Chapitre Un // Partie Une

Notes de l’auteur : CW: Transphobie, Alcool (consommation)

Samedi 21 Septembre, Alexandre

— Charles, vous pouvez maintenant embrasser la mariée !

Mon frère ne se le fait pas dire deux fois. Il se penche vers Denise, qui, malgré ses chaussures à talons, doit se mettre sur la pointe de ses pieds pour atteindre la bouche de Charles.

J'ai bon être sincèrement heureux pour eux, je ne peux pas m'empêcher de ressentir une pointe de jalousie. Charlie et Denise se connaissent depuis la maternelle, et ils sont en couple depuis plus de sept ans. Ce n'était plus qu'une question de temps, avant qu'ils ne se marient. Leur histoire est très belle, tout comme leur couple, et c'est de ça que je suis jaloux : à 25 ans, je n'ai jamais connu quelqu'un qui me fasse ressentir ce que Charles éprouve pour sa femme. Ma première copine, Clara, ne sortait avec moi que pour gagner un pari fait avec ses copines. Puis j'ai rencontré Paul, quand j'avais 17 ans, mais il est parti à l'autre bout du pays après quelques mois, et on a perdu tout contact. Depuis, je n'ai jamais eu de relation qui dura plus d'un mois, et ça me déprime. Mon petit cœur romantique pleure de ce manque de stabilité et d'amour véritable. Alors aujourd'hui, alors que je vois mon frère aîné avec tout ce dont je rêve, je ne peux m'empêcher d'être un peu sombre.

Je sens quelque chose tirer sur ma manche, et je vois ma vieille tante Martha qui pleure sur ma chemise. Génial, je vais pouvoir aller me changer avant la soirée... Je passe mon bras autour de ses épaules et je la serre contre moi, pour essayer de la consoler. Il faut dire qu'elle nous a presque élevés, Charlie et moi, alors voir le plus vieux des deux se marier... Ça a de quoi l'émouvoir un peu. Martha se mouche violemment, puis me sourit et pince ma joue en me remerciant. Alors que je détourne ma tête pour regarder où en sont mon frère et Denise, je suis à peu près sûr que j'entends ma tante marmonner à sa voisine :

-Quel gâchis... Elle rendrait un homme tellement heureux, si elle arrêtait avec ses sotises...

Et là, je serre les dents. Dans ma famille, les gens sont assez tolérants, c'est d'ailleurs pour ça que je n'ai pas été mis à la rue lorsque j'ai fait mon coming-out, il y a de nombreuses années maintenant. Enfin, j'étais en quelque sorte à la rue, mais ils ne m'ont pas dit "Tu dégages" de façon directe. Mais certains membres de ma famille, dont ma mère et ma tante Martha, ne l'ont jamais accepté ; elles restent persuadées que ce n'est qu'un phase et que je trouverai la raison un jour ou l'autre. On ne peut pas tout avoir, malheureusement... Mais au moins, je sais que ma tante m'aime malgré tout, et c'est ça le plus important, surtout depuis que je ne parle plus à ma génitrice.

Les nouveaux mariés se séparent et, après avoir échangé quelques mots avec le maître de cérémonie, ils descendent l'allée couverte d'un tapis de fleurs blanches. Les invités se lèvent de leurs chaises et applaudissent, les plus proches de l'allée vont même jusqu'à serrer Charles et Denise dans leurs bras, leur souhaitant tout le bonheur du monde et tout ce qu'il s'en suit. Puis tout le monde sort à la suite de mon frère et sa femme. Je regarde les gens quitter la salle petit à petit, jusqu'à ce qu'il ne reste que moi. Je sors alors mon téléphone portable, et appelle Tom, mon employé, qui me répond après quelques sonneries:

-Ouaip Boss, c'est déjà fini ? On peut venir tout remballer ?

-Comment ça, « déjà » ? Ça fait deux heures que je suis enfermé ici, vient me sauver, par pitié ! Deux cérémonies en une journée, c'est dur!

-Mon cheval blanc et moi, on arrive dans deux minutes ! Ne te jette pas dans un puits d'ici là, princesse !

Et il me raccroche au nez. Tom, il a été mon premier employé, lorsque j'ai commencé mon entreprise d'organisation d'événements. Du coup, on est très proches, au point de flirter légèrement, comme avec cette histoire de princesse et de cheval blanc. Mais contrairement à ce qu'on pourrait penser, il ne s'est jamais rien passé entre lui et moi : déjà parce qu'il n'est pas vraiment mon type, mais aussi parce qu'il a une femme, Sacha, dont il est toujours aussi dingue après dix ans de mariage. Le fait qu'il soit totalement hétéro joue aussi beaucoup. Comme vous pouvez vous en douter, en faisant un peu de math, on se rend compte que Tom est plus vieux que moi ; c'était d'ailleurs étrange pour moi d'être le boss d'un homme plus âgé, surtout que je n'avais que 21 ans à l'époque, et lui 32.

Je range mon téléphone dans ma poche et me dirige vers la sortie lorsque je me rend compte que je n'étais pas la dernière personne dans la salle : un homme, qui doit avoir la vingtaine, était toujours assis dans le fond de la pièce, entrain de regarder son téléphone. Il a l'air d'être perturbé, alors je décide d'aller le voir, pour voir si je peux l'aider pour quoi que ce soit. Pendant que j'avance, je prend le temps de le détailler : je ne vois pas ses yeux, mais je craque directement sur sa barbe bien taillée, du même brun foncé que ses cheveux, qui sont eux-mêmes parfaitement coiffés. Si je devais me mettre en couple avec quelqu'un juste pour ces deux traits là, je commencerais directement à le draguer, sans hésitation.

Lorsque j'arrive à quelques pas de lui, il semble remarquer ma présence et relève la tête. Je ne sais pas si je bave avec la bouche ouverte, mais mon cerveau est très certainement entrain de le faire. Ses yeux sont à tomber par terre, d'un brun magnifique ; même la forme de son visage est parfaite. Je viens de tomber sur un dieu en personne, et je ne vais pas m'en remettre.

J'arrive justement près de lui, et je ne sais pas quoi faire. Mon cerveau s'est fait la malle, je dois me débrouiller tout seul maintenant. Mais je n'ai jamais su me débrouiller sans lui, alors je fais comment, moi ? Ses prunelles brunes me dévisagent, avec un air d'incompréhension. Je ferais probablement la même tête si un gars venait près de moi et commençait à me fixer sans rien dire. Je prend mon courage à deux mains, et je lui demande en bégayant :

-Hum... Vous... Enfin, tu as besoin d'aide pour quelque chose?Parce que mon équipe va arriver pour tout ranger, et hum... Il faut que tout le monde soit parti pour ça, donc hum...

-T'inquiète pas, je vais partir ; j'avais invité quelqu'un pour m'accompagner, mais ce con vient juste d'annuler. Je lui envoyais juste un message pour, disons, lui expliquer ma façon de penser. Maintenant que c'est fait, je suppose que je n'ai plus aucune raison de rester ici. Sauf si...

Je le vois hésiter un peu, puis il reprend :

-Ton équipe aurait pas besoin de bras supplémentaires, par hasard ? J'ai pas trop envie de rejoindre les autres, ils sont trop bruyants, et il y a des gens que je préférerais éviter pour le moment...

Une opportunité de parler un peu plus avec lui, hein ? Pourquoi pas. Et puis, des bras supplémentaires, ça ne se refuse pas, peut-être que ça ira plus vite pour tout remettre dans le camion. En plus, je comprend parfaitement qu'il ne veuille pas rejoindre les autres invités ; moi aussi, je veux éviter quelqu'un (coucou, Maman), et j'aurais aimé qu'on me donne une opportunité pour repousser le moment de la voir. Alors sans la moindre hésitation, je lui répond :

-Bien sûr, je ne vois aucune raison de refuser. Surtout que t'as l'air d'être plus musclé que certains de mes gars, alors tout ira certainement plus vite. Je m'appelle Alexandre, mais appelle moi Alex, dis-je en lui tendant la main.

Il attrape ma main et la sert légèrement, avant de dire :

-Moi, c'est Ezra. Ez, pour les intimes. Tu me sauves la vie, tu ne t'imagine pas à quel point. Je ne me voyais pas survivre pendant trois heures, entouré de tous les invités. Quelqu'un serait probablement mort, ou alors je me serais jeté du toit, alors tu as ma reconnaissance éternelle !

Il a bon avoir dit ça en riant, j'ai l'impression qu'il était au moins à moitié sérieux. Il ne devait vraiment pas avoir envie de venir, le pauvre !

C'est à ce moment exact que mon équipe traverse la grande porte, avec beaucoup plus de bruit que nécessaire. Lorsque Tom, qui est le premier à être entré, me voit entrain de parler avec Ezra, il a la délicatesse de dire, pardon, de crier, à mon attention :

-Bah dis, Boss, et la règle du « On ne flirte pas sur le lieu de travail » ? Elle ne s'applique pas à ton cas ?

L'entièreté de l'équipe se tord de rire, pendant que moi, je deviens rouge comme une tomate. Je pourrais leur dire que je ne flirtais pas, mais ça n'aurait fait qu'aggraver mon cas, et je n'ai pas besoin de ça en plus. Je n'ose pas me tourner vers Ezra, de peur de voir sa réaction : et s'il était dégoûté ? J'ai déjà rencontré des gars homophobes, au cours de ma vie, et je n'ai pas envie qu'il fasse partie de ces gens là.

Mais bizarrement, je sens un bras passer au dessus de mes épaules, et Ezra me murmure :

-Alors comme ça, tu flirtes avec moi ? Intéressant...

Je ne suis plus rouge, maintenant. Non, j'ai atteint une couleur inexistante, que je décide d'appeler « Rouge de la honte suprême ». Je mets mes mains sur mon visage dans une tentative désespérée de cacher la couleur de mes joues, et je bégaye à nouveau :

-Je... Non, enfin je...

Le rire du brun résonne dans la salle presque vide, faisant vibrer chaque partie de mon corps.

-Je rigole. Je me doute bien que ce n'est pas comme ça que tu flirtes. Enfin, j'espère, parce que si c'est ça ta méthode, elle est complètement nulle. Nulle, mais aussi adorable que toi.

Je tiens à préciser que, non, ce n'est pas comme ça que je flirte. Non, ma méthode à moi est encore plus nulle et mauvaise !

Attendez, il a dit que j'étais adorable? Hein ? Je pense que le « Rouge de la honte suprême » n'est même plus suffisant pour décrire la couleur de mon visage. J'ai envie de m'enfoncer six pieds sous terre, mais j'ai bien l'impression que le bras musclé qui entoure toujours mes épaules m'empêcherait de faire un quelconque mouvement.

Tom, qui avait commencé toute cette histoire qui ne m'apportera que de la honte éternelle, arrête finalement de rire, et il déclare calmement :

-Allez les gars, c'est le moment de s'y mettre. Sinon, Alex devra payer plus cher pour la location des meubles, et on n'aura pas de salaire. On se dépêche !

Ezra retire son bras de mes épaules, et se déplace directement vers l'équipe pour se présenter. En à peine quelques minutes, il est accepté par l'entièreté de mes gars, comme s'il avait toujours travaillé avec eux. C'est une bonne chose, sachant qu'on va passer la prochaine heure à porter des meubles tous ensemble.

Mon équipe porte déjà des tenues adaptées à un travail physique, mais ce n'est pas notre cas, à Ezra et moi. Nous sommes tous les deux en costumes-cravates, ce qui n'est vraiment pas prévu pour de l'effort physique. Alors on retire nos veste et nos cravates, on retrousse nos manches, et on se met rapidement au travail. Au final, avec l'aide du brun, on a travaillé plus vite que d'habitude : le travail que l'on fait habituellement en un peu plus d'une heure, a été fait en à peine quarante-cinq minutes. Alors pendant qu'un de mes gars, Phillipe, part avec le camion pour rapporter les meubles, on s'assied tous au sol, et on boit des bières fraîchement sorties du stock de la soirée. Au vu de tout ce que j'ai commandé, ça ne se remarquera même pas !

Rapidement, on fait un tour des présentations pour Ezra. Chacun raconte une petite anecdote sur lui-même, et lorsque c'est finalement c'est à mon tour, je ne sais absolument pas quoi dire. Je n'ai rien de passionnant, je dirais même que je suis l'homme le plus banal du monde ; alors je me contente de raconter que je suis devenu organisateur d'événements en étant très jeune. Ezra me regarde avec étonnement, et me demande :

-Sérieusement ? T'as réussi à devenir ton propre patron à même pas 21 ans ? Et dire que moi, à 24 ans, je suis sans emploi... Je suis impressionné, vraiment ! Et moi, niveau anecdote, et bien...Je veux devenir écrivain. Je suis loin d'être doué, mais bon.

On se retourne tous vers lui, très étonnés. Avec son physique, il aurait facilement pu devenir mannequin ou quelque chose dans le style, j'avais du mal à l'imaginer devant un bureau, en train d'écrire des pages et des pages de texte. Malgré tout, je lui demande :

-Ah bon? Et t'écris quoi comme bouquin ?

-Je me suis essayé à plusieurs styles ; la romance, la science-fiction... Mais le domaine où je gère le plus, c'est la fantasy. On dirait pas comme ça, mais je suis un gros geek qui se vautre dans son canap' tous les mois pour se faire un marathon du Seigneur des Anneaux en version longue et avec un énorme sceau de popcorn. La fantasy, avec toutes les créatures possibles, des elfes, des fées, des nains... Ça me passionne. Alors pour certains, je suis peut-être au chômage, mais au moins, j'aime ce que je fais, et je suis persuadé que ça me réussira, un de ces jours. Peut-être pas maintenant, peut-être dans quinze ans, mais j'atteindrai mes objectif et je prouverai que j'en étais capable. Que j'en suis capable.

Tom, qui est particulièrement de bonne humeur ce soir, lève sa bouteille de bière (presque vide) vers le centre du groupe en criant :

-A Ezra, le bon gars qui fait baver Alex, et à son bouquin !

Nous trinquons tous à ce toast, même moi. J'ai décidé de laisser passer la pique, après tout, ça n'a pas l'air de déranger Ezra. D'ailleurs, ce dernier prononce un toast à son tour :

-Et à Alex, et à sa super soirée !

Ah, on trinque pour moi, maintenant ? Ah bon ! Bah, après trois-quatre bières, je suis près à trinquer pour à peu près tout, maintenant.

Plusieurs toasts sont encore portés après celui-là, et Phillipe revient enfin d'avoir ramené les meubles de location. Ce moment marque la fin de ce début de soirée car, comme Phil est le seul à ne pas avoir bu, il doit aller ramener tous les autres chez eux, et ça risque de prendre beaucoup de temps vu que chacun habite d'un côté différent de la ville.

Finalement, il ne reste plus qu'Ezra et moi, dans cette grande pièce. Le silence règne, et c'est très bien comme ça. Lentement, je me sens glisser du mur contre lequel j'étais appuyé, jusqu'à ce que ma tête se retrouve sur le sol. Jamais je n'ai connu un sol aussi confortable, c'est dingue, j'ai l'impression d'être dans un lit. Je pourrais presque m'endormir... Mes yeux commencent à se fermer doucement, mais ils s'ouvrent bien vite lorsque j'entends :

-Dis Alex... Je ne sais pas toi, mais moi, je vais devoir me montrer, à cette soirée. Tu voudrais pas rester avec moi là-bas ? Juste quelques heures ? On ne se connaît pas, mais... Je ne supporterai pas d'être seul là dedans.

Le cerveau embrouillé, je m'entend déclarer d'une voix pâteuse :

-Tout ce que tu veux, beau gosse. Laisse moi juste une petite minute, je repose mes yeux...

Et c'est en écoutant son rire que mes yeux se referment, me laissant endormi pendant quelques heures.

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drawmeamoon
Posté le 30/05/2021
Heyaaa
Je reviens donc pour lire ton histoire !
Retrouver Alex et Ezra est très plaisant et c'est la nouvelle version est très fluide et agréable à lire du coup merci pour ce re-post Charlie !
J'ai pas grand chose à dire hormis le fait que j'ai apprécie ma lecture et que j'ai hâte de retrouver les conneries d'Ezra <3
(Et Alex est toujours mon chouchou)
Ana Dunkelheit
Posté le 16/03/2021
Bonsoir ! C'est un immense plaisir pour moi de commencer ton histoire j'avais juste hâte !
Concernant la forme : des coquilles syntaxiques et des petites fautes (mauvais verbe conjugué : ex -> sert > serre). Je n'ai pu toutes les noter car je suis sur téléphone. L'organisation de ton texte est légère ce qui rend la lecture fluide et agréable. Le langage et les tournures ne choquent pas on se sent même plus proches de ton perso parce que personne ne parle dans son esprit comme un livre de Proust.
Ses expressions, sa manière de parler de sa vie, ça le rend vraiment attachant je trouve ! Ravie d'avoir fait connaissance avec Alex ! ^^

Pour le fond : ça parle de beaucoup de choses : vie intime, identité, sentiments, émotions, on est complètement dedans, avec quelques effets un peu comiques. On veut en savoir plus sur cette personne qu'on découvre, puis l'ambiance et le suspens qui semble porté sur l'évolution des relations entre les personnages ravive ma curiosité !

En bref j'ai beaucoup aimé, j'ai trop hâte de voir la suite ! À bientôt ! ♡
Charlie L
Posté le 17/03/2021
Merci beaucoup Ana, ton commentaire me fait tellement plaisir T^T
Merci pour la remarque pour les fautes, j'y ferai particulièrement attention pour la prochaine correction! 💛
Saamodeus
Posté le 01/02/2021
Que de joie de retrouver les deux ptits gars. Ça fait plaisir de pouvoir replonger dans cette histoire. Et mon dieu, la phrase de fin d'Alex quoi xD
En tout cas de ce que je vois, cette version 2.0 me plaît beaucoup !
Charlie L
Posté le 03/02/2021
Merci beaucoup Samo, ça me touche beaucoup que tu relises et que ça te plaise 💛💛💛
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