Chapitre onze

Par Oriane

Elvire n’eut pas de difficulté à sortir de la Maison des Mères. Elle comprenait pourquoi Alara l’enviait si souvent. Elle était libre, du moins en apparence. Sa robe noire de novice ne trompait personne. Sa vie était vouée à la Déesse Rouge et à sa représentante. Que celle-ci fusse son amie n’y changeait rien. Elle devait obéir, même quand les ordres ne lui plaisaient pas.

Elle poussa sa monture au galop, espérant en finir le plus rapidement possible. Elle ne comprenait plus Alara. Il y avait d’abord eu son escapade, où elle avait dû prendre sa place, et maintenant ça. Si les Mères apprenaient que leur protégée avait révélé son identité à un homme… Elle n’osait même pas imaginer les conséquences. Ce serait bien pire que si elle s’était faite prendre sans le masque.

Dire qu’elle cautionnait tout cela... Elle aurait mieux fait de dire non à Alara. De ne pas entrer dans son jeu.

Enfin, c’était peut-être un peu trop tard maintenant.

Les gardes de faction devant les portes du château la laissèrent passer. Tout le monde savait qu’elle venait ici régulièrement. Officiellement, c’était pour avoir des nouvelles du seigneur Enric et de sa campagne contre les pillards. Personne n’avait rien à redire à cela. Mieux encore, les nobliaux appréciaient voir la Kharmesi aussi impliquée.

Elle laissa son cheval dans la cour et courut presque jusqu’aux archives des Lordet. Plus vite elle donnerait la réponse d’Alara, plus vite elle pourrait rentrer.

La vaste pièce se situait sous le donjon. Elle était accessible par un petit escalier raide à l’arrière de celui-ci. Elvire posa sa main contre le mur froid et le descendit à petit pas. La pierre des marches glissait sous ses semelles. La première fois, il s’en était fallu de peu qu’elle se rompe le cou. Elle ne comptait pas renouveler cet exploit.

Elle ne prit pas le temps de s’annoncer. De toute façon, personne ne l’attendait et le seul occupant des lieux ne l’entendrait pas. Elle se protégea le nez de sa manche. L’odeur d’humidité et de vieux papier lui piquait le nez. Elle ne comprenait pas comment on pouvait laisser les archives ainsi. A la Maison des Mères, sa tante Lucia avait une vraie salle pour ranger tous les documents importants, pas juste une vieille cave transformée. Elle avança dans la pénombre, seulement guidée par une faible lumière là où devait se trouver l’archiviste.

Marco leva à peine les yeux lorsqu’elle posa les mains sur la table. Elle prit bien attention à ne pas déranger les papiers qui se trouvaient dessus. S’il était comme Lucia, cela pourrait lui valoir de belles remontrances.

— Je croyais que vous ne vouliez plus venir ici ? s’étonna-t-il en voyant qu’il s’agissait d’elle. Et que de toute manière, cela ne servait à rien.

— Elle a changé d’avis.

Cette fois, il releva la tête, surpris. L’encrier à sa gauche manqua de se renverser. Il le rattrapa de justesse.

— Vraiment ?

— Je n’ai pas la moindre idée de ce que vous avez pu lui faire ou même lui écrire, mais c’est bien le cas. La réponse est oui.

— Elle accepte ? Vraiment ?

— C’est apparemment le cas.

La lueur qu’elle vit dans les yeux du jeune homme ne lui plut pas beaucoup. Il semblait bien trop heureux. Elle commençait à entrevoir ce qu’il se passait entre lui et Alara. En tant que future Mère, elle ne pouvait pas laisser passer. Mais Alara était son amie.

— Faites attention, Maître Nelu, l’avertit-elle sur un coup de tête. Vous n’avez pas le droit de la détourner de sa destinée. Elle est importante pour ce monde.

L’archiviste resta interdit. Il ne répondit pas. Elvire aurait continué sur sa lancée si elle n’avait pas entendu du bruit provenant des escaliers. Elle se tourna vivement. Une silhouette s’approcha d’eux d’un pas rapide. Elle pria pour que l’homme n’ait pas entendu ce qu’elle venait de dire. Sans l’avoir nommée, on pouvait facilement comprendre qu’elle parlait de la Kharmesi.

— Je ferais attention, ma dame, murmura Marco.

Elle hocha la tête avant de parler plus fort :

— Avez-vous trouvé les papiers dont les Mères vous ont parlé hier ?

— Oui, suivez-moi.

Elvire n’aimait pas mentir mais elle devait avouer que ce petit stratagème n’était pas totalement un mensonge. Marco lui tendit un parchemin qu’elle savait vide d’expérience. Elle le remercia et s’éloigna. Le nouvel arrivant la salua d’un mouvement de tête lorsqu’elle passa à ses côtés. Elle répondit de même, comme si de rien n’était. Il l’oublia presque aussitôt, concentré par ce qui l’amenait ici.

Elle remonta à l’air libre, serrant le parchemin contre elle. Elle respira un grand coup dès qu’elle fut dans la cour du château. Elle détestait réellement les archives des de Lordet. Pourvu qu’elle n’ait plus à y revenir, maintenant qu’Alara avait accepté. Elle ne voulait pas être complice des manigances de son amie. Pas de celles-ci en tout cas. Et puis, qu’est-ce qu’elle avait bien pu accepter ? Elvire n’avait pas osé une seule fois lire les missives qu’ils se passaient. Elle aurait peut-être du. Elle sentait qu’une fois encore, la Kharmesi l’entraînait dans quelque chose qu’elle n’allait pas apprécier. Elle devait parler à Alara une bonne fois pour toute. Si personne ne disait ses quatre vérités à la jeune femme, elle continuerait à n’en faire qu’à sa tête, et cela à ses dépens.

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Ella Palace
Posté le 20/12/2021
Bonjour Oriane,

dans ce chapitre, tu intensifies le suspense autour de cette lettre et de la proposition qu'elle contenait. Evidemment, on se demande davantage ce qu'elle pouvait bien contenir. Cela doit être du lourd pour nous tenir en haleine. La réponse au prochain chapitre?

petite remarque:

-"Elle se protégea le nez de sa manche. L’odeur d’humidité et de vieux papier lui piquait le nez", redondance de nez qui ne va pas.

Bien à toi,

Ella
Oriane
Posté le 27/12/2021
Bonjour,

C'est amusant, je n'avais pas tant l'impression que ça de tenir en haleine sur le contenu de la lettre quand j'ai écris le chapitre. Du coup, j'espère que la révélation est à la hauteur.
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