CHAPITRE VI – La Forêt d’en Bas - Partie 2

Notes de l’auteur : Bonjour, et désolé de ma petite absence !
J'ai eu quelques petits empêchements, j'ai bossé sur des petites annexes et le chapitre 6 a subi plus de modifications que prévu, mais il y aura à boire et à manger, et il est vraiment fini (j'ai même pu prendre un peu d'avance sur la suite).
Enfin, quoi qu'il en soit, nous allons pouvoir repartir sur un rythme de publication normal, avec l'équivalent d'une petite scène par semaine, coupée en deux pour que ça soit plus confortable à lire et bien mis en avant sur le site.
Sur ce bonne lecture, et merci d'avoir gardé de l'intérêt pour ce récit, vous n'en serez pas déçu (ou si c'est le cas, n'hésitez pas à le dire en commentaire).

Cependant, le rapace ne comptait pas en révéler plus, sans avoir conscience du risque auquel il s’exposait par ce refus.

— Dis-lui que je le tuerai s’il ne coopère pas. Si c’est ce genre de langage qu’il comprend, je peux lui en donner. Dis-lui qu’il va nous guider jusqu’à cette forêt et que ce n’est pas négociable. » S’agaça Maria pour que sa meilleure amie n’essaie de l’apaiser, même si Arcturus ne voyait pas pourquoi prendre autant de précautions, après tout, ce n’est qu’un putain de hibou — pas de quoi en philosopher comme William. 

— Seulement, doit-on du respect aux hiboux ? Et si c’est le cas, comment les animaux règlent-ils leurs offenses ? C’est ça la question, car ce hibou a pris la vie du regretté camarade Belette, il doit verser réparation selon les lois en vigueur. » Suggéra-t-il à la réflexion de ses compagnons, sur un ton faussement sérieux, avant que la Lune Pâle ne clarifie le sujet : elle n’avait déjà pas beaucoup de respect pour ses propres semblables, alors les hiboux seront gentils de prendre un billet et de faire la queue

— Euh — Hibou souligner manque flagrant de cordialité. » Traduisit le singe, lorsque Maria lui répondit aussitôt de dire au hibou d’aller se faire mettre. « D’accord !

— Maria ! Ce n’est pas un jeu ! » lui reprocha Alessia, sous les rires de ses deux confrères qui se demandaient bien quelle réponse l’animal allait donner à cette insulte très humaine, il va peut-être penser que tu lui espères de s’accoupler joyeusement ? Mais le hibou se contenta de leur renvoyer l’insulte, et leur souhaita de mourir dans d’atroces souffrances dans la Forêt d’en Bas. « Une réponse très humaine finalement… » s’exaspéra l’Italienne, tout l’inverse d’Arcturus, plus emballé que jamais.

— Il m’en faut absolument un ! Tu es sûre de vouloir le buter, Maîtresse ? » s’amusa-t-il en pointant du doigt le hibou et son regard assassin, la belette toujours pendante au bec, sans que cela n’empêche la Française d’insister auprès du rapace, et d’obtenir une réponse : il dire que Forêt d’en Bas être plus bas. « Et il se fout de ta gueule au passage ! » continuait-il de se moquer pendant que Maria, malgré son sourire en coin, commençait à perdre patience tel qu’elle le résuma si bien en ces mots : Toi dire au hibou que ses conneries être finies.

 

Après tout, comme William l’avait déjà souligné, la Française avait apporté un repas au rapace et il lui devait maintenant service au nom des lois élémentaires du vivant.

Bien sûr, le singe avait du mal à comprendre le mensonge, à tel point qu’elle dut prendre un ton plus sec pour lui répéter qu’elle avait tout prévu, de la rencontre avec Belette servant d’appât pour attirer hibou. Non sans se réjouir d’avoir la maîtresse plus intelligente de monde, il transmit donc toutes ces informations au grand-duc, bien moins stupide que le singe, et bien loin de consentir à cette prétendue justice. Bon, soit, se lassa finalement Maria en décochant un petit signe de la main à Raphaël, pour que ce dernier fusille le rapace d’un geste si brusque, si instinctif qu’il en stupéfia les chasseurs de mutants présents. Quant à la guenon, elle ne se priva pas d’aller danser sur le cadavre de cet oiseau arrogant, bien heureuse de l’avoir fait payer ses insultes et de manger Belette à sa place. Néanmoins, ils n’étaient pas beaucoup plus avancés qu’avant, même s’ils avaient bien ri de cette curieuse rencontre et qu’ils avaient une direction vaguement plus précise. Malgré tout, ils étaient intrigués par le peu que ce hibou avait livré sur la Forêt d’en Bas car, si leurs protecteurs n’y comprenaient pas grand-chose, les élèves savaient qu’il avait fourni des détails intéressants tout au long de leur discussion, des mots qui valaient des phrases.

Le rapace avait utilisé le terme d’ancêtre pour caractériser la Voix d’en Bas, et parlait d’elle comme si c’était un être inqualifiable tant il était différent des autres. La Voix était issue d’une époque si lointaine qu’elle venait de l’ordre d’avant, que les Humains ne pourraient pas la dompter, qu’elle n’obéissait à aucune règle, y compris celle de la nature sauvage. Quant au prétendu lien qu’elle entretiendrait avec l’Humanité, il avait éludé la question, en disant simplement que les humains avaient reçu le don d’en Bas depuis très longtemps déjà — depuis les premiers temps de ce nouvel ordre très probablement. D’ailleurs, le hibou avait paru jaloux et n’avait rien voulu lâcher de plus, bien que le singe eut insisté à ce sujet sur les ordres de se maîtresse, fascinée par ce spécimen mutant qui apparaissait plus grandiose à chaque nouvelle information, jusqu’à ce qu’elle ne soit obligée de clore la discussion. Mais qui sait ce qu’il y avait à apprendre de cette Voix si ancienne ? C’était exactement ce que craignait Alessia, et exactement ce qui faisait rêver Arcturus ou Maria, trouver quelque chose qui réponde à un autre ordre, un être qui ne réponde pas au Dieu d’Alessia ou à la Sainte Science de son siècle. Bien sûr, William restait sceptique, au point de suggérer que les animaux puissent eux aussi avoir des légendes, des tissus de bêtises tous plus délirants et contradictoires les uns que les autres. Pourtant, dans le fond, s’il existait un lieu où les arbres poussent naturellement sous le sol, ils ne pouvaient pas écarter qu’il existe effectivement un animal immortel — après tout, cet endroit devait avoir une logique bien à lui. Enfin, le hibou leur avait au moins confié une certitude, celle que chacun soupçonnait déjà, celle que la Forêt d’en Bas soit un véritable refuge pour tous les mutants d’Europe centrale. D’ailleurs, c’était le seul détail que le hibou s’était plu à souligner, il ne leur avait pas souhaité la mort pour rien, il était persuadé que bon nombre de ces jeunes humains agaçants allaient mourir là-bas dans d’atroces conditions. D’autant plus que la Voix était peut-être proche des Humains, elle ne les aimait pas pour autant…

C’est donc dans cette ambiance particulière, toujours conviviale, mais parsemée des leçons de morale d’Alessia à ses collègues, que le groupe finit d’arriver aux alentours du col de Bretolet où Arcturus souhaitait bivouaquer. L’Anglais n’avait pas menti, il y avait effectivement un magnifique panorama. L’équipe put installer son campement dans un léger creux du relief, juste à côté de cette vue du côté suisse comme du côté français, de grandes pentes boisées s’étendaient jusqu’aux villages à la ronde et rendait ce surplomb encore plus isolé. C’était un endroit parfait pour se reposer tout, en maintenant une surveillance sur les alentours où la secte du Vol de Jais devait traîner — ou sur les assassins que David avait peut-être envoyés après les Seafox.

— C’est aussi pour ça que tu as choisi cet endroit ? » demanda Cyrus à son fils, tandis qu’ils scrutaient l’une des vallées, laissant aux soldats de Semper Peace le soin de monter les tentes britanniques.

— En partie, oui, personne ne peut nous surplomber à moins d’être sur une de ces montagnes au loin. Il vaut mieux être précautionneux, mais ça n’écarte pas le danger, pour autant. Qui sait combien de mes propres hommes pourrait m’envoyer David ?

— Tu as raison, nous sommes en sécurité ici. » Lui concéda son père avec un léger sourire, tandis qu’il se retournait fugacement vers le campement qui se montait sur ce petit plateau ensoleillé des dernières lueurs du jour. « En tout cas, tes Automnes ont l’air fidèles. Que t’ont dit tes amis ? Ils nous aideront à descendre David ? »

— Oui, mais… je ne suis pas sûr d’y avoir tant gagné que ça… » lui avoua son fils sur un ton plus exaspéré, avant de lui faire un court bilan de la réunion, notamment de ce qu’il avait dû céder sur Solar Gleam.

 

Et tout comme lui, Cyrus n’était pas des plus satisfaits, loin de là, les prétendus amis de son fils ne comprenaient visiblement pas l’ampleur de leur combat. Pire, quand Arcturus lui confia que c’étaient principalement les dérives écologiques qui avaient motivé ces demi-sanctions, le vieil aventurier dut se retenir de ne pas éclater de colère.

Les seuls problèmes que causait Solar Gleam venaient de David, et non seulement le Seafox ne connaissait pas le principe d’écologie, mais il s’en fichait royalement. Non, vraiment, c’est à se demander à quoi sert votre Conseil, celui de tes professeurs pouvait mettre des coups de pression depuis l’autre bout du monde quand ils finissaient par se mettre d’accord, résuma-t-il, avant de proposer ces paroles lourdes de sens, on va peut-être devoir faire ça tout seul, pas besoin de se fourrer des boulets aux chevilles, juste pour la gloire. Cette fois, Arcturus ne savait pas quoi répondre à cette proposition de son père.

— Nous verrons bien comment leur soutien évolue. Eli et James ont su nous être très utiles et fidèles, pourtant, tu ne croyais pas en eux non plus. » Expédia-t-il pour que son père renchaîne aussitôt.

— Mais ni James ni Eli ne t’ont amputé d’une part de Solar Gleam avec des prétextes à la con. Enfin, je te déconseille de céder à nouveau à ta gentillesse, Arcturus. Reste dans ce Conseil si tu veux, mais ne leur donne rien d’autre que des recherches, et encore… Si on trouve quelque chose dans ce fameux sanctuaire, ils voudront aussi leur part. Tu y as pensé à ça, n’est-ce-pas ? » reprit-il, avant que Kennocha n’exige qu’Arcturus ne vienne l’aider à monter sa tente, car elle ne comptait pas le faire toute seule pour eux deux. « À quoi ça sert d’être président si c’est pour se faire engueuler par sa bonne femme ? » s’exaspéra-t-il, tandis qu’il se retournait pour voir son fils prêter main-forte à son amante, ou pour croiser le regard perçant de la Lune Pâle, elle aussi à l’écart du campement - à faire semblant de veiller sur les vallées du coin.

— Votre tente est prête, Maîtresse. » Vint l’interrompre Raphaël tandis qu’elle restait pensive face à ce sale regard que Cyrus lui lançait, non sans être dérangée par cette façon qu’il avait de se comporter, à tel point qu’elle préféra lui demander d’arrêter de l’appeler systématiquement maîtresse devant ses collègues. « Pourtant, c’est ce que font tous les autres, je suis votre serviteur, ça n’a rien d’anormal.

— Pour toi, c’est… différent, pardonne-moi. Appelle-moi, Madame, ça ira très bien. » Conclut-elle rapidement avant de reprendre sur des sujets visiblement moins déplaisants. « Cyrus Seafox ne nous apprécie guère. Il faudra garder un œil sur l’influence néfaste qu’il pourrait avoir sur Arcturus.

— Je me charge d’accomplir ce que vous déciderez contre lui dès que vous me l’ordonnerez. Il ne doit pas nuire à votre grand rêve. » Lui assura-t-il sans manifester la moindre réserve, ni sans que ça ne semble la choquer.

— Contente-toi de garder un œil sur lui et une oreille non loin, comme tu le fais déjà pour William et ses trois kazakhs. S’ils cachent quelque chose, je le découvrirai avant qu’ils ne nous mettent tous dans le pétrin. » Finit-elle par ordonner, avant de s’en retourner vers le campement pour aller papoter avec Alessia, puis apprendre qu’elle était déjà dans sa tente à discuter avec son chevalier majeur.

 

La Française préféra aller embêter Jasper plutôt que d’arriver au beau milieu d’une scène des plus niaises, où les deux chrétiens allaient sûrement passer leur temps à se dire à quel point le monde va mal et manque de foi — la rengaine classique en somme.

D’ailleurs, Alessia et Appolonio se trouvaient effectivement en grande discussion, sur ces deux sujets. Leur conversation portait, plus exactement, sur l’empirement de la situation, et surtout sur ce qu’elle allait devenir dans les prochains mois, lorsque les secrets du LM se révéleront, un à un, aux yeux de ce monde qui le consomme déjà allègrement. Quoiqu’ils découvrent de plus dans cette Forêt souterraine, son vieux sanctuaire ou son résident supposément immortel, comment allaient-ils l’annoncer ? Les secrets de Fatima avaient déjà été assez durs à révéler comme ça, même au Synode, et leurs conséquences sur la population étaient encore à voir.

— Le Synode, lui-même, a préféré reporter ce débat, mais nous ne pouvons pas retenir la vérité aux gens, le LM coule dans leurs veines, ils doivent savoir autant que nous en savons. Autant que moi qui ai toujours détesté consommer du LM, sans même savoir pourquoi… Que dois-je faire Appolonio ? Dis-le-moi. » L’implorait-elle en espérant trouver un avis sage chez un cœur pur comme celui de son chevalier, même si ce dernier s’étonnait de la voir lui demander conseil, il n’était qu’un exécutant après tout. « Je sais que c’est très ironique venant de ton ancienne professeure, mais maintenant tu es mon chevalier. Tu peux et tu dois m’aider du mieux que tu peux ! »

— Eh bien… Ma foi… Je pense que vous avez raison, quoi que nous apprenions, il faut dire la vérité aux gens. Vous voyez bien que vous n’aviez pas besoin de moi. » Lui sourit-il en espérant s’être sorti du problème.

— … Et si cette vérité venait à être une menace pour notre foi ? Si elle venait à encourager tout cet emballement autour du LM que nous dénonçons ? Si c’était une vérité trop dérangeante et dangereuse ?

— Je vois où vous voulez en venir, mais… je ne peux pas vous aider pour ça, c’est une question bien trop profonde, je suis un chasseur de mutant. C’est à vous de prendre cette décision, et je me contenterai de suivre les ordres, car j’ai foi en vous, c’est ça mon rôle. La seule chose que je peux vous dire, c’est que… parfois, il n’y a pas de bonnes solutions, et il n’y a aucun indice pour choisir une porte plus qu’une autre, je crois que vous êtes dans cette situation. Alors faites à l’instinct, ce qui doit arriver arrivera, mais vous n’aurez pas de regret au moins, vous n’y serez pour rien, les choses seront telles qu’elles étaient écrites. » Lui expliqua-t-il au grand soulagement d’Alessia qui n’était peut-être pas plus avancée, mais qui se sentait plus légère. « Vous ne regrettez pas d’avoir avoué tout ce que vous saviez à vos trois amis ou au Synode, si ? » reprit-il alors, pour essayer de vraiment l’aider, bien qu’il ne fît que la renvoyer dans ses pensées.

 

En fait, à bien y réfléchir, elle regrettait d’avoir découvert tant de choses, puis de les avoir mal partagées, et Marco-Aurelio avait peut-être eu raison finalement — avec dix ans d’anticipation, il n’était pas réputé pour être le plus sage pour rien.

J’aurais dû agir avec plus de prudence et de responsabilité, finit-elle par s’avouer, j’aurai dû m’y prendre autrement dès le début. Appolonio ne manqua pas de la réconforter, en lui faisant remarquer que les secrets du LM auraient été découverts quoiqu’il arrive, ou que rien n’était perdu, qu’un vrai croyant gardait toujours espoir puisque c’étaient ceux-là que Dieu récompensait. Alors la religieuse décida à sortir de sa tente d’un pas déterminé, pour aller de nouveau convaincre Maria et Arcturus que leurs rêves sur ce que le LM pouvait leur offrir devaient être tempérés, qu’il fallait rechercher la jouvence et l’élévation certes, mais avec prudence et piété, toujours avec la sagesse et l’amour chrétiens en leurs cœurs. Quant à William, il fumait tranquillement sa pipe au milieu du camp, et il était bien heureux de ne pas figurer au programme des sermons de sa collègue, tout comme il était bien content de ne pas avoir monté sa tente parce que les Tatars l’avaient déjà fait en un temps record. D’ailleurs, c’est aux côtés de l’un d’eux qu’il restait assis, à humer l’air de la montagne ou savourer l’arôme boisé que son tabac brun laissait autour de lui. Mais Kyril n’était pas du genre très causant, il restait souvent à réfléchir près de son premier savant dont il appréciait visiblement la présence.

De toute façon, le Souffle Pourpre réfléchissait lui aussi à sa pile de problèmes, ils formaient donc un duo parfait que Nastia vint aussitôt perturber.

— Tout va bien, camarade Herz ? » lui demanda-t-elle en s’asseyant près de lui, tandis que William ne voyait pas ce qui pourrait mal aller, c’était une joyeuse virée entre amis. « Je n’ai pas pris la peine de vous le dire, mais… plusieurs de vos collègues nous regardent de travers, voir nous espionnent. » Lui assura-t-elle en tournant son attention vers Kyril, dont elle cherchait visiblement l’approbation bien qu’il en ouvrit à peine les paupières.

— Oui, je le sais… Mais je ne peux pas y faire grand-chose, ils ne partagent pas notre cause, pas exactement… » confia William, pour que l’Orateur du trio Samara ne prenne enfin la parole, avec une singulière confidence.

— Nous ne pouvons pas les blâmer pour ça, nous faisons pareil. J’ai d’ailleurs entendu des choses curieuses. Notre amie moniale semblait en proie au secret et au doute avant qu’elle ne sorte de cette tente, et je crains que vos amis anglais et français ne complotent chacun dans leur coin, les crépitements de leurs ambitions se sentaient d’ici. » Résuma-t-il sans le moindre doute dans la voix, tout l’inverse de William qui lui demanda comment il savait cela, s’il était capable de lire dans les pensées malgré le fait qu’il ne semble pas mutant — tel que l’Allemand prit tout de même la peine de vérifier, le souvenir d’Achille était encore vif dans son esprit.

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