses humeurs changeantes sans trouver de solutions sur le long terme. Il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour le soutenir, mais il avait l’impression de n’être jamais assez à la hauteur. Parfois, une pensée fugace le traversait : abandonne-le, tu ne peux rien faire pour lui… Cette réflexion le culpabilisait et il s’en voulait des jours durant. Il se demandait alors s’il n’était pas exactement comme son père, un homme sans courage, qui fuyait ses responsabilités et il se haïssait. Après le suicide de sa mère, il s’était juré de toujours prendre soin de son frère même si celui-ci menaçait de mettre fin à sa vie assez régulièrement à l’image de la veille. Il se rassura en se disant qu’il avait évité le pire même s’il avait toujours l’impression de déplacer le problème…

Pour garder la tête fraîche et oublier ses idées noires, il ouvrit la fenêtre et alluma le poste de radio. À cette heure, il ne captait pas grand-chose. Les grésillements l’accompagnèrent jusqu’à son arrivée en ville.

Il se gara sur le parking en partie désert. Avant de sortir de la voiture, il s’inspecta dans le rétroviseur. Son teint cireux et ses yeux injectés de sang le faisaient plus passer pour un junkie que pour un visiteur. Il maugréa à la vue de cette image et sortit de son véhicule. Le froid eut l’avantage de le réveiller. Le gel étendait ses tentacules sur les bancs, les lampadaires et sur les pare-brises des voitures esseulées. En pénétrant dans l’hôpital, il remarqua que le silence régnait dans les lieux. Charlie lui avait laissé un long message lui expliquant que Lucie, Stéphane et Carla avaient été attaqués pendant la nuit, mais sans donner plus de détails. Il s’approcha de l’accueil.

— Bonjour, lieutenant de police Arthur Jakes. Auriez-vous une admission récente dans la nuit pour un accouchement ?

— Oui. Elle est arrivée vers minuit. Mais les visites ne sont pas possibles…

— Je sais. Je cherche une personne qui l’accompagnait. Je ne serai pas long.

La réceptionniste acquiesça et reporta son attention sur l’ordinateur.

Arthur se dirigea vers le service maternité et déambula dans les couloirs tentant de trouver Carla. Est-elle repartie auprès de son bien-aimé ? Il monta plusieurs étages. Les couloirs étaient vides. Froids. Éteints. De faibles pleurs d’enfants résonnèrent dans un corridor. Il bifurqua. Dans cette zone, les lumières brillaient si fort que le contraste le fit plisser les yeux. Soudain il la vit.

Elle était recroquevillée sur une chaise, le visage maculé de sang.

Il se figea. Pourquoi était-elle blessée ? Qu’était-il arrivé au juste ? Il s’approcha. Carla fixait le mur d’un œil vide. Elle paraissait ailleurs, dans un autre monde, une autre dimension. Il était maintenant tout près d’elle. Elle tourna son visage vers lui, mais ne sembla pas le reconnaître, ses yeux le transperçaient comme s’il était un fantôme.

— Carla ? commença-t-il doucement.

Elle ne réagit pas. Elle ne le voyait pas.

— Ouououh ! Carla ! s’exclama-t-il, agitant une main devant elle.

Toujours rien. Une angoisse subite l’étreignit. Elle était complètement déconnectée. On lui avait parlé de ces cas, ces hommes et ces femmes qui vivaient sans voir, sans sentir, sans reconnaître, devenant des ombres.

Il hésita à la toucher, il savait qu’elle n’aimait pas les contacts physiques, mais c’était la seule solution qu’il lui restait. Il posa sa main sur son poignet et s’agenouilla pour être à sa hauteur.

— Carla, répondez-moi…

Leurs nez se touchaient presque. Il remarqua sa blessure à la tête et grimaça. Ce n’était pas joli à voir. Un éclair évanescent traversa soudain ses pupilles et elle se leva brusquement.

Arthur se redressa.

— MAIS OU VOUS ÉTIEZ ?

Sa question était emplie d’une telle colère que sa voix en tremblait.

La jeune femme tenta subitement de le gifler. Plus vif, il lui attrapa le poignet et lui fit baisser son bras ce qui la fit gémir. Il lâcha prise immédiatement. Elle se massa l’épaule sans un mot et se rassit.

— Je suis désolé, je ne savais pas que vous étiez blessée…

Elle secoua la tête, porta ses mains à son front, comme pour reprendre ses esprits. Sa respiration sifflante l’inquiéta. Tout son être suintait la souffrance.

— Venez, vous devez voir un médecin.

Il tenta de l’aider à se redresser, mais elle l’esquiva et fit quelques pas hésitants dans le hall, le regard rivé au sol. Il la suivit, les sourcils froncés. Avait-elle une idée de sa destination ou cherchait-elle juste à le distancer ? Sa démarche fébrile, son dos courbé, ses doigts pantelants lui brisèrent un peu le cœur. Où était cette force qui l’avait subjuguée dès leur première entrevue ? Elle avait été dépecée de son assurance. Après quelques mètres de marche, elle vacilla. Arthur réussit à la rattraper avant qu’elle ne s’effondre. Il passa son bras fermement autour de son cou.

— Laissez-moi vous aider.

— Pas besoin.

—Vous n’avez pas le choix.

La jeune femme arrêta de se battre, il sentit son corps se décrisper et accepter son aide. Sa tête bascula sur son épaule. Ils déambulèrent dans plusieurs couloirs avant de s’arrêter devant une porte battante. Arthur donna son nom au personnel soignant et continua de soutenir la jeune femme. Elle tenait à peine debout et marmonnait des mots incompréhensibles. Il resserra sa poigne autour de son bassin alors que ses jambes se dérobaient sous elle. Il l’assit et lui apporta de l’eau ainsi qu’une barre chocolatée. Elle mangea distraitement, le regard toujours absorbé par les murs puis finit par s’endormir, la tête contre lui. Lorsqu’un soignant vint la chercher, Arthur la réveilla et elle passa d’elle-même son bras autour de son épaule.

Ce n’était pas grand-chose, mais cela remua un peu Arthur. Qu’avait-elle vécu pour être aussi docile ?

Le médecin recousu d’abord la blessure de son crâne. Elle ne broncha pas, elle le regardait juste sobrement. A quoi pouvait-elle penser ?

Puis, elle passa une radio pour son épaule. Elle se laissa manipuler sans rien dire. Le médecin apprit à Arthur qu’elle avait une fracture et qu’elle devrait porter un bandage ajustable pendant trois semaines le temps que son épaule se consolide.

Arthur acquiesça. Quelquefois Carla lui jetait des coups d’œil interrogateurs, mais elle semblait si loin… Le médecin la ramena à la réalité lorsqu’il commença à palper ses bras. Elle le repoussa mollement :

— Je crois qu’on en a fini avec les examens, doc.

— Mademoiselle je dois vérifier deux-trois choses avant…

— C’est bon j’ai mal nulle part ailleurs, lâchez-moi.

— Parfois quand une douleur dans un endroit est intense on ne se rend pas compte des autres blessures, insista-t-il

— Je vais vous foutre un poing dans la gueule, vous allez bien la ressentir la douleur.

Arthur ne put s’empêcher d’éclater de rire en entendant la remarque. Ses nerfs lâchaient ou alors il était heureux de retrouver la hargne de la jeune femme, il n’en savait rien. Mais qu’est-ce que ça faisait du bien ! Carla et le médecin le dévisageaient atterrés. Il pleurait de rire ou il riait en pleurs, quelles différences ? Quelle nuit ! Que faisait-il donc à prendre soin d’une criminelle ? Il aurait dû être au chevet de Stéphane, quelques étages plus hauts. Mais non, il était là, à chercher les ennuis et à s’enticher d’une femme avec qui toute relation était impossible. Foutu karma, tient. Il se moquait toujours de son infortune lorsque Carla se leva d’un bond. Elle franchit le pas de la porte, se retourna et s’exclama à son intention :

— Vous venez ou vous continuez de vous gausser tout seul ?

Le lieutenant acquiesça avec un sourire, fit un signe de remerciement au médecin et suivit la jeune femme dans le corridor. Ils marchèrent jusqu’à l’entrée de l’hôpital. Carla se retourna soudain, ses yeux lançaient des éclairs. Elle semblait avoir bien retrouvé ses esprits maintenant.

— Alors, où vous étiez?

— Et si je vous raccompagne chez vous, nous en parlerons en chemin ?

La jeune femme sembla prise de court, elle hésita et finit par lâcher.

— Pourquoi pas… Si vous essayez de vous racheter…

Ils sortirent sur le parvis. Les premières lueurs de l’aube émergeaient de l’horizon et faisaient scintiller les cristaux de givre aux alentours. Arthur se rendit compte que la jeune femme n’avait qu’un polo déchiré pour haut. Elle serra ses bras l’un contre l’autre pour se réchauffer. Il enleva son manteau et le lui tendit.

— C’est bon, je ne suis pas en sucre.

— Prenez-le ou je vous le mets de force.

La jeune femme le fusilla du regard et le passa maladroitement sur ses épaules. Ils traversèrent le parking et montèrent tous deux dans la voiture. Carla s’assit sur le siège avant sans lui demander son avis. Le lieutenant mit le contact et commença à prendre la route.

Les minutes s’écoulèrent, Carla frissonnait à côté de lui. Son regard était de nouveau lointain.

— Vous avez l’air… Absente.

Elle ne répondit pas immédiatement.

— On vient d’essayer pour la deuxième fois de me tuer en deux semaines, j’ai dû assister à l’accouchement de ma pire ennemie et j’ai le bras dans une écharpe. Désolée de ne pas être rire et sourires comme vous.

— Au moins, vous n’avez pas perdu votre sarcasme.

Arthur regretta sa dernière réplique quand la jeune femme serra les dents, signe d’énervement.

— Je suis désolé. murmura-t-il. Désolé, de ne pas être venu…

La jeune femme tapa du poing sur la portière.

— Mais à quoi ça me sert que vous soyez désolé ? Est-ce ça va effacer les dernières heures ? Est-ce que ça va m’enlever la vision de ce môme ? C’était l’enfer ! Vraiment l’enfer…

Les mains du lieutenant se pressèrent contre le volant, son corps se raidit. Il commençait à saturer. Il avait envie de la laisser subitement au bord de la route avant qu’elle ne le rende complètement fou.

— Vous avez dormi ? préféra-t-il demander après un moment de silence.

— Non.

— Bon, changement de plan. Je ne peux pas vous laisser toute seule. Vous dormirez sur mon canapé.

Elle souffla et leva les yeux aux ciels.

— C’est une mauvaise idée.

— Je sais, mais je n’en ai pas d’autres.

Le lieutenant bifurqua pour changer d’itinéraire.

— Est-ce que vous pouvez me raconter votre nuit ?

— Je ne sais pas si j’en serai capable. Dès que je ferme les yeux, j’ai l’impression de revivre le cauchemar.

— Je peux attendre.

Finalement, la jeune femme se lança dans le récit des évènements. Elle relata le tout avec de nombreux jurons et termina la voix tremblante. Arthur avait écouté avec les lambeaux d’attention qu’il lui restait. Il était estomaqué par son courage et sa détermination et ne pouvait aller au-delà d’une autre réflexion, il restait focalisé sur celle-ci. Il manquait vraiment de sommeil.

Une fois la voiture garée, ils entrèrent dans sa maison. Arthur alluma, ferma soigneusement les volets et donna à manger à Osiris. Carla resta figée près de la porte, indécise sur la conduite à tenir. Le lieutenant lui indiqua le canapé d’un mouvement d’épaule et sortit du buffet deux verres de whisky.

— Vous en voulez ?

Carla qui venait de s’asseoir hôcha la tête. Arthur vida son verre cul sec et tendit l’autre à la jeune femme. Elle le récupéra et en but une gorgée. Le lieutenant récupéra une couverture qu’il posa sur le canapé.

La jeune femme tenta de la déplier et gigota pour réussir sa manoeuvre d'un seul bras.

— Bordel de bandage de merde !

— Restez tranquille…

— Restez tranquille… répéta-t-elle. Il est marrant c’est pas lui qui a l’épaule fracturée.

Malgré la fatigue, Arthur sourit. Carla le dévisagea longuement.

— Comment faites-vous ?

— Quoi ?

— Pour sourire tout le temps, comme ça, c’est programmé ?

— En quelque sorte. Je me dis que c’est toujours plus facile de pleurer ou de faire la tête que de sourire. Et puis, ça fait travailler la mâchoire, comme ça, pas de double menton.

Carla émit un mince rictus. Arthur y vit une victoire personnelle.

— J’aimerais bien avoir cet état d’esprit. Pour moi, sourire m’a toujours demandé un effort, comme si ce n’était pas naturel.

— Vous devriez vous entraîner avec moi, peut-être que cela viendra plus facilement par la suite.

— Donc, même quand vous êtes triste vous souriez ?

— Même quand je suis triste, confirma-t-il.

— Ça ne doit pas arriver souvent… déclara-t-elle.

— Vous connaissez si peu ma vie.

La jeune femme haussa les sourcils et son regard le transperça, comme si elle le voyait vraiment pour la première fois. Elle tira la couverture sur ses épaules, s'allongea et chuchota :

— Merci, Arthur.

— Je crois que ma compagnie vous change, vous êtes beaucoup plus polie depuis que vous me connaissez. Vraiment Carla, je suis fier de vous apprendre les bonnes manières, déclara-t-il en lui dédiant un toast et en terminant cul sec son whisky.

— La ferme, répliqua-t-elle en fermant les yeux.

Le lieutenant sourit en la regardant s’endormir.

 

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Rimeko
Posté le 09/10/2021
Coucou Makara !
En fouillant dans les notes de mon téléphone pour retrouver un code d'appart, j'suis tombé sur un relevé de coquillettes pour toi, donc euh, voilà xD En attendant que je trouve le temps de lire les nouveaux chapitres !

Coquillettes et suggestions :
"Il maugréa à la vue de cette image" Ouais, en général, c'est pas le son d'une image... 'devant cette image' ? 'à cette vue' ?
"Charlie lui avait laissé un long message lui expliquant que Lucie, Stéphane et Carla avaient été attaqués pendant la nuit, mais sans donner plus de détails" Du coup en quoi il était long ce message si elle explique pas les détails ? XD
"Auriez-vous une admission récente dans la nuit pour un accouchement ?" 'récente' et 'dans la nuit' est un peu redondant, je trouve...
"lui *fit* baisser son bras ce qui la *fit* gémir" Repet
"Il passa son bras fermement autour de son cou" Désolé mais là je vois une prise de judo mdr
"elle passa d’elle-même son bras autour de son épaule" Ses épaules ? Sinon j'ai encore une fois une drôle de vision en tête haha
"Le médecin recousu(t) d’abord la blessure de son crâne"
"Il pleurait de rire ou il riait en pleurs, quelles différences (quelle différence) ?" Jolie formulation ceci dit !
"Foutu karma, tient (tiens)"
"Désolée de ne pas être rire et sourires (rires et sourires / rire et sourire) comme vous"

Euh... je me souviens plus assez de ce dont on a déjà parlé de vive voix ou dans les coms FPA, et du contenu exact de ce chapitre, pour vraiment faire un commentaire complet, déso :'D Mais je me souviens que j'avais beaucoup cette discussion un peu plus apaisée entre Carla et Arthur !
Allez, la bise, en espérant se retrouver bientôt
Alice_Lath
Posté le 12/04/2021
"gosser" -> C'est gausser je crois bien
Sinon, rien à redire sur ce chapitre qui est vraiment très bon ! J'ai trouvé très juste l'échange entre Arthur et Carla et surtout la colère de Carla envers lui. La dynamique des deux personnages est attachante, bref, du tout bon pour moi haha, la brève, je n'ai finalement pas grand-chose à ajouter dans ce commentaire.
Bien joué, Makara !
Makara
Posté le 13/04/2021
Coucou ! Ah oui tu as raison pour gausser ! ;)
Oh, je suis super contente que ce chapitre te plaise ! Tu me diras pour le chapitre suivant si tu trouves qu'ils sont toujours attachants ;)
Bon, écoute tant mieux, si c'est du tout bon pour toi :p
Pour un 1er jet, ça veut dire que ça tient la route !!!
"Bien joué, Makara !"=> Merci Alice <3
Gabhany
Posté le 15/12/2020
Ooooooh j'ai adoré les échanges de Carla et Arthur c'était parfait !! Arthur va-t-il réussir à percer la carapace de Carla ?? Mystère et boule de gomme, mais j'ai TROP envie de savoir ce qui va leur arriver ^^ J'ai repéré deux petites coquilles " le médecin recousit (pas recousu) et se gausser (pas se gosser). Ton histoire m'avait manqué !! Par contre définitivement Arthur ton côté sauveur de l'humanité te perdra un jour, fais gaffe XD
Je lis la suite très vite !
Plein de bisous ma Makara chou <3
Makara
Posté le 15/12/2020
Coucou Gabhany adorée <3
Hiiii je suis contente si tu as aimé les échanges entre Carla et Arthur^^
Merci pour les coquilles ! Elles sont bien belles !
Rooh trop bien si l'histoire t'as manqué <3
Merci pour ton (tes) retours <3
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