Chapitre sept

Humphrey observait le noir abyssal d’une nuit sans étoile. Il se demanda si dans le nouveau monde, il y aurait également un ciel et des constellations. Il n’avait jamais levé le nez. En Enfer, le ciel n’était pas visible. Mais il réalisait que finalement, ce ciel allait lui manquer.

    – Tu bulles ?

    Humphrey sursauta. Ciel ne put s’empêcher de rire :

    – Oh, mince. Aurais-je effrayé le grand, le brave Humphrey ?

    Le démon rit en secouant la tête, puis reporta son attention sur la nuit :

    – Tu ne serais pas la première.

    – Qu’est-ce que tu fais ?

    Il fronça les sourcils, mais ne lui adressa pas un regard :

    – Ce que je fais ?

    – Oui.

    – Je regarde le ciel.

    – Pourquoi ?

    Il la dévisagea et perdit son souffle face à une telle innocence.

    – Tu te fous de moi, pas vrai ?

    Il s’attendait à ce qu’elle parte dans le plus grand des fous rires. Mais rien. Au lieu de ça, elle continuait de le regarder avec la même curiosité qui lui avait fait gouter les pâtes à la carbonara, quelques heures plus tôt.

    – Plus je vous regarde, moins je vous comprends, admit-il. C’est vrai quoi, vous êtes si beaux, si purs. Des créatures que même nous, démons, envions. Et on n’envie pas grand-chose, c’est moi qui te le dis… Pourtant, vous êtes si… vide.

    Ciel fit la grimace :

    – Dois-je mal le prendre ?

    – Honnêtement ? dit-il car il n’était pas sûr qu’elle puisse encaisser la vérité. Oui. Assez.

    Il tapota le muret sur lequel il était assis :

    – Viens là. Je vais te montrer un truc.

    Ciel traina des pieds jusqu’au petit muret qui entourait le motel. Cela aurait été si joli si un parc se trouvait là. Ou un lac. Ou une falaise. N’importe quoi d’autre que cette triste route. Rares étaient les voitures, mais quand elles passaient à vive-allure, elles manquaient de vous projeter en arrière.

    L’ange s’assit sur le muret, après s’être assurée que sa robe ne serait ni abimée, ni froissée. Humphrey rit de bon coeur :

    – Il va falloir penser à un nouveau look, mesdames. Parce que là, vous portez un énorme panneau « je suis un ange, butez-moi ».

    Ciel fut offensée, mais elle ne répondit rien. Elle savait qu’il avait raison.

    Elle bloqua ses cheveux derrière ses oreilles, puis leva le nez :

    – Qu’est-ce que tu cherches ?

    Il pouffa :

    – Je ne cherche rien du tout. Je profite du ciel.

    – Il n’y a même pas d’étoile…

    – Est-ce que tu comprendrais mieux pourquoi je le fais, s’il y avait des étoiles ? demanda-t-il, naïvement.

    Ciel fit non de la tête.

    Humphrey s’allongea sur le muret et garda le silence. Au bout de plusieurs minutes, Ciel l’imita. Devant elle s’étendait une énorme tache sombre. Plus elle le fixait et plus son cœur se prenait d’une nostalgie.

    C’était là-haut qu’elle était née, il y avait bien longtemps. C’était là-haut qu’elle était restée jusqu’à ce jour. Elle y avait grandi, s’était chamaillée avec sa famille, s’était battue à leurs côtés, dans des guerres que jamais les humains n’oseraient imaginer. Elle avait ri, elle avait tant appris.

    Dans les nuages, elle avait volé jusqu’à ce que ses ailes la fassent souffrir. Le vent contre ses joues, slalomer entre les gouttes de pluie, essayer d’atteindre le soleil.

    Et pas une seule fois, elle ne s’était demandé ce qu’était le temps et si elle le perdait vraiment. Elle ne l’avait jamais compté, ni essayé de le comprendre. Elle avait regardé les humains, comme des fourmis, vivre une vie pleine de facéties et de concepts dont elle ignorait l’utilité. Elle s’était longtemps sentie forte et supérieure. À raison.

    Une larme coula sur sa joue. Doucement, l’idée s’immisçait dans son crâne : peu importait ce qu’il allait advenir de ce monde, peu importait l’allure et la saveur du prochain… Jamais plus rien ne serait pareil.

    – Oh. Pardon. Je ne voulais pas te vexer.

    Ciel n’avait même pas senti Humphrey se rasseoir sur le muret. Il la fixait d’un air inquiet. Ses mots avaient-ils blessé l’ange ? Il savait que comme eux, les anges n’étaient pas autorisés à pleurer, alors si ces mots lui extorquaient des larmes…

    Ciel lui sourit pour lui assurer que ce n’était pas lui qui lui brisait le cœur, mais le démon n’en fut pas certain.

    Elle s’assit de nouveau, et regarda la grosse horloge néon dont les couleurs surplombaient à la fois le motel et le restaurant. La grosse aiguille n’avait pas l’air d’avoir bougé, mais la petite n’était plus sur le trois, mais le quatre… Est-ce que cela voulait dire quelque chose ?

    – Je crois que j’ai le mal du pays, admit-elle. Une partie de moi veut rentrer à la maison…

    – Oh, chérie… Tu n’as plus de maison.

    Ciel hocha la tête. Elle le savait, mais s’en rendre compte était d’une douleur inexplicable. Inexpliquée.

    – Allez ! l’encouragea Humphrey en se rapprochant d’elle, mais pas trop près pour ne pas se blesser. Où est donc passée la Ciel si aventurière qui vient de découvrir l’existence de la pizza ?

    Elle rit :

    – C’est super bon, ce truc-là.

    – Ahah, je te l’avais dit !

    Elle sourit et écrasa plusieurs larmes sur ses joues à l’aide de ses pouces :

    – Je ne sais pas ce qui m’arrive.

    Humphrey fit la moue :

    – Bien sûr que si, tu le sais.

    Il tapotait un rythme du bout des doigts sur le muret, comme si cette scène avait besoin d’une bande-son.

    – Tout le monde a peur du changement. Mais crois-moi, une maison, ce n’est que quatre murs. Il n’y a rien qu’on ne peut pas supporter. On est en sécurité et chez soi à partir du moment où l’on sait où se trouve notre cœur.

    Ciel pouffa de rire, Humphrey la suivit, avant de corriger :

    – Oui, je sais, c’est cucul. J’ai peut-être un peu trop trainé avec ces humains, finalement.

    Il reprit après un petit instant :

    – Tu sais, sortir de ta zone de confort, ce n’est pas si mal. Tu vas découvrir tellement de choses ! Tu n’en avais pas marre de vivre enfermée ? Dans ta petite cage dorée ?

    Ciel haussa les épaules :

    – Avant aujourd’hui, j’ignorais être dans une cage, à vrai dire…

    – Tu ne t’es jamais demandé ce qu’il pouvait se passer sous tes pieds ?

    –Au travers des nuages, je les observais. Ils étaient si petits, si insignifiants. Au début de ma vie, je pensais que si je levais le pouce, je pouvais les écraser. Les enfants, même anges, c’est ignoble.

    Une envie de rire prit Humphrey, mais il sentit que le temps était plus propice à l’écoute, plutôt qu’à la réponse.

    – Je n’ai jamais été curieuse de quoi que ce soit. Je devais protéger les portes dorées, je devais obéir, je devais prier, je devais être là quand on avait besoin de moi. Je ne pensais pas que ma vie pouvait être autre chose. Si on m’avait dit « hey, tu veux aller faire un tour en bas ? », j’aurais été outrée que l’on ose penser que je puisse être si tire-au-flanc… J’aurais répondu…

    Elle s’arrêta immédiatement dans son élan, portant honteusement sa main à sa bouche. Humphrey sourit et termina sa phrase pour elle :

    – Tu aurais répondu : « je ne suis pas un démon ».

    Ciel devint rouge pivoine :

    – J’en suis désolée. Je me rends compte maintenant que j’avais tort.

    Humphrey leva les mains :

    – Hey, ce n’est rien. Pour être honnête… Je pense que je suis aussi en train de changer d’avis au sujet des anges.

    Ciel éclata de rire :

    – On doit ça au charme de Annahera !

    Humphrey secoua la tête, amusé, un petit rire sur le point, lui aussi, de se faire la malle.

    – Je ne suis pas fan de ton amie, confia-t-il.

    – Sœur, corrigea-t-elle. Et toi, Golly, c’est ta sœur ?

    Humphrey confirma.

    – Alors tu dois la connaître mieux que quiconque. Et si quelqu’un osait te dire « je ne suis pas fan de ta sœur », tu aurais envie de lui expliquer à quel point elle est formidable.

    Humphrey n’était pas certain de ça, mais il ignorait si Ciel était prête pour cette conversation. Alors, il se contenta d’acquiescer. Il ignorait combien de fois son cou avait fait des allers-retours à la verticale depuis leur rencontre, mais le torticolis n’était pas loin.

    Mais Ciel n’était pas dupe. Même si Humphrey avait un sourire plaqué sur le visage toute la journée et probablement toute la nuit, elle savait faire la différence entre les charmeurs, les sincères et les mensonges :

    – Tu n’es pas d’accord.

    Il fit la grimace avant de hausser les épaules :

    – Tu as eu assez de découvertes pour aujourd’hui. Je vais te dire ce qu’on va faire : aller se coucher.

    Ciel se leva, toute excitée :

    – Oh oui ! Je n’ai jamais dormi dans des draps !

    Humphrey réprima un rire amusé :

    – Sans déconner ? dit-il avec ironie. Alors, ça, je ne l’aurais jamais cru !

 

***

 

    La lumière du soleil éjecta Hera hors d’un drôle de rêve. Elle ne s’en souvint plus à la minute où elle grogna et se cacha sous les draps.

    – Ciel, par pitié, quelle heure est-il ?

    – Je n’en sais rien, répondit l’ange. Depuis quand tu sais ce qu’est l’heure ? Et depuis quand es-tu si douée pour « dormir dans des draps » ? Si je ne te connaissais pas, je dirais que tu es une humaine.

    Hera n’était pas d’assez bonne humeur ce matin pour lui rappeler qu’elle avait vécu quinze ans sur cette Terre. Elle avait pris l’habitude de dormir, même si le lit de sa cellule était bien moins confortable.

    Ciel sautait comme une sauterelle sur le lit, ne manquant pas d’écraser encore et encore sa sœur, toujours grognon. Pour réveiller Golly, Humphrey avait été bien moins sympathique : il avait renversé le matelas.

    – Allez, les marmottes, on se bouge le popotin.

    Il appuya son propos en roulant en tube le journal du jour et en frappant la tête de Golly avec. Elle l’insulta, mais comme elle venait de s’enrouler dans sa couette comme un burrito pour oublier son vol plané, personne ne l’entendit correctement.

    – Les news disent qu’il va faire très beau aujourd’hui, et les petits humains ne sont pas en vacances avant le week-end, ce qui veut dire que les routes seront tranquilles. Et si on part maintenant, on pourra arriver au Grand Saffron avant deux heures de l’après-midi.

    – C’est quoi ce truc-là ? maugréa Hera.

    – Un restaurant pardi ! Et pas n’importe quel restaurant : le moins bien noté de toute la région sur Internet. On va s’éclater le bide à s’en rendre malade. On verra peut-être même quelques touristes étrangers faire la grimace en goutant les bouses qu’ils proposent là-bas.

    Il attrapa la couette de Golly et tira avec assez de force pour la faire s’envoler à l’autre bout de la pièce. En rencontrant son corps, le mur trembla et une fumée de poussière s’en échappa. Hera sursauta, un cri lui échappa. Elle se pencha immédiatement au-dessus du cadre du lit pour s’assurer que Golly n’avait rien, mais celle-ci riait à gorge déployée. Elle voulut se venger de son frère en se jetant sur lui, mais elle manquait d’entrainement, il l’évita si facilement qu’un autre mur cracha.

    – Mais ne vous inquiétez pas mesdames, reprit-il comme si de rien n’était, ce soir, nous serons proches de la côte. Qui est partante pour une petite baignade ?

    – Moi ! hurla Ciel, bien qu’elle ne soit pas certaine de savoir ce que cela voulait dire.

    Golly voulut profiter qu’il soit distrait pour s’en prendre à nouveau à Humphrey, mais encore une fois, il l’évita sans effort. Golly atterrit lourdement sur le lit d’Hera et Ciel, faisant sursauter la première et tomber la deuxième. Par chance, aucune peau ne se toucha.

    Humphrey se laissa tomber en arrière sur le matelas encore au sol, ouvrant grand le journal qu’il avait toujours dans les mains :

    – Vous n’avez pas la moindre idée de ce que font les politiciens en ce moment. C’est dommage qu’on se casse si tôt, je passerais bien un pacte avec eux. (Il se redressa d’un coup) Vous pensez qu’on a encore le temps de faire un détour ?

    – NON ! répondirent les trois jeunes femmes à l’unisson avant de toutes se relever.

    – Vous n’êtes vraiment pas drôles, bougonna-t-il. Ciel, Annahera, j’espère que vous n’avez rien contre le style « autoroute cheap ». Vous ne pouvez pas vous balader habillées comme ça. Surtout en ce moment. Je sais que je suis fort, mais je ne peux pas me permettre de vous sauver si tout le monde décide de vous traquer en chemin.

    Hera le toisa :

    – Si tu penses que l’on a besoin de ton aide pour quoi que ce soit, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’aux orteils, mon vieux.

    Humphrey avait une répartie tranchante. Il était temps qu’elle s’en rende compte. Il se redressa, un regard farceur et les lèvres qui s’entrouvrent, la langue qui claque… Mais ne dit mot.

    – Bah alors ? On t’a coupé la langue ? rit Hera.

    Il la fit taire d’un « chut » plutôt cassant, alors qu’il se relevait sans aucune grâce, les yeux rivés sur la porte.

    Hera s’apprêta à l’attraper par la gorge pour lui faire comprendre qu’elle pouvait accepter ses plaisanteries douteuses, mais qu’aujourd’hui, aucun ange, démon ou homme n’était parvenu à la faire taire.

    Mais elle le sentit. Il y avait dans l’air une certaine odeur de peur et de besoin de vengeance. Comme quand on a besoin de se jeter dans l’eau après des jours en plein cagnard.

    – À TERRE ! hurla Humphrey, cela ne servait plus à rien d’être discret.

    Dans un élan, les anges descendirent du lit. Humphrey attrapa Golly par la taille, bien décidé à protéger sa petite sœur. Ils ne pouvaient certes pas mourir, mais ils pouvaient souffrir. Et puis, qui savait vraiment ce dont ces humains désespérés pouvaient être capables… Un jour, ils trouveraient un moyen de les éliminer, c’était certain.

    Tout se passa en une fraction de seconde. Un peu de télékinésie et les deux lits se retrouvèrent à la verticale, pour les protéger des balles qui transperçaient la fine porte en bois et les fenêtres à présent éclatées. Golly callée contre lui, Humphrey enveloppait sa petite sœur de ses bras, et surtout sa tête. Il jeta un rapide coup d’œil à Hera et Ciel pour s’assurer qu’elles étaient en bon état.

    Ciel tenait son bras. Un sang blanc s’en échappait en abondance, puis un clignement d’œil plus tard, il n’y avait plus rien. Si cela avait été la tête ou le cœur, cela n’aurait pas été aussi rapide ! Mais bien que Ciel soit si vite rétablie, Hera était dans une colère noire. Personne ne blessait sa sœur sans subir son courroux.

    Pour une fois, Humphrey aurait plutôt été du genre à la jouer cool et discrète, faire des blessés, pas des morts. Mais la haine envers ces ignobles créatures qui lui devaient tout gonflait en Hera.

    Les yeux de l’ange croisèrent ceux de Humphrey, qui la supplia de ne pas en faire trop. Mais elle ne voyait plus rien. L’univers et sa négativité frappaient contre sa peau comme des marteaux : ces humains les détestaient. Elle pouvait sentir leur haine ramper, s’immiscer sous sa peau et y creuser comme des insectes bouffeurs de chair. Ils s’acharnaient sur la détente, mais dès qu’ils seront dans la pièce, ils abandonneront armes et sens commun pour essayer de leur arracher les yeux à mains nues. Elle pouvait entendre leurs pensées perverses… Ou alors, c’étaient les murmures qu’elle avait entendu dans les couloirs du bunker.

    Des images flashèrent : elle s’y revoyait. Et sa colère grandissait, grandissait, grandissait.

    Elle se leva d’un bond, avec une prestance rare. Les humains étaient entrés dans la chambre, et ils avaient appelé des renforts. Leurs balles laissaient derrière elles les plumes des oreillers et des éclats de bois. La commode avait finalement cédé.

    Les impacts laissèrent sur la peau d’Hera des trous qui s’illuminaient en l’instant, faisant fondre les prochaines amatrices trop excitées de quitter leur canon. Les humains hurlaient, comme si cela allait leur donner force et courage. Ils se cachaient derrière des armes à feu destructrices, sans jamais prendre le combat au corps à corps. Des lâches qui se prenaient pour des dieux.

    Ils hurlaient ? Elle allait hurler. Plus fort. Plus dur.

    Humphrey la suppliait d’arrêter, ils pouvaient fuir, espérer que la voiture ne souffre pas trop de la poursuite qui s’en suivrait. Mais elle n’entendait rien. Elle ne voulait rien entendre.

    Hera ouvrit si grand la bouche que sa mâchoire craqua. Un son si strident s’en échappa qu’une demi-seconde plus tard, on n’entendait plus rien. Mais les oiseaux qui fuyaient par le ciel, les chiens qui aboyaient et les insectes qui sortaient de leur cachette étaient bien la preuve que son hurlement n’avait pas encore fini son travail.

    Les oreilles des faibles petits humains se mirent à saigner, mais le pire restait à venir. Une force monumentale les expulsa hors de la chambre, à travers des murs épais qui s’effondrèrent dans une symphonie tonitruante.

    Ciel, Humphrey et Golly ne virent même pas cette scène hors du commun. Ils étaient trop occupés à se couvrir les oreilles et à se demander si l’audition n’allait pas à jamais les fuir.

    Quand le calme revint, les trois cachés se relevèrent pour voir une scène dont ils n’auraient jamais cru être témoin : une vingtaine d’humains avaient tenté d’infiltrer la chambre. Et tous étaient maintenant au sol. Leurs mères ne pourraient jamais les reconnaître, et il valait mieux qu’elles ne les voient jamais ainsi : plats, des liquides visqueux se mêlant au sang, s’écoulant par tous les trous. Tous. Vraiment tous. Même des trous qui n’existaient pas avant. Un cri pouvait-il transpercer la chair ? Ils se poseraient la question à tête reposée.

    – Faut se barrer, avant que leurs potes ne débarquent, dit Humphrey.

    Il ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, bailla, pour espérer faire éclater les deux bouchons qui coupaient ses oreilles du monde réel. Des acouphènes vinrent vite lui tenir compagnie. Il aida Golly à se relever, celle-ci était encore toute secouée. À deux doigts de faire une crise de panique, le souffle court et le front en sueur.

    – Hey, ça va toi ? demanda-t-il, inquiet.

    – Comment ça avant que leurs potes débarquent ?! hurla Ciel qui ne s’entendait pratiquement pas. C’est bien ça que tu as dit ?! Qu’est-ce qui te fait dire ça, hein ?!

    Hera lui fit signe de baisser d’un ton, ils pouvaient très bien l’entendre, eux, par contre. L’ouïe leur revenait doucement.

    Pour le moment, ce qui inquiétait Humphrey, c’était sa petite sœur. Golly était un monstre sanguinaire. Pourquoi, d’un seul coup, prenait-elle peur ? Les humains l’avaient-ils tant traumatisé que ça ? Elle avait de la chance de déjà avoir été bannie de l’Enfer, car une telle faiblesse lui aurait valu l’exil.

    – Ça va, tenta-t-elle de le rassurer, mais sa voix tremblante la trahissait.

    – Elle te dit que ça va, répondit sèchement Hera qui refroidissait à peine, il faut y aller.

    – C’est quoi ton problème à toi ? T’as des traumatismes à régler ? s’énerva Humphrey. Si tu veux en parler, pas de souci, mais ce n’est pas une raison pour éradiquer tout le monde !

    – Ils vont bientôt mourir, rappela l’ange.

    – Ça, on n’en est pas certain, continua le démon. Ils pourraient très bien s’en sortir sans nous !

    – Ils voulaient nous tuer !

    – On ne détruit pas le mal par le mal !

    – Regardez qui cause ! s’esclaffa Hera. Ce n’est pas votre but de répandre le chaos, vous, les cornus ?

    – Je te jure, si tu ne la fermes pas dans la seconde, je…

    – Ça suffit ! s’interposa Golly, encore brinquebalante. Vous aurez tout le temps de vous entretuer en route. Et pour assurer la sureté de tout le monde pendant que vous vous égorgez, je conduis. Ça va me faire du bien…

    Elle attendit un instant, entre les deux pôles qui manquaient de s’étrangler. Les bras assez droits pour les empêcher de se sauter à la gorge. Tous deux soufflèrent avant de répondre, « ok », et de se diriger vers la porte. Golly souffla aussi, bien heureuse que cela n’ait pas dégénéré, car la vérité était que ses muscles étaient tous mous. Elle n’aurait jamais eu la force de s’interposer.

    En quittant la pièce, Ciel tomba sur les vêtements qu’elle et Hera étaient censées porter pour le reste du road trip. Humphrey les avait achetés dans la même boutique que ceux de Golly et les avait posés sur la commode. Ils étaient saturés de sang, et même de morceaux d’os. Elle leva un regard de détresse vers Humphrey :

    – Est-ce que… Est-ce que c’est notre faute s’ils ont su ? bégaya-t-elle au bord des larmes. Est-ce que ce sont nos vêtements qui… ?

    Il la coupa :

    – Non, je ne pense pas.

    Elle passa nerveusement sa langue sur ses lèvres :

    – Alors, c’est parce que nous avons beaucoup mangé ! Oui, ça doit être ça. Un humain ne mange pas tant.

    Humphrey aurait bien posé ses mains sur ses épaules pour la réconforter. Il n’aimait certes pas les anges, mais il aimait encore moins la panique qui se lisait sur le visage de Ciel :

    – Non, mon ange. Les humains sont malins. Ils sentent ce genre de chose… Il faut vraiment qu’on y aille.

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Howlett
Posté le 23/07/2021
Coucou chapitre 7 !

Ouuuh, de l'action, yeeees ! J'ai trop trop aimé, et encore plus l'aspect inversé : Hera, l'ange, qui tue et se laisse aller au chaos, et Humphrey, le démon, qui lui remonte les bretelles parce qu'elle n'aurait pas du le faire.
J'aime aussi énormément la relation entre Humphrey et Golly, et celle qui se dessine doucement entre le démon et Ciel. ♥

J'ai pas grand chose à dire pour le coup, j'étais vraiment à fooooond dans ce chapitre hehe
SometimesIwrite
Posté le 23/07/2021
Merci ♥
J'ai toujours peur en écrivant de l'action, parce que même si j'adore ça, j'ai toujours l'impression qu'on comprend rien x)
Howlett
Posté le 23/07/2021
C'est très compliqué l'action alors je comprends ♥
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