Chapitre XVI : Le sermon

Par Makara
Notes de l’auteur : Bonjour à tous ! Et oui, c'est cadeau ! Deux chapitres en trois jours !
N'hésitez pas à me laisser un petit com, je suis en perte de motivation sur l'histoire... Bisous

Arthur se massa encore une fois le crâne avant de toquer. La douleur l’irradiait du haut de sa tête jusqu’à ses tympans et cela depuis son réveil.

La veille, après avoir repris ses esprits, il avait appelé Stéphane et Charlie et ils étaient venus le chercher à la maison de Marc 107ourant. Ses collègues l’avaient assommé d’une multitude de questions, mais avaient fini par se taire devant son silence inhabituel. Un médecin avait recousu sa plaie au crâne à l’hôpital puis ses collègues l’avaient raccompagné chez lui, des expressions inquiètes et désolées collées aux visages. Arthur détestait ça.

Il s’était effondré de fatigue sur son canapé avec Osiris pour oreiller et l’envie de tout oublier. Ce bled paumé, ses habitants. L’affaire. Cette satanée Carla.

Il avait émergé vers 10 h du matin, bien plus tard que prévu, avec dix appels en absences, un mal de tête carabiné et le ventre vide.

Il s’était préparé avec flegme, avait avalé un doliprane et avait rejoint le commissariat à pied, le temps de s’aérer les neurones et de préparer sa défense.

Arthur devait changer de méthode, obtenir la confiance de Carla n’était plus dans ces priorités. Il devait être plus malin qu’elle s’il souhaitait résoudre cette affaire.

Immobile et propre comme un soulier neuf, il attendait donc devant le bureau de son supérieur. Le commissariat était étrangement calme. Il s’aperçut que ses collègues lui jetaient des œillades compatissantes.

Son supérieur lui permit d’entrer. La pièce lui sembla plus étroite que dans ses souvenirs. Peut-être que cela provenait du placement des grosses armoires grises à volets qui occupaient à présent les quatre coins ? Ou des persiennes en ferrailles à peine entrouvertes ?

— Je vous écoute, Jakes.

Le commissaire le sondait du regard depuis plusieurs minutes. Sa peau gravelée tressaillait sous l’exaspération. Sa bouche se plissait et laissait entrevoir des dents jaunies.

Arthur hocha la tête, tenta de faire le vide dans son esprit. Il devait prouver qu’il gérait la situation, que tout était sous contrôle. Il lui relata à nouveau la relation toxique qu’entretenait Carla avec Justin, qu’elle en savait bien plus que ce qu’elle voulait leur faire croire, qu’au fond, c’était juste une femme qui avait beaucoup souffert. Le commissaire Saint-Di ne put s’empêchait de rire. Un rire désagréable, provenant de ses entrailles comme si le râle faisait vibrer ses organes.

— Vous ne faîtes pas dans le social, Jakes. Votre boulot, c’est de faire respecter la loi et de suivre…

— Les règles. Je sais.

— Non, mes ordres.

— Ah. Très bien. Quels sont-ils alors ?

— Vous allez me chercher cette Carla Cole et vous allez l’arrêter ! Votre petit jeu a assez duré.

— Sur quel motif ?

— Entrave à la justice. Elle risque deux ans d’emprisonnement. Mise en danger d’autrui, sinon. Il ne faut pas avoir fait l’ENA pour comprendre qu’elle vous fait tourner en bourrique ! Vous la mettez au moins en garde à vue et je m’en occupe. Je la connais. En lisant son dossier, je me suis rappelée d’elle, déjà gamine, c’était une déséquilibrée.

— Et c’est pour cela que vous avez bien fait de me laisser l’enquête, vous ne voudriez pas qu’on vous accuse de partialité ?

— Comment ? répéta son supérieur bouche bée.

— Un fonctionnaire se doit d’écouter le témoin ou suspect même si c’est une personne « défavorablement connue » du service. On doit la traiter avec le même égard que n’importe quelle autre personne, en faisant abstraction de sa propre opinion sur elle et sans remettre systématiquement en question ses déclarations.

— Vous vous croyez plus intelligent, car vous pouvez réciter des paragraphes entiers du code par cœur ? Vous me parlez de déontologie alors que vous faites participer une civile à l’enquête sans en aviser votre supérieur  ! Vous partez rencontrer un potentiel suspect sans avertir les collègues et vous osez me faire la morale ? Ce sont des fautes, Jakes ! Ça va vous mener au tribunal disciplinaire, ça !

Arthur ne se démonta pas.

— J’utilise cette femme. C’est différent. Elle détient les clés de l’enquête, je le sais, je le sens et j’ai besoin de construire une relation de confiance, déclara-t-il en tentant de faire bonne figure.

— Vous l’utilisez ? Vous êtes sûr que ce n’est pas l’inverse ? Je vous rappelle que nous vous avons retrouvé en sang, avec un suspect en fuite et sans voiture…

— C’était une erreur de jugement, j’ai cru que…

— Donc, si je vous suis, vous êtes juste un gros naïf ? Vous avez eu votre concours dans une pochette surprise ?

La mâchoire d’Arthur se contracta. Il devait encaisser. Il méritait ce sermon. Il avait été prétentieux et trop sûr de lui.

— J’endosse l’entière responsabilité de toute cette histoire, Commissaire. Si vous devez me sanctionner, faites-le. Mais laissez-moi l’enquête. J’ai fait de véritables progrès. Je sens que je me rapproche du but. Je sais que cet accident est bien plus vaste que ce que l’on peut imaginer au premier abord. Il y a un véritable réseau de drogue à démonter et un meurtre à élucider.

Le commissaire ricana.

— Mais oui. J’imagine… Attendez. Un meurtre ? Vous parlez bien de l’accident ?

— Non. Justin Cruzet a tué quelqu’un. Une personne qui lui devait de l’argent.

Il lui fit écouter la conversation de Carla Cole avec Marc Cournat. Saint-Di resta silencieux, concentré sur le fil de la discussion enregistrée puis il s’amusa avec le petit fanion qui possédait les couleurs de la France et jeta un mouchoir dans la poubelle. Arthur savait que l’élucidation d’un double meurtre donnerait au commissariat une visibilité et une renommée régionale. Peillac serait sous les feux des projecteurs, cette idée devait forcément plaire à Saint-Di.

— Très bien. Je vous laisse sur l’enquête. Mais à partir de maintenant, vous serez accompagné dans tous vos déplacements des brigadiers Charlie Poiret et Stéphane Losange.

Arthur remercia mentalement le ciel de lui avoir associé ses deux collègues préférés.

— Très bien.

— Vous ne prenez plus aucune décision sans une autorisation de ma part.

— Bien entendu.

— Epluchez les disparitions des dernières semaines.

— C’est ce que souhaitais faire.

— Lancez aussi un mandat de recherche pour retrouver ce Marc Courant.

— Cournat.

— Oui. Si vous le dîtes. Déguerpissez maintenant !

Le lieutenant acquiesça et se dépêcha de sortir de la pièce. Il partit d’abord aux toilettes pour s’examiner et constata que malgré ses efforts, il n’avait pas bonne mine.

Il rejoignit l’open space des brigadiers. Une activité morne régnait dans la salle mais tous levèrent les yeux vers lui quand il entra dans la pièce. Quelques policiers téléphonaient, d’autres chuchotaient entre eux. Il remarqua Stéphane en train de taper d’un seul doigt sur le clavier de l’ordinateur avec application. Il vérifiait chacun des mots en fronçant les yeux et en tirant la langue. Arthur sourit, il se jura de lui donner quelques conseils pour améliorer sa vitesse de frappe. Charlie lui fit signe. Il s’approcha. La jeune femme récupéra ses lunettes de vue.

— Comment ça s’est passé ?

— Il me laisse l’enquête mais je n’ai plus le droit à l’erreur.

Il entendit des soufflements déçus.

— Tu t’en sors pas mal, dit-elle en tendant sa paume vers un collègue qui déposa un billet de vingt euros dans sa main.

— Je vois que des paris ont été lancés.

— Tu es notre nouvelle française des jeux, ajouta Charlie avec un sourire.

Stéphane se rapprocha avec des documents à la main.

— Lucie Cruzet a appelé. Cette nuit, elle a été agressée. Nous avons envoyé une équipe.

— Très bien. Merci. Au fait, vous devez m’accompagner dans tous mes déplacements.

Ses coéquipiers ne furent pas spécialement surpris.

Arthur s’empara des notes et feuilleta les pages. Bon, bon. Voilà que la gentille épouse se faisait agresser musicalement. Stéphane lui proposa une tasse de café qu’il accepta volontiers en lisant en diagonale le rapport. Il récupéra son téléphone et appela Madame Cruzet. Elle décrocha à la deuxième sonnerie.

— Monsieur Jakes ?

— Bonjour, Madame Cruzet, oui c’est moi. Je suis désolé, j’étais en mission toute la nuit et une partie de la journée.

— On vous a raconté ? demanda-t-elle d’une petite voix.

— Oui. Je vous envoie une patrouille qui restera stationnée dans votre rue toute la nuit.

— Et la journée ?

Arthur hésita.

— La journée aussi.

— Merci.

Le soulagement se percevait dans sa voix.

— Vous allez passer ?

— Oui. Je dois me rendre à l’hôpital d’abord et ensuite je viens vous voir.

— Merci. À bientôt.

Arthur raccrocha et s’aperçut qu’il avait vidé le liquide qu’on lui avait tendu quelques instants plus tôt. Il se mettait à boire de plus en plus de café, bientôt, il allait finir par avoir les traits classiques des inspecteurs des séries débiles à la télévision…

Non. Jamais. Le thé reviendrait dans sa vie.

Il déposa sa tasse à la cuisine puis quitta les lieux. Stéphane et Charlie se rendirent compte qu’il partait et se dépêchèrent de le rejoindre.

— On va où lieutenant ? demanda Stéphane en enfilant son manteau.

— À l’hôpital ! 

Alors qu’ils prenaient la direction du parking, son téléphone bipa. Il le sortit de sa poche, tout en marchant, et s’arrêta net en lisant l’information que lui envoyait Google.

« Le Docteur et médecin internationalement connu Alistair Jakes vient de découvrir un nouveau traitement contre le cancer ».

L’article du Figaro présentait les recherches de son père en détail. Une photo accompagnait l’ensemble. Le docteur Alistair, la soixantaine passée, posait en compagnie de sa jeune épouse et de ses ravissantes filles sur les marches de sa maison. Étonnamment, il n’y avait aucune mention de ses deux autres enfants et de sa première compagne, une étudiante en médecine qu’il avait lâchement abandonnée lorsque la célébrité avait toqué à sa porte une vingtaine d’années plus tôt.

Aucune mention non plus de la mort prématurée de sa mère en hôpital psychiatrique, ni des troubles bipolaires de son frère. Cela ferait tache.

— Ça va ? T’es blanc comme un cachet ! s’exclama Charlie.

— Oui. Tout va bien, murmura-t-il. Allons chercher ce chapeau ! Il me manque !

Il revêtit son masque de gaieté et reprit sa marche.


 

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Alice_Lath
Posté le 02/02/2021
Alors, comme jsuis un peu débile haha, j'ai phasé sur le fait qu'il prenne de l'aspirine après des points de suture. Spontanément, j'aurais pas du tout conseillé ça, mais peut-être que je me plante haha, comme ça a un effet anticoagulant, ça peut avoir des conséquences chiantes, mais à vérifier
Sinon en dehors de ça, j'aime beaucoup la tournure que prend l'enquête avec l'appel de Bambi et le pari que fait Arthur. Je suis vraiment curieuse d'en savoir plus sur ces boîtes à musique, puis avec le petit rebondissement très cool à la fin qui fait toujours plaisir
Makara
Posté le 05/02/2021
Coucou alice <3
En effet, je devrais peut-être remplacer l'aspirine par du doliprane.
Je suis contente de savoir que l'enquête te plaise toujours, n'hesite pas a me dire si tu vois des incoherences ou des lenteurs !
J'espère que la suite te plaira :)
Bisous volants <3
Gabhany
Posté le 25/09/2020
Re !
Pauvre Arthur, je t'avais dit de ne pas faire confiance à Carla ! Ton bon coeur te perdra ^^ Enfin je trouve qu'il ne s'en sort pas trop mal. Ce secret de famille révélé à la toute dernière minute le rend encore plus intéressant, j'ai hâte de voir comment tout ça va tourner !
Makara
Posté le 25/09/2020
Coucou :)
Mais oui Arthur a trop bon coeur, ça va encore lui jouer des tours^^
Super, si tu le trouves plus intéressant, ce secret va permettre de mieux le cerner et le comprendre^^
J'espère que la suite va te plaire^^
Bisous volants <3
Pluma Atramenta
Posté le 23/09/2020
Coucou Makara !

Encore un super chapitre, très fluide et entraînant ! J'aime particulièrement ta manière de retourner les scènes "tragiques" en passages aussi agréables à la lecture. Tout est si profond et léger à la fois… Et ce n'est pas comme si on s'ennuyait ! On saute d'émotion en émotion, et Arthur est un personnage très amusant à suivre, je trouve (Carla aussi par ailleurs, mais pas pour les mêmes raisons, hein ;)) Donc comme d'habitude, je passe de merveilleux moments à te lire !
Quelques petites remarques pour la route :

- Tu utilises beaucoup le verbe "toquer" (à une porte par exemple) mais je trouve que "frapper" sonne un peu mieux, c'est un terme qui conviendrait plus à mon avis.

- Coquille : "Le commissaire Saint-Di ne put s’empêchait de rire." (s'empêcher)

- Je pense aussi qu'au moment où Arthur se trouve dans le bureau du commissaire, tu devrais un peu plus forcer sur l'inconfort de l'ambiance. Tout cela s'est peut-être déroulé un peu trop vite pour moi.

Voilà, voilà ! J'espère que mon message te servira assez constructivement, et j'ai terriblement hâaaate de connaître la suite ! (Carla est plutôt en mauvaise posture, on dirait ! Aïe ! Malgré son sale caractère, je tiens particulièrement à elle, elle est très attachante en fait. L'évolution de sa relation avec Halima est très progressive et touchante <3 Merveilleux ! )

Puisse tes rêves sillonner la Voie lactée !
Pluma.
Makara
Posté le 24/09/2020
Coucou Pluma <3
Merci pour ce commentaire super encourageant ! Il m'a donné un grand sourire :)
Je suis contente si tu aimes autant Arthur que Carla :) et ce que tu dis sur la relation Carla/Halima me ravit ! C'est exactement ce que j'essaie de faire : rendre leur relation touchante et progressive :)

Je note pour la coquille et ta remarque sur le verbe toquer (j'adore ce verbe, il doit se glisser un peu partout^^)
Je vais accentuer aussi la sensation d'inconfort quand Arthur est dans le bureau du commissaire, tu as tout à fait raison :p
Merci encore pour ces remarques <3

Bisous volants <3
SilverEyes288
Posté le 23/09/2020
J’ai beaucoup aimé ce chapitre, le rebondissement à la fin était parfait ! Je me doutais que le père d’Arthur n’était pas quelqu’un de bien, mais je suis surprise de voir à quel point il l’est.

Excellent chapitre, il me tarde de découvrir la suite !
Makara
Posté le 23/09/2020
Recoucou !
Ah je suis contente que la fin du chapitre te plaise :). Oui Arthur non plus n'est pas gâté au niveau de son passé !
Dis moi qu'as-tu pensé des dialogues sur l'ensemble de l'histoire ? Et que pense-tu de l'évolution relationnelle entre Carla et Halima ? Et Carla et Arthur ? Tu as des hypothèses pour résoudre le mystère à ce stade ?
Bisous volants et un grand merci pour ta lecture <3
SilverEyes288
Posté le 23/09/2020
Selon moi les dialogues sont parfaitement rédigés et apportent une touche d'humour à certain moment ce qui allège le récit. La relation entre Carla et Halima avait vraiment mal commencé, mais la petite est parvenue à briser la coquille autour de Carla ce qui nous permet de voir une autre facette de la jeune femme.
J'ai quelques hypothèses pour résoudre cette enquête complexe, mais j'attends de lire la suite pour être certaine de ce que j'avance x)

Merci à toi d'écrire une si belle histoire <3
Makara
Posté le 23/09/2020
Merci à toi de ton super retour <3 ça me rassure si tu trouves que l'humour allège le récit ! C'était mon but :)
Je suis contente si tu aimes bien la tournure de la relation Halima/carla :)
A bientôt :)
Natha Li
Posté le 22/09/2020
Ah Arthur revient dans la course !!! Et le thé va revenir dans sa vie MDR
On en apprend un peu plus sur sa vie perso et ses failles ça étoffé le personnage qui est de plus en plus attachant ! Vivement qu'il retrouve carla !!
J'ai bien aimé ce chapitre il se lit très facilement et il y a une bonne dynamique avec des déplacements dans l'espace, on a vraiment l'impression d'être avec lui.

Ne lâche pas on veut la suite !!!!!
Makara
Posté le 25/09/2020
Coucou <3
Oui le thé va revenir dans sa vie et Arthur ne va pas lâcher l'affaire^^ Ahaha. Oui, il a avait besoin que je passe un peu plus de temps sur lui pour qu'on découvre ses failles et ses blessures^^
Voilà, tu es servie, il y a un nouveau chapitre :p
Pleins de bisous <3
Vous lisez