Ils se rendirent dans la salle de cérémonie, vaste pièce aux murs peints de scènes de chasse et de guerre jusqu'au plafond à la hauteur vertigineuse. Le peresta s’installa sur le trône doré, placé sur une estrade surmontée d’un dais en bois sculpté, et encadré de onze fauteuils massifs décorés de panneaux d’ivoire incrustés. En ce jour, son apparence était soignée : sa coupe au carré avait été rafraîchie. Une cape en velours jaune l’enveloppait d’une dignité retrouvée, même si Heilendi doutait qu’il fût sobre. Vêtus d’une tenue d’apparat, les stipendiers dispersés parmi les Grands de la cour se rapprochèrent de lui. Les bruits de voix résonnaient dans la salle comme le bourdonnement d’abeilles incessant ; les discussions allaient bon train, tous imaginant les futures exigences des envahisseurs. Heilendi garda son regard rivé vers la porte, d’où surgiraient d’un moment à l’autre les guerriers danbrais.
« Le peuple risque de se soulever, chuchota l’exarque, encore une levée d’impôts. »
Heilendi dressa l’oreille.
« Cela ne serait pas arrivé du temps de l’Empire, renchérit Merrier de la guide les marchands, avec un soupir las. En moins de deux, on aurait renvoyé ces Nains pleurer dans les jupes de leurs mères.
— Moins fort », souffla Teronar, représentant des artisans, en penchant la tête vers eux.
Étaient aussi présents des membres de la cour que Heilendi n’avait jamais vus, des militaires ou des marchands en tenue d’apparat amassés près de la porte. Sans cette crise, elle aurait entamé des discussions avec ces riches bourgeois, pour développer le négoce entre Nisle et Sébune.
Le drongaire Parau intervint : « Ce n’est plus un secret pour personne : l’armée est réduite à néant.
— Qu’est-ce que vous racontez ? s’offusqua Merrier avec une expression butée. Nisle constitue la seule ville civilisée du continent, depuis la mise à sac d’Olme par les Kumites, et elle le restera. Comment pourrait-il en être autrement ?
— Mais taisez-vous donc, Sire Abisen nous observe ! »
Ils prirent place sur les hauts sièges en bois de part et d’autre du peresta. Heilendi rejoignit les ambassadeurs, installés sur des banquettes en bas de l’estrade. Ses doigts tapotaient nerveusement l’accoudoir.
Lorsque le gonfalonier Kuara et le péjuan Hjartann apparurent, accompagnés de nombreux gardes, un silence solennel régnait ; tous les suivaient du regard tandis qu’ils traversaient la salle, la mine grave, et grimpaient la volée de marches vers le peresta. Des soldats s’alignèrent en une rangée ordonnée, du couloir au trône. Kuara se pencha vers Abisen et lui murmura quelques mots à l’oreille, puis revint se placer plus bas, à la droite du Darrain. Immobiles sur l’estrade, la main posée sur le pommeau de leur épée, ils fixaient la porte de leurs yeux perçants.
Des bruits de pas, accompagnés d’un cliquetis régulier, troublèrent le silence tourmenté. Les soldats se mirent tous au garde à vous en même temps. Apparurent quatre Nains à l’armure rutilante dont le casque affichait un visage de démon gravé dans le fer et un cimier en crin de cheval. Par-dessus, ils portaient une tunique grise cousue sur le dos d’un blason : « D’azur à la salamandre d’or, languée et membrée de gueules ». Les Hommes-esclaves danbrais arboraient des tenues légères, avec des ombrelles glissées sous leur bras ; deux d’entre eux, vêtus d'un pantalon bouffant et de sandales en cuir, étaient torse nu. Toute l’assemblée les suivait du regard. Des chuchotements s’élevèrent sur leur passage, tandis qu’ils avançaient vers le trône.
Arrivés à la hauteur du peresta, les seigneurs de guerre s’inclinèrent. L’un d’eux se détacha, fit un pas en avant et ôta son casque. De là où elle était, Heilendi ne voyait que son profil balafré par trois profondes cicatrices qui lui déchiraient la figure sur toute la longueur. Ses yeux clairs perçaient sous des sourcils épais, mais bien dessinés, comme des queues de papillon de nuit. Un nez arqué conférait au visage carré la rapacité d’un aigle. Ses joues imberbes tatouées de runes noires et son haut front ras permirent à Heilendi de déduire que l’émissaire était une femme. Celle-ci prit la parole d’une voix forte, grave et gutturale, en dindanbrais, la langue des Nains de l’Est, maîtrisée par Heilendi :
« Vous me connaissez, Nisliens, pas besoin de présentations mornes et interminables. Vous étiez les chiens d’Olme et maintenant que votre maître est tombé, votre ville n’est plus qu’un poulet gras sans tête. Mon armée est là dehors et vous avez reçu mon message. Payez ou nous vous écraserons ! »
Heilendi resta interdite devant son ton dédaigneux, guettant la réaction d’Abisen. Un esclave humain, placé à ses côtés, traduisit ses paroles en litois, avec quelques modifications :
« Vénérable peresta Abisen, je suis la seigneur Brünhjik et voici ma fille, la guerrière Ernjik et les deux seigneurs de guerre Fernjik et Jolfanz. Vous étiez le bras droit d’Olme, mais aujourd’hui, vous êtes affaiblis. Mon armée a franchi la Golga et est déployée sur les collines autour de Nisle. Vous avez reçu mes précédents messages et connaissez donc la raison de ma présence ici. Payez la rançon demandée ou nous serons forcés de faire tonner le cor de guerre. »
Le peresta resta muet. La gêne montait à mesure que le silence s’installait. Tous ceux qui contemplaient cette scène, Heilendi comprise, ressentaient un malaise profond. Mais, après un court laps de temps, Abisen remua sur son siège et, d’une voix d’autorité, s’écria :
« Vous semblez bien présomptueuse, Dame Brünhjik. Notre cité est gardée des Trois, héritière d’Olme, notre rôle civilisateur continuera à l’abri de nos fortes murailles. Si je ne vois, ne serait-ce que l’ombre de vos barbes se refléter dans La Savoureuse, nous vous écraserons. »
Quand elle entendit la traduction, la Naine renversa la tête en arrière et partit d’un rire sonore.
« Que comptez-vous faire, vieillard ? J’ai dix mille soldats n’attendant que de massacrer du Nislien. Ce n’est pas avec trois gars en armure rouillée que vous allez commencer à négocier.
— Ne sortez pas ce jeu-là avec moi, noble peresta Abisen, traduisit l’esclave de sa claire voix. J’ai dix mille soldats en armure, déployés sur les collines, qui n’attendent qu’un ordre de ma part pour attaquer. Je sais très bien, vu l’état de votre armée, que vous n’êtes pas en mesure de nous tenir tête. »
La voix grave du peresta retentit :
« Vos soldats sont encore hors de nos remparts et non dans la cité, que je sache. Les murailles sont imprenables. Essayez de les franchir avec vos moyens misérables et vous en souffrirez les conséquences. Rappelez-vous l’offensive des Écorcheurs, il y a deux ans.
— Cela vous en coûtera. Vous perdrez vos hommes de toute façon. Pourquoi ne pas nous les livrer de suite ? Cela vous évitera bien des peines.
— Vous aussi, vous perdrez les vôtres, coupa Kuara après avoir écouté la traduction. Nos soldats sont prêts à mourir pour défendre leur cité et seront ravis d’écraser les gens de votre espèce. »
La Naine lui jeta un regard noir.
« Calmez-vous, gonfalonier, dit Abisen. Personne ne souhaite d’effusion de sang. Nous ne voulons pas recréer un deuxième Galmeric au sein de nos murs. Préserver le commerce et la paix est l’une de nos priorités. Et pour vous, quel est le prix de la paix, Dame Brünhjik ?
— Dix mille Hommes, deux cent mille stellas d’or et nous partirons sans nous battre.
— Vous aurez les deux cent mille stellas d’or, mais nous refusons de vous donner un seul de nos Hommes. »
Brünhjik cracha au sol et tapa du pied. « Je ne suis pas là pour négocier. C’est à prendre ou à laisser !
— Pour qui vous prenez-vous ? s’écria Abisen, les traits crispés. Nous pouvons augmenter la somme à quatre cent mille stellas d’or, mais comprenez bien, nous n’avons pas d’esclaves à vous donner.
— Les dix mille Hommes sont plus importants que l’or, traduisit l’homme danbrais. Comment exploiterons-nous nos mines sans main-d’œuvre ? De l’or, nous en avons plus qu’assez ! Livrez-les ou nous attaquerons vos provinces une à une. Nous y ferons des prisonniers, mais en plus, nous détruirons les champs, violerons les hommes et pillerons jusqu’à plus soif. »
La cheffe naine se targua d’un sourire mauvais. Un brouhaha s’éleva dans la salle lorsque l’esclave finit de traduire ses menaces. Le peresta grommela et leva la main en un geste d’autorité qui rétablit le silence.
« Il suffit. Vous recevrez ma réponse dans les jours prochains.
— Ne tardez pas trop ! »
Brünhjik se retourna et leur jeta à tous un regard glacial. Elle cria en direction des stipendiers, dans un litois teinté d’un fort accent :
« Vous avez entendu ? Je ne suis pas ici pour négocier. Je vous laisse un mois pour nous livrer des esclaves. Pas un jour de plus ! Passé ce délai, nous incendierons vos campagnes. Nous pillerons les chariots de vivres. Nous établirons un siège, jusqu’à obtenir ce que nous demandons. »
Elle regarda brièvement ses lieutenants qui acquiescèrent d’un hochement de tête. Le peresta resta muet de saisissement. Puis les Nains tournèrent les talons et marchèrent à grands pas vers la porte, suivis par leurs Hommes-esclaves et une escorte de gardes nisliens.
Quand ils se furent retirés et les battants refermés derrière eux, tous se mirent à parler en même temps. Abisen les admonesta :
« Silence ! » cria-t-il, debout du haut de son trône, les yeux flamboyants.
Malgré les récents évènements qui l’avaient affaibli, il possédait toujours une autorité importante. La moitié des Grands de la cour partageaient ses intérêts et lui étaient acquis. Se tournant vers les membres du conseil, il dit : « Nous allons maintenant en débattre en privé. »
Lorsqu’il se leva et quitta la salle en boitant, le tumulte repartit de plus belle. Les stipendiers et les ambassadeurs dont Heilendi faisait partie marchèrent sur ses talons.
« C’est intolérable ! s’écria Teronar, dès qu’ils se retrouvèrent seuls dans les couloirs.
— Pour qui se prennent ces Nains ? Donnons-leur une bonne leçon !
— Suffit ! tonna Kuara. Vous pouvez bien palabrer comme de vieilles commères, notre armée ne fera pas le poids. Vous savez que nous n’arriverons pas à les déloger en une bataille rangée. Trouvez-moi dix mille Hommes prêts à se battre et nous pourrons en parler.
— Ou dix mille Hommes à livrer ! s’écria l’exarque Sémérys. Est-ce à cela que vous voulez vous abaisser ? Un siècle plus tôt, Olme a aboli l’esclavage dans l’Empire. »
Ils poussèrent les portes massives de la salle du conseil. Dans la large pièce attenante aux murs couverts de cartes, Kuara se tourna brusquement vers eux :
« L’Empire n’est plus ! Réagissons ! Nous pourrions leur donner nos prisonniers, cette racaille entassée à la Rotonde.
— Ce serait envisageable, dit le justicier Léocrate, si nous avions dix mille prisonniers… »
Heilendi suggéra :
« Il est possible d’acheter des esclaves. Des comptoirs au Sud pourraient vous en fournir.
— Nous ne sommes pas des esclavagistes ! » rugit Abisen d’un ton sec. Il se dirigea vers la console renfermant les bouteilles et se servit un verre. « Il est impensable de leur livrer des Hommes, je suis contre ! »
Heilendi acquiesça. Elle-même tenait en horreur cette pratique cruelle, ultime atteinte à la dignité. Mais avaient-ils le choix ? L’exarque Sémérys hocha la tête, d’un air entendu.
« Nos soldats sont entraînés, continua Abisen. Ils n’en feront qu’une bouchée.
— Bien entraînés, mais pas assez nombreux », corrigea Kuara.
Abisen remplit son verre, à nouveau, et vint se placer au centre du cercle formé par les stipendiers.
« Mon fils, Abisen le Jeune, a mis en déroute les Écorcheurs, il y a deux hivers. »
Kuara réagit du tac au tac : « Seriez-vous en train de comparer une centaine de culs-terreux avec un ost de plusieurs milliers de Nains ? Sire, vous présumez de nos forces. »
Abisen but son verre cul sec et s’écria, avec de la fureur dans les yeux :
« Il est impensable d’assiéger Nisle ! Nous possédons la plus puissante flotte de la mer Sinople ! »
Les stipendiers, debout devant lui, échangeaient des regards tendus. Heilendi savait qu’ils se préparaient à soutenir un siège : les semaines passées, ils en avaient débattu. Le peresta avait-il oublié leur décision ? Au vu du nombre de bouteilles ingurgitées, rien de bien surprenant, mais personne n’osait le contredire.
Après un long silence gêné, le drongaire se risqua : « Monseigneur, ce n’est pas sur le fleuve que cela se jouera.
— S’ils commençaient un siège, combien de temps pourrons-nous tenir ? demanda Kuara, les joues en feu, en tournant son visage rouge vers le trésorier Aloriaz.
— Nous avons accumulé des réserves, informa ce dernier. Nous pourrons le soutenir pendant des mois, jusqu’au printemps et au-delà. Mais pouvons-nous tolérer une telle instabilité à nos portes ? Les dégâts alentour sont considérables. Et nos rivaux pourraient profiter de cette faiblesse pour attaquer à leur tour. Trouvons un moyen de les payer, afin qu’ils disparaissent pour de bon.
— Peut-être pourrions-nous faire appel à nos alliés de la cité de Manance ? Nos familles sont lignées depuis des siècles », demanda la stipendière Ifann en jetant un œil vers l’ambassadeur manais, non loin de Heilendi.
Ce dernier ouvrit la bouche pour intervenir, mais le peresta leva le bras et s’écria : « Ils ne disposent que de peu d’effectifs et mettront des mois pour envoyer des renforts.
— Adressons-leur un message afin d’unir nos forces, insista Ifann. Si les Manais les prenaient à revers, les zérègues s’occuperaient des troupes sous terre et nos gardes les chargeraient de front.
— Si mon fils Abisen le Jeune était parmi nous, il les écraserait en cinq sec », soupira Abisen, comme s’il ne l’avait pas entendu.
Ses épaules retombèrent.
« Vos folies guerrières n’amèneront rien de bon, dit Kuara en fronçant des sourcils contrariés. Elles ne feront que provoquer la fuite des commerçants, affaibliront nos provinces et détruiront le peu de stabilité que nous avons pu maintenir ces dernières années.
— Le gonfalonier a raison, dit Aloriaz. Rappelez-vous la récente révolte des Élades où le peresta Mirin fut assassiné à cause du prix du pain.
— Un vrai foutoir là-bas, grommela Abisen. Je ne laisserai pas cela arriver à Nisle. Non, tout est dit. Il faut tenter une action militaire. Dame Ifann, les zérègues sont-ils avec nous au besoin ? »
Heilendi se demanda s’il avait bien suivi la discussion. La plupart s’étaient opposés à une offensive. Ifann se tourna vers le péjuan Hjartann.
« Toujours ! répondit ce dernier en hochant du chef. Mais sans le soutien de la cavalerie, leur nombre est insuffisant pour une bataille rangée hors des murs. Ce serait folie de les y envoyer.
— Compter sur les Darrains ? s’écria Kuara d’un ton méprisant. Vous n’y pensez pas ! Tous ces inumas sont de mèche, de près ou de loin. Comment être sûr qu’ils ne se retourneront pas contre nous au milieu des combats ?
— Vous ne parlez pas sérieusement ! » s’exclama Hjartann en le fusillant du regard.
Kuara marcha vers lui et le sang de Heilendi se glaça dans ses veines. Allaient-ils en venir aux mains ? Le stipendier Merrier fit un pas en arrière. La bretteuse Ifann retint Hjartann par l’épaule, mais celui-ci se dégagea d’un geste vif. Le peresta leva sa paume et les deux guerriers s’immobilisèrent. Il jeta un regard autoritaire autour de lui qui suffit à imposer le calme. Puis, il s’affala dans un fauteuil et posa les jambes sur un tabouret en exultant un long râle rauque. « Du vin ! Qu’on m’apporte du vin ! » Il fit un moulinet de la main, mettant fin à la réunion. Hjartann et Kuara ne se quittaient plus des yeux, mais finirent par s’incliner devant l’autorité d’Abisen et sortirent de la salle derrière les autres conseillers.
Heilendi écouta les discussions animées des stipendiers, amassés près de la porte. Ils n’arrivaient pas à s’accorder. Certains soutenaient Abisen sur la question des esclaves. D’autres s’alignaient derrière la défense de Kuara et se méfiaient des non-Humains. Les derniers appuyaient la tactique d’Ifann, insistant pour contacter leurs alliés. Peu après, ils se dispersèrent, plus divisés que jamais. Au bout du couloir, le maigre péjuan Hjartann se disputait avec la massive stipendière Ifann. Heilendi n’entendit pas leurs paroles, mais Hjartann finit par s’éloigner à grands pas, visiblement furieux. L’ambassadrice abandonna à son tour cette agitation et lui emboita le pas. Elle longea la galerie où les rayons du soleil formaient des carrés de lumière à intervalles réguliers sur le parquet poli. Les fenêtres ouvertes laissaient voir les jardins emplis d’orangers dans le petit cloître. Sur leurs branches, des oiseaux planèrent vers la fontaine comme des feuilles d’or. Heilendi poussa un cri de surprise quand elle discerna une masse sombre remuer dans une alcôve toute proche. Elle sourcilla en croisant les yeux verts de Kuara qui émergea de l’ombre et vint à sa rencontre.
« Mademoiselle Heilendi, je constate que vous êtes fort pressée de vous en aller.
— Je rentre chez moi, en effet, dit-elle d’un ton sec. Je devrais m’entretenir avec Sire Merrier à propos de l’avancement des travaux d’élargissement des quais de Port-Nisle. Les premières nefs sébénites sont arrivées et d’autres ne vont pas tarder à rejoindre Nisle. Mais, vous voyez bien que l’entreprise fâcheuse de ces Nains contrarie ma mission. »
Kuara s’arrêta en face d’elle : « Fâcheuses, en effet, répéta-t-il. Je me disais que c’était là une curieuse coïncidence.
— Une curieuse coïncidence ? Mais à quoi faites-vous allusion ?
— Ne trouvez-vous pas que votre arrivée coïncide très bien, trop bien même, avec celle des Danbrais ? »
Heilendi leva des sourcils effarés. « Selon vous, je serais donc une espionne danbraise ! » Alors là, c’était un comble ! Elle n’avait jamais entendu pareille absurdité et ne put s’empêcher d’éclater de rire. Elle le railla : « Ne me trouvez-vous pas un peu grande pour une Naine ?
— J’ai combattu les Elfes à Dhuyne et je connais très bien votre caractère fourbe. Je suis au fait de vos cyls, Mademoiselle Heilendi, et je n’ignore point combien il est facile pour un Elfe de jouer un personnage, de faire semblant. »
Elle n’en croyait pas ses oreilles. Elle avait bien du mal à cacher son exaspération et le sang lui monta aux joues.
« Tout ceci est grotesque et vous le savez bien ! C’est le précédent gonfalonier, Abisen le Jeune, qui a provoqué ma venue ! Voulez-vous continuer cette discussion avec le peresta ? »
Elle se tourna, de plus en plus irritée, prête à lui fausser compagnie, quand ses yeux vifs croisèrent ceux de Hjartann qui marchait droit vers eux.
« Il suffit, Sire Kuara ! Votre attitude n’est pas digne d’un gonfalonier !
— Et voici le deuxième inuma ! lança Kuara avec un sourire aigre. Que faites-vous à rôder dans les corridors ? Vous avez de la chance que le peresta ne remarque pas votre petit manège. »
Il se planta devant le péjuan, le toisant de toute sa hauteur. Hjartann était grand, mais le port de l’armure exacerbait la taille de Kuara.
Heilendi le railla : « Mademoiselle Heilendi serait ravie de jouer le rôle d’une dangereuse espionne, afin de trouver des informations compromettantes à votre propos. »
Kuara blêmit en serrant les dents.
« Si j’étais une traîtresse, comme vous semblez le croire, continua-t-elle, je suis sûre que vous vous seriez fait une joie de faire éclater le scandale. Or, ce n’est pas le cas et j’en déduis que vous ne détenez aucune preuve de ce que vous avancez. » Elle tourna autour d’eux. « Je vous prierais nonobstant d’arrêter de me suivre et de m’importuner dans mon travail. Je suis pressée. Si vous avez du temps libre et que vous ne savez pas comment l’occuper, allez donc vous renseigner sur les Danbrais, au lieu de jeter votre suspicion sur d’honnêtes gens ! Je suis sûre que tout Humain que vous êtes, vous pourrez aisément trouver un moyen de prouver votre courage et votre loyauté ! »
Elle se plaça derrière Hjartann. Kuara était rouge de colère.
« Ce que vous avancez est tout simplement honteux, renchérit Hjartann, avant que Kuara ne reprenne la parole. Qu’allez-vous imaginer ? Dame Heilendi, une espionne danbraise ? Cela est absurde ! Les Darrains sont-ils aussi des traîtres, à vos yeux ? C’est ce que vous avez insinué à mon sujet devant les autres stipendiers. Je n’apprécie pas du tout ces allégations publiques dénuées de sens !
— Comment pourrais-je faire confiance à un arrache cœur ? Si le peresta…
— Le peresta est toujours là, fit Hjartann en l’interrompant. Et connait ma valeur. Nous avons combattu ensemble dans les Ulynes.
— Dans les Ulynes, oui. Et sachez, Hjartann, dit-il perfidement, que j’y ai connu votre fille.
— Ma fille ? » répéta-t-il d’une voix étranglée. Il fit un pas en arrière, comme si Kuara l’avait giflé. « C’est impossible ! Je ne vous crois pas.
Kuara s’avança. « Une belle brune… Docteure pendant la guerre… Brynjann ? Je me trompe ? Une Darraine dont le déshonneur a entaché le nom de votre famille, n’est-ce pas ? »
Heilendi leva le nez vers Hjartann et s’aperçut que les muscles de sa mâchoire s’étaient contractés. Kuara le bouscula pour passer. Il les désigna du doigt en se tournant à demi vers eux, et les avertit : « Je vous ai à l’œil, tous les deux. »
Il les abandonna au milieu du couloir. Heilendi le regarda s’éloigner, le front plissé. Quel horrible personnage !
« Pétri d’arrogance ! Avec son air suffisant ! Ha ! J’en ai assez entendu pour tout un cyl ! »
Elle s’attendait à ce que Hjartann lui réponde, comme le miroir de ses émotions, mais il restait muet, les lèvres entrouvertes.
« Comment peut-il connaître Brynjann ? Comment peut-il savoir ? », murmura-t-il, comme pour lui-même.
Le Darrain tituba vers la sortie, sa paume contre le mur. Dehors, il demeura un long moment en plein soleil, la main sur un œil. Il allait bel et bien s’effondrer ! Alarmée, Heilendi l’invita à monter dans sa calèche.
Il se cala sur la banquette, avalé par sa large cape, Heilendi s’assit en face et la voiture se mit en branle. À chaque foulée, les sabots martelaient l’avenue en soulevant des nuages de poussière. En silence, Heilendi observait la longue silhouette de Hjartann, recroquevillé sur le siège, sa figure emplie d’ombre et d’orage. Les chevaux s’arrêtèrent devant son palais et le Darrain la suivit comme un mort-vivant.
Dans le salon elfique tout juste aménagé, elle ouvrit la fenêtre et laissa entrer un peu d’air. Des femmes jacassaient au-dehors, s’interpellant d’une maison à l’autre, et elle la referma d’un coup sec ; ces Humains étaient si bruyants ! Hjartann tomba dans le fauteuil, la tête entre ses doigts comme dans un filet. Inquiète, Heilendi tira les rideaux, puis demanda des rafraîchissements. Après un court moment, les serviteurs alignèrent sur la table une bassine et une carafe d’eau citronnée, des verres finement ciselés, des dattes séchées, des oranges et des gâteaux nisliens aux noix.
Hjartann retira ses voiles et ses gants et plongea ses mains dans le bac devant lui ; il se mouilla le cou et but deux coupes d’une traite.
« Je suis vraiment désolé, finit-il par dire. J’ai bien cru que j’allais faire un malaise.
— Ne vous excusez pas. Je viens du Nord et ce soleil m’indispose tout autant. J’imagine combien cette canicule est insupportable pour un Darrain.
— Si vous saviez quels actes horribles j’ai commis par le passé contre les vôtres, vous ne m’auriez pas aidé. Je ferai mieux d’y aller. »
Elle ignorait si Hjartann avait honte de son rôle dans le massacre de Galmeric, ou s’il faisait allusion à l’inaction des zérègues pendant la nuit des oreilles tranchées. Dans tous les cas, elle fut surprise par sa franchise qui réussit à éloigner l’image négative des Darrains, êtres nocturnes et sanguinaires, qu’elle se représentait jusque-là dénoués d’émotions.
« N’en faites rien, dit-elle en lui touchant l’épaule. Dans votre état, vous tomberiez de cheval quelque part en ville. »
Pressant ses doigts sur ses tempes, il releva vers elle un regard très doux. Ses cheveux en bataille, ses cernes violacés, la ride sur son front, tout en lui le faisait ressembler à un mortel, mais sa peau si claire lui donnait l’impression de voir le sang battre en dessous. Elle s’installa dans le fauteuil d’en face et sirota une tasse d’azurté. Pendant un long moment, Hjartann fixa un napperon en dentelle, l’esprit ailleurs, puis il se racla la gorge et quand il se redressa et lui fit face, le menton levé, elle avait devant elle le péjuan.
« Ce nouveau gonfalonier nous hait, dit-il. Les Darrains autant que les Elfes ! Comment voulez-vous que je travaille avec lui ?
— C’est la seconde fois qu’il nous traite d’inumas.
— Kuara est un homme dangereux, dit Hjartann en essuyant avec un linge humide les perles de sueur sur son front.
— Et pourtant quelqu’un d’instruit. Et il ne nous fait pas confiance. Imaginez ce que doit penser le commun des mortels.
— Vous avez raison, les choses ont bien changé depuis la guerre des Ulynes. Je suis moi-même surpris par ces différences. Nisle était autrefois connue pour son ouverture et sa tolérance et ce n’est plus le cas. Il y a de quoi être choqué.
— Vous évoquez une période révolue. N’oubliez pas la nuit des oreilles tranchées pendant laquelle la population a massacré les Elfes. La même situation peut se reproduire. Méfions-nous de Kuara. »
Après un court silence, elle ajouta : « Ce ne serait pas une mauvaise idée d’enquêter. Je suis sûr que nous pourrions trouver de quoi lui faire ravaler sa fierté et étouffer le mépris qu’il affiche envers nos peuples. »
Hjartann passa la main dans ses cheveux, se massa la nuque.
« Une espionne », dit-il en souriant.
Il était étonnant ce sourire, si soudain. Elle remarqua ses canines et se demanda ce qui avait poussé Hjartann à les limer.
« Pourquoi pas ! Pour l’heure, il vaut mieux que je rentre. »
Il se donna une impulsion et se leva. Les mains jointes, il s’inclina profondément devant elle, s’excusant pour son malaise et les désagréments provoqués. Il partit à pied, refusant d’utiliser la voiture apprêtée pour lui.
Elle écarta le rideau. À travers la vitre, la silhouette sombre du Darrain disparut au coin de la rue.
« Puis-je me permettre d’ajouter quelque chose, Madame ? »
Heilendi émergea de ses songes et se retourna vers Izuma posté près de la porte, fidèle à son poste.
« Excusez-moi, mais j’ai entendu votre conversation malgré moi, continua-t-il. J’ai des informations concernant le gonfalonier.
— Lesquelles ? »
Il s’avança :
« Savez-vous que le domaine de Kuara a entièrement brûlé après la guerre ?
— En effet, on me l’a rapporté.
— Eh bien, figurez-vous que l’on colporte des rumeurs étranges à propos de cet évènement. On affirme que Kuara est devenu fou après ça.
— Il y a de quoi ! Il y aurait perdu sa famille et son fief.
— Je vous dis ce que j’ai entendu : on pense que c’est lui le responsable.
— Ce ne sont là que de vieux ragots, dit Heilendi en se détournant. Sans plus de preuves, ces paroles ne valent rien. Je parie une Chrysalie que c’est Grinhild, ma femme de chambre, qui vous les a racontés.
— Vous avez deviné, dit-il en riant, mais ce n’est pas la seule. Tous les domestiques parlent de lui en ce moment. Kuara est devenu très populaire en ville. »
Heilendi avait convaincu le stipendier Merrier d’accueillir les bateaux sébénites à Port-Nisle et les marchandises elfiques s’arrachaient maintenant au marché. La diplomate avait mené les tractations avec succès. Elle avait averti ses supérieurs du danger que faisaient peser les Danbrais sur Nisle et sur le commerce avec Sébune.
Heilendi sortit à grands pas du salon et monta à l’étage. Devant les portraits suspendus dans le couloir, elle s’immobilisa, l’œil brillant.
« Ce sont les précédents ambassadeurs qui ont habité ces lieux, l’informa Kaapio, son majordome, qui l’avait suivi. J’ai eu l’honneur d’en servir la plupart. Quelle tristesse quand le dernier, Ropendi, si talentueux, fut renvoyé pendant la guerre. »
Les mains derrière le dos, il contemplait le tableau d’un Elfe à la figure anguleuse et au regard bleu et froid.
« D’en servir la plupart ? réagit Heilendi en détaillant la ligne de portraits. C’est impossible. Vous seriez fort vieux. Combien de cyls avez-vous donc, Monsieur Kaapio ? »
Face au visage amusé de son majordome, la vérité lui fit l’effet d’une gifle : « Un demi-Elfe », murmura-t-elle en un souffle, la main plaquée sur sa bouche.
« Et surtout un demi-homme », corrigea Kaapio. Il replaça une mèche derrière son oreille mutilée, coupée en deux. « Même si j’y ai perdu un morceau de moi, c’est ce qui m’a sauvé la vie. »
Monsieur Kaapio était un alfun, un Humain à la longue existence, un Elfe vieillissant qui ne respectait pas les cyls. Heilendi frémit en découvrant le sens littéral de la Nuit des oreilles tranchées, associée au massacre des Elfes nisliens pendant la guerre.
Kaapio ne se laissa pas démonter et reprit leur conversation avec calme : « Je prendrai rendez-vous auprès de Maître Grahann, un peintre compétent, très à la mode en ce moment, afin que votre portrait vienne orner cette galerie. »
Heilendi approcha son nez du tableau et détailla l’image de son prédécesseur. Si talentueux… Elle connaissait bien Ropendi. Malgré toute son habileté en tant que diplomate, il se trouvait aujourd’hui dans un cyl de bourreau, loin de Sébune. Elle était persuadée que son échec à Nisle avait contribué à sa déchéance.
Heilendi se fit la promesse que ça ne lui arriverait pas. En mordillant ses doigts, elle repensa aux insinuations du gonfalonier. Cet individu constituait une menace contre ce qu’elle avait construit, contre son cyl même ! Elle songea aux traitements infligés aux Elfes nisliens dans le passé. Si la situation s’envenimait, risquait-elle d’être renvoyée, tout comme Ropendi avant elle ? Elle priait pour que ce ne soit pas le cas : le moindre échec aurait des répercussions dramatiques sur sa prochaine Chrysalie. Les gardecyls ne respecteraient pas ses vœux et jamais elle ne rentrerait chez elle, en Hérand.
J'ai beaucoup aimé la première partie de ce chapitre, le conseil où personne n'écoute vraiment personne, tout le monde se tire dans les pattes, les traductions détournées, Abisen qui s'abîme dans sa propre réalité... ça donne vraiment une impression de dialogue de sourd, c'est super bien retranscrit ! J'imagine que ça n'a pas été un exercice d'écriture facile, car il faut pouvoir donner une impression d'extrême confusion mais sans y perdre le lecteur. Bravo pour ça, vraiment !
La confrontation de Kuara contre Heilendi et Hj me plait aussi, c'est intéressant de voir que les deux "inumas" font front commun face au racisme du gonfalonier.
En revanche j'ai été moins emballé par la dernière partie du chapitre, quand Hj se retrouve chez Heilendi et quand Kaapio lui parle de l'ancien ambassadeur. Ça reste bien écrit mais j'ai le sentiment que par rapport au reste du chapitre, le rythme retombe un peu. Après, ce ressenti est sans doute dû partiellement au fait que j'avais déjà lu un morceau conséquent de ce passage dans le chapitre qui relatait l'arrivée d'Heilendi à Nisle et qui a été supprimé, donc rien de bien grave au final :)
Merci pour ton retour,
J'avoue humblement que ce chapitre n'a pas été facile à écrire, tout comme les autres scènes de conseil ou personne ne s'écoute. Je voulais en effet que ce soit clair pour le lecteur que c'est confus pour les persos qui ont tous des avis opposés. Pas que lecteur soit embrouillé avec eux, sinon ça devient laborieux à lire.
En fait, si j'ai souhaité me lancer dans l'écriture au tout début, c'était justement pour avoir le plaisir (et le défi) d'écrire ces scènes de miscommunication, de non écoute, que les persos tiennent des propos de sourds. Je voulais écrire ça et des trahisons. :-) Ça a dû être les premiers mots jetés sur le papier pour ce projet. Donc j'ai essayé d'apporter un soin tout particulier à ces scènes. J'ai aussi voulu avoir cet aspect dans d'autres scènes, amené par des détails, avec ce perso de Meghi qui met les pieds dans le plat. Il s'embrouille et raconte n'importe quoi, mais il faut toujours que ça reste agréable à lire et pas ennuyant. Pour être honnête, mes premiers beta-lecteurs (des amis fort gentils pour lire ce pavé non abouti) n'avaient rien compris :-) Et encore, ils n'avaient pas lu le premier jet, mais déjà la bête après 2-3 relectures. Il m'a vraiment fallu de nombreux repassages et corrections (pour moi qui écrivait à l'époque en mode complet touriste) pour bien ficeler le tout. Je me suis arrachée les cheveux, mais c'était cool de le faire. Donc je suis contente de constater qu'à présent, on peut lire le chapitre de manière fluide, ça me rassure.
Je vais revoir cette fin. J'avais casé récemment ce bloc ici, mais je ne suis pas convaincue moi non plus de cet ajout. Je trouve que ça fait trop. Après toutes ces infos, la confrontation avec les nains, puis avec Hjartann et Heilendi, c'est déjà beaucoup. Se bouffer en plus cette micro-scène avec Kaapio à ce moment-là n'est pas judicieux. Je vais l'enlever et revenir à la normal, comme c'était avant. Je pense que ça sera mieux.
Merci encore pour ton commentaire :-)
"D’en servir la plupart ? réagit Heilendi en détaillant la ligne de portraits. C’est impossible. Vous seriez fort vieux. Combien de cyls avez-vous donc, Monsieur Kaapio ? »
Face au visage amusé de son majordome, la vérité lui fit l’effet d’une gifle : « Un demi-Elfe », murmura-t-elle en un souffle, la main plaquée sur sa bouche."(un copier/coller plutôt que couper/coller?)
Sinon, content de retrouverle point de vue de Heilendi. J'espère que tu t'attarderas aussi sur Kuara. Pour l'instant, il n'a eut droit qu'à un chapitre. On a toujours du mal à se mettre dans la peau du méchant, mais c'est un beau défis d'écriture. En parlant de Kuara, je l'imaginais plus belliqueux et va-t-en-guerre. Certes, il est raciste, mais c'est Abisen qui veux absolument le conflit et la guerre. Kuara est fourbe et calculateur alors que je n'avais pas cette sensation au départ de l'histoire. Je le prenais juste pour un extrémiste avide de massacrer les inumas. Donc qu'il refuse le combat me surprends. Connaitre son point de vue m'apporterait un éclairage. (Par exemple, sur la première partie jusqu'à la fin de la réunion).
Sinon, tu ne rattaches jamais les pensées de Heilendi à son mal du pays à part sur les dernières phrases. Elle pourrait comparer le système politique de Nilse avec celui de son pays, réfléchir à comment son peuple agirait en pareille situation...
Et enfin, tu fait une description de Hjartann maigre, même si c'est fugace. Et c'est en lisant cette description que je me suis rendu compte que je n'avais pas la bonne image du personnage. Alors qu'il était dans la caravane avec Meghi, tu écrivait qu'il reprenait des forces. Pour moi, il n'avait plus de problèmes. Peut-être devrais-tu adjoindre systématiquement un adjectif (le maigre Hjartann, le squelettique zélote, le décharné chef de guerre...). Comme ça, l'idée de son physique amaigri infuserait plus dans l'esprit du lecteur.
Sinon, qu'est-ce qu'il y a comme escalier dans ton histoire! Il y a des volées de marches à chaque chapitre! (C'est pour la blague, car je commence à y trouver un certain style.)
- « Le peuple risque de se soulever!" chuchota l’exarque. "Encore une levée d’impôts. »
Heilendi dressa l’oreille.
- « Cela ne serait pas arrivé du temps de l’Empire!" renchérit Merrier de la guide les marchands, avec un soupir las. "En moins de deux, on aurait renvoyé ces Nains pleurer dans les jupes de leurs mères!"
Sinon, les propos de langage nains pourraient être en italique pour les différencier. C'est juste une idée comme ça. Je suis même pas sûr que ça fonctionne bien.
Ah oui, j'ai oublié de mettre un encard au début. Il y a deux semaines, j'ai bricolé par-ci par-là et j'ai notamment supprimé le chapitre de Heilendi qui arrive à Nisle pour des questions de rythme. J'ai du coup dispatché les infos importantes que je voulais gardées dans d'autres chapitres, comme la discussion avec son majordome et de la nuit des oreilles tranchées. Comme Heilendi avait une réflexion similaire ici, j'ai combiné les infos ensemble pour pas que ça soit redondant. C'est bien une sorte de copié/collé en mode puzzle, mais c'est bon, c'est voulu dans cette nouvelle version. 🙂
Tu commences à cerner Kuara. C'est un vrai pourri, mais il est plus complexe qu'il n'y paraît. Il aura d'autres chapitres à lui et une partie entière (la suivante) qui vise à comprendre qui il est et pourquoi il agit de la sorte. Son point de vue, tu l'auras donc par la suite. Je n'en dis pas plus, au risque de spoiler.
J'ai déjà modifié les descriptions de Hjartann entre temps pour qu'on saisisse bien qu'il est mieux que dans le premier chapitre où il est en mode décès 🙂 mais qu'il pète pas le feu quoi. Pour moi, il possède un certain charisme, vestige des temps anciens disons, mais physiquement, c'est pas ça, il est tout maigre.
Haha oui je vais revérifier ces escaliers suite à tes remarques, pas que ce soit trop de volées de marches tout de même 😄
Je vais corriger ces soucis de guillemets.
Merci beaucoup pour ton commentaire 🙂
Il y a t-il une explication à la haine que voue Kurua envers les inumas? On le sent tirailler lui également dans un dilemme : faire confiance aux elfes et darnais qu'il déteste, ou leur faire confiance pour sauver la cité?
J'aime bien tous ces états d'âmes qui s'entrecroisent mais qui, in fine, se retrouveront dans une même cause. Ou pas ! Lol
Oui Nisle est tournée vers le passé (et depuis la mort d'Abisen le Jeune, ça ne va pas en s'arrangeant) et marche dans les pas d'Olme (l'ancienne capitale). Or le dernier empereur a aboli l'esclavage, donc j'ai fait Abisen attaché à ce point, même s'il est a côté de ses pompes pour à peu près tout le reste.
Oui tu verras, comme on l'a vu dans le prologue, Kuara est raciste de base disons, mais il y aura une explication, c'est l'axe principal du roman. Tu as bien vu son dilemme. D'ailleurs il prendra le mauvais choix évidemment, sinon il n'y aurait pas d'histoire 🙂 mais je me tais au risque de spoiler.
J'essaie de tout bien entrecroiser. Ça a été une bonne galère lors des corrections. Mes premiers lecteurs m'avaient fait remonter pas mal de couacs corrigés depuis (j'espère !).
Merci beaucoup pour ton message, ça m'aide toujours à voir ce qui va ou pas 🙂
J'étais plutôt mitigée quant à cette partie. Pas qu'elle n'est pas bien écrite, mais à son déroulement. Finalement, on prend vite conscience qu'un langage de sourd s'installe dans ce fameux conseil. Personne n'écoute Personne. Rien n'avance et on craint pour la sécurité de Nisle.
Avec Kuara qui se met à gaspiller son énergie à tirer dans les pattes de probables alliés plutôt que de se consacrer pleinement à la sécurité de la ville. On s'attend à un méchant revers de médaille.
Le rapprochement entre le Hjartaan et Heilendi peut laisser entrevoir une possible alliance. Ce qui ne serait pas du luxe. On aurait enfin un peu de cohésion dans ce capharnaüm.
Voir ce conseil se diriger droit dans le mur est frustrant !
Après, contrairement à Nathalie, je ne trouve pas aberrant l'attitude de Heilendi face à l'esclavage. Pour ma part, si je me retrouvais face à une autre espèce aux coutumes barbares, je ne pourrais pas juste hausser les épaules et me dire "c'est leur manière de faire". Après, je suis d'accord avec le fait que les personnages n'ont pas forcément besoin d'entrer dans une moralité irréprochable. Le tout est de réellement savoir qu'elle est la position du personnage et si, comme tu le dis, elle viendrait à utiliser cette "monnaie" d'échange... Il faudrait que cette hypocrisie ressorte bien, ou bien alors une certaine forme de culpabilité, selon sa position face à cet usage. Faut juste que ça reste cohérent, je pense, avec sa personnalité.
En espérant que ça bouge un peu vers le bon sens pour les prochains chapitres, sinon je ne donne pas cher de Nisle !
Merci pour ton message,
Oui, c'est la pagaille, personne n'écoute personne et ils n'arrivent pas à prendre une décision. J'imagine que ça doit être frustrant, moi aussi j'ai envie de les secouer ! Mais bon, c'est souvent le cas dans la vraie vie quand on suit les débats politiques et ça ne s'arrange pas de nos jours. J'avais envie de recréer ces dialogues de sourds dans le roman. Ça n'a pas été facile, je l'avoue, j'ai fait de nombreux tests avant de me fixer sur cette version. Au début, mes premiers lecteurs ne comprenaient rien à rien haha donc j'ai pas mal dû retravailler ! Entre les gars qui parlent pas la même langue, les traductions fumeuses, les gens qui ne s'écoutent pas, l'autorité d'Abisen qui s'étiole peu à peu, Kuara qui en profite pour foutre la merde, c'est un gros boulgiboulga.
J'avais une version précédente où Heilendi était plus mitigée sur l'esclavage (plus tard, il y a un chapitre où elle négocie des trucs et notamment des esclaves mais je n'en dis pas plus pour ne pas spoiler), mais en vrai, ça me dérange car c'est un perso "point de vue" donc son avis est important. Or comment empathiser avec quelqu'un qui est pour l'esclavage ? Je crois bien que de nos jours, s'il y a bien un point qui réunit tout le monde, c'est ça. Ce n'est plus une polémique actuelle donc ce n'est pas très intéressant pour moi de la développer, avec un perso pro-esclavage par exemple. D'autant que ce n'est pas du tout mon avis comme tu peux l'imaginer hein, donc je vais laisser comme c'est concernant la position de Heilendi sur l'esclavage. Sinon, je risque d'ajouter un truc qui amène de la confusion plus qu'autre chose !
Tu vas voir par la suite, ça va pas s'arranger de fou à Nisle, mais les persos vont s'organiser ! Mais bon, Kuara aussi...
« Je vous laisse un mois pour nous livrer des esclaves. »
Je sais que je suis chiante avec mes détails : « un mois » ? Ce terme est très moderne. Avant cela, on comptait plutôt en « lune ». Je sais, c’est exactement pareil mais ça fait plus « moyen-âge » je trouve. J’aime bien écrire un truc du genre « Avant la prochaine pleine lune » ou « Au prochain croissant de lune ». À l’époque, ils observaient beaucoup plus leur environnement que nous et se fiaient à la nature pour compter le temps.
« Un siècle plus tôt, Olme a aboli l’esclavage dans l’Empire. «
Ça ne fait pas longtemps ! A peine deux cyl ! Heilendi a donc connu des temps où les humains étaient esclaves. Elle ne doit pas y voir un trop gros problème…
« Elle-même tenait en horreur cette pratique cruelle, ultime atteinte à la dignité. »
Ah bon ? J’en suis fort surprise vu la remarque précédente. Pourquoi ? C’est une ambassadrice, une négociatrice, une diplomate. Elle a beaucoup vécu au temps de l’esclavage (vu son âge). Les esclaves, ça rapporte. C’est une monnaie d’échange facile. Il faut, à mon sens, davantage développer ici car cette phrase est une vraie surprise pour moi (j’écris mes commentaires au fur et à mesure de ma lecture).
« Mon fils, Abisen le Jeune, a mis en déroute les Écorcheurs, il y a deux hivers. »
Cette fois, j’approuve carrément le comptage du temps en « hiver ». Mais du coup, il faut harmoniser ton ouvrage par rapport à ça.
De plus, j’aurais rajouté « de cela » à la fin de la phrase et cela donnerait « Mon fils, Abisen le Jeune, a mis en déroute les Écorcheurs, il y a deux hivers de cela. »
« Nous pourrons le soutenir pendant des mois, jusqu’au printemps et au-delà. »
Du coup, dans cette phrase, j’enlèverai « Pendant des mois » qui alourdi inutilement pour ne laisser que « Nous pourrons le soutenir jusqu’au printemps et même au-delà. »
« Ils ne disposent que de peu de troupes et mettront des mois pour envoyer des renforts. »
De fait, je changerais en « Ils ne disposent que de peu de troupes et leurs renforts n’arriveront pas avant le printemps. »
Bravo pour ce conseil ahurissant où personne n’écoute personne, où chacun donne son avis, présidé par Abisen qui semble ne suivre que son propre fil de discussion, loin de la réalité.
« Hjartann la suivit, comme un mort-vivant. »
J’ai souri à cette phrase. Les Vampires sont connus pour faire partie de cette catégorie, en effet. Quant aux darrains, je ne sais pas mais cela m’a fait sourire.
« J’ai grand-peine à le croire »
Tu dis l’inverse de ce que tu veux dire. « Je veux bien vous croire » ou bien « Je n’ai aucune peine à le croire » (ou alors, elle est ironique mais ça ne transparaît pas très bien. Il faut le préciser si c’est le cas).
Sympa, ce rapprochement entre deux des personnages principaux, unis par leur qualité d’inuma face à un Kuara raciste.
Non non au contraire, j'aime beaucoup quand tu pinailles car cela me permet de corriger les coquilles et les incohérences.
Je prends note de tes remarques sur le décompte du temps. Il est vrai que je pourrais me baser sur des cycles lunaires, surtout pour les Darrains. Je vais voir ce que je peux faire :-)
Je rebondis sur tes remarques sur Heilendi et l'esclavage. Il est vrai que ce dernier a été aboli il y a peu dans mon monde. Il y a même une incohérence ici que je vais corriger (merci encore pour tes remarques), car ailleurs je dis que c'est l'Empereur précédent qui l'a aboli. C'était il y a donc moins d'un siècle. Heilendi qui a genre 1000 ans a donc connu cette société esclavagiste. J'ai peur de la faire passer pour quelqu'un d'antipathique si elle ne désaprouvait pas l'esclavage. Après tout, celui-ci n'a pas cours dans les îles elfes. Elle peut voir ça comme une pratique humaine et naine décadente. Qu'en penses-tu ?
Mais tu verras, elle utilisera bel et bien cette monnaie d'échange par la suite, en tant que diplomate.
Imagine que tu fasses partie d'une société n'ayant jamais imaginé utiliser la force physique d'un autre membre de ta société contre son gré (c'est l'esclavage). Imagine maintenant que tu rencontres des martiens qui eux, agissent de cette manière. Trouverais-tu cela décadent ? Je ne crois pas. Tu dirais simplement "bah, c'est leur manière de faire. Ils sont différents". Et puis, maintenant, imagine que tu doives vivre avec eux et devenir marchand d'esclaves. Je crois que tu t'y ferais vite. Après tout, ce ne sont pas des gens de ton espèce que tu achètes et revends. Je pense que je serais neutre face à un tel spectacle. Ni pour, ni contre. Juste neutre. Quant à être antipatique, Heilendi a le droit de l'être sur ce point. Tes héros n'ont pas à être tout blanc !